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03/11/2003 | SUISSE | N°2A.100/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 novembre 2003, 2A.100/2003


2A.100/2003/DAC/elo
{T 0/2}

Arrêt du 3 novembre 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler, Müller, Merkli et Meylan, juge suppléant.
Greffière: Mme Dupraz.

XL.________ et YL.________, recourants,
tous les deux représentés par Me Bruno Kaufmann, avocat, rue de
Lausanne 18,
case postale 84,
1702 Fribourg,

contre

Département de la police du canton de Fribourg,
1700 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg,
Ière Cour administrat

ive, route André-Piller 21, case postale, 1762
Givisiez.

Regroupement familial,

recours de droit administrat...

2A.100/2003/DAC/elo
{T 0/2}

Arrêt du 3 novembre 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler, Müller, Merkli et Meylan, juge suppléant.
Greffière: Mme Dupraz.

XL.________ et YL.________, recourants,
tous les deux représentés par Me Bruno Kaufmann, avocat, rue de
Lausanne 18,
case postale 84,
1702 Fribourg,

contre

Département de la police du canton de Fribourg,
1700 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg,
Ière Cour administrative, route André-Piller 21, case postale, 1762
Givisiez.

Regroupement familial,

recours de droit administratif contre l'arrêt de la Ière Cour
administrative
du Tribunal administratif du canton de Fribourg du 11 février 2003.

Faits:

A.
Ressortissant yougoslave (du Kosovo) né le 1er décembre 1978,
XL.________ est
arrivé en Suisse le 9 septembre 1990 avec ses parents, son frère aîné
et sa
soeur cadette. La famille L.________ a déposé une demande d'asile qui
a été
rejetée. Après bien des péripéties, les parents de XL.________ ont
été admis
provisoirement dans le cadre de l'"Action humanitaire 2000".
XL.________ n'a
toutefois pas pu bénéficier de cette mesure.

B.
XL.________ a été dénoncé le 23 juillet 1993 pour vols, le 12 août
1993 pour
vol d'usage, le 19 novembre 1993 pour dommages à la propriété, le 21
septembre 1994 pour recel, le 8 février 1995 pour dommages à la
propriété et
violation de domicile, le 14 mars 1995 pour menaces, contrainte et
voies de
fait, le 10 mai 1995 pour consommation occasionnelle de haschich, le
13 mai
1996 pour lésions corporelles simples et voies de fait, le 22 août
1996 pour
obtention frauduleuse d'une prestation, le 14 octobre 1996 pour
consommation
de haschich ou de marijuana, le 23 octobre 1996 pour menaces et voies
de
fait, le 27 février 1997 pour vol, le 26 mars 1997 pour achat et
consommation
de marijuana, le 27 juillet 1997 pour vol, le 15 septembre 1997 pour
vol
(commis le 12 octobre 1996), le 9 août 1997 pour achat et
consommation de
haschich et de marijuana ainsi que le 21 janvier 1998 pour achat et
consommation de marijuana.

Le 24 avril 1998, le Juge de police de l'arrondissement de la Sarine a
condamné XL.________ à un mois d'emprisonnement avec sursis pendant
deux ans
pour vol, perpétré le 12 octobre 1996, ainsi que pour tentative
d'extorsion
et infractions à la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les
stupéfiants et les
substances psychotropes (loi sur les stupéfiants; LStup; RS 812.121)
et à la
loi fédérale du 4 octobre 1985 sur les transports publics (LTP; RS
742.40),
commises entre mars et octobre 1997.

XL.________ a été à nouveau dénoncé le 2 novembre 1998 pour achat et
consommation de marijuana et le 11 mars 1999 pour vol et violation de
domicile.

Sous le coup d'un mandat d'arrêt décerné contre lui par un juge
d'instruction
bernois pour suspicion de brigandage, XL.________ a été arrêté le 31
juillet
1999 à Fribourg. Dès le 4 janvier 2000, il a entamé une exécution
anticipée
de peine aux Etablissements de Thorberg. Par jugement du 7 avril
2000, le
Tribunal de l'arrondissement judiciaire VIII de Berne-Laupen a reconnu
XL.________ coupable de brigandage et de vols, révoqué le sursis
accordé le
24 avril 1998 et ordonné le placement de l'intéressé dans une maison
d'éducation au travail. XL.________ a obtenu la libération
conditionnelle à
compter du 7 mai 2001 avec un délai d'épreuve de deux ans. A cette
occasion,
la direction de la Maison d'éducation au travail La Ronde, à La
Chaux-de-Fonds, a relevé qu'en début de placement, XL.________
cherchait à
transgresser le règlement de l'établissement mais que son attitude
avait
changé dès le mois de juillet 2000. Elle précisait que XL.________
avait un
comportement correct, qu'il respectait les règles de l'institution
ainsi que
les horaires lors des congés, qu'il participait de façon régulières
aux
activités des ateliers et que son travail était qualifié de bon.

C.
Le 25 janvier 2001, statuant dans le cadre de l'"Action humanitaire
2000",
l'Office fédéral des réfugiés a communiqué au Service de la police des
étrangers et des passeports, actuellement le Service de la population
et des
migrants, du canton de Fribourg (ci-après: le Service cantonal) que,
au vu de
ses antécédents policiers et judiciaires, XL.________ ne pouvait pas
être mis
au bénéfice de l'admission provisoire et qu'il devrait quitter la
Suisse dès
sa sortie de prison. Une copie de ce courrier a été transmise le 5
février
2001 à l'intéressé. XL.________ a été refoulé le 8 mai 2001 vers
Pristina. Le
27 avril 2001, l'Office fédéral des étrangers, actuellement l'Office
fédéral
de l'immigration, de l'intégration et de l'émigration, (ci-après:
l'Office
fédéral) a pris à l'encontre de XL.________ une décision
d'interdiction
d'entrée en Suisse et au Liechtenstein valable dès le 9 mai 2001 et
pour une
durée indéterminée.

D.
Le 17 janvier 2002, XL.________ a épousé au Kosovo YM.________, une
ressortissante bosniaque titulaire d'une autorisation d'établissement
en
Suisse qui était en instance de naturalisation.

Le 6 février 2002, YL.________ a requis l'octroi d'un visa d'entrée
en Suisse
pour son mari. Le 22 février 2002, l'autorité cantonale compétente a
émis une
autorisation, valable jusqu'au 21 mai 2002, habilitant les
représentations
suisses à délivrer le visa sollicité. Cette décision, prise en
application de
l'art. 18 al. 2 et 4 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour
et
l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20), indiquait comme
motif de
séjour "Séjour auprès du conjoint" et comme durée du séjour "12 mois
de
suite, à renouveler".

XL.________ est arrivé le 11 mars 2002 en Suisse où l'entreprise
Z.________
Sàrl était disposée à l'engager, pour une durée indéterminée, en
qualité
d'aide-plâtrier-peintre.

Le 14 mars 2002, XL.________ a déposé une demande formelle
d'autorisation de
séjour. Il a également présenté une demande de prise d'emploi. Par
décision
du 19 juillet 2002, le Département de la police du canton de Fribourg
(ci-après: le Département cantonal) a rejeté la requête
d'autorisation de
séjour sollicitée et imparti à l'intéressé un délai de trente jours
dès la
notification de cette décision pour quitter le territoire. Il a
considéré
qu'en raison de son comportement contraire à l'ordre public lors de
son
précédent séjour en Suisse, XL.________ ne pouvait pas se prévaloir
de l'art.
17 al. 2 LSEE. Il a estimé que la délivrance d'un visa en vue d'un
séjour
soumis à autorisation de séjour n'empêchait pas les autorités
compétentes
d'examiner, après l'arrivée en Suisse de l'intéressé, si les
conditions pour
l'octroi d'une autorisation de séjour étaient remplies en procédant à
une
pesée des intérêts en présence et qu'en l'espèce, l'intérêt public
apparaissait prépondérant. Il précisait encore qu'en prenant la
décision
précitée du 22 février 2002, le Service cantonal n'avait pas identifié
exactement l'intéressé en raison de l'orthographe de son prénom, sans
quoi il
aurait refusé l'autorisation d'entrée sollicitée.

Le 22 août 2002, le Service cantonal a procédé à l'audition des époux
L.________ à la demande de XL.________, pour faire le point sur les
informations qui avaient été échangées entre le Service cantonal et
YL.________, "lors du dépôt de la demande d'autorisation d'entrée et
de
séjour (regroupement familial)". A cette occasion, YL.________ a
déclaré
qu'elle avait clairement demandé à une collaboratrice du Service
cantonal si
son mari aurait une chance d'obtenir une autorisation de séjour. On
lui
aurait alors répondu qu'il pourrait éventuellement bénéficier d'un
regroupement familial, puisque l'interdiction d'entrée prise à son
encontre
n'avait pas d'échéance déterminée.

E.
Par arrêt du 11 février 2003, la Ière Cour administrative du Tribunal
administratif du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal
administratif) a
rejeté le recours des époux L.________ contre la décision du
Département
cantonal du 19 juillet 2002. Le Tribunal administratif a retenu que
XL.________ avait adopté, des années durant, un comportement
contraire à
l'ordre public, en bafouant régulièrement les normes élémentaires de
la vie
en société, ce qui était suffisant pour admettre que l'intérêt public
à son
éloignement demeurait prépondérant. Même si le comportement de
l'intéressé
depuis sa libération conditionnelle en 2001, voire depuis son retour
en
Suisse en 2002, n'avait donné lieu à aucune plainte, il était encore
trop tôt
pour affirmer qu'il s'était véritablement amendé et ne présentait
plus de
risque pour l'ordre public. Quant à YL.________, elle avait accepté de
réaliser sa vie de couple à l'étranger, puisqu'elle connaissait, en se
mariant, le statut d'étranger indésirable en Suisse de son mari. En
outre, le
Tribunal administratif a considéré que l'octroi d'un visa dû à une
erreur
d'identification n'obligeait pas à accorder une autorisation de
séjour en
application du principe de la bonne foi. Le visa ne donnait le droit
que de
passer la frontière. Dans le cas particulier, il n'avait pas d'autre
fonction
que de permettre à XL.________ de gagner la Suisse pour déposer une
demande
d'autorisation de séjour, tout en vivant auprès de sa femme pendant la
procédure d'examen de sa requête. Vu sa portée pratique limitée, le
visa en
cause ne constituait pas une promesse du Service cantonal
garantissant la
délivrance ultérieure d'une autorisation de séjour.

F.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, XL.________ et
YL.________ demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et
dépens,
d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif du 11 février 2003 et
d'admettre
le regroupement familial. Ils se plaignent en particulier de
violations des
art. 17 al. 2 LSEE et 8 CEDH, du droit d'être entendu ainsi que des
principes
de la proportionnalité et de la bonne foi.

Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours. Le Service
cantonal se
réfère aux observations produites devant l'autorité intimée et à
l'arrêt
attaqué.

L'Office fédéral propose le rejet du recours.

G.
Le 12 mai 2003, les recourants ont déposé spontanément un rapport du
Service
psychosocial du canton de Fribourg au sujet de XL.________.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 II 46 consid. 2a p. 47).

1.1 Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le recours de droit
administratif n'est pas recevable en matière de police des étrangers
contre
l'octroi ou le refus d'autorisations auxquelles le droit fédéral ne
confère
pas un droit. D'après l'art. 4 LSEE, les autorités compétentes
statuent
librement, dans le cadre des prescriptions légales et des traités avec
l'étranger, sur l'octroi ou le refus d'autorisations de séjour ou
d'établissement. En principe, l'étranger n'a pas de droit à l'octroi
d'une
autorisation de séjour. Ainsi, le recours de droit administratif est
irrecevable, à moins que ne puisse être invoquée une disposition
particulière
du droit fédéral ou d'un traité, accordant le droit à la délivrance
d'une
telle autorisation (ATF 127 II 60 consid. 1a p. 62/63).

1.2 L'art. 17 al. 2 1ère phrase LSEE dispose que le conjoint d'un
étranger
possédant l'autorisation d'établissement a droit à l'autorisation de
séjour
aussi longtemps que les époux vivent ensemble.

XL.________ est marié à une ressortissante bosniaque titulaire d'une
autorisation d'établissement en Suisse et il n'est pas contesté
qu'ils font
ménage commun. Le présent recours est dès lors recevable au regard de
l'art
17 al. 2 1ère phrase LSEE, la question de savoir si les conditions
pour la
délivrance d'une autorisation de séjour sont, ou non, remplies étant
une
question de fond et non de recevabilité (cf. ATF 119 Ib 81 consid. 2a
p. 84;
118 Ib 153 consid. 2a p. 158).

1.3 Au surplus, le présent recours est en principe recevable en vertu
des
art. 97 ss OJ; il a en effet été déposé en temps utile et dans les
formes
prescrites par la loi, par les époux L.________ qui ont tous les deux
participé à la procédure cantonale et ont qualité pour recourir au
regard de
l'art. 103 OJ.

2.
D'après l'art. 104 OJ, le recours de droit administratif peut être
formé pour
violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir
d'appréciation (lettre a) ainsi que pour constatation inexacte ou
incomplète
des faits pertinents, sous réserve de l'art. 105 al. 2 OJ, (lettre
b). Le
Tribunal fédéral vérifie d'office l'application du droit fédéral, qui
englobe
notamment les droits constitutionnels des citoyens (ATF 124 II 517
consid. 1
p. 519; 123 II 385 consid. 3 p. 388), sans être lié par les motifs
invoqués
par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). En revanche, lorsque le
recours
est dirigé, comme en l'espèce, contre la décision d'une autorité
judiciaire,
le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans cette
décision, sauf
s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été
établis au
mépris de règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2 OJ). La
possibilité de faire valoir des faits nouveaux ou de nouveaux moyens
de
preuve est dès lors très restreinte. Seules sont admissibles les
preuves que
l'instance inférieure aurait dû retenir d'office et dont
le défaut
d'administration constitue une violation de règles essentielles de
procédure
(ATF 124 II 409 consid. 3a p. 421; 121 II 97 consid. 1c p. 99). En
outre, le
Tribunal fédéral ne peut pas revoir l'opportunité de l'arrêt
entrepris, le
droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la matière (art. 104
lettre c
ch. 3 OJ).

Après l'échéance du délai de recours, les intéressés ont déposé
spontanément
une pièce datant du 29 avril 2003, soit postérieure à l'arrêt
attaqué. Il
s'agit d'une pièce nouvelle que l'autorité de céans ne peut pas
prendre en
considération.

3.
3.1L'art 17 al. 2 LSEE fonde un droit à l'autorisation de séjour pour
l'étranger qui a épousé une personne bénéficiant d'une autorisation
d'établissement et qui vit avec elle. Ce droit s'éteint si l'ayant
droit a
enfreint l'ordre public. La déchéance de ce droit est soumise à des
conditions moins rigoureuses que celles requises par l'art. 7 al. 1
LSEE qui,
s'agissant du conjoint étranger d'un ressortissant suisse, subordonne
cette
extinction à l'existence d'un motif d'expulsion (cf. l'art. 10 LSEE)
ainsi
qu'au respect du principe de la proportionnalité, notamment sous
l'angle de
la gravité de la faute commise par l'étranger, de la durée de son
séjour en
Suisse et du préjudice qu'il subirait avec sa famille du fait de
l'expulsion
(cf. les art. 11 al. 3 LSEE et 16 al. 3 du règlement d'exécution du
1er mars
1949 de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des
étrangers [RSEE;
RS 142.201]).

Même si, selon la lettre de l'art. 17 al. 2 in fine LSEE, une simple
violation de l'ordre public suffit à entraîner la déchéance du droit à
l'autorisation de séjour du conjoint d'un étranger titulaire d'une
autorisation d'établissement, cette extinction doit également
respecter le
principe de la proportionnalité, conformément aux règles générales du
droit
administratif; cependant, étant donné qu'en principe une atteinte
moindre
suffit au regard de l'art. 17 al. 2 in fine LSEE, les intérêts privés
opposés
pèsent moins lourd dans la balance que s'il s'agissait d'une
expulsion (ATF
122 II 385 consid. 3a p. 390; 120 Ib 129 consid. 4a p. 130/131).

De même, le droit au respect de la vie privée et familiale garanti
par l'art.
8 par. 1 CEDH n'est pas absolu. Une ingérence dans l'exercice de ce
droit est
possible selon l'art. 8 par. 2 CEDH, pour autant que cette ingérence
soit
prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une
société
démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté
publique,
au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la
prévention
des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale,
ou à la
protection des droits et libertés d'autrui.

Au demeurant, l'art. 13 al. 1 Cst. - que les recourants n'invoquent
d'ailleurs pas - ne confère pas des droits plus étendus que ceux qui
sont
garantis par l'art. 8 par. 1 CEDH en matière de police des étrangers
(ATF 129
II 215 consid. 4.2 p. 218/219).

3.2 La question de savoir si, dans un cas particulier, les autorités
de
police des étrangers sont tenues d'accorder une autorisation de
séjour fondée
sur les art. 17 al. 2 LSEE ou 8 CEDH, respectivement 13 al. 1 Cst.,
doit être
résolue sur la base d'une pesée de tous les intérêts privés et
publics en
présence. Lorsque l'intéressé a enfreint l'ordre public, il faut
tenir compte
en premier lieu de la gravité des actes qu'il a commis ainsi que de sa
situation personnelle et familiale. Il y a lieu ensuite d'examiner si
l'on
peut exiger des membres de la famille qui ont un droit de présence en
Suisse
qu'ils suivent l'étranger dont l'autorisation de séjour est refusée.
Pour
trancher cette question, l'autorité compétente ne doit pas statuer en
fonction des convenances personnelles des intéressés, mais prendre
objectivement en considération leur situation personnelle et
l'ensemble des
circonstances. Si l'on ne peut pas exiger des membres de la famille
pouvant
rester en Suisse qu'ils partent à l'étranger, cet élément doit entrer
dans la
pesée des intérêts en présence mais n'exclut pas nécessairement, en
lui-même,
un refus de l'autorisation de séjour (ATF 122 II 1 consid. 2 p. 6;
120 Ib 129
consid. 4b p. 131).

Lorsqu'il s'agit d'apprécier la gravité de la faute commise, la peine
infligée par le juge pénal est déterminante. Même si celle-ci ou la
mesure
accessoire de l'expulsion est assortie du sursis, l'autorité de
police des
étrangers peut refuser une autorisation de séjour à l'intéressé. La
pesée des
intérêts à laquelle cette autorité doit procéder obéit en effet à des
critères différents de ceux qui s'imposent au juge pénal. Toutefois,
dans
cette pesée des intérêts, l'autorité de police des étrangers doit
également
tenir compte des considérations de réinsertion sociale inhérentes au
droit
pénal (ATF 129 II 215 consid. 3.2 p. 216/217).

3.3 Dans le cas particulier, on constatera tout d'abord que le
recourant a
été maintes fois dénoncé, mais que beaucoup de ces dénonciations
portaient
sur des faits constitutifs de petits délits (vols à l'étalage, vols de
victuailles, vol d'usage d'une bicyclette, voyage sans titre de
transport,
participation à des bagarres). Ces actes, réalisés avant la majorité,
étaient
souvent dus au jeune âge de leurs auteurs, voire à la mauvaise
influence
d'aînés peu scrupuleux. En outre, bien des dénonciations portaient
sur des
infractions liées à la consommation, et non pas au trafic, de
haschich/marijuana, à l'exclusion de toute drogue dure. De plus et
pour
autant que cela ressorte du dossier, les dénonciations portant sur
des actes
commis entre 1993 et 1996 ont débouché sur une seule condamnation, du
24
avril 1998, à un mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans,
qui au
demeurant sanctionnait également certaines infractions réalisées en
1997.
Cependant, le dossier mentionne aussi des dénonciations postérieures
au 1er
décembre 1996, date de la majorité du recourant. En outre, par le
jugement
précité du 7 avril 2000, l'intéressé a été reconnu coupable de
brigandage et
de vols, ce qui pourrait signifier qu'il a passé à un degré de
criminalité
supérieur, de nature à créer un intérêt public important à son
éloignement.
Pour en juger valablement, il faudrait toutefois connaître de manière
précise
en quoi ont consisté les faits qualifiés de brigandage et de vols
dans le
jugement susmentionné du 7 avril 2000, quand ils ont été commis et
dans
quelles circonstances exactes. Ce n'est pas possible sur la base du
dossier,
puisqu'il ne contient pas ce jugement. On relèvera tout au plus que le
Tribunal de l'arrondissement judiciaire VIII de Berne-Laupen n'a pas
estimé
nécessaire d'infliger au recourant une peine privative de liberté et a
préféré ordonner une mesure d'éducation au travail, solution qui
semble avoir
été adéquate au regard de la suite des événements.

En outre, il est constant que, quelques mois après son placement dans
une
maison d'éducation au travail, le recourant a changé de comportement.
Lui qui
avait d'abord cherché à transgresser le règlement de l'établissement
s'est
alors plié à la discipline imposée par l'institution: il a participé
aux
activités des ateliers et a fourni un travail qualifié de bon. Cette
évolution a été jugée suffisante pour qu'au bout d'une année,
l'autorité
compétente décide de libérer conditionnelle- ment l'intéressé, avec
un délai
d'épreuve de deux ans. Cependant, il n'est pas possible de se faire
une
opinion précise de la transformation du recourant sur la base du
dossier,
parce qu'il ne contient pas une copie complète de la procédure de
libération
conditionnelle.

Au début de l'année 2001, lorsque l'Office fédéral des réfugiés a
statué dans
le cadre de l'"Action humanitaire 2000", il a considéré -
vraisemblablement
à bon droit - que le recourant n'était pas disposé à s'adapter à
l'ordre
public suisse. Toutefois, la situation était différente quand
l'autorité
intimée a rendu l'arrêt attaqué. Le recourant avait opéré une
véritable
conversion, démentant ainsi l'absence de volonté ou de capacité à se
conformer à l'ordre établi en Suisse. Non seulement, il a obtenu une
libération conditionnelle après avoir passé une année dans un
établissement
d'éducation au travail, mais encore il n'a apparemment plus occupé les
autorités pénales depuis son retour en Suisse en 2002. En outre, il a
produit
devant l'autorité intimée une attestation de son employeur datant du
11
septembre 2002, selon laquelle il serait un travailleur consciencieux
et
donnerait "entière satisfaction dans son travail et son
comportement". Dans
ces conditions, on ne saurait certainement plus refuser une
autorisation de
séjour à l'intéressé en application de l'art. 17 al. 2 in fine LSEE,
sur la
base de celles de ses infractions qui n'ont pas fait l'objet du
jugement
susmentionné du 7 avril 2000. Il pourrait certes en aller autrement
si l'on
se fondait sur les infractions retenues dans ce jugement, ce qu'il est
impossible de faire avant que le dossier ait été complété. Au
surplus, il
faudrait de toute manière tenir compte des objectifs de réinsertion
sociale
visés par le jugement précité du 7 avril 2000, qui semblent avoir été
atteints, pour autant qu'on puisse en juger en l'état actuel du
dossier. Dans
le même ordre d'idées, il conviendrait de tenir compte d'un éventuel
effet
stabilisateur du mariage contracté par le recourant, élément dont les
autorités cantonales ne se sont apparemment pas préoccupées.
Par ailleurs, le recourant avait un peu moins de douze ans lorsqu'il
est
arrivé en Suisse. Il y a vécu du 9 septembre 1990 au 8 mai 2001, puis
à
partir du 11 mars 2002. C'est dans ce pays que se trouve l'ensemble
de sa
famille la plus proche. Quant à la recourante, elle a affirmé devant
l'autorité intimée qu'elle était au bénéfice d'une autorisation
d'établissement depuis des années, ce qui n'a pas été contesté. On
ignore
cependant depuis quand elle demeure en Suisse. De plus, le Tribunal
administratif a admis qu'elle était en instance de naturalisation et
qu'elle
avait, elle aussi, toute sa proche famille en Suisse. On n'a pas de
raison
d'en douter. On ne saurait par ailleurs suivre l'autorité intimée
quand elle
considère que les recourants parlent la même langue balkanique. Il
ressort en
effet du dossier que la langue maternelle du recourant est
l'albanais, alors
que sa femme parlerait une langue vraisemblablement apparentée au
serbo-croate. En l'état du dossier, on peut déjà retenir qu'il existe
un
intérêt privé important des recourants à pouvoir vivre leur union en
Suisse
et que, pour la recourante, le fait de devoir suivre son mari à
l'étranger
représenterait un sacrifice considérable, même si elle ne pouvait
ignorer le
risque qu'elle encourait en épousant un étranger indésirable en
Suisse,
circonstance qui doit être prise en compte (cf. l'arrêt 2A.42/2001 du
11 mai
2001, consid. 3b), la solution contraire ne pouvant, en dépit de ce
que
soutiennent les recourants, être déduite de l'art. 17 al. 2 LSEE.

Comme on vient de le voir, le dossier manque de différents éléments
essentiels pour procéder à la pesée de tous les intérêts en présence.
Ainsi,
le Tribunal administratif a établi les faits de manière incomplète
sur des
points décisifs pour l'issue du litige, ce qui, au demeurant, ne
permet pas à
l'autorité de céans de statuer elle-même sur le fond. Il convient donc
d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause au Tribunal
administratif
pour qu'il procède à un complément d'instruction, puis prenne une
nouvelle
décision. Il lui appartiendra, en particulier, de se faire produire le
jugement précité du 7 avril 2000 et le dossier complet de la
procédure de
libération conditionnelle du recourant. Le Tribunal administratif
devra en
outre établir depuis quand la recourante se trouve en Suisse et quels
inconvénients elle aurait à subir si elle devait suivre son mari à
l'étranger. Il lui incombera aussi de procéder à une instruction pour
savoir
dans quelles circonstances le mariage des recourants a été conclu.
Enfin,
l'autorité intimée devra tenir compte de l'évolution de la situation
ultérieure à la date de l'arrêt entrepris, notamment pour savoir si le
recourant a subi avec succès le délai d'épreuve assortissant sa
libération
conditionnelle.

4.
Comme le présent recours doit de toute façon être admis pour
constatation
incomplète des faits pertinents, il n'est pas nécessaire d'examiner
les
autres griefs soulevés par les recourants. Il convient cependant de
formuler
quelques indications, pour le cas où le Tribunal administratif serait
amené à
examiner la présente cause sous l'angle de la bonne foi, compte tenu
en
particulier de l'octroi d'un visa au recourant.

4.1 D'après le Tribunal administratif, l'autorité cantonale
compétente qui a
émis, le 22 février 2002, une autorisation habilitant les
représentations
suisses à délivrer un visa au recourant pour lui permettre de revenir
en
Suisse n'était pas liée par cet acte lorsqu'elle a dû statuer sur
l'octroi,
ou le refus, d'une autorisation de séjour à l'intéressé. L'autorité
intimée a
considéré qu'un visa donnait seulement le droit de passer la
frontière et
que, dans le cas particulier, il avait uniquement la fonction de
laisser
l'intéressé gagner la Suisse pour y déposer une demande
d'autorisation de
séjour tout en vivant auprès de sa femme durant la procédure d'examen
de sa
requête.
Vu sa portée pratique limitée, le visa en cause ne
constituait pas
une promesse de l'autorité cantonale compétente garantissant la
délivrance
ultérieure d'une autorisation de séjour.

Cette argumentation ne saurait convaincre.

4.2 L'arrêt attaqué se fonde sur l'art. 2 al. 2, dans sa version
initiale, de
l'ordonnance du 10 avril 1946 concernant l'entrée et la déclaration
d'arrivée
des étrangers (RS 1 p. 129) selon lequel, en particulier, le visa ne
donne le
droit que de passer la frontière. Or, cette ordonnance a été abrogée
et
remplacée par l'ordonnance du 14 janvier 1998 concernant l'entrée et
la
déclaration d'arrivée des étrangers (OEArr; RS 142.211), en vigueur
depuis le
1er février 1998 (art. 29 et 31 OEArr) et la nouvelle ordonnance ne
contient
aucune disposition cor respondant à l'art. 2 al. 2 de l'ancienne.
Ainsi, la
base réglementaire de l'arrêt entrepris est erronée.

4.3 Par ailleurs, le Tribunal fédéral s'est déjà prononcé sur la
portée de
l'habilitation conférée par l'Office fédéral, sur proposition de
l'autorité
cantonale de police des étrangers, à une représentation suisse à
l'étranger
de délivrer un visa en vue d'un séjour de durée indéterminée. Il a
considéré
qu'une telle habilitation équivalait à l'assurance de l'octroi d'une
autorisation de séjour donnée, à l'étranger, à une personne non
soumise à
l'obligation du visa (arrêt 2A.2/2000 du 16 mai 2000, consid. 3a). Il
a
estimé que l'étranger auquel une telle assurance avait été donnée
possédait
en principe un droit à la délivrance d'une autorisation de séjour,
pour
autant que des raisons particulières ne s'y opposent pas. En pareilles
circonstances, le refus de l'autorisation de séjour pouvait être
comparé à la
révocation d'une promesse de l'autorité et la question devait être
jugée
selon le principe de la bonne foi (arrêt 2A.2/2000 du 16 mai 2000,
consid.
3b). Cette jurisprudence a été rendue sous l'empire de l'ancienne
réglementation, soit l'ordonnance précitée du 10 avril 1946. En droit
actuel,
il convient de retenir, sous l'angle du principe de la bonne foi, que,
lorsqu'un visa a été délivré, fût-ce à tort, en vue d'un séjour
durable,
seuls des motifs importants peuvent justifier le refus d'une
autorisation de
séjour.

Les recourants se sont mariés alors que XL.________ faisait l'objet
d'une
interdiction d'entrée en Suisse valable pour une durée indéterminée.
C'est
dans ce contexte que la recourante a demandé un visa d'entrée en
Suisse pour
son mari. L'autorité cantonale compé- tente a émis, le 22 février
2002, à
l'intention de la représentation suisse à Pristina, une "autorisation
habilitant les représentations suisses à délivrer un visa (AE)". Ce
document
mentionnait comme code d'admission "4001 Regroupement familial",
comme motif
du séjour "Séjour auprès du conjoint" et comme durée du séjour "12
mois de
suite, à renouveler". Il précisait encore que l'autorisation était
valable
jusqu'au 21 mai 2002. C'est donc à l'aune des principes mentionnés
ci-dessus
que la situation doit cas échéant être examinée.

4.4 Enfin, si les autorités compétentes de police des étrangers
étaient
amenées à délivrer une autorisation de séjour au recourant, elles
devraient
l'informer qu'un nouveau comportement répréhensible de sa part
devrait être
apprécié à la lumière de ses infractions antérieures et
compromettrait son
séjour en Suisse.

5.
Vu ce qui précède, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué
annulé. La
cause doit être renvoyée à l'autorité intimée pour complément
d'instruction
et nouvelle décision.

Bien qu'il succombe, le canton de Fribourg n'a pas à supporter les
frais
judiciaires (art. 156 al. 2 OJ).

Les recourants ont droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt de la Ière Cour administrative du
Tribunal
administratif du canton de Fribourg du 11 février 2003 est annulé.

2.
La cause est renvoyée à la Ière Cour administrative du Tribunal
administratif
du canton de Fribourg pour complément d'instruction et nouvelle
décision.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le canton de Fribourg versera aux recourants une indemnité de 2'000
fr. à
titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des
recourants, au
Département de la police et à la Ière Cour administrative du Tribunal
administratif du canton de Fribourg, ainsi qu'à l'Office fédéral de
l'immigration, de l'intégration et de l'émigration.

Lausanne, le 3 novembre 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.100/2003
Date de la décision : 03/11/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-11-03;2a.100.2003 ?
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