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30/10/2003 | SUISSE | N°4P.169/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 octobre 2003, 4P.169/2003


{T 0/2}
4P.169/2003 /ech

Arrêt du 30 octobre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffier: M. Ramelet.

A. ________,
recourante, représentée par Me Jacques Emery, avocat, boulevard
Helvétique
19, 1207 Genève,

contre

B.________,
intimé, représenté par Me Guy-Philippe Rubeli, avocat, rue du Rhône
65, case
postale 3199, 1211 Genève 3,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

a

ppréciation des preuves; expertise,

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du ca...

{T 0/2}
4P.169/2003 /ech

Arrêt du 30 octobre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre.
Greffier: M. Ramelet.

A. ________,
recourante, représentée par Me Jacques Emery, avocat, boulevard
Helvétique
19, 1207 Genève,

contre

B.________,
intimé, représenté par Me Guy-Philippe Rubeli, avocat, rue du Rhône
65, case
postale 3199, 1211 Genève 3,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

appréciation des preuves; expertise,

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du canton de Genève du 13 juin 2003.

Faits:

A.
A.a A.________, née le 14 novembre 1980, a consulté au début 1993 le
Dr
B.________, médecin dentiste spécialiste en orthodontie, afin qu'il
examine
le positionnement de ses dents et de sa mâchoire. A la suite de trois
visites, il a posé sur les dents de la jeune fille, le 15 mars 1993,
un
appareil orthodontique fixe, sans traction extra-orale, consistant en
un
système de bagues collées sur les dents et reliées entre elles par un
fil
métallique qui provoque une traction sur la dentition. B.________ a
informé
A.________ des problèmes initiaux liés à l'appareillage, notamment des
douleurs à la mastication durant la première semaine.

Deux jours après la pose, la mère de A.________ a téléphoné au
cabinet pour
se plaindre de ce que l'appareil tirait fort sur les dents de sa
fille, qui
n'arrivait pas à s'alimenter correctement. La réceptionniste a
répondu que
cela était normal et a conseillé l'absorption d'aliments mous.

Le 20 mars 1993 vers midi, A.________ a chuté sur la voie publique et
s'est
blessée au visage. L'appareil orthodontique a été arraché et
plusieurs dents
ont été luxées ou fracturées. En urgence, le médecin de l'Ecole de
médecine
dentaire a réimplanté les dents luxées par un appareillage fixe et
posé des
points de suture. Il n'a pu déterminer la cause de la perte de
connaissance
de la jeune fille, ayant entraîné sa chute.

Le 2 avril 1993, B.________ a pris en charge la suite du traitement
et a
déclaré à l'assurance-accident de A.________ que l'événement assuré
consistait en "une perte de connaissance due à la malnutrition de
l'enfant
ainsi qu'à une chute sur les dents".

A. ________ a de nouveau perdu connaissance les 20 février 1995 et 25
novembre 1999.

A.b Le 29 juin 1995, le Dr E.________, neurologue à l'Hôpital
universitaire
de Bratislava (Slovaquie), a rendu un rapport selon lequel la syncope
de
A.________ survenue le 20 mars 1993 pouvait être expliquée par
l'impulsion
douloureuse causée par la présence de l'appareil dans sa cavité
buccale.
Le 8 décembre 1997, la mère de l'enfant s'est adressée au Dr
D.________,
spécialiste en biomécanique à Prague (République tchèque), qui a
travaillé
sur la base de deux moulages des mâchoires de A.________ et de trois
radiographies faciales de ses dents, effectuées entre janvier et juin
1993.
Ce praticien a observé de grands déplacements des dents,
correspondant à des
effets de force non négligeables.

Le 25 mai 1998, à la demande de B.________, le Dr F.________,
pédiatre à
l'Hôpital cantonal de Genève, a exposé, sans avoir rencontré
A.________, que
cette dernière devait présenter une personnalité de type
psychosomatique, en
ce sens qu'elle mangeait peu pour surveiller sa ligne, ce qui
favorisait les
épisodes de lipothymie [perte de connaissance]. Le fait que cinq jours
s'étaient écoulés entre la pose de l'appareil et la perte de
connaissance de
A.________ excluait vraisemblablement une syncope due à la douleur
provoquée
par l'appareil dentaire, trouble qui aurait dû survenir dans les 48
heures
consécutives à sa pose.

Le 8 juillet 1998, le Dr W.________, médecin dentiste spécialisé en
orthodontie, a indiqué, à la requête de B.________, que l'arc de
mobilisation
dentaire posé provoquait des forces légères de mobilisation, cela
pendant une
phase d'environ une semaine, certes désagréable mais avec un seuil de
douleur
peu élevé ne nécessitant pas de prescription. Le risque de syncope
était
inconnu dans l'hypothèse de la pose d'un appareil orthodontique
intra-oral,
alors qu'il existait pour les appareils exerçant une force
extra-orale sur la
carotide externe. Le Dr W.________ a critiqué le rapport du Dr
D.________ en
relevant qu'il était physiologiquement impossible que des dents,
soumises à
la force exercée par un fil de mobilisation, puissent opérer, en cinq
jours,
un déplacement aussi important que celui constaté par l'expert
pragois en
biomécanique.

A.c Le 16 mars 1998, A.________ a introduit une action en
dommages-intérêts
et en réparation du tort moral contre B.________ devant le Tribunal de
première instance de Genève. Ce dernier a conclu au rejet de la
demande, et
reconventionnellement, au paiement de divers montants. Lors des
enquêtes
effectuées par le Tribunal de première instance, les expertises
privées ont
été confirmées. Le maître de classe de la jeune fille a constaté
qu'elle
n'avait jamais eu de problèmes de santé particuliers, ni avant ni
après
l'accident du 20 mars 1993. Une hygiéniste dentaire a déposé que les
jours
qui avaient précédé un rendez-vous pris en mai 1993, A.________
n'avait pas
pris de petit-déjeuner, à l'exception d'un thé. Le médecin dentiste
traitant
a déclaré que la pose d'un appareil orthodontique était susceptible de
provoquer une syncope; il n'avait toutefois pas eu connaissance d'un
autre
cas de ce genre.

Le Tribunal de première instance a commis comme expert le Dr
C.________,
orthodontiste à Lausanne. Dans son rapport du 30 août 2002, l'expert
judiciaire a notamment relevé, en réponse aux questions suivantes de
la
mission d'expertise du 5 décembre 2001, les éléments mentionnés
ci-dessous:
Question A (question générale, entendre les parties, examiner
A.________,
s'entourer de tout renseignement utile):

"Il est à noter que Mademoiselle A.________ a refusé de répondre à ma
question sur la date de l'apparition de ses premières règles.
Mademoiselle
A.________ estime que "cela n'a pas de relation avec cette
expertise". A mon
avis, la réponse à cette question a une grande importance".

Question B1 (conformité du traitement et de l'appareil orthodontique
aux
règles de l'art):

"Ayant obtenu du Dr B.________ la fiche du traitement de Mademoiselle
A.________, son plan de traitement et sa méthode de travail, j'estime
que
l'appareillage a été posé dans les règles de l'art médical". (texte
intégral).

Question B2 (concernant l'utilisation d'un appareillage amovible ou
fixe):

Après un exposé technique d'une page, l'expert conclut "dans le cas de
Mademoiselle A.________, les prémolaires et les dents antérieures
étaient mal
positionnées transversalement et unitairement; seul un appareillage
fixe
pouvait permettre un alignement des dents non seulement supérieures
mais
également inférieures".

Question B3 (savoir si la pose de l'appareil était de nature à
provoquer la
syncope décrite par A.________):

"A cette question, je peux vous indiquer qu'elle déborde sur le plan
médical
général et que je ne peux y répondre que partiellement". Suit une
page de
développements scientifiques, terminée par les deux paragraphes
suivants:

"Au vu de ce qui précède et pour répondre à votre question, il m'est
difficile de penser que l'appareillage posé par le Dr B.________
puisse,
surtout après 5 jours, créer une si grande douleur qu'une syncope
telle que
décrite par Mademoiselle A.________, puisse se produire.

N'étant pas médecin, je crois qu'il faudrait trouver l'explication de
ce
malaise dans d'autres facteurs: hormonaux, fatigue, malnutrition,
mauvais
sommeil, contrariétés psychologiques (entr'autre (sic): pose d'un
appareillage d'orthodontie)".

Question B4 (devoir d'information du risque de syncope):

"Le risque de faire une syncope à la suite de la pose d'un
appareillage fixe
orthodontique me semble si faible voire nul, que j'estime qu'il n'est
absolument pas nécessaire d'en parler lors de l'information faite au
patient
et aux parents".

Question B5 (critiques de l'expertise du Dr D.________):

"Je fais miennes les explications techniques du Professeur
W.________, telles
que décrites dans le procès-verbal d'enquête de l'audience du 11 juin
2001".
(texte intégral).

Question B6 (lien entre la pose de l'appareil orthodontique et la
forme de la
courbe de croissance de A.________):

Après une demi-page de réflexions, l'expert conclut qu'il n'est "pas
dans la
possibilité de répondre précisément à cette question".

Question B7 (toute autre remarque utile):

"Aucune autre remarque, si ce n'est les définitions d'évanouissement,
perte
de connaissance, syncope, qui ont été vérifiées dans le Larousse
Médical
(édition 2001)". (texte intégral).

B.
Par jugement du 19 décembre 2002, le Tribunal de première instance a
débouté
A.________ de toutes ses conclusions; de plus, il l'a condamnée, sur
demande
reconventionnelle, à payer à B.________ la somme de 2'089 fr. avec
intérêts à
5% dès le 9 septembre 1998.

A. ________ a appelé de ce jugement en reprenant partiellement ses
précédents
moyens et en concluant à la condamnation de B.________ à verser 2'020
fr.50
avec intérêts à 5% l'an dès le 7 juillet 1993 à titre de restitution
d'honoraires payés, 2'640 fr. avec intérêts à 5% dès le 10 janvier
1998 à
titre de remboursement de frais d'expertise, et 10'000 fr. avec
intérêts à 5%
l'an dès le 15 mars 1993 à titre d'indemnité pour tort moral.
Subsidiairement, elle a sollicité une nouvelle expertise confiée à un
neurologue ou un spécialiste en biomécanique du squelette humain.
B.________
a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

Le 11 février 2003, le Dr G.________, neurologue, a attribué les
pertes de
connaissance de A.________ à des causes multiples, au nombre
desquelles
figure le port d'un appareil dentaire.

Par arrêt du 13 juin 2003, la Cour de justice du canton de Genève a
confirmé
le jugement attaqué. L'autorité cantonale a retenu en substance que le
médecin dentiste avait utilisé un arc approprié pour l'appareil
orthodontique, entraînant des douleurs courantes, pendant une période
d'environ une semaine, mais pas de risque de syncope; elle s'est
fondée sur
l'expertise privée du Dr W.________, laquelle a été corroborée par les
constatations de l'expert judiciaire. A.________ n'avait pas rapporté
la
preuve des mouvements transversaux de ses dents, élément décisif pour
l'appréciation des douleurs qu'elle avait ressenties. A cet égard, a
poursuivi la cour cantonale, "les évaluations faites à sa demande par
le Dr
D.________ ont été expressément réfutées par l'expert judiciaire, qui
a fait
siennes les conclusions du Dr W.________". Il n'y avait dès lors
aucune
raison de s'écarter des conclusions de cet expert, A.________ n'ayant
pas
demandé de contre-expertise.

C.
A.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral contre
l'arrêt de la Cour de justice du 13 juin 2003, dont elle requiert
l'annulation. Elle reproche à la juridiction cantonale une
appréciation
arbitraire des preuves, notamment en ce qu'elle a suivi l'opinion
d'un expert
privé (le Dr W.________) - qui n'avait ni examiné la patiente ni vu
les
radiographies pertinentes -, aux conclusions duquel l'expert
judiciaire s'est
référé.

Des déterminations n'ont pas été requises.

La demande d'assistance judiciaire déposée par la recourante a été
rejetée
par décision du 23 septembre 2003.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une
décision
cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens
(art. 84
al. 1 let. a OJ).

L'arrêt attaqué est final dans la mesure où la cour cantonale a
statué sur
une demande pécuniaire, au fond, par une décision qui n'est
susceptible
d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal,
s'agissant du
grief de violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art.
84 al. 2
et 86 al. 1 OJ).

La recourante est personnellement touchée par la décision entreprise,
qui la
déboute entièrement de ses conclusions condamnatoires, et la condamne
à payer
à l'intimé une somme de 2'089 fr., avec accessoires, à titre
reconventionnel,
de sorte qu'elle a un intérêt personnel, actuel et juridiquement
protégé à ce
que cette décision n'ait pas été adoptée en violation de ses droits
constitutionnels; en conséquence, la qualité pour recourir (art. 88
OJ) doit
lui être reconnue.

Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) dans la forme prévue par
la loi
(art. 90 al. 1 OJ), le présent recours est à cet égard recevable.

1.1 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine
que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte
de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1, p.
120; 128
III 50 consid. 1c et les arrêts cités, p. 53/54).

2.
2.1La recourante se plaint d'une appréciation insoutenable des
preuves et
d'une application indéfendable de la loi de procédure civile
cantonale, de
sorte que la cognition du Tribunal fédéral est limitée à
l'interdiction de
l'arbitraire (art. 9 Cst.).

Le droit matériel détermine les éléments de
fait sur lesquels doivent
porter
les mesures probatoires, ordonnées en application du droit cantonal de
procédure. Dans le cas particulier, la recourante devait établir que
le
médecin dentiste avait violé son devoir de diligence pendant et/ou
après
l'intervention consistant dans la pose de l'appareil orthodontique.
Les
exigences liées au devoir de diligence du médecin ne peuvent être
déterminées
de manière générale et abstraite, car elles dépendent des
circonstances de
chaque cas; sont à cet égard des critères décisifs le genre
d'intervention ou
de traitement et les risques qui en découlent, la marge
d'appréciation et le
temps dont dispose le médecin, ainsi que la formation et les
capacités que
l'on peut objectivement en l'état attendre de lui. La responsabilité
du
médecin n'est pas limitée à des manquements graves aux règles de l'art
médical. Il doit traiter son patient de manière appropriée et il
répond en
principe de toute faute professionnelle (ATF 120 Ib 411 consid. 4a p.
413;
116 II 519 consid. 3a; 115 Ib 175 consid. 2b; 113 II 429 consid. 3a
p. 432
s.; cf. Moritz Kuhn, Ärztliche Kunstfehler, in RSJ 83/1987 p. 353 ss,
spéc.
p. 357). Le droit de la responsabilité civile doit tenir compte du
fait que
l'activité du médecin est exposée à des risques et des dangers. Ce
dernier
dispose d'une certaine marge d'appréciation entre les différentes
possibilités de diagnostic ou de thérapie qui entrent en
considération et le
choix auquel il procède doit requérir toute son attention. Le médecin
n'engage pas nécessairement sa responsabilité lorsqu'il n'a pas
trouvé la
solution qui était objectivement la meilleure quand on en juge a
posteriori.
Une violation des règles de l'art médical est réalisée lorsqu'un
diagnostic,
une thérapie ou quelque autre acte médical est indéfendable dans
l'état de la
science ou sort du cadre médical considéré objectivement: le médecin
ne
répond d'une appréciation erronée que si celle-ci est indéfendable ou
se
fondait sur un examen objectivement insuffisant (ATF 120 Ib 411
consid. 4a in
fine, p. 413 s.). Le fardeau de la preuve de la violation des règles
de l'art
médical est à la charge du lésé (ATF 120 Ib 411 consid. 4a in fine,
p. 414;
115 Ib 175 consid. 2b p. 181 et les références).

Pour ce faire, la recourante a invoqué divers témoignages et trois
avis
scientifiques émanant respectivement de deux neurologues et d'un
spécialiste
en biomécanique, les deux derniers ayant été produits au dossier sous
forme
d'expertise privée. De son côté, B.________ a aussi sollicité deux
experts
privés, soit un pédiatre et un médecin dentiste spécialiste en
orthodontie.
Enfin, le Tribunal de première instance a ordonné une expertise
confiée à un
orthodontiste, qui a déposé un rapport d'expertise judiciaire, dont
de larges
extraits sont rappelés dans les considérants en fait qui précèdent.

2.1.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle
est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un
principe
juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa
motivation
soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse
arbitraire dans
son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
solution
retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction
manifeste
avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en
violation d'un
droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre
solution
paraît également concevable, voire même préférable (ATF 129 I 8
consid. 2.1
et les arrêts cités).

2.1.2 En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque
l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément
de preuve
propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement
sur le
sens et la portée d'un tel élément, ou encore lorsqu'elle tire des
constatations insoutenables des éléments recueillis (ATF 129 I 8
consid. 2.1;
127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4a).

2.1.3 Concernant plus particulièrement l'appréciation du résultat
d'une
expertise, le juge n'est en principe pas lié par ce dernier. Mais
s'il entend
s'en écarter, il doit motiver sa décision et ne saurait, sans motifs
déterminants, substituer son appréciation à celle de l'expert, sous
peine de
verser dans l'arbitraire. En d'autres termes, le juge qui ne suit pas
les
conclusions de l'expert, n'enfreint pas l'art. 9 Cst. lorsque des
circonstances bien établies viennent en ébranler sérieusement la
crédibilité
(ATF 122 V 157 consid. 1c p. 160; 119 Ib 254 consid. 8a p. 274; 118
Ia 144
consid. 1c p. 146 et les arrêts cités). Si, en revanche, les
conclusions
d'une expertise judiciaire lui apparaissent douteuses sur des points
essentiels, il doit recueillir des preuves complémentaires pour
tenter de
dissiper ses hésitations. A défaut, en se fondant sur une expertise
non
concluante, il pourrait commettre une appréciation arbitraire des
preuves et
violer l'art. 9 Cst. (ATF 118 Ia 144 consid. 1c p. 146; arrêt 4P.
47/1996 12
août 1996, consid. 2a, in: SJ 1997, p. 58/59).

Plus précisément, lorsque l'autorité cantonale juge une expertise
concluante
et en fait sien le résultat, le Tribunal fédéral n'admet le grief
d'appréciation arbitraire que si l'expert n'a pas répondu aux
questions
posées, si ses conclusions sont contradictoires ou si, de quelque
autre
façon, l'expertise est entachée de défauts à ce point évidents et
reconnaissables, même sans connaissances spécifiques, que le juge ne
pouvait
tout simplement pas les ignorer. L'autorité cantonale n'est pas tenue
de
contrôler à l'aide d'ouvrages spécialisés l'exactitude scientifique
des
affirmations de l'expert. Il n'appartient pas non plus au Tribunal
fédéral de
vérifier si toutes les affirmations de l'expert sont exemptes
d'arbitraire;
sa tâche se limite plutôt à examiner si l'autorité cantonale pouvait,
sans
arbitraire, se rallier au résultat de l'expertise (arrêts 5P.547/2000
du 20
avril 2001, consid. 4a, et 4P.45/1994 du 23 novembre 1994, consid. 3a
et 3c).

2.1.4 A l'instar de nombreuses lois cantonales, la loi de procédure
civile
genevoise ne reconnaît pas de force probante particulière aux
expertises
privées. Celles-ci doivent être considérées comme de simples
allégations
d'une partie (Fabienne Hohl, Procédure civile, tome I, n. 1052 p. 198;
Vogel/Spühler, Grundriss des Zivilprozessrechts, 7e éd., chap. 10, n.
152, p.
285). Lorsqu'il s'agit d'apprécier des situations qui relèvent
exclusivement
de considérations d'ordre médical, le juge doit s'en remettre à
l'opinion des
spécialistes en la matière, à moins que celle-ci ne paraisse
insoutenable
(ATF 125 V 21 consid. 4b et les arrêts cités, p. 27). Dans ce
contexte, il
n'est pas arbitraire pour une cour cantonale de préférer l'opinion des
experts à celle du médecin traitant, des motifs d'objectivité et
d'impartialité s'opposant à ce que le médecin qui entretient avec
l'expertisée une relation thérapeutique puisse intervenir comme
expert. Il
n'est donc pas arbitraire de considérer comme plus objective
l'opinion émise
par des experts choisis en toute indépendance par l'autorité dans le
seul but
de renseigner la justice (ATF 124 I 170 consid. 4 p. 175 et les
références
doctrinales). En considération de la fonction particulière de
l'expertise
judiciaire, celle-ci ne peut en aucun cas être remplacée par des
expertises
privées (ATF 125 II 591 consid. 7a, p. 602).

2.2
2.2.1En l'espèce, l'expertise judiciaire, malgré sa motivation
sommaire,
n'est entachée d'aucun défaut reconnaissable pour le juge, qui la
rendrait
incompréhensible ou inutilisable. Autrement dit, il n'y a aucune
raison
objective, qui soit susceptible de faire douter des conclusions de
l'expert.
Il n'importe à cet égard que l'expertise judiciaire corrobore ou non
les
déclarations d'un expert privé.

Il en résulte que la cour cantonale, en suivant l'avis de l'expert
judiciaire, selon lequel les mouvements des dents ne pouvaient pas
avoir
l'ampleur établie par le Dr D.________ sur la base de radiographies,
n'est
aucunement tombée dans l'arbitraire. Sur la base de cet élément, la
Cour de
justice était fondée à conclure que l'intimé avait procédé à la pose
de
l'appareil conformément aux règles de son art.

En ce sens, l'arrêt critiqué n'est pas arbitraire dans son résultat.

2.2.2 Concernant le risque de syncope après la pose de l'appareil
orthodontique incriminé, tant le médecin dentiste traitant que
l'expert
judiciaire ont relevé la très faible probabilité de sa réalisation.
Or le
médecin n'est pas tenu de signaler un risque atypique et exceptionnel
à ses
patients (Dominique Manaï, Les droits du patient face à la médecine
contemporaine, Bâle 1999, p. 118; Christian Conti, Die Pflichten des
Patienten im Behandlungsvertrag, Berne 2000, p. 113).

2.2.3 En l'absence d'une violation du devoir de diligence du médecin
dentiste, il n'est pas nécessaire d'élucider si la syncope dont la
recourante
a été victime cinq jours après la pose de l'appareil dentaire était la
conséquence de cet acte médical ou d'un autre événement.

3.
Le moyen pris d'une violation de l'art. 307 LPC gen. et de l'atteinte
au
droit d'être entendue de la recourante ne correspond pas aux
exigences de
motivation posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ. De toute manière,
l'expertise judiciaire effectuée en première instance étant exempte
des
défauts que lui prête la recourante, la cour cantonale n'avait pas à
ordonner
d'autres probatoires. Du reste, comme l'a relevé pertinemment la Cour
de
justice, la recourante n'a jamais requis de contre-expertise.

Il s'ensuit que le recours doit être rejeté.

Vu l'issue du litige, les frais de justice seront mis à la charge de
la
recourante. Celle-ci ne devra toutefois pas verser de dépens à
l'intimé, qui
n'a pas été invité à procéder.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 30 octobre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.169/2003
Date de la décision : 30/10/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-30;4p.169.2003 ?
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