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06/11/2003 | SUISSE | N°K.123/03

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 novembre 2003, K.123/03


{T 7}
K 123/03

Ordonnance présidentielle du
6 novembre 2003

ACCORDA ASSURANCE MALADIE SA, route André-Piller 33A, 1762 Givisiez,
recourante, représentée par Me Bénédict Fontanet, avocat, rue du
Rhône 84,
1204 Genève,

contre

Département fédéral de l'intérieur, Inselgasse, 3003 Berne, intimé,

(Décision du 3 septembre 2003)

Faits:

A.
ACCORDA Assurance Maladie est une société anonyme à but non-
lucratif, dont
le siège est à Givisiez. Son but statutaire est la gest

ion d'une
caisse-maladie fournissant en Suisse toutes prestations dans le
domaine de
l'assurance-maladie obligatoire; la socié...

{T 7}
K 123/03

Ordonnance présidentielle du
6 novembre 2003

ACCORDA ASSURANCE MALADIE SA, route André-Piller 33A, 1762 Givisiez,
recourante, représentée par Me Bénédict Fontanet, avocat, rue du
Rhône 84,
1204 Genève,

contre

Département fédéral de l'intérieur, Inselgasse, 3003 Berne, intimé,

(Décision du 3 septembre 2003)

Faits:

A.
ACCORDA Assurance Maladie est une société anonyme à but non-
lucratif, dont
le siège est à Givisiez. Son but statutaire est la gestion d'une
caisse-maladie fournissant en Suisse toutes prestations dans le
domaine de
l'assurance-maladie obligatoire; la société fournit également des
prestations
dans le domaine des assurances complémentaires. Par lettre du 21 mai
2003,
son organe de révision, R.________ SA, a informé le Président du
Tribunal
civil de l'arrondissement de la Sarine, en application de l'art. 725
al. 2
CO, que la société était surendettée à la fin de l'exercice 2002.
Après avoir
entendu les parties intéressées, celui-ci a pris la décision
d'ajourner la
faillite le 11 juin 2003. A la suite de divers entretiens et échanges
de
correspondance entre des représentants de l'Office fédéral des
assurances
sociales (OFAS) et de la société, le Département fédéral de
l'intérieur (DFI)
a pris à l'encontre d'ACCORDA SA, le 3 septembre 2003, la décision
suivante:
1.Retrait de l'autorisation
1.1L'autorisation de pratiquer l'assurance-maladie sociale est
retirée à la
société anonyme ACCORDA SA, sise à Fribourg, conformément à l'art.
13, al. 3,
LAMal avec effet au plus tard au 1er janvier 2004.

1.2 La reconnaissance au sens de l'art. 12, al. 5, OAMal est retirée
simultanément à la société anonyme ACCORDA SA.

1.3 Les rapports d'assurance de l'assurance obligatoire des soins de
tous les
assurés affiliés auprès de ACCORDA SA sont résiliés au 31 décembre
2003. Il
en va de même pour les contrats d'assurance de l'assurance facultative
d'indemnités journalières au sens des art. 67 ss LAMal au 31 décembre
2003.

2. Modalités
2.1ACCORDA SA doit garantir en tout temps le respect des droits de ses
assurés. Elle doit notamment respecter le droit au libre choix de
l'assureur
et s'attacher à donner une information individuelle objective et
complète à
tous les assurés, après l'avoir préalablement soumise à l'OFAS pour
approbation.

2.2 Les assurés qui sont au bénéfice de l'assurance d'indemnités
journalières
selon les art. 67 à 77 LAMal doivent être renseignés sur leur droit
de libre
passage conformément à l'art. 70 al. 3, LAMal.

2.3 ACCORDA SA doit collaborer avec les autorités cantonales
compétentes et
leur transmettre gratuitement toutes informations et toutes données
utiles
afin de garantir et de faciliter le passage de tous les assurés
auprès d'un
assureur-maladie admis, à compter du 1er janvier 2004.

2.4 ACCORDA SA est tenue de faire examiner par un organe de révision
externe
et indépendant qui remplit les exigences des art. 727b et 727c CO que
la
procédure de retrait a été suivie de manière conforme au droit. Cet
organe de
révision établira à l'intention des autorités de surveillance un
rapport
attestant ce point, en particulier le fait que les assurés auront été
correctement informés sur leurs droits et obligations en relation
avec leur
affiliation auprès d'un assureur-maladie admis.

Cette décision était motivée par le fait qu'ACCORDA SA n'avait pas
présenté
au juge et aux autorités de surveillance des mesures d'assainissement
susceptibles d'améliorer de manière sensible la situation au plan
financier.
Les perspectives au 31 décembre 2003 (réserves légales négatives,
surendettement actuel, bilan prévisionnel négatif) ne portaient pas à
l'optimisme. En l'état, ACCORDA SA n'avait pas pu fournir des
garanties
suffisantes ou des options de financement propres à assurer son
assainissement à fin 2003. Selon les dernières données chiffrées
fournies
(prévisions actualisées pour 2003 communiquées à l'OFAS à fin juillet
2003),
ACCORDA SA prévoyait de subir une perte d'exploitation de l'ordre de
2,9
millions de francs. Au vu de ces prévisions, l'augmentation ordinaire
du
capital de 1,5 million de francs décidée par l'assemblée générale du
19 août
2003 ne suffirait pas, selon toute vraisemblance, pour parvenir à un
exercice
comptable 2003 équilibré.

Indépendamment de cette situation, le DFI relevait de nombreuses
lacunes dans
l'organisation de la société. Ainsi, outre le dépassement quasi
systématique
des délais de remise des documents requis sous forme écrite et sous
forme
électronique, la non-concordance entre les documents reçus et les
graves
lacunes constatées dans lesdits documents, ainsi que l'absence de
communication régulière vis-à-vis des autorités de surveillance, en
particulier dans une phase d'assainissement, ne permettaient plus de
considérer que la société disposait d'une organisation lui permettant
de
remplir les conditions nécessaires pour pratiquer l'assurance-maladie
sociale
conformément aux exigences de la loi et à ses dispositions
d'exécution.

B.
ACCORDA SA a formé un recours de droit administratif dans lequel elle
a
conclu à l'annulation de cette décision. Préalablement, elle a requis
l'effet
suspensif à son recours.

Le DFI s'est déterminé sur la requête d'attribution d'effet suspensif
et il a
conclu à son rejet.

Considérant en droit:

1.
Selon l'art. 111 OJ (en corrélation avec l'art. 132 OJ), le recours
de droit
administratif au Tribunal fédéral des assurances contre une décision
portant
condamnation à une prestation en argent a effet suspensif (al. 1); le
recours
dirigé contre une autre décision n'a d'effet suspensif que si le
président de
la cour le décide, d'office ou sur requête d'une partie (al. 2,
première
phrase).

2.
La décision attaquée n'a pas pour objet une condamnation à une
prestation en
argent, de sorte qu'il convient de statuer sur la requête.

La jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances relative à l'art.
111 OJ
applique les principes développés à propos de l'art. 55 PA (voir p.
ex.
Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des
Bundes, 2ème
édition, ch. 965 ss). Il incombe ainsi à l'autorité d'examiner si les
motifs
qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision
l'emportent sur
ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire.
L'autorité
dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En
général, elle
se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans
effectuer de
longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des
intérêts
en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent
également
être prises en considération; il faut cependant qu'elles ne fassent
aucun
doute (ATF 129 II 288 consid. 3, 124 V 88 consid. 6a, 110 V 45
consid. 5b).

3.
3.1En l'état de la procédure, on ne peut préjuger de manière certaine
l'issue
du litige au fond. Il convient donc de procéder à la pesée des
intérêts en
présence.

3.2 La recourante fait valoir que l'exécution immédiate de la décision
attaquée porterait une atteinte grave et irréversible à ses intérêts,
puisque, dans cette hypothèse, les rapports contractuels avec les
assurés
seraient tous résiliés pour le 31 décembre 2003. Le recours de droit
administratif deviendrait donc sans objet car, s'il était tout de
même admis
par le Tribunal fédéral des assurances, le maintien d'une
autorisation de
pratiquer en faveur d'une assurance qui a perdu tous ses assurés
aboutirait à
un parfait non-sens.

Dans ses déterminations, le DFI soutient qu'une application rapide de
la
décision est extrêmement importante au regard de la sécurité
juridique et de
la protection des droits des assurés. Selon lui, il est important,
d'une
part, que tous les assurés d'ACCORDA SA soient repris par des
assureurs admis
avant le 31 décembre 2003, afin que le retrait puisse porter effet à
cette
date et, d'autre part, que les assurés concernés sachent avec
certitude à la
fin de l'année 2003 à quel assureur ils seront affiliés dès le 1er
janvier
2004. Dans le cas d'une assurance-maladie sociale, l'intérêt public
de la
sécurité des assurés doit primer l'intérêt privé d'une société
d'assurance de
poursuivre son activité. En outre, une éventuelle aggravation de la
situation
financière qui impliquerait l'accroissement du surendettement de la
société à
fin 2003 pourrait avoir pour conséquence que les prestations
d'assurance au
sens de la LAMal ne puissent plus être garanties par ACCORDA SA. Dans
une
telle hypothèse, il serait alors indispensable de faire appel au fonds
d'insolvabilité de l'institution commune LAMal, soit en fin de compte
de
demander à tous les autres assureurs-maladie d'assumer
financièrement, par
leur contribution à l'institution commune, les erreurs de gestion
d'ACCORDA
SA. Enfin, bien que la faillite de la société ait été ajournée en
application
de l'art. 725a al. 1 CO, une reprise de la procédure de faillite
n'est pas à
exclure selon l'évolution de la situation financière de la recourante.

3.3 Il ressort du dossier qu'ACCORDA SA a confié un mandat d'audit à
la
société E.________ SA, qui a procédé à une analyse sur le plan
organisationnel et financier et qui a recommandé à la société diverses
mesures d'assainissement. Il a été décidé de mettre en place un
comité de
«pilotage» composé notamment de deux représentants de la société
E.________
SA, dont l'objectif est de pallier à la défection du management en
attendant
le remaniement de la direction et l'arrivée de nouveaux cadres. Selon
un
document intitulé «Note complémentaire aux états financiers», daté du
30 juin
2003, établi par un représentant de la société E.________ SA, la
société ne
souffrait d'aucune cessation de paiement ou d'impossibilité d'honorer
l'ensemble de ses engagements tant au 30 avril 2003 que pour la fin de
l'exercice 2003. Les paiements des factures sont effectués
normalement aux
échéances contractuelles. Il n'y a pas de retard dans les paiements de
factures aux prestataires de santé et autres fournisseurs, ainsi
qu'aux
assurés. Selon un extrait de l'Office des poursuites de la Sarine du 6
octobre 2003, ACCORDA SA ne fait pas l'objet de poursuites
significatives. Le
dossier atteste également de mesures prises sur le plan de
l'organisation de
la société. On note enfin que l'OFAS a approuvé les tarifs des primes
2004 de
la recourante (sous réserve de l'entrée en force de la décision du
DFI).

D'autre part, il y a lieu de relever qu'il ne serait pas possible de
revenir
sur les conséquences liées à une application immédiate de la décision
attaquée. Pratiquement, cela aurait pour effet de rendre sans objet le
recours et entraînerait à l'évidence des conséquences graves, non
seulement
pour la société, mais également pour les assurés dont les contrats se
trouveraient résiliés - de manière irréversible - probablement avant
l'issue
de la procédure. Il serait aussi porté atteinte à la substance même
du droit
de recours d'une partie et, de ce fait, à son droit d'accès à un
tribunal.

Sur le vu de ces éléments, il apparaît que les raisons qui militent
en faveur
de l'attribution de l'effet suspensif l'emportent sur celles qui s'y
opposent. Il n'apparaît pas, en effet, que l'intérêt des assurés soit
menacé
pendant la durée de la procédure. Par ailleurs, rien ne permet
d'affirmer que
la situation financière soit alarmante ou aille en s'aggravant au
point que
les intérêts de l'institution commune LAMal (et, au travers d'elle,
des
autres assureurs-maladie) se trouveraient lésés en raison de la
poursuite des
activités de la recourante pendant la procédure. Il convient, dès
lors, de
faire droit à la requête de la recourante.

Par ces motifs, le Président du Tribunal fédéral des assurances
ordonne:

1.
L'effet suspensif est attribué au recours de droit administratif.

2.
Les frais de la procédure incidente suivront le sort de la procédure
principale.

3.
La présente ordonnance sera notifiée aux parties.

Lucerne, le 6 novembre 2003
Tribunal fédéral des assurances
Le Président:

Schön


Synthèse
Numéro d'arrêt : K.123/03
Date de la décision : 06/11/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-06;k.123.03 ?
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