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05/11/2003 | SUISSE | N°4C.206/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 novembre 2003, 4C.206/2003


{T 0/2}
4C.206/2003 /ech

Arrêt du 5 novembre 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre.
Greffière: Mme Charif Feller.

A. ________,
défendeur et recourant, représenté par Me Yves Nicole, avocat, rue des
Remparts 9, 1400 Yverdon-les-Bains,

contre

B.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Jean-Michel Dolivo, avocat,
place de
la Riponne 3, case postale 255, 1000 Lausanne 17.

contrat de travail; formation; salaire,

recours en réfor

me contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 5 juin 2003.

Faits:

A.
...

{T 0/2}
4C.206/2003 /ech

Arrêt du 5 novembre 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre.
Greffière: Mme Charif Feller.

A. ________,
défendeur et recourant, représenté par Me Yves Nicole, avocat, rue des
Remparts 9, 1400 Yverdon-les-Bains,

contre

B.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Jean-Michel Dolivo, avocat,
place de
la Riponne 3, case postale 255, 1000 Lausanne 17.

contrat de travail; formation; salaire,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 5 juin 2003.

Faits:

A.
A. ________ exploite une entreprise d'aménagements extérieurs et de
terrassements. Dans le courant de l'année 1994 et à la suite d'une
mission
temporaire, il a engagé B.________ en tant qu'aide-paysagiste sur la
base
d'un tarif horaire de 16 fr.50, indemnités de vacances, treizième
salaire,
allocations familiales et remboursement des frais de voyages non
compris.
B.________ est au bénéfice d'un "Brevet d'études professionnelles
agricoles"
(ci-après BEPA), option horticulture, sous-option jardins et espaces
verts,
délivré par le Ministère de l'agriculture français. Le BEPA se
prépare en
deux ans et donne aux titulaires qui ont un bon dossier scolaire la
possibilité d'obtenir un bac professionnel.

Le 11 juillet 1997, les parties ont signé un accord intitulé
"soumission à la
convention collective des paysagistes vaudois" et indiquant que le
demandeur
entrait dans la catégorie de travailleur C. Le 29 septembre 1997, la
Commission paritaire professionnelle des paysagistes vaudois a écrit à
A.________ qu'après analyse des différentes déclarations de salaire
de ses
employés, elle constatait que les salaires moyens conventionnels par
catégorie étaient respectés. B.________ a résilié le contrat de
travail pour
le 31 mars 2000.

Le 16 mars 2001, le Syndicat de l'industrie et du bâtiment a informé
A.________ de la présence d'irrégularités dans les fiches de salaire
de
B.________ et a joint un décompte s'élevant à 17 231 fr.20, dans
lequel
figurait le calcul concernant le rattrapage du salaire conventionnel
en
classe B pour les années 1996 à 2000 - B.________ étant considéré au
bénéfice
d'un certificat professionnel de paysagiste -, les jours fériés
impayés et le
droit aux vacances.

B. ________ a été engagé par une autre entreprise dès le 1er juillet
2000 en
tant que paysagiste qualifié pour un salaire mensuel de 4000 fr.,
plus un
viatique de 90 ct. par heure travaillée et une indemnité pour
chauffeur de
100 fr.

B.
B.________ a ouvert action le 5 juin 2001 devant le Tribunal de
prud'hommes
de La Broye et du Nord vaudois. Il a conclu au paiement par le
défendeur de
la somme de 17 231 fr.20.

Par jugement du 26 mars 2002, le Tribunal de prud'hommes a condamné le
défendeur à payer au demandeur la somme de 17 231 fr.25. La Chambre
des
recours du Tribunal cantonal vaudois a confirmé ce jugement par arrêt
du 5
juin 2003.

C.
Le défendeur recourt en réforme au Tribunal fédéral. Il conclut à
l'admission
du recours et, principalement, à la réforme de l'arrêt attaqué en ce
sens que
les prétentions du demandeur sont intégralement rejetées ainsi que,
subsidiairement, à l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi de
la cause
à la Chambre des recours pour nouvelle décision.

Le demandeur conclut au rejet du recours et à la confirmation de
l'arrêt
cantonal.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions
libératoires
et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance
cantonale par
un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile
dont la
valeur litigieuse dépasse le seuil de 8000 fr. (art. 46 OJ), le
recours en
réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps
utile
(art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises.

1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43
al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation
directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la
violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant
sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter
les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127
III 248
ibidem). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de
fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir avec
précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il
n'est pas
possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut
être
présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou
de moyens
de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas
ouvert
pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations
de fait
qui en découlent (ATF 127 III 543 consid. 2c).

Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties
(qui ne
peuvent en prendre de nouvelles: art. 55 al. 1 let. b OJ), mais il
n'est pas
lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al.
3 OJ;
ATF 128 III 22 consid. 2e/cc in fine).

2.
2.1Le défendeur invoque l'interprétation erronée par la Chambre des
recours
de l'art. 5 de la Convention collective de travail des paysagistes et
entrepreneurs de jardins du canton de Vaud (ci-après: CCT), dont il ne
conteste cependant pas l'application.

2.2 En l'espèce, la CCT, dont le champ d'application a été étendu par
décision administrative à plusieurs reprises durant la période
déterminante
(1996 - 2000), renferme du droit privé fédéral (ATF 98 II 205 consid.
1).
Dans la dernière version du 1er janvier 1999 (publiée in Recueil
annuel de la
législation vaudoise 1999, p. 323 ss, et valable jusqu'au 31 décembre
2002),
à laquelle se réfère le défendeur, l'art. 5.1 ch. B CCT fixe
notamment le
salaire moyen et minimum d'un "jardinier qualifié titulaire d'un CFC
ou d'une
formation équivalente". C'est sur cette dernière notion que porte plus
précisément le présent litige.

2.3 Les dispositions des conventions collectives de travail qui
instituent
des salaires minima sont des clauses qui ont un effet direct dans les
relations entre l'employeur et le travailleur (cf. art. 357 CO). De
telles
clauses, dites normatives, doivent s'interpréter objectivement selon
les
principes valables pour l'interprétation des lois, singulièrement
lorsque la
convention, comme en l'espèce, a fait l'objet d'une décision
d'extension (ATF
127 III 318 consid. 2a et les références citées).

La méthode objective appliquée en matière d'interprétation des lois
consiste
à se fonder en premier lieu sur la lettre et le texte clair de la
norme.
Toutefois, si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs
interprétations de celui-ci sont possibles, il faut alors rechercher
quelle
est la véritable portée de la norme, en la dégageant de sa relation
avec
d'autres dispositions légales, de son contexte, du but poursuivi, de
l'esprit
de la règle, des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de
l'intérêt protégé, ainsi que de la volonté du législateur telle
qu'elle
ressort en particulier des travaux préparatoires (ATF 128 II 66
consid. 4a et
les arrêts cités).

3.
3.1Après avoir rappelé ces principes, la Chambre des recours,
constatant que
la CCT ne réglait pas expressément la situation des personnes au
bénéfice
d'un titre attestant d'une formation professionnelle étrangère, s'est
référée
à l'art. 24.2 let. c CCT. Celui-ci prévoit que la Commission paritaire
professionnelle a pour tâche d'interpréter, de manière objective, les
dispositions de la Convention et de ses annexes en cas de divergence
de vue
entre les deux associations signataires.

Pour la cour cantonale, l'avis de ladite Commission a un poids
certain,
puisqu'il exprime la volonté des parties signataires de la
convention; il
peut être considéré comme une jurisprudence. Or, à la question de
savoir si
le demandeur, qui est au bénéfice d'un BEPA français, pouvait être
assimilé à
un jardinier titulaire d'un CFC ou au bénéfice d'une formation
équivalente,
au sens de l'art. 5.1 ch. B CCT, la Commission paritaire
professionnelle des
paysagistes vaudois a notamment répondu, selon les constatations
souveraines
de la Chambre des recours, qu'il n'était pas possible de certifier
que le
BEPA correspondait à un CFC de paysagiste, "que le seul moyen
relativement
sûr d'établir une équivalence des titres en la matière consiste en
l'examen
des capacités professionnelles concrètes du travailleur" et que
"l'examen des
compétences pratiques sur le terrain" paraît être le seul moyen
probant de
juger du cas d'espèce.

3.2 Contrairement à l'avis du défendeur, le terme de "formation
équivalente"
employé dans la CCT n'a pas un sens clair. Celui-ci ne permet pas
d'exclure
d'emblée la prise en compte de capacités professionnelles, ce
d'autant plus
que le demandeur est au bénéfice d'un titre attestant d'une formation
professionnelle étrangère, situation qui n'a pas été expressément
envisagée
par la CCT, comme le relève la cour cantonale. Par conséquent, les
premiers
juges pouvaient à bon droit procéder à l'interprétation du terme
litigieux,
notamment à l'aide de l'art. 24.2 let. c CCT.

3.3
3.3.1Le défendeur soutient, en se référant à l'arrêt 4C.282/2000 du 23
novembre 2000, que la notion de formation devrait être entendue dans
le même
sens que celui qui découle de la Loi fédérale sur la formation
professionnelle du 19 avril 1978 (LFPr; RS 412.10), singulièrement de
l'art.
7 LFPr, qui insisterait sur la nécessité et la complémentarité de la
formation théorique et du travail pratique en cours d'apprentissage.
Il
reproche à la cour cantonale de ne pas l'avoir admis.

3.3.2 En l'espèce, le défendeur ne peut rien déduire de la
jurisprudence à
laquelle il se réfère. En effet, celle-ci concerne un travailleur
n'ayant
acquis aucune formation professionnelle, ni en Suisse ni à
l'étranger, et qui
se prévaut d'une expérience professionnelle de dix ans en tant que
jardinier.
Le Tribunal fédéral a posé que l'on ne pouvait qualifier une personne
de
"formée" au sens de la LFPr, lorsqu'elle n'est pas au bénéfice d'un
certificat de capacité reconnu par l'Etat.

Dans la présente affaire, le fait que le demandeur dispose d'un BEPA
acquis à
l'étranger et non d'un CFC ne permet pas d'inférer qu'il ne bénéficie
d'aucun
certificat d'aptitudes professionnelles et, par conséquent, qu'il
n'est pas
"formé", au sens de la jurisprudence invoquée.

3.4 Le défendeur voit dans le fait que les versions récentes de la
CCT ne
parlent plus de "jardinier ou équivalent" (art. 7. 1 CCT dans sa
version du
1er janvier 1990, in Recueil annuel de la législation vaudoise 1990,
p. 394
ss.), mais de "jardinier qualifié titulaire d'un CFC ou d'une
formation
équivalente, machiniste, mécanicien d'entreprise, maçon" (art. 5.1
ch. B CCT
dans sa version du 1er janvier 1999), la volonté des auteurs de la
CCT de
mettre l'accent sur le critère de la formation professionnelle pour la
classification des catégories de travailleurs. Quand bien même ce
serait le
cas, l'argument du défendeur n'en serait pas plus pertinent. En
effet, le
demandeur n'étant pas dépourvu de formation professionnelle, la
question qui
se pose est - comme déjà mentionné - non pas celle de l'existence de
sa
formation, mais celle de son équivalence à un CFC.

3.5 Pour déterminer si la formation du demandeur - en tant que telle
- est
équivalente à un CFC et qu'elle lui permet de prétendre au même
salaire que
le titulaire d'un CFC, la cour cantonale estime que la réglementation
des
salaires minimaux dans la CCT a essentiellement pour but de protéger
les
intérêts économiques des travailleurs en général et non seulement des
travailleurs suisses ou au bénéfice d'une formation professionnelle
suisse.
Par conséquent, la Chambre des recours considère que le critère
choisi par la
Commission paritaire pour établir l'équivalence des titres étrangers
aux
titres suisses (en l'occurrence les CFC) apparaît conforme au but de
la CCT.
Comme déjà mentionné, la Commission s'est basée sur les capacités
professionnelles concrètes ou - en d'autres termes - sur les
compétences
pratiques sur le terrain. A cet égard, il sied de rappeler que le
défendeur
n'est pas admis à mettre en doute l'existence de telles capacités
chez le
demandeur, dans la mesure où celles-ci ont été constatées par la cour
cantonale de manière qui lie le Tribunal fédéral en instance de
réforme
(consid. 1. 2 ci-avant).

En raison de son état de faits différent, l'arrêt 4C.282/2000
précité, sur
lequel le défendeur s'appuie également pour s'en prendre à
l'interprétation
téléologique de la cour cantonale, ne lui est ici non plus d'aucun
secours.
En outre, c'est à juste titre que
la Chambre des recours considère
que le
travailleur au bénéfice d'un titre étranger n'a pas l'obligation de
faire
reconnaître celui-ci, sur la base de l'art. 45 LFPr, afin de pouvoir
réclamer
le salaire prévu par une convention collective. En effet, il découle
du
Message concernant la LFPr (Message du Conseil fédéral, FF 1977 I
736), que
cette disposition, qui se situe dans la section 4 de la LFPr intitulée
"Examen de fin d'apprentissage", répond aux demandes d'équivalence
ayant
principalement pour objet l'admission à un examen professionnel ou à
un
examen professionnel supérieur.

4.
Cela étant, le recours doit être rejeté. S'agissant d'une affaire
relative à
un contrat de travail dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 30 000
fr.
(art. 343 al. 2 et 3 CO), il n'y a pas lieu de percevoir un émolument
judiciaire. Cette disposition ne dispense cependant pas la partie qui
succombe de verser à la partie adverse une indemnité à titre de
dépens (ATF
115 II 30 consid. 5c; art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le défendeur versera au demandeur une indemnité de 2000 fr. à titre de
dépens.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre
des
recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 5 novembre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.206/2003
Date de la décision : 05/11/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-05;4c.206.2003 ?
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