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04/11/2003 | SUISSE | N°4C.193/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 novembre 2003, 4C.193/2003


{T 0/2}
4C.193/2003 /ech

Arrêt du 4 novembre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.
Greffier: M. Ramelet.

A. ________ Sàrl,
demanderesse et recourante, représentée par Me Henri Bercher, avocat,
rue
Neuve 6, 1260 Nyon,

contre

B.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Patrice Girardet, avocat,
rue de
Bourg 8, case postale 3712, 1002 Lausanne.

vente internationale; conclusion du contrat,

recours en réforme contre le

jugement de la Cour civile du Tribunal
cantonal
vaudois du 10 juillet 2002.

Faits:

A.
A.a Le 19 septembre 1989...

{T 0/2}
4C.193/2003 /ech

Arrêt du 4 novembre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.
Greffier: M. Ramelet.

A. ________ Sàrl,
demanderesse et recourante, représentée par Me Henri Bercher, avocat,
rue
Neuve 6, 1260 Nyon,

contre

B.________ SA,
défenderesse et intimée, représentée par Me Patrice Girardet, avocat,
rue de
Bourg 8, case postale 3712, 1002 Lausanne.

vente internationale; conclusion du contrat,

recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal
cantonal
vaudois du 10 juillet 2002.

Faits:

A.
A.a Le 19 septembre 1989, B.________ SA (ci-après: B.________ ou la
défenderesse) a facturé à C.________ Import s.r.l. (ci-après:
C.________), à
Modène (Italie), une livraison de 3121 boîtes de "peperoni a filetti
tricolori" au prix de 7 fr.20 l'unité. Par courrier du 21 novembre
1989,
C.________ a indiqué à la défenderesse que la facture en cause, qui se
montait à 22 471 fr.20, serait payée par swift bancaire. Il n'a pas
été
établi que C.________ ait réglé cette note.

A.b A.________ Sàrl (ci-après: A.________ ou la demanderesse), dont
la raison
sociale jusqu'au 16 novembre 1988 était "A.________ Société par
actions", est
une société à responsabilité limitée de droit italien, sise à
W.________, qui
fait le commerce en gros de produits alimentaires.

Le 13 novembre 1989, C.________ a facturé à A.________ une livraison
de 8367
cartons de boîtes de tomates pelées. C.________ a mis cette
marchandise à la
disposition de A.________ au terminal D.________ s.r.l., à
D.________. Le 14
novembre 1989, A.________ a indiqué à C.________ qu'elle lui avait
envoyé à
titre d'acomptes deux chèques d'un montant respectif de 8 533 400 et
51 520
460 lires italiennes (L). Le 16 novembre 1989, A.________ a fait
réexpédier
une partie de cette marchandise à deux sociétés allemandes,
auxquelles elle
l'avait vendue.

A.c Le 6 novembre 1989, B.________ a adressé à E.________ SA, à
Z.________,
un fax ayant la teneur suivante:
"Bonjour de B.________ SA
qui vous prie de prendre au plus vite chez:
C.________, Via S.________. Prière de téléphoner pour l'adresse de
chargement
(Mr X.________)
1 camion = 27 Pal de 50 cartons tomates pelées 6/3 (23500 kg)
Livraison: H.________ Sion
(...)
et
1 camion = 27 pal de 50 cartons tomates pelées 6/3 (23500 kg)
Livraison: I.________ Payerne
(...)".
Il a été retenu que le dénommé "X.________" auquel se réfère la
télécopie
était à l'époque un employé de C.________.

Le 21 novembre 1989, C.________ a rédigé la télécopie suivante à
l'adresse de
B.________:
"(...) B.________
0041/22/430297
(...)
Nous vous confirmons la vente de 3 camions de tomates pelées 6 x3/1
à retirer auprès du terminal D.________ S.r.l. sur le compte de la
société
A.________ S.r.l.
La marchandise s'entend vendue franco départ à Lit. 10'800 le carton.
Paiement à 30 jours dès la date de prélèvement.

Meilleures salutations
C.________ IMPORT s.r.l.".
Il n'a pas été établi que la défenderesse ait reçu ce téléfax.

E. ________ SA a pris en charge au terminal D.________ s.r.l. les deux
cargaisons de boîtes de tomates, qui représentaient chacune 8100
boîtes;
dédouanées en Italie respectivement les 28 et 30 novembre 1989, ces
conserves
de légumes ont été par la suite transportées à Martigny, où elles ont
été
dédouanées le 29 novembre et 1er décembre suivants, pour être
finalement
livrées respectivement à H.________ Sion et I.________ Payerne.

Il a été retenu que les tomates ont été prélevées sur le stock mis à
disposition de A.________ par C.________ le 13 novembre 1989 au
terminal
D.________ s.r.l. Les documents établis par ledit terminal au moment
de la
sortie de la marchandise désignent C.________ comme "déposante",
B.________ y
figure sous la rubrique "lieu de destination", alors que A.________ y
est
mentionnée en tant que "bénéficiaire-raison sociale". Quant aux
documents de
douane et aux factures de E.________ SA, ils mentionnent que la
demanderesse
est l'expéditrice, la défenderesse étant destinataire de la
marchandise.

A. ________ a facturé à B.________ les deux livraisons en question
respectivement les 28 novembre 1989 et 1er décembre 1989 au prix de
1800 L
l'unité, ce qui représentait 14 580 000 L par cargaison; le prix de la
première livraison était "franco fabbrica", celui de la seconde
"franco
partenza". La défenderesse n'a pas honoré ces notes.

Le livre de facturation de B.________, en regard de la commande de
C.________
de septembre 1989, porte l'inscription suivante:
"C.________ I (peperoni) 22'471.20 22'471.20", avec, en marge, la
mention
manuscrite "compensation".

A.d Le 15 février 1990, C.________ a adressé le téléfax suivant à
B.________:
"Concerne: votre livraison du 19/09/1989
Messieurs,
Comme nous vous l'avons déjà communiqué par téléphone, nous nous
voyons
obligés de vous rendre vos "peperoni a filetti tricolori".
Notre client suisse, la maison F.________ ne veut absolument pas
payer cette
marchandise, car elle ne correspond pas à l'échantillon fourni en son
temps
par la maison G.________. Vous voudrez bien nous faire connaître au
plus vite
la façon de procéder.
En outre, nous ne considérons pas très correcte votre façon de
procéder avec
la maison A.________ S.r.l. ceci en ce qui concerne le paiement des
deux
camions de tomates pelées. (...)".
Le 19 février 1990, la défenderesse a répondu à C.________ par la
télécopie
suivante:
"Att. M. X.________
Conc. Peperoni a Filetti
Messieurs,
Vous avez eu un échantillon parfaitement conforme de cette
marchandise et
nous ne sommes donc pas prêts à la reprendre.
Vous saviez pertinemment que cette marchandise n'était pas
parfaitement en
ordre, et le prix était en conséquence.
Pelati
Si vous nous vendez une marchandise, nous n'acceptons pas de recevoir
une
marchandise de quelqu'un d'autre.
D'autre part, cette marchandise n'était pas en ordre.
Il est clair que nous n'effectuerons aucun paiement avant d'avoir été
réglé
nous-mêmes.
(...)".
A.e En mai 1990, A.________ a ouvert action contre B.________ devant
le
Tribunal de Modène. B.________ a refusé d'entrer en matière,
contestant avoir
jamais acheté à A.________ des boîtes de tomates.

Le 15 novembre 1990, le Tribunal de Modène a prononcé la faillite de
C.________.

Par jugement du 15 juillet 1993, le Tribunal de Modène a condamné par
défaut
B.________ à payer à A.________ la somme de 29 160 000 L en capital.
Le 28
septembre 1993, B.________ a écrit à cette autorité judiciaire que
"n'ayant
pas acheté les marchandises en question et n'étant pas en cause avec
la
maison A.________, (elle n'entendait) pas entrer en matière".

La demanderesse, qui avait requis le 7 novembre 1996, sur la base du
jugement
italien précité, la mainlevée définitive de l'opposition formée par la
défenderesse à la poursuite en paiement de 32 552 fr. en capital que
A.________ avait fait notifier à B.________, a vu sa requête rejetée
par le
Président du Tribunal du district de Nyon, au motif que le premier
juge
n'était pas compétent et que le jugement qu'il avait rendu ne pouvait
pas
être déclaré exécutoire en Suisse.

B.
Par demande du 17 mai 1999, A.________ a conclu devant la Cour civile
du
Tribunal cantonal vaudois à ce que la défenderesse lui doive paiement
de 27
096 fr.12 plus intérêts à 5 % l'an dès le 15 juillet 1993.

B. ________ a conclu à libération. Elle a invoqué la prescription et,
à
toutes fins utiles, la compensation.

Par jugement du 10 juillet 2002, la Cour civile a entièrement débouté
la
demanderesse. Après avoir admis sa compétence et rejeté l'exception de
prescription de la défenderesse, la cour cantonale a considéré que
A.________
n'avait pas établi l'existence d'un accord exprès liant les parties
au sujet
de la livraison de deux cargaisons de 8100 boîtes de tomates pelées.
Elle a
encore retenu qu'il n'était pas possible de déduire "du silence de la
défenderesse à la réception des factures des 28 novembre et 1er
décembre 1989
qu'elle ait implicitement admis ou accepté que la marchandise lui
soit livrée
et facturée par la demanderesse". Enfin, l'autorité cantonale a jugé
qu'il
n'avait pas été prouvé que la demanderesse ait livré les conserves de
légumes
et que, de toute manière, le prix de la marchandise, élément
essentiel du
contrat de vente, n'avait pas été suffisamment déterminé.

C.
A.________ exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral contre le
jugement précité. Soutenant que deux contrats de vente avaient été
conclus en
automne 1989 avec la défenderesse, la recourante conclut à ce que sa
partie
adverse soit déclarée sa débitrice de la somme de 27 206 fr.12 plus
intérêts
à 5 % dès le 15 juillet 1993.

L'intimée propose le rejet du recours et la confirmation du jugement
attaqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a totalement succombé dans ses
conclusions
condamnatoires et dirigé contre un jugement final rendu en dernière
instance
cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une
contestation
civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8000 fr. (art.
46 OJ),
le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été
déposé en
temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ).

1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43
al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation
directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la
violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant
sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter
les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127
III 248
ibidem). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de
fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir avec
précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il
n'est pas
possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut
être
présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou
de moyens
de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas
ouvert
pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations
de fait
qui en découlent (ATF 127 III 543 consid. 2c; 126 III 189 consid. 2a;
125 III
78 consid. 3a).

Le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des
parties (qui
ne peuvent en prendre de nouvelles: art. 55 al. 1 let. b OJ), mais il
n'est
pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al.
3 OJ;
ATF 128 III 22 consid. 2e/cc in fine; 127 III 248 consid. 2c; 126 III
59
consid. 2a).

2.
2.1Il est indubitable que le présent litige contient un élément
d'extranéité
dès lors qu'il a trait à l'existence d'un contrat de vente conclu
entre une
société sise en Italie et une personne morale dont le siège est en
Suisse.
Comme la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la
compétence
judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et
commerciale (RS
0.275.11; ci-après: Convention de Lugano ou CL) est entrée en vigueur
pour la
Suisse le 1er janvier 1992 et que l'action de la demanderesse a été
intentée
le 17 mai 1999, les règles de compétence de ce traité sont
applicables (art.
54 al. 1 CL).

La défenderesse étant domiciliée sur le territoire d'un Etat
contractant, à
savoir en Suisse, la compétence internationale de la Cour civile
vaudoise
découle de l'art. 2 de la Convention de Lugano, norme qui en est la
règle de
compétence générale.

2.2 Selon l'art. 100 al. 2 de la Convention des Nations Unies du 11
avril
1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises (RS
0.221.211.1; ci-après: CVIM), applicable en Italie depuis le 1er
janvier 1988
et en Suisse depuis le 1er mars 1991, la CVIM régit les contrats de
vente
conclus après son entrée en vigueur à l'égard des Etats contractants.
Partant, comme la demanderesse prétend qu'elle a conclu deux contrats
de
vente avec la défenderesse à la fin de l'année 1989, la CVIM n'est pas
applicable, quand bien même le différend, comme c'est le cas en
l'espèce, est
survenu après l'entrée en vigueur du traité en Suisse (Pierre
Tercier, Les
contrats spéciaux, 3e éd., n. 1343, p. 199).

Selon l'art. 118 al. 1 LDIP, les ventes mobilières sont régies par la
Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux
ventes à
caractère international d'objets mobiliers corporels (RS
0.221.211.4). L'art.
2 al. 1 de ce traité dispose que la vente est régie par la loi
interne du
pays désigné par les parties contractantes.

L'autorité cantonale a retenu que les plaideurs, par une déclaration
commune
des 19 et 20 février 2001 adressée au juge instructeur de la Cour
civile,
sont convenus de soumettre
leur litige au droit suisse. Il est de
jurisprudence que la convention par laquelle les parties déterminent
le droit
applicable (convention de choix ou Verweisungsvertrag) peut être
conclue à
tout moment, et même en cours de procès (ATF 91 II 248 consid. 4b p.
250; 80
II 179; cf. également François Knoepfler/Philippe Schweizer, Droit
international privé suisse, 2e éd., ch. 501 p. 217/218; Marc
Amstutz/Nedim
Peter Vogt/ Markus Wang, Commentaire bâlois, n. 9 ad art. 118 LDIP).

C'est donc à bon droit que les magistrats vaudois ont examiné la
querelle au
regard du droit suisse.

3.
La cour cantonale a laissé indécis le point de savoir si A.________
Sàrl,
dont la raison sociale était jusqu'au 16 novembre 1988 "A.________
Société
par actions", existait déjà en automne 1989, lorsque les faits
litigieux se
sont déroulés. La recourante, qui se réfère à un extrait complet, avec
journal, du Registre du commerce italien produit au dossier, soutient
que
cette constatation relève de l'inadvertance manifeste.

3.1 Il y a inadvertance manifeste lorsque l'autorité cantonale, par
une
simple inattention, a dressé un état de fait qui ne correspond
manifestement
pas au résultat de l'administration des preuves. Tel est notamment le
cas si
l'autorité cantonale a omis de prendre connaissance d'une pièce, l'a
mal lue
ou mal comprise par mégarde; il ne suffit pas qu'elle ait mal
apprécié les
preuves (Bernard Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral,
SJ 2000
II p. 66; ATF 115 II 399 consid. 2a; 109 II 159 consid. 2b). Cela
étant,
l'inadvertance doit être causale, c'est-à-dire porter sur une
constatation
qui peut influer sur le sort du recours (Jean-François Poudret, COJ
II, n.
1.6.2 in fine ad art. 55 OJ et n. 5.1 ad art. 63 OJ; Georg
Messmer/Hermann
Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, ch. 100, p.
138).

3.2 La cour cantonale a nié la qualité pour agir de la demanderesse,
non pas
parce qu'elle n'avait pas d'existence juridique à l'époque
déterminante, mais
parce qu'elle n'a pas conclu de contrats de vente avec l'intimée.
L'inadvertance alléguée n'est en tout cas pas causale.

Il n'en demeure pas moins que l'extrait du registre du commerce
italien
concernant la recourante démontre effectivement que, le 16 novembre
1988,
cette société, anciennement "A.________ Société par actions", s'est
transformée en une société à responsabilité limitée, sa raison
sociale étant
désormais A.________ Sàrl. Il convient d'en donner acte à la
demanderesse.

4.
4.1 La question litigieuse a trait au point de savoir si, en automne
1989,
les parties ont conclu deux contrats de vente ayant pour objet des
boîtes de
tomates.

En droit suisse, le contrat est parfait lorsque les parties ont,
réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté
(art. 1
al. 1 CO). La conclusion du contrat n'est subordonnée à l'observation
d'une
forme particulière que si la loi le prescrit spécialement (art. 11
al. 1 CO)
ou si les parties ont entendu réservé une telle forme (art. 16 al. 1
CO).
Lorsqu'une forme particulière n'a pas été prescrite, la manifestation
de
volonté peut être expresse ou tacite (art. 1 al. 2 CO). Il convient
toutefois
de ne retenir l'existence d'une manifestation de volonté tacite qu'en
présence d'un comportement univoque, dont l'interprétation ne permet
pas de
douter de la portée; cette restriction découle du principe de la
confiance
(ATF 123 III 53 consid. 5a et les références).

La vente est un contrat par lequel le vendeur s'oblige à livrer la
chose
vendue à l'acheteur et à lui en transférer la propriété, moyennant un
prix
que l'acheteur s'engage à lui payer (art. 184 al. 1 CO). Hormis
certaines
ventes qui n'entrent pas en ligne de compte en l'occurrence, la
conclusion
dudit contrat n'est soumise à aucune exigence de forme (Alfred Koller,
Commentaire bâlois, 3e éd, n. 38 ad art. 184 CO; Tercier, op. cit.,
n. 490 p.
73). Du moment qu'il n'a pas été constaté que les parties aient prévu
de se
lier sous une forme particulière, la conclusion des ventes
litigieuses ne
peut résulter, en l'absence de déclarations expresses, que d'actes
concluants. En conséquence, il y a lieu de procéder à
l'interprétation des
déclarations des parties et du comportement qu'elles ont adopté.

4.2 Pour déterminer, à partir des manifestations de volonté des
parties
constatées par l'autorité cantonale, si un contrat est venu à chef,
le juge
doit tout d'abord s'efforcer de rechercher la commune et réelle
intention des
parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes
dont elles
ont pu se servir (art. 18 al. 1 CO). S'il y parvient, il s'agit d'une
constatation de fait qui ne peut être remise en cause dans un recours
en
réforme (ATF 129 III 118 consid. 2.5; 128 III 419 consid. 2.2).
Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si elle
est
divergente, le juge interprétera les déclarations faites et les
comportements
selon la théorie de la confiance; il doit donc rechercher comment une
déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en
fonction de
l'ensemble des circonstances (cf. ATF 129 III 118 ibidem et les arrêts
cités). Le principe de la confiance permet d'imputer à une partie le
sens
objectif de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa
volonté
intime (ATF 129 III 118 ibidem; 127 III 279 consid. 2c/ee p. 287).
L'application du principe de la confiance est une question de droit
que le
Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, peut examiner
librement (ATF
129 III 118 ibidem; 127 III 248 consid. 3a).
Pour trancher cette question de droit, il faut cependant se fonder
sur le
contenu de la manifestation de volonté et sur les circonstances,
lesquelles
relèvent du fait (ATF 129 III 118 ibidem et les arrêts cités).
Il incombe à celui qui se prévaut d'un lien contractuel d'établir les
circonstances qui l'amènent à conclure, au regard du principe de la
confiance, à la volonté juridique de l'autre partie (art. 8 CC; ATF
116 II
695 consid. 2b/bb p. 698).

4.3 In casu, la Cour civile n'a pas constaté chez les parties de
volonté
commune. Il sied ainsi, pour déterminer si un contrat a été passé,
d'interpréter leurs déclarations et attitudes selon le principe de la
confiance.

La recourante se prévaut d'un certain nombre de documents qui
démontreraient
que les parties ont été liées par deux contrats de vente.

4.3.1 A.________ se réfère tout d'abord à une télécopie du 6 novembre
1989.

Par ce fax, B.________ a prié la société E.________ SA de prendre en
charge
en Italie, auprès de C.________, deux cargaisons de boîtes de tomates
pelées
et de les livrer en Suisse à deux destinataires, domiciliés
respectivement à
Sion et Payerne; dans ce fax, la défenderesse demandait encore à
E.________
SA de prendre contact, pour connaître l'adresse du chargement, avec un
employé de C.________. A une date indéterminée, E.________ SA a pris
en
charge au terminal D.________ s.r.l., à D.________, la marchandise en
cause,
laquelle représentait deux cargaisons de 8100 boîtes, qu'elle a
finalement
livrée aux destinataires qui lui avaient été désignés. E.________ SA a
facturé ses prestations.

Il apparaît donc que E.________ SA, qui s'est engagée, moyennant
rémunération, à transporter les conserves, et la défenderesse, qui
lui a
demandé d'y procéder, ont conclu un contrat de transport au sens de
l'art.
440 CO, la première société étant le voiturier, la seconde
l'expéditeur (cf.
à ce sujet, Tercier, op. cit., n. 5549 ss, p. 804/805).
Ce contrat ne concerne en rien la demanderesse. L'attribution
indirecte faite
par la défenderesse aux deux sociétés bénéficiaires était
certainement fondée
sur la conclusion entre elles d'une vente à distance (cf. sur cette
notion:
Hans Giger, Commentaire bernois, n. 7 ss ad art. 189 CO). En
revanche, il est
impossible de déduire de l'envoi de la télécopie précitée que la
recourante
et l'intimée aient noué une quelconque relation contractuelle.

4.3.2 La recourante invoque une nouvelle télécopie envoyée par
C.________ à
la défenderesse le 21 novembre 1989. Elle fait valoir que ce fax a été
adressé pour information à la demanderesse, point qui aurait été
confirmé par
un témoin, ce qui établirait que A.________ "savait, une semaine avant
l'enlèvement de la marchandise, à qui elle vendait, quoi et pour quel
prix".

Le moyen, qui repose entièrement sur des faits non constatés en
instance
cantonale, est irrecevable (art. 63 al. 2 OJ).

Du reste, il n'a pas été retenu que la défenderesse ait reçu cette
télécopie,
son numéro de fax d'alors ne correspondant pas à celui figurant sur la
télécopie.

4.3.3 La recourante se réfère également aux documents établis par le
terminal
D.________ s.r.l. concernant la marchandise litigieuse, ainsi qu'aux
documents de douane et aux factures du voiturier.

D'après l'état de fait définitif, E.________ SA, à la fin novembre
1989, est
allée chercher les boîtes de tomates en Italie, au terminal D.________
s.r.l.; ces conserves provenaient du stock de marchandises que
C.________
avait mis à la disposition de la demanderesse audit terminal le 13
novembre
1989. Les documents émis par le terminal au moment de la sortie des
conserves
désignaient C.________ comme "déposante", l'intimée comme "lieu de
destination" et la recourante comme "bénéficiaire-raison sociale".

On cherche vainement comment de telles pièces, où la défenderesse
n'est pas
désignée comme une partie contractante s'engageant à accomplir une
obligation, mais comme un simple lieu de livraison, pourraient
appuyer la
thèse de la recourante.

Quant aux documents douaniers et aux factures de E.________ SA, qui
mentionnent que la demanderesse est l'expéditrice de la marchandise
et la
défenderesse son destinataire, ils émanent d'un tiers, qui, comme on
l'a vu,
a été lié avec B.________ par un contrat de transport. Or, ce qui
doit être
examiné pour résoudre le différend, c'est l'attitude de celle-ci dans
l'affaire, et non pas celle d'une société tierce.
Le grief est infondé.

4.3.4 La recourante fait enfin référence aux factures qu'elle a
adressées à
l'intimée, respectivement les 28 novembre et 1er décembre 1989.
Il est de jurisprudence constante qu'en cas d'envoi d'une facture ou
d'un
relevé de compte, le silence gardé par le destinataire à réception ne
vaut
pas acceptation au titre du silence gardé sur une lettre de
confirmation
(art. 6 CO; ATF 112 II 500 consid. 3b).

4.3.5 Arrivé à ce stade du raisonnement, il semble, sur le vu des
éléments du
dossier, que c'est C.________, et non la recourante, qui a vendu à
l'intimée
les 16 200 boîtes de conserve de légumes dont il a été question.
C.________
avait en effet acheté à B.________ le 19 septembre 1989 des
"peperoni" pour
le prix de 22 471 fr.20; C.________ n'a pas réglé la note de
B.________. Le
livre de caisse de B.________ porte toutefois, en regard de la
commande de
C.________ de septembre 1989, la mention manuscrite "compensation".
Cette écriture comptable ne s'explique raisonnablement que dans le
contexte
où C.________ a vendu à B.________ des boîtes de tomates, dont
celle-ci a
payé le prix en compensant sa dette avec la créance qu'elle détenait
contre
C.________ depuis le mois le septembre 1989 en raison de la vente à
ladite
société de "peperoni".
Certes, C.________ a envoyé une télécopie à B.________ le 15 février
1990,
dans lequel elle reprochait à celle-ci de n'avoir pas agi
correctement envers
la recourante à propos du paiement de "deux camions de tomates
pelées". Mais
B.________ a répondu par fax quatre jours plus tard à C.________
qu'en ce qui
concernait les "pelati" (tomates pelées) que cette dernière lui avait
vendus,
elle "n'accept(ait) pas de recevoir une marchandise de quelqu'un
d'autre";
B.________ déclarait encore qu'elle n'effectuerait aucun versement
avant
d'avoir elle-même été payée. Par cette télécopie, B.________
considérait sans
détour C.________ comme un partenaire contractuel, dont la créance en
paiement du prix des boîtes de tomates vendues ne serait honorée que
lorsque
C.________ se serait de son côté acquittée du prix des 3121 boîtes de
"peperoni" qui lui avaient été livrées par B.________ en septembre
1989.

Il apparaît significatif que C.________ n'a pas répondu à ce courrier
explicite.
Mais là n'était pas la question à résoudre.

5.
Il suit de là que la demanderesse, faute de tout lien contractuel
avec la
défenderesse, n'est titulaire d'aucune créance en paiement contre
elle et que
son action doit être rejetée pour défaut de qualité pour agir.

En définitive, il convient de rejeter le recours. Vu l'issue du
litige, les
frais et dépens seront mis à la charge de la recourante qui succombe
(art.
156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 2500 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiquée en copie aux mandataires des parties
et à la
Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 4 novembre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.193/2003
Date de la décision : 04/11/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-04;4c.193.2003 ?
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