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29/10/2003 | SUISSE | N°I.646/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 octobre 2003, I.646/02


{T 7}
I 646/02

Arrêt du 29 octobre 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffier : M.
Beauverd

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, recourant,

contre

K.________, intimé, représenté par Me Jean-Jacques Martin, avocat,
Etude
Martin & Davidoff, place du Port 2, 1204 Genève

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 26 juillet 2002)

Faits:

A.
K. ________, né le 28 août 1958,

divorcé, a vécu en Suisse du 14 juin
1976 au
6 juillet 1977. Il a séjourné ensuite à l'étranger jusqu'au 30 avril
1980,
date ...

{T 7}
I 646/02

Arrêt du 29 octobre 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffier : M.
Beauverd

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, recourant,

contre

K.________, intimé, représenté par Me Jean-Jacques Martin, avocat,
Etude
Martin & Davidoff, place du Port 2, 1204 Genève

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 26 juillet 2002)

Faits:

A.
K. ________, né le 28 août 1958, divorcé, a vécu en Suisse du 14 juin
1976 au
6 juillet 1977. Il a séjourné ensuite à l'étranger jusqu'au 30 avril
1980,
date à laquelle il s'est établi durablement en Suisse.

Le 22 février 1996, il a présenté une demande tendant à la mise en
oeuvre
d'une mesure de réadaptation de l'assurance-invalidité sous la forme
d'un
placement, ou à l'octroi d'une rente. Invité à se prononcer sur le
cas, le
docteur A.________, médecin au département de psychiatrie de l'Hôpital
X.________, a fait état d'une schizophrénie paranoïde chronique avec
exacerbation aiguë, d'une personnalité à traits schizo-typiques et
d'une
intégration socio-culturelle problématique (rapport du 20 juin 1996).

Après avoir recueilli d'autres avis médicaux, l'Office cantonal
genevois de
l'assurance-invalidité (ci-après : l'office AI) a rendu une décision,
le 16
octobre 1997, par laquelle il a dénié à K.________ le droit à une
rente,
motif pris qu'au 1er septembre 1976, date de la survenance de
l'invalidité,
ni la condition d'une année entière de cotisation au moins, ni celle
d'une
année entière de résidence ininterrompue en Suisse n'étaient
réalisées.

B.
Saisie d'un recours contre cette décision, la Commission cantonale
genevoise
de recours en matière d'AVS/AI (aujourd'hui, en matière d'assurances
sociales
: Tribunal cantonal des assurances sociales) a annulé la décision
entreprise
et renvoyé la cause à l'administration pour nouvelle décision, motif
pris que
« les conditions d'assurance (étaient) réalisées » (jugement du 14
juin
1999).

C.
Par arrêt du 13 avril 2000 (I 526/99), le Tribunal fédéral des
assurances a
admis le recours de droit administratif formé par l'office AI. Il a
annulé le
jugement cantonal et la décision administrative litigieuse et renvoyé
la
cause audit office pour complément d'instruction au sens des
considérants et
nouvelle décision sur le droit éventuel de l'intéressé à une rente
ordinaire
d'invalidité. Il a considéré que sur le vu des renseignements
médicaux versés
au dossier, il n'était pas possible de savoir si l'invalidité était
survenue
après le mois de janvier 1983, époque à laquelle la durée de
cotisation
minimale (variante I : plus de onze mois) ouvrant droit à une rente
ordinaire
avait été accomplie.

D.
Après avoir confié une expertise au docteur B.________, spécialiste en
psychiatrie et psychothérapie (rapport du 6 juin 2000), l'office AI a
rendu
une décision, le 10 mai 2001, par laquelle il a derechef nié le droit
de
K.________ à une rente d'invalidité. Il a considéré que l'invalidité
était
survenue en 1978, soit une époque à laquelle il n'était pas assuré en
raison
de l'absence de résidence en Suisse.

E.
Saisie d'un recours du prénommé, la juridiction cantonale a annulé
cette
décision par jugement du 26 juillet 2002.

F.
L'office AI interjette recours de droit administratif contre ce
jugement,
dont il demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa
décision
du 10 mai 2001.

K. ________ conclut au rejet du recours, sous suite de dépens.
L'Office
fédéral des assurances sociales a renoncé à présenter des
déterminations.

Considérant en droit:

1.
L'objet de la décision administrative du 10 mai 2001, circonscrit par
l'arrêt
de la Cour de céans du 13 avril 2000 (I 526/99), est le droit
éventuel de
l'intimé à une rente ordinaire d'invalidité. Seul ce point est
l'objet de la
présente procédure.

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard
au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la
légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait
existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366
consid. 1b).

L'arrêt de la Cour de céans du 13 avril 2000 expose les dispositions
légales
et réglementaires, ainsi que les principes jurisprudentiels
applicables au
présent cas. Il suffit dont d'y renvoyer.

3.
Dans son arrêt susmentionné, le Tribunal fédéral des assurances a
considéré
que la durée de cotisation minimale (variante I de l'art. 32 al. 1
RAI en
liaison avec les art. 50 RAVS et 29ter al. 2 LAVS : plus de onze mois)
ouvrant droit à une rente ordinaire avait été accomplie au mois de
janvier
1983. Il convient dès lors d'examiner si l'invalidité de l'intéressé
est
survenue après ce mois-là.

3.1
3.1.1A l'appui de sa décision de refus du 10 mai 2001, l'office
recourant a
considéré, en indiquant se fonder sur les conclusions de l'expert
B.________,
que l'invalidité était survenue en 1978, année au cours de laquelle
l'atteinte à la santé avait entraîné une incapacité de travail de 40
% au
mois.

De leur côté, les premiers juges sont d'avis, en indiquant également
se
référer au rapport du docteur B.________, que l'invalidité est
survenue après
1983, du moment que l'intimé a présenté une diminution de sa capacité
de
travail d'environ 40 % postérieurement à cette année-là.

3.1.2 Dans son rapport d'expertise du 6 juin 2000, le docteur
B.________ a
indiqué que le trouble psychique, qualifié de schizophrénie
paranoïde, est
apparu en 1978, selon « le repère le plus sûr ». A la question de
savoir
depuis quand la capacité de travail avait subi une diminution d'au
moins 40 %
(avant 1976 ? entre 1976 et 1983 ? après 1983 ?), l'expert a répondu
de la
manière suivante :

« En l'absence d'arguments médicalement irréfutables, la possibilité
de
considérer que la diminution d'au moins 40 % de la capacité de travail
remonte à 1978, soit selon la question posée, à la période comprise
entre
1976 et 1983, ne peut être rejetée. Cette diminution l'était sûrement
après
1983 et plus précisément après le divorce de (l'intimé) et son retour
de
C.________ en 1987 où elle était totale ».

3.2
3.2.1
Selon la jurisprudence et la doctrine, l'autorité administrative ou
le juge
ne doivent considérer un fait comme prouvé que lorsqu'ils sont
convaincus de
sa réalité (Kummer, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4e éd., Berne
1984, p.
136; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p. 278 ch. 5). Dans
le
domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf
dispositions
contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de
manière
irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est à-dire
qui
présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc
pas
qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse
possible.
Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge
doit, le
cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF
126 V
360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références). Aussi
n'existe-t-il
pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel
l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur
de
l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

3.2.2 Sur le vu des conclusions de l'expert, ci-dessus exposées,
l'éventualité que l'intimé a présenté une incapacité de travail
moyenne de 40
% au moins durant une année (art. 4 al. 2 en liaison avec l'art. 29
al. 1 LAI
[variante II]) après 1983 apparaît plus probable que l'hypothèse selon
laquelle une telle incapacité serait survenue entre 1976 et 1983, plus
précisément en 1978. Or, il n'y a pas de raison de douter du
bien-fondé des
conclusions du rapport d'expertise, lequel a été établi par un
spécialiste
reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations
complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et dont les
résultats
sont convainquants (cf. ATF 125 V 353 consid. 3b/bb). En particulier,
l'expert explique les raisons pour lesquelles il a écarté l'avis du
docteur
A.________, selon lequel l'atteinte à la santé avait entraîné une
incapacité
entière de travail à partir du mois d'avril 1981 (rapport du 20 juin
1996).

3.2.3 Au demeurant, l'office recourant ne remet pas en cause
l'opinion du
docteur B.________, mais allègue des faits qui, selon lui, sont aptes
à
démontrer que l'atteinte à la santé a entraîné une incapacité de
travail de
40 % au moins depuis 1978.

Ces allégations ne sont toutefois pas de nature à mettre en cause les
conclusions des premiers juges. En particulier, le fait que
l'atteinte à la
santé est apparue en 1978 ne permet pas de conclure à l'existence
d'une
incapacité de travail déterminante à partir de cette année-là. Par
ailleurs,
le fait que, selon le docteur D.________ (rapport du 30 mai 1996), un
traitement médical a été nécessaire depuis 1979 n'est pas non plus
décisif
pour trancher la question litigieuse. Il en va de même de l'argument
selon
lequel l'activité lucrative exercée depuis 1981 a porté sur de courtes
périodes et des salaires extrêmement bas : si l'intimé s'est contenté
d'exercer des activités peu rémunérées et seulement durant des
périodes
limitées, cela ne signifie pas encore qu'il subissait une incapacité
de
travail au sens de la LAI.

3.2.4 Vu ce qui précède, force est dès lors de constater que
l'invalidité est
survenue après 1983, soit postérieurement à l'accomplissement de la
durée de
cotisation minimale ouvrant droit à une rente ordinaire.

Le jugement entrepris n'est dès lors pas critiquable et le recours se
révèle
mal fondé. Toutefois, les premiers juges ne pouvaient pas se contenter
d'admettre le recours et d'annuler la décision administrative du 10
mai 2001,
mais ils devaient renvoyer la cause à l'office AI pour qu'il rende une
nouvelle décision concernant le droit de K.________ à une rente
ordinaire
d'invalidité.

4.
L'intimé, qui obtient gain de cause, est représenté par un avocat. Il
a droit
à des dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en relation
avec l'art.
135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le dispositif du jugement de la Commission cantonale genevoise de
recours en
matière d'AVS/AI du 26 juillet 2002 est réformé en ce sens qu'il est
ajouté
que la cause est renvoyée à l'Office cantonal genevois de
l'assurance-invalidité pour qu'il rende une nouvelle décision
concernant le
droit de K.________ à une rente ordinaire d'invalidité.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

4.
L'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité versera à
l'intimé la
somme de 2'000 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre
de
dépens pour l'instance fédérale.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève et à l'Office fédéral des
assurances
sociales.

Lucerne, le 29 octobre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.646/02
Date de la décision : 29/10/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-29;i.646.02 ?
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