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29/10/2003 | SUISSE | N°5C.93/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 octobre 2003, 5C.93/2003


{T 0/2}
5C.93/2003 /frs

Arrêt du 29 octobre 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher et Hohl.
Greffière: Mme Jordan.

X. _______,
défendeur et recourant, représenté par Me Enrico Monfrini, avocat,
place du
Molard 3, 1204 Genève,

contre

J.________,
demandeur et intimé, représenté par sa curatrice Olivia Morex-Davaud,
juriste
auprès du Service du Tuteur général, rue Calvin 11, 1204 Genève.

action en paternité,

recours en réforme cont

re l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 14 février 2003.

Faits:

A.
Le 3 juillet...

{T 0/2}
5C.93/2003 /frs

Arrêt du 29 octobre 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher et Hohl.
Greffière: Mme Jordan.

X. _______,
défendeur et recourant, représenté par Me Enrico Monfrini, avocat,
place du
Molard 3, 1204 Genève,

contre

J.________,
demandeur et intimé, représenté par sa curatrice Olivia Morex-Davaud,
juriste
auprès du Service du Tuteur général, rue Calvin 11, 1204 Genève.

action en paternité,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 14 février 2003.

Faits:

A.
Le 3 juillet 1988, Y.________, alors mariée à B._______, a donné
naissance à
un garçon prénommé J._______.

Par jugement du 21 juin 1989, le Tribunal de première instance de
Genève a
constaté que cet enfant n'était pas le fils de B.________.

Désigné le 23 avril 1990 comme curateur aux fins d'établir notamment
la
filiation paternelle de J.________, le Tuteur général a été relevé de
ses
fonctions le 1er février 1994, la mère de l'enfant ayant refusé de
dévoiler
l'identité du géniteur.

Cinq ans plus tard, soit le 24 janvier 1999, Y.________ a requis du
Tribunal
tutélaire qu'il entreprenne les démarches nécessaires en vue
d'établir la
filiation paternelle de X.________ sur J.________. Par ordonnance des
29
janvier et 16 juin suivants, cette autorité a désigné Olivia
Morex-Davaud,
juriste auprès du Service du Tuteur général, aux fonctions de
curatrice de
l'enfant, avec mandat d'établir la filiation paternelle de celui-ci
et de
faire valoir sa créance alimentaire.

B.
Par assignation du 21 avril 1999, assortie de mesures provisoires,
J.________, représenté par sa curatrice, a introduit une action en
paternité
contre X.________, doublée d'une demande d'aliments, devant le
Tribunal de
première instance de Genève.

B.a X.________ ne s'est pas présenté à l'audience d'introduction et de
comparution personnelle du 16 juin 1999. Il a fait savoir par son
avocat
qu'il était désormais domicilié en Turquie, qu'il contestait sa
paternité et
n'était en principe pas opposé à une expertise des sangs. Lors de
cette
séance, le Tribunal a en outre procédé à l'audition de la mère en
qualité de
témoin.

X. ________ n'a comparu à aucune des trois autres séances agendées.

L'instruction a été close le 14 février 2000 à l'issue des auditions
de
G.________ et de S.________.

B.b Dans l'intervalle, le 24 août 1999, le Tribunal avait débouté
J.________
de ses conclusions sur mesures provisoires, motif pris que la
cohabitation
entre X.________ et Y.________ n'avait pas été rendue vraisemblable.

B.c Le 24 mars 2000, J.________ a été débouté de sa requête du 16 mars
précédent tendant à l'administration d'une expertise des sangs à
laquelle
X.________ s'était opposé. L'autorité a jugé que la paternité du
défendeur
était moins vraisemblable que celle de tiers.

B.d A la demande de J.________, le Tribunal a ordonné, le 5 mai 2000,
la
réouverture des enquêtes sur fait nouveau. Le 6 juin suivant, il a
procédé à
une nouvelle audition de G.________ et à celle d'un nouveau témoin,
A.________.

B.e Lors de l'audience de comparution personnelle du 5 septembre 2000,
X.________ a déclaré être certain de ne pas être le père de l'enfant;
il a en
outre réitéré son refus de se soumettre à une expertise des sangs.

B.f A l'audience de plaidoiries du 28 septembre 2000, J.________ a
conclu
derechef à ce qu'une expertise sérologique soit ordonnée, et dans le
cas où
le défendeur ne se présenterait pas à l'Institut de médecine légale
avant le
30 novembre 2000, à ce qu'il y soit procédé sur ses deux fils majeurs.
Estimant qu'une telle démarche serait humiliante pour lui, X.________
s'y est
opposé.

B.g Par ordonnance du 30 octobre 2000, considérant que les deux
derniers
témoignages avaient révélé des faits nouveaux, le Tribunal a confié à
l'Institut de médecine légale la mission d'effectuer une expertise
des sangs.
Le 15 mars 2001 (arrêt 5P.472/2000), sur recours de droit public de
X.________, le Tribunal fédéral a annulé cette ordonnance dans la
mesure où
elle était assortie de la menace des peines prévues à l'art. 292 CP.
Le 21
mai 2001, le Tribunal de première instance de Genève a rendu une
nouvelle
ordonnance, de même contenu que la précédente, à l'exception de la
menace des
peines prévues à l'art. 292 CP.

Convoqué à trois reprises par l'Institut de médecine légale,
X.________ ne
s'y est pas présenté.

B.h Le 26 février 2002, le Tribunal a ordonné la comparution
personnelle des
parties sous la menace de l'art. 211 de la loi de procédure civile
genevoise
du 10 avril 1987 (LPC/GE). Il a en outre imparti un délai au
défendeur pour
qu'il produise les documents attestant sa situation financière et
communique
le domicile actuel de ses deux enfants majeurs. X.________ ne s'est
pas
présenté à l'audience du 23 avril 2002. Il n'a donné aucune précision
concernant sa situation financière.

C.
Le 26 septembre 2002, le Tribunal de première instance de Genève a
notamment
constaté "la paternité" de X.________ sur J.________. Il a fixé la
contribution à l'entretien de ce dernier à 700 fr. dès le 1er
septembre 1998
jusqu'au 30 juin 2000, 500 fr. dès le 1er juillet 2000 jusqu'à l'âge
de 15
ans et 600 fr. de 15 ans à la majorité, voire au-delà, mais jusqu'à
25 ans au
plus en cas d'études sérieuses et suivies. Il a en outre condamné le
défendeur à une amende de 1'000 fr. à titre de contravention de
procédure.

Statuant sur appel le 14 février 2003, la Chambre civile de la Cour de
justice a annulé ce jugement, en tant qu'il constatait la paternité de
X.________, et dit que l'enfant J.________ a pour père ce dernier.
Pour le
surplus, elle l'a confirmé sous suite de dépens.

D.
X.________ exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral,
concluant, sous
suite de frais et dépens, principalement, au déboutement du demandeur
et,
subsidiairement, au renvoi pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.

L'intimé n'a pas été invité à répondre.

E.
Par arrêt de ce jour, la cour de céans a rejeté, dans la mesure de sa
recevabilité, le recours de droit public connexe du défendeur.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'action en paternité (art. 261 CC) est une contestation civile
portant sur
un droit de nature non pécuniaire, au sens de l'art. 44 OJ. Interjeté
en
temps utile contre une décision finale rendue par le tribunal suprême
du
canton, le recours est aussi recevable au regard des art. 48 al. 1 et
54 al.
1 OJ.

2.
Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43 al.
1 OJ), mais non pour celle du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid.
2c p.
252 et les références). Dans la mesure où le défendeur soutient que
l'art.
307 al. 1 LPC, selon lequel la Cour de justice peut ordonner que les
procédures probatoires qui ont eu lieu en première instance et qui lui
paraissent défectueuses ou insuffisantes soient refaites devant elle,
aurait
été violé, sa critique est dès lors irrecevable.

3.
Le défendeur se plaint d'abord d'une violation des règles fédérales en
matière de preuve, plus particulièrement des art. 8 et 262 CC.

3.1 Pour toutes les prétentions fondées sur le droit fédéral (cf. ATF
125 III
78 consid. 3b p. 79; 123 III 35 consid. 2d p. 45), l'art. 8 CC
répartit le
fardeau de la preuve - sous réserve des règles particulières (par
exemple,
art. 55 al. 1 et 97 al. 1 CO) ou des présomptions légales (par
exemple, art.
32 al. 2 CC, 190 al. 1 CO) - et détermine, sur cette base, laquelle
des
parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF
126 III
189 consid. 2b p. 191 et l'arrêt cité). On déduit également de l'art.
8 CC un
droit à la preuve et à la contre-preuve (ATF 126 III 315 consid. 4a
p. 317 et
la jurisprudence mentionnée). En revanche, cette disposition ne
permet pas de
remettre en question l'appréciation des preuves du juge cantonal, ni
n'exclut
la preuve par indices ou une administration limitée des preuves
lorsque
celle-ci emporte la conviction du juge au point qu'il tient une
allégation
pour exacte (ATF 129 III 18 consid. 2.6 p. 24/25 et les références;
114 II
289 consid. 2 p. 290). L'art. 254 ch. 1 CC, selon lequel le juge
apprécie
librement les preuves, n'a pas pour effet d'ouvrir le recours en
réforme en
matière d'appréciation des preuves. Lorsque le droit fédéral impose
ainsi la
libre appréciation des preuves, il interdit seulement au juge
cantonal de
retenir des faits contre sa conviction, de se considérer comme lié
par des
règles de preuve cantonales ou d'exclure des moyens de preuve. S'il
le fait,
le juge viole une règle du droit fédéral et les parties peuvent s'en
plaindre
par la voie du recours en réforme. En revanche, l'appréciation des
preuves et
les constatations de fait qui en résultent ne peuvent faire l'objet
que d'un
recours de droit public pour violation de l'art. 9 Cst. (cf. arrêt
5C.40/2003
du 6 juin 2003 destiné à la publication, consid. 2.1.2; cf. aussi
Hegnauer,
Berner Kommentar, 4e éd., Berne 1984, n. 57 ad art. 254 CC).
L'art. 262 al. 1 CC - qui instaure une présomption légale - modifie
partiellement le fardeau de la preuve, en ce sens que le demandeur à
l'action
en paternité doit prouver le fait-prémisse (la cohabitation), le
fardeau de
la preuve du rapport juridique présumé (la paternité) étant reporté
sur le
défendeur, qui doit alors tenter la preuve du contraire (la
non-paternité)
(Fabienne Hohl, Procédure civile, Tome I, 2001, n. 1198; Poudret,
Commentaire
de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, n. 4.3.1 ad
art. 43).

3.2 Autant que le défendeur reproche à la Chambre civile de s'être
fondée
uniquement sur le témoignage de la mère pour retenir l'existence d'une
cohabitation au sens de l'art. 262 al. 1 CC, son grief est
irrecevable. En
prétendant que cette autorité ne pouvait tenir pour probantes les
seules
déclarations de ce témoin, il s'en prend en effet à l'appréciation des
preuves, moyen qui ne peut faire l'objet que d'un recours de droit
public
pour arbitraire (art. 84 al. 1 let. a OJ et 9 Cst.).
3.3 Selon le défendeur, la cohabitation n'étant pas établie, le
demandeur ne
pouvait être mis au bénéfice de la présomption de l'art. 262 al. 1
CC. En lui
imposant, dans ces circonstances, la preuve de la plus grande
vraisemblance
de la paternité d'un tiers, la cour cantonale aurait ainsi renversé le
fardeau de la preuve.

Cette critique est mal fondée autant qu'elle est recevable. Elle se
heurte en
effet à la constatation - qui lie le Tribunal fédéral en instance de
réforme
(art. 63 al. 2 OJ) - selon laquelle le défendeur a cohabité avec la
mère
pendant la période critique. Sur le vu de ce fait, la cour cantonale
a dès
lors considéré à juste titre que la paternité était présumée, en
application
de l'art. 262 al. 1 CC, et qu'il appartenait au défendeur d'infirmer
cette
présomption en démontrant, conformément à l'art. 262 al. 3 CC, que sa
paternité était exclue - avec certitude ou avec une probabilité
confinant à
la certitude (ATF 101 II 13 consid. 1 p. 14/15) - ou moins
vraisemblable que
celle d'un tiers.

4.
Le défendeur soulève ensuite le grief de violation du degré de la
preuve
(art. 8 CC) et de l'art. 254 ch. 1 CC, qui pose le principe de la
"maxime
d'office".

4.1 En substance, il soutient d'abord que le témoignage de la mère ne
revêtait pas le "degré de certitude minimum" exigé par le droit
fédéral pour
établir l'existence d'une cohabitation. Dans ces circonstances, il
aurait
appartenu au Tribunal cantonal, en vertu de l'art. 254 ch. 1 CC,
d'administrer des preuves complémentaires afin d'établir l'état de
fait
pertinent nécessaire à sa décision, à savoir la cohabitation.

Selon la jurisprudence - qui s'écarte précisément de l'opinion de
Poudret
(op. cit., n. 4.6 ad art. 43 OJ) à laquelle le défendeur se réfère
-, la
question de savoir si le degré de certitude exigé par le droit
fédéral - dont
le juge a une juste conception - est atteint dans un cas concret
relève de
l'appréciation des preuves, laquelle ne peut être critiquée que par
la voie
du recours de droit public pour arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral
5P.150/1996 du 21 mai 1996 consid. 1 paru in SJ 1996 p. 687/688;
arrêts non
publiés 5C.64/2003 du 18 juillet 2003 consid. 2.2 et les références:
5C.221/1995 du 15 février 1996 consid. 2c; 5C.86/1996 du 5 décembre
1996
consid. 3b; 5C.181/1997 du 8 septembre 1997 consid. 2c; 5C.162/2001
du 28
janvier 2003 consid. 2c; cf. ATF 120 II 393 consid. 4b p. 396/397).

4.2 Autant qu'on puisse le comprendre, le défendeur reproche ensuite
à la
cour cantonale de s'être fondée sur son seul comportement procédural,
à
savoir son refus de se soumettre à l'expertise des sangs, pour
admettre sa
paternité. Ce faisant, elle aurait non seulement omis d'administrer
les faits
pertinents (art. 254 ch. 1 CC), mais aussi ignoré les règles sur le
fardeau
de la preuve posées par les art. 8 et 262 CC.

4.2.1 Dans la mesure où le défendeur fait grief à la Chambre civile
d'avoir
systématiquement écarté les preuves qui lui étaient favorables, il
s'en prend
derechef à l'appréciation des preuves dont l'arbitraire (art. 9 Cst.)
relève
du recours de droit public (art. 84 al. 1 let. a OJ).

4.2.2 Pour le
surplus, on ne saurait reprocher à l'autorité cantonale
ni
d'avoir manqué à son obligation d'établir les faits pertinents (art.
254 ch.
1 CC) ni d'avoir ignoré le fardeau de la preuve (art. 8 CC) ou la
présomption
de l'art. 262 CC. Les magistrats cantonaux n'ont pas admis la demande
en
paternité au regard de la seule attitude du défendeur, ayant conduit à
l'absence d'expertise sérologique. Ils ont jugé que celui-ci n'a pas
renversé
la présomption de paternité découlant du fait (art. 63 al. 2 OJ)
qu'il avait
cohabité avec la mère pendant la période critique (art. 262 al. 1 CC;
cf.
aussi supra consid. 3.3), en prouvant que sa paternité était exclue -
avec
certitude ou avec une probabilité confinant à la certitude (ATF 101
II 13
consid. 1 p.14/15) - ou moins vraisemblable que celle d'un tiers
(art. 262
al. 3 CC). Et c'est dans ce dernier contexte que le comportement en
question
a été pris en considération - à côté d'autres circonstances - au
terme d'une
appréciation des preuves que le défendeur a tenté en vain de remettre
en
cause dans son recours de droit public. La critique est du reste
articulée
comme si celui-ci avait abouti, ce qui n'est pas le cas.

5.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la faible mesure
de sa
recevabilité. Le défendeur qui succombe supportera les frais de la
procédure
(art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimé
(art.
159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en réforme est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument de justice de 2'000 fr. est mis à la charge du défendeur.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 29 octobre 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.93/2003
Date de la décision : 29/10/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-29;5c.93.2003 ?
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