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30/10/2003 | SUISSE | N°4C.210/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 octobre 2003, 4C.210/2003


{T 0/2}
4C.210/2003 /ech

Arrêt du 30 octobre 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre.
Greffière: Mme Charif Feller.

X. ________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Horace Gautier,

contre

Y.________,
demanderesse et intimée, représentée par Me Philippe Houman,

bail à loyer; résiliation,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de
baux et
loyers du canton de Genève du 26 mai 2003.

Fai

ts:

A.
En 1998, X.________ SA (précédemment A.________, ci-après:
X.________) a
envisagé de poser quatre antennes sur qu...

{T 0/2}
4C.210/2003 /ech

Arrêt du 30 octobre 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre.
Greffière: Mme Charif Feller.

X. ________ SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Horace Gautier,

contre

Y.________,
demanderesse et intimée, représentée par Me Philippe Houman,

bail à loyer; résiliation,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de
baux et
loyers du canton de Genève du 26 mai 2003.

Faits:

A.
En 1998, X.________ SA (précédemment A.________, ci-après:
X.________) a
envisagé de poser quatre antennes sur quatre mâts, avec des armoires
techniques, sur le toit d'un bâtiment, propriété de Y.________. Le 29
juillet
1998, le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement
(DAEL)
a indiqué à X.________ que les installations projetées ne
nécessitaient pas
d'autorisation de construire préalable. Les 31 juillet et 12 août
1998,
X.________ et Y.________ ont passé un contrat de bail à loyer d'une
durée de
cinq ans dès le commencement des travaux d'installation, avec une
clause
unilatérale de reconduction en faveur de la locataire, et une
limitation du
droit de résilier à la charge de la bailleresse. Le site a été mis en
place
en septembre 1998; les antennes sont opérationnelles depuis fin
décembre
1998.

Les chiffres 3 et 6 du contrat de bail ont la teneur suivante:
"3. Conditions:

Cette convention entre en vigueur à la triple condition (a) que
A.________
obtienne toute concession d'utilisation nécessaire, (b) que toutes les
conditions techniques requises pour l'installation et l'exploitation
soient
remplies (y compris la qualité prévue pour la diffusion des ondes) et
(c) que
A.________ obtienne toutes les autres autorisations requises pour
l'installation et l'utilisation des équipements"

"6. Cessation anticipée:

La présente convention prend fin automatiquement lorsque l'une au
moins des
conditions prévues au chiffre 3 n'est plus remplie"
Dès le printemps 1999, des locataires des bâtiments voisins, tous
propriétés
de Y.________, se sont plaints des risques pour la santé provenant
des champs
électromagnétiques dégagés par les antennes, et de la gêne causée par
les
lumières de balisage.

Le 25 juin 1999, Y.________ a résilié le contrat de bail avec effet
immédiat.
Le 5 juillet 1999, X.________ a contesté cette résiliation en
l'absence de
justes motifs légaux et en considération de la première échéance
possible,
fixée au 31 juillet 2013. Des pourparlers ont eu lieu. X.________
s'est
engagée, le 15 octobre 1999, à démanteler son installation d'ici au
30 juin
2000, selon un courrier signé par deux de ses employés, sans pouvoir
de
représentation; X.________ a invalidé cette déclaration
ultérieurement, lors
de l'audience du Tribunal des baux et loyers du 14 juin 2001, pour
erreur
essentielle et dol.

Le 2 mai 2000, X.________ a fait savoir à Y.________ qu'elle ne
pouvait pas
enlever ces antennes pour fin juin 2000, sans avoir de site de
remplacement.

Le 22 mai 2000, le DAEL a envoyé à X.________ la lettre suivante:
"Pour faire suite à votre demande de maintien du site visé en titre,
nous
vous informons que conformément aux termes du procès-verbal des
séances de
coordination 18 et 19, cette démarche devra faire l'objet d'une
autorisation
de construire par procédure accélérée.

En effet, compte tenu des circonstances, nous estimons que la simple
validation du calcul des valeurs du rayonnement non ionisant (RNI) ne
suffit
pas à justifier le maintien d'un site que vous vous êtres engagé à
démonter
d'ici à fin juin.

Par ailleurs, pour requérir une autorisation de construire, il
convient de
vous assurer de l'accord du propriétaire de l'immeuble.

(...)".
Le même jour, le conseiller d'Etat responsable du DAEL a communiqué
une copie
de ce courrier à la gérance immobilière de Y.________, en précisant:
"s'agissant d'un site qui n'a pas fait l'objet d'une procédure
d'autorisation
de construire et qui devait être démonté d'ici fin juin, j'estime que
sa
présence ne peut plus être cautionnée par le département en l'absence
d'une
autorisation régulière".

B.
Le 11 juillet 2000, Y.________ a saisi la commission de conciliation
en
matière de baux et loyers d'une requête en évacuation tendant à mettre
hors-service les installations de téléphonie litigieuses. Faute de
conciliation, la cause a été portée devant le Tribunal des baux et
loyers le
5 octobre 2000. Cette juridiction a fait droit à la requête en
évacuation, et
X.________ a déféré cette décision devant la Chambre d'appel en
matière de
baux et loyers de la Cour de justice de Genève, le 4 juillet 2002.

Par arrêt du 26 mai 2003, la cour cantonale a confirmé ce jugement.
Elle a
estimé que la lettre du 15 octobre 1999 de X.________ à la bailleresse
pouvait être "aisément" comprise comme une lettre de congé, mais
donnée par
un représentant sans pouvoir. Elle a laissé ouverte la question de
savoir si
le courrier du 2 mai 2000, signé par le directeur de X.________ à
l'époque,
pouvait être considéré comme une ratification valable. Elle a enfin
retenu
que, comme X.________ n'avait pas sollicité et à plus forte raison
pas obtenu
une autorisation de construire pour l'installation litigieuse, le
contrat
avait pris fin "dès le moment où l'autorisation n'a pas été obtenue
et en
tout cas à ce jour", de sorte que X.________ devait restituer la
chose louée
à la bailleresse.

C.
Parallèlement à un recours de droit public, que le Tribunal fédéral a
rejeté
par arrêt séparé de ce jour, la défenderesse dépose un recours en
réforme.
Elle demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Chambre
d'appel et
de débouter Y.________ des fins de sa requête en évacuation, avec
suite de
frais et dépens. Elle se plaint d'une violation de l'art. 8 CC en ce
que la
cour cantonale ne lui aurait pas donné l'occasion de faire porter son
offre
de preuve sur la pertinence du courrier du DAEL du 22 mai 2000. La
cour
cantonale aurait aussi violé l'art. 266 al. 1 CO. D'autres motivations
envisageables à l'appui de l'arrêt cantonal querellé ne résisteraient
pas
davantage à l'examen, notamment la notion de congé inefficace, la
résiliation
anticipée au sens des art. 257f al. 3 et 266g CO, l'absence de
volonté du
bailleur et les questions de représentation et de ratification d'un
acte
juridique.

La demanderesse conclut à la confirmation de l'arrêt de la Chambre
d'appel et
au déboutement de X.________ de toutes ses conclusions, avec suite de
frais
et dépens.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions
libératoires
et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance
cantonale par
un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile
dont la
valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le
recours en
réforme est en principe recevable; en outre il a été formé en temps
utile
(art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).

Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43 al.
1 OJ). En revanche, il ne permet pas d'invoquer la violation directe
d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1, 2e phrase OJ) ou la
violation
du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c).

1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve
n'aient
été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les
constatations de
l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits
pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ).

Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui
s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec
précision
de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas
possible
d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55
al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc pas ouvert pour se
plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en
découlent.

Dans son examen du recours, le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà
des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art.
55 al. 1 let. b OJ); en revanche, il n'est lié ni par les motifs que
les
parties invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation
juridique de la
cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ). Il peut donc admettre un recours
pour
d'autres motifs que ceux invoqués par la partie recourante et peut
également
rejeter un recours en adoptant une autre argumentation juridique que
celle
retenue par la cour cantonale (ATF 127 III 248 consid. 2c et les
références
citées).

2.
La défenderesse se plaint tout d'abord d'une violation de l'art. 8
CC, en ce
qu'elle n'aurait pas eu la possibilité de faire porter son offre de
preuve
sur la pertinence de la lettre du DAEL, du 22 mai 2000.

Sur ce point, l'art. 8 CC dispose que chaque partie doit, si la loi ne
prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en
déduire son
droit. Cette règle s'applique à toute prétention fondée sur le droit
fédéral
(ATF 127 III 519 consid. 2a p. 522; 125 III 78 consid. 3b p. 79). Elle
répartit le fardeau de la preuve (ATF 122 III 219 consid. 3c p. 223)
et
détermine ainsi la partie qui doit assumer les conséquences d'une
absence de
preuve (ATF 127 III 519 consid. 2a p. 522; 126 III 189 consid. 2b;
125 III 78
consid. 3b p. 79). L'art. 8 CC confère le droit à la preuve et à la
contre-preuve, à la condition qu'il s'agisse d'établir un fait
pertinent, qui
n'est pas déjà démontré, par une mesure probatoire adéquate,
régulièrement
offerte selon les règles de la loi de procédure applicable. Il n'y a
pas
violation de l'art. 8 CC si une mesure probatoire est refusée à la
suite
d'une appréciation anticipée des preuves (ATF 129 III 18 consid. 2.6
p. 25 et
les arrêts cités), pour autant que cette dernière ne soit pas
arbitraire.
L'art. 8 CC ne dicte pas au juge comment il doit former sa conviction
(ATF
127 III 519 consid. 2b p. 522; 122 III 219 consid. 3c p. 223); ainsi,
lorsque
l'appréciation des preuves le convainc qu'une allégation de fait a été
établie ou réfutée, la répartition du fardeau de la preuve devient
sans objet
(ATF 114 II 289 consid. 2a p. 291; 119 III 103 consid. 1; 118 II 142
consid.
3a p. 147). L'art. 8 CC ne saurait être invoqué pour faire corriger
l'appréciation des preuves, qui ressortit au juge du fait (ATF 114 II
289
consid. 2a p. 291; 119 II 114 consid. 4c p. 117).

En l'espèce, il ressort de l'arrêt rendu ce jour par le Tribunal de
céans,
sur le recours de droit public, que la cour cantonale a apprécié sans
arbitraire les faits, en particulier la lettre du 22 mai 2000 du DAEL
à la
défenderesse. Elle a ensuite estimé qu'elle était en mesure de
statuer, de
sorte qu'elle pouvait renoncer à d'autres mesures probatoires au
terme d'une
appréciation anticipée résistant également au grief d'arbitraire. En
conséquence, la question de la répartition du fardeau de la preuve est
devenue sans objet, les faits retenus par la cour cantonale liant le
Tribunal
fédéral en instance de réforme. Le moyen tiré de la violation
alléguée de
l'art. 8 CC doit donc être écarté.

3.
A juste titre, la cour cantonale a retenu que la surface mise en
location par
la demanderesse n'était ni un local d'habitation ni un local
commercial (ATF
124 III 108 consid. 2b p. 110 et les références), ce qui entraîne
l'inapplicabilité des dispositions sur la protection contre les
congés.

4.
Après avoir souverainement constaté "que X.________ n'a[vait] pas
sollicité
et a fortiori pas obtenu" une autorisation de construire, la Chambre
d'appel
a relevé qu'en vertu des chiffres 3 et 6 du contrat, ce dernier avait
pris
fin "dès le moment où l'autorisation n'a pas été obtenue et en tout
cas à ce
jour", date de sa décision. A cet égard, la commune intention des
parties
est clairement établie (cf. ATF 129 III 118 consid. 2.5 p. 122).

Le chiffre 3c du contrat de bail subordonne la location de la toiture
à
l'obtention de "toutes les autorisations requises pour l'installation
et
l'utilisation des équipements". De même, le chiffre 6 dudit contrat,
consacré
à la cessation anticipée, stipule que la convention prend fin
automatiquement
lorsque l'une au moins des conditions prévues au chiffre 3 n'est plus
remplie, soit lors de l'avènement de cette condition résolutoire
alternative.

Il importe peu, à ce sujet, que le contrat de bail soumis à une
condition
résolutoire soit considéré comme un contrat à durée déterminée,
puisque, à
teneur de son chiffre 6, celui-là prend fin "automatiquement" à la
réalisation de la condition. La défenderesse ne peut en conséquence se
plaindre d'une violation de l'art. 266 al. 1 CO. La possibilité de
mettre un
terme, par anticipation, à la relation juridique ne porte pas
atteinte à la
définition du contrat litigieux comme bail à durée déterminée (Lachat,
Commentaire romand, n. 2 et 3 ad art. 255 CO). En vertu du principe
de la

fidélité contractuelle, les parties étaient liées jusqu'à l'échéance
du
contrat, soit en l'occurrence jusqu'à l'avènement de la condition
résolutoire, qui est relativement potestative (Engel, Traité des
obligations
en droit suisse, 2e éd., Berne 1997, p. 851 in fine), dans la mesure
où la
défenderesse pouvait contribuer à empêcher son avènement en déposant
une
requête en autorisation de construire, dans le but d'en obtenir la
délivrance, et, par là-même, le maintien de ses installations.

Dès lors que la défenderesse n'en a rien fait, la cour cantonale
pouvait
constater qu'au plus tard le jour du prononcé de son arrêt, le 26 mai
2003,
le permis de construire en question n'avait pas été obtenu, ce qui
entraînait
automatiquement la caducité du contrat. Dans ces circonstances, la
Chambre
d'appel était fondée à confirmer l'obligation de restitution de la
chose
louée par la défenderesse à la demanderesse.

Le recours en réforme doit en conséquence être rejeté, ce qui
implique la
confirmation de l'arrêt entrepris.

5.
Vu l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge de la
défenderesse, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en réforme est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la
défenderesse.

3.
La défenderesse versera à la demanderesse une indemnité de 2'500 fr.
à titre
de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 30 octobre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.210/2003
Date de la décision : 30/10/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-30;4c.210.2003 ?
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