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05/11/2003 | SUISSE | N°6A.37/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 novembre 2003, 6A.37/2003


{T 0/2}
6A.37/2003 /pai

Arrêt du 5 novembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Karlen et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffière: Mme Angéloz.

Département de justice, police et sécurité,
Service des automobiles et de la navigation,
1227 Carouge GE,
recourant,

contre

X.________,
intimé,
Tribunal administratif du canton de Genève,
1ère section, rue du Mont-Blanc 18, case postale 1256, 1221 Genève 1.

Retrait du permis de conduire,<

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recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Genève 1ère section, du 1er avri...

{T 0/2}
6A.37/2003 /pai

Arrêt du 5 novembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Karlen et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffière: Mme Angéloz.

Département de justice, police et sécurité,
Service des automobiles et de la navigation,
1227 Carouge GE,
recourant,

contre

X.________,
intimé,
Tribunal administratif du canton de Genève,
1ère section, rue du Mont-Blanc 18, case postale 1256, 1221 Genève 1.

Retrait du permis de conduire,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Genève 1ère section, du 1er avril 2003.

Faits:

A.
Né en 1968, X.________, qui n'a pas d'antécédents judiciaires, est
titulaire
d'un permis de conduire pour véhicules à moteur délivré le 19
septembre 1987.
Le 11 juin 2002, il a circulé en voiture sur la route d'Hermance en
direction
de Genève à 84 km/h, marge de sécurité déduite, alors que la vitesse
est
limitée à 50 km/h sur ce tronçon.

B.
Invité à se déterminer par le Service des automobiles et de la
navigation du
Département de justice, police et sécurité du canton de Genève
(ci-après:
SAN), X.________ a indiqué que le soir en question des circonstances
personnelles l'avaient conduit à rentrer rapidement à son domicile et
qu'il
connaissait bien la route, pour avoir habité pendant trente ans à
Meinier. Il
a ajouté qu'il était un conducteur respectueux des règles de la
circulation,
d'autant plus que, père depuis peu, il se déplaçait souvent en
famille. Il a
fait valoir que, portant une prothèse à la jambe droite, il était
dépendant
de son véhicule et que, comme musicien, il se déplaçait fréquemment
pour des
concerts et répétitions.

Par décision du 12 novembre 2001, le SAN a retiré le permis de
conduire de
X.________ pour une durée d'un mois, en application de l'art. 16 al.
3 LCR.

C.
Contre cette décision, X.________ a recouru au Tribunal administratif
du
canton de Genève.

Selon le dossier de l'office cantonal de l'assurance-invalidité
produit lors
de l'instruction, X.________ souffre d'une péromélie bilatérale
congénitale
des membres supérieurs et son membre inférieur droit est appareillé.
Les
avant-bras sont inexistants. L'intéressé peut utiliser ses moignons
dans une
certaine mesure. Ses déplacements ne sont possibles que sur de très
courtes
distances, grâce à la prothèse de la jambe droite, mais avec une
claudication
à la marche.

X. ________ a confirmé qu'il avait besoin de son véhicule pour pouvoir
exercer sa profession, précisant que son épouse ne pouvait le
conduire, dès
lors qu'il était adapté à son handicap. Il a ajouté que la vitesse
autorisée
est fixée à 80 km/h sur la route d'Hermance, sauf au niveau du
carrefour avec
la route descendant vers Corsier-Port, où elle est limitée à 50 km/h
sur
environ 100 mètres.

Par arrêt du 1er avril 2003, le Tribunal administratif a annulé la
décision
qui lui était déférée et prononcé un avertissement.

D.
Le SAN forme un recours de droit administratif au Tribunal fédéral.
Contestant le prononcé d'un simple avertissement, il conclut à
l'annulation
de l'arrêt attaqué et au retrait du permis de conduire de l'intimé
pour une
durée d'un mois, subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité
cantonale
pour nouvelle décision.

L'intimé n'a pas déposé de réponse dans le délai imparti à cet effet.
Le
Tribunal administratif ne formule pas d'observations, se référant à
son
arrêt. L'Office fédéral des routes conclut à l'admission du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit administratif au Tribunal fédéral est ouvert
contre une
décision cantonale de dernière instance en matière de retrait du
permis de
conduire (art. 97 al. 1 OJ en relation avec l'art. 5 PA, art. 98 let.
g OJ,
art. 24 al. 2 LCR). Il peut être formé pour violation du droit
fédéral, y
compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a
OJ).
Lorsque, comme en l'espèce, la décision attaquée a été rendue par une
autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits
constatés,
sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été
établis
au mépris de règles essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ).

2.
Le recourant fait valoir que le dépassement de vitesse, de 34 km/h,
commis
par l'intimé constitue un cas de mise en danger grave de la sécurité
au sens
de l'art. 16 al. 3 let. a LCR, impliquant un retrait du permis de
conduire,
de sorte que l'arrêt attaqué viole le droit fédéral en tant qu'il
prononce un
simple avertissement.

2.1 Selon l'art. 16 al. 2 LCR, le permis de conduire peut être retiré
au
conducteur qui, par des infractions aux règles de la circulation, a
compromis
la sécurité de la route ou incommodé le public (1ère phrase); dans
les cas de
peu de gravité, un simple avertissement peut être prononcé (2ème
phrase).
L'art. 16 al. 3 LCR dispose par ailleurs que le permis de conduire
doit être
retiré si le conducteur a compromis gravement la sécurité de la route.

A partir du texte légal, quatre situations doivent être distinguées.
D'abord,
le cas où le conducteur n'a pas "compromis la sécurité de la route ou
incommodé le public", pour lequel l'autorité n'ordonnera aucune mesure
administrative. Deuxièmement, le cas de peu de gravité (art. 16 al. 2
2ème
phrase LCR), pour lequel elle donnera un avertissement. En troisième
lieu, le
cas de gravité moyenne (art. 16 al. 2 1ère phrase LCR), pour lequel
l'autorité doit retirer le permis de conduire; elle ne peut s'en
abstenir
qu'en présence de circonstances spéciales, telles que celles qui
justifient
d'abandonner toute peine en application de l'art. 66bis CP. Enfin, le
cas
grave, qui implique le retrait du permis de conduire en application
de l'art.
16 al. 3 let. a LCR (ATF 128 II 86 consid. 2a p. 87 s. et la
jurisprudence
citée).

Selon la jurisprudence, lorsque la vitesse maximale générale de 50
km/h
autorisée dans les localités est dépassée de 16 à 20 km/h, il y a lieu
d'admettre qu'il s'agit objectivement, c'est-à-dire sans égard aux
circonstances concrètes, d'un cas de peu de gravité justifiant le
prononcé
d'un simple avertissement au sens de l'art. 16 al. 2 2ème phrase LCR
(ATF 128
II 86 consid. 2b p. 88). Si le dépassement se situe entre 21 et 24
km/h, le
cas est objectivement de gravité moyenne, ce qui doit en principe
entraîner
le retrait du permis en application de l'art. 16 al. 2 1ère phrase
LCR (ATF
128 II 86 consid. 2b p. 88 et les arrêts cités). Un dépassement de 25
km/h ou
plus constitue un cas grave, impliquant le retrait obligatoire du
permis de
conduire au sens de l'art. 16 al. 3 let. a LCR (ATF 124 II 475
consid. 2a p.
478 et les arrêts cités).

La durée du retrait doit être fixée selon les circonstances (art. 17
al. 1
LCR), mais doit être au minimum d'un mois (art. 17 al. 1 let. a LCR).
Sous
réserve de ce minimum légal, l'art. 33 al. 2 OAC (RS 741.51) précise
que la
durée du retrait d'admonestation doit être fixée surtout en fonction
de la
gravité de la faute, de la réputation de l'intéressé en tant que
conducteur
et de la nécessité professionnelle de conduire.

2.2 En l'espèce, il est établi et d'ailleurs incontesté que l'intimé a
dépassé, marge de sécurité déduite, de 34 km/h la vitesse maximale
autorisée
à l'intérieur d'une localité. Le dépassement de vitesse commis se
situe donc
bien au-delà du seuil de 25 km/h à partir duquel, selon la
jurisprudence, le
cas est objectivement grave au sens de l'art. 16 al. 3 let. a LCR, de
sorte
qu'il impliquait un retrait obligatoire du permis de conduire
conformément à
cette disposition.

L'arrêt attaqué ne le nie pas, mais considère que, dans le cas
d'espèce, des
circonstances particulières justifient de s'en tenir à un simple
avertissement.

2.2.1 Il souligne d'abord que l'excès de vitesse a été commis sur une
artère
large, où la vitesse n'est limitée à 50 km/h que sur une courte
distance, à
savoir au niveau du carrefour avec la route qui descend vers
Corsier-Port.

L'arrêt attaqué admet ainsi que l'excès de vitesse litigieux relève
essentiellement d'une inattention coupable. Cette interprétation
s'écarte
toutefois de l'état de fait retenu, dont il résulte que la
signalisation mise
en place sur le tronçon en question indique clairement que la vitesse
y est
limitée à 50 km/h et qu'il n'est pas établi que l'intimé, qui ne l'a
du reste
jamais allégué, ait ignoré la portée de cette signalisation,
puisqu'il a au
contraire lui-même fait valoir qu'il connaissait parfaitement les
lieux pour
avoir habité pendant trente ans à Meinier. L'autorité cantonale
n'était dès
lors pas fondée à admettre que la limitation de vitesse avait échappé
à
l'intimé.

2.2.2 L'arrêt attaqué entend en outre tenir compte du fait qu'un
retrait de
permis aurait des conséquences particulièrement lourdes pour l'intimé,
puisque ce dernier serait non seulement limité dans l'exercice de sa
profession, qui implique de nombreux déplacements, mais aussi dans sa
mobilité spatiale, à cause de son handicap et du fait que son épouse
n'est
pas autorisée à conduire la voiture spécialement adaptée mise à
disposition
par l'AI.

Ces circonstances personnelles ne peuvent toutefois être prises en
considération que pour décider de la durée du retrait, et non de la
mesure
elle-même, dont le prononcé est subordonné aux critères fixés par la
loi et
la jurisprudence y relative, qui, dans le domaine des excès de
vitesse, a été
amenée à fixer des règles précises pour assurer l'égalité de
traitement (ATF
124 II 475 consid. 2a p. 477). Ainsi a-t-il été jugé à maintes
reprises que
la bonne réputation du conducteur ou le besoin professionnel qu'il a
de son
permis ne peuvent être pris en compte que pour fixer la durée du
retrait, le
choix de la mesure devant, lui, se faire en fonction de la gravité du
cas
d'espèce, sauf circonstances spéciales, telles que celles qui
justifient
d'abandonner toute peine en application de l'art. 66bis CP (ATF 128
II 282
consid. 3.5 p. 283 ss, 173 consid. 4b p. 178; 126 II 196 consid. 2c
p. 200
s.; 123 II 572 consid. 2c p. 574 s.). Comme le souligne le premier
arrêt
cité, cette jurisprudence correspond au demeurant à la volonté
exprimée par
le législateur lors de la révision partielle de la LCR (ATF 128 II 282
consid. 3.5 p. 283/284). La nouvelle loi prévoit en effet qu'en cas de
violation grave de celle-ci, le retrait du permis doit être prononcé
pour
trois mois au minimum et, dans les cas moyennement graves, pour un
mois au
minimum (art. 16c ch. 2 let. a et 16b ch. 2 let. a LCR; RO 2002, 2767
ss,
2771 et 2772). La gravité du cas doit ainsi être déterminée en
fonction du
danger que l'infraction fait naître pour la sécurité et non du degré
de la
faute du conducteur.

Il résulte de ce qui précède que, les circonstances personnelles
évoquées
dans l'arrêt attaqué ne pouvaient conduire à prononcer un simple
avertissement au lieu d'un retrait du permis de conduire. Elles ne
pouvaient
jouer de rôle que pour la fixation de la durée du retrait, laquelle
avait été
arrêtée au minimum légal d'un mois par l'autorité de première
instance, alors
que le dépassement de vitesse constaté, soit 34 km/h marge de sécurité
déduite, est élevé.

2.2.3 L'arrêt attaqué viole donc le droit fédéral dans la mesure où,
fondé
sur les circonstances qu'il retient, il prononce un simple
avertissement. Le
recours doit par conséquent être admis et l'arrêt attaqué annulé.

3.
Lorsque, saisi d'un recours de droit administratif, le Tribunal
fédéral
annule la décision attaquée, il peut soit statuer lui-même sur le
fond, soit
renvoyer la cause pour nouvelle décision à l'autorité inférieure,
voire à
l'autorité qui a statué en première instance (art. 114 al. 2 OJ). En
l'espèce, le recours a été formé par l'autorité qui a pris la
décision de
première instance (art. 24 al. 5 let. a LCR), laquelle conclut à la
confirmation de sa décision du 12 novembre 2002. La Cour de céans ne
pouvant
aller au-delà des conclusions du recourant (art. 114 al. 1 OJ), qui
demande
le retrait du permis de l'intimée pour la durée minimale légale d'un
mois, il
ne reste plus à l'autorité aucune marge d'appréciation. Il se
justifie donc
de renoncer à un renvoi, qui constituerait un inutile détour
procédural, et
de prononcer immédiatement le retrait du permis de conduire de
l'intimé pour
une durée d'un mois.

4.
Il n'y a pas lieu de mettre les frais à la charge de l'intimé, qui a
renoncé
à se déterminer sur le recours (cf. art. 156 al. 1 OJ), ni d'allouer
des
dépens à l'autorité qui obtient gain de cause (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt rendu le 1er avril 2003 par le
Tribunal
administratif du canton de Genève est annulé.

2.
Le permis de conduire de l'intimé est retiré pour une durée d'un mois.

3.
Il n'est pas perçu de frais ni alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Tribunal
administratif du canton de Genève 1ère section ainsi qu'à l'Office
fédéral
des routes Division circulation routière.

Lausanne, le 5 novembre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6A.37/2003
Date de la décision : 05/11/2003
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-05;6a.37.2003 ?
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