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28/10/2003 | SUISSE | N°8G.101/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 octobre 2003, 8G.101/2003


{T 0/2}
8G.101/2003 /pai

Séance du 28 octobre 2003
Chambre d'accusation

MM. les Juges Karlen, Président,
Fonjallaz, Vice-président, et Marazzi.
Greffier: M. Fink.

X. _______,
plaignant, représenté par Me Peter-René Wyder, Fürsprecher, Bollwerk
21,
Postfach 6624, 3001 Bern,

contre

Ministère public de la Confédération,
Taubenstrasse 16, 3003 Berne.

Mandat de défense d'office obligatoire,

plainte (art. 105bis PPF) contre la décision du 21 août 2003 mettant
fin à

la
défense d'office prévue à l'art. 36 al. 1 PPF.

Faits:

A.
X. ________ est soupçonné de participation à une organis...

{T 0/2}
8G.101/2003 /pai

Séance du 28 octobre 2003
Chambre d'accusation

MM. les Juges Karlen, Président,
Fonjallaz, Vice-président, et Marazzi.
Greffier: M. Fink.

X. _______,
plaignant, représenté par Me Peter-René Wyder, Fürsprecher, Bollwerk
21,
Postfach 6624, 3001 Bern,

contre

Ministère public de la Confédération,
Taubenstrasse 16, 3003 Berne.

Mandat de défense d'office obligatoire,

plainte (art. 105bis PPF) contre la décision du 21 août 2003 mettant
fin à la
défense d'office prévue à l'art. 36 al. 1 PPF.

Faits:

A.
X. ________ est soupçonné de participation à une organisation
criminelle, de
blanchiment et de défaut de vigilance en matière d'opérations
financières.
Dans le cadre de l'enquête de police judiciaire, il a été détenu. Le
15
juillet 2003, le Ministère public de la Confédération (abrégé MPC) a
désigné
Me Peter-René Wyder, avocat à Berne, comme défenseur d'office
obligatoire au
sens de l'art. 36 al. 1 PPF.

B.
Le 19 août 2003, le détenu a été relaxé. Par une lettre signature du
21 août
2003, le MPC a averti le défenseur d'office que son mandat avait pris
fin,
car les conditions de l'art. 36 al. 1 PPF n'étaient désormais plus
remplies;
un état de frais lui était demandé afin de pouvoir fixer l'indemnité
qui
devait lui revenir. Le MPC a précisé que si, à cause de son
indigence, le
prévenu ne pouvait trouver un avocat, le mandat initial pourrait être
prolongé en application des art. 36 al. 2 et 37 al. 2 PPF.

C.
Par un acte mis à la poste le 27 août 2003, Me Wyder, agissant pour
l'inculpé, saisit la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral d'une
plainte
(art. 105bis al. 2 PPF) tendant à ce que la décision du 21 août 2003
soit
annulée, sous suite de frais et dépens.

En bref, d'après le plaignant, l'octroi d'un défenseur d'office ne
doit pas
dépendre de la détention ou de l'indigence mais uniquement de
l'aptitude de
l'inculpé à se défendre seul. Or, ici, la complexité du cas
nécessiterait
manifestement la présence d'un avocat. Le plaignant précise qu'il
avait déjà
prié le MPC de prolonger son mandat, dans une lettre du 25 août 2003
demeurée
sans réponse. Les art. 36 et 37 PPF découleraient du droit d'être
entendu
garanti par les art. 29 al. 2 et 32 al. 2 Cst. ainsi que de l'art. 6
par. 3
let. c CEDH.

D.
Invité à présenter des observations, le MPC fait valoir que le
prévenu mis en
détention n'a pas automatiquement droit à un défenseur d'office si
l'on se
réfère à l'art. 47 al. 3 PPF qui est plus récent que l'art. 36 PPF;
il cite
également l'ATF 100 Ia 180. Il précise que l'art. 37 al. 2 PPF ne
prévoit pas
le maintien obligatoire d'une défense d'office tout au long de la
procédure
et répète que si le plaignant est dans le besoin, il lui appartient
de le
démontrer par pièces, conformément à l'ATF 125 IV 161.

E.
L'avocat du plaignant a produit une procuration valable pour la
présente
procédure.

La Chambre considère en droit:

1.
Il n'est pas contesté que le défenseur d'office du plaignant a été
désigné
par le MPC en application de l'art. 36 al. 1 PPF. Aux termes de cette
disposition, lorsque l'inculpé est incarcéré ou ne peut se défendre
lui-même
à cause de son jeune âge, de son inexpérience ou pour d'autres
raisons, le
juge lui désigne un défenseur, en tenant compte de ses voeux dans la
mesure
du possible, à moins que l'inculpé n'en choisisse un lui-même.

Ce texte n'a pas été modifié depuis l'entrée en vigueur de la PPF le
1er
janvier 1935. Le message du Conseil fédéral du 28 janvier 1998 sur les
mesures tendant à l'amélioration de l'efficacité et de la légalité
dans la
poursuite pénale - projet d'efficacité - précise que les conditions
pour une
défense obligatoire sont réglées à l'art. 36 PPF (FF 1998 p. 1253 ss
en
particulier 1279 relative à l'art. 47 al. 3, 3e phrase PPF).

Compte tenu de l'évolution du droit, les dispositions légales doivent
être
interprétées à la lumière des normes constitutionnelles et
conventionnelles
en vigueur.

Aux termes de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas
de
ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse
dépourvue de
toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite; elle a en
outre
droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la
sauvegarde
de ses droits le requiert. Selon l'art. 32 al. 2 Cst. toute personne
accusée
a le droit d'être informée, dans les plus brefs délais et de manière
détaillée, des accusations portées contre elle; elle doit être mise
en état
de faire valoir les droits de la défense. D'après l'art. 6 par. 3
let. c
CEDH, tout accusé a droit notamment à se défendre lui-même ou avoir
l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens
de
rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un
avocat
d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent.

2.
La jurisprudence relative au droit constitutionnel fédéral précise
qu'en
principe, dans la procédure d'instruction, un droit à l'assistance
obligatoire d'un défenseur ne saurait être déduit directement de la
Constitution. L'art. 29 al. 3 Cst. qui reprend les principes de
l'art. 6 par.
3 let. c CEDH (ATF 126 I 194 consid. 3a), prévoit l'assistance
gratuite d'un
défenseur, mais dans la mesure où la sauvegarde des droits de
l'intéressé le
requiert. Il est certes concevable de reconnaître qu'un tel droit
existe, au
stade de l'instruction déjà, dans des cas exceptionnels où l'inculpé
apparaît
manifestement incapable de faire valoir seul ses droits; ce droit
découle
alors du principe procédural du procès équitable garanti aux art. 6
CEDH, 29
al. 1 et 32 al. 2 Cst. (ATF 124 I 185 consid. 3a; 113 Ia 412 consid.
3b p.
421; arrêt non publié 1P.694/2001 du 6 mars 2002, consid. 2.2).

3.
En l'espèce, le plaignant n'apparaît pas manifestement incapable de
faire
valoir seul ses droits au sens de la jurisprudence précitée et de
l'art. 36
al. 1 PPF.

L'art. 36 al. 1 PPF délimite la notion d'incapacité en donnant des
exemples
de causes telles que le jeune âge, l'inexpérience ou d'autres
raisons. Le
jeune âge et l'inexpérience constituent des caractéristiques de la
personne
elle-même, ce qui permet de déduire que les "autres raisons" évoquées
par le
législateur sont du même ordre; on peut penser à des handicaps
physiques ou
psychiques par exemple. Le champ d'application de la défense
nécessaire de
l'art. 36 al. 1 PPF doit être défini de manière relativement
restrictive,
car, sinon, il n'y a plus de différence avec l'art. 36 al. 2 PPF.
Selon cette
dernière disposition, il est désigné un défenseur - rémunéré par
l'Etat - à
l'inculpé qui ne peut s'en pourvoir à cause de son indigence. En
l'espèce, le
Ministère public de la Confédération a informé le plaignant que la
désignation de son avocat comme défenseur d'office serait possible
pour
autant que l'indigence soit démontrée. Jusqu'à maintenant,
l'intéressé n'a
pas apporté la preuve de son indigence; au contraire, il exige la
désignation
d'un avocat d'office, sans égard à sa situation économique, en
invoquant
l'art. 36 al. 1 PPF.

Dans la plainte, la demande d'être assisté par un avocat d'office est
fondée
uniquement sur l'argument de la complexité des faits reprochés.
Cependant,
aucune circonstance particulière n'est invoquée qui ferait apparaître
comme
impérative une défense d'office du plaignant, exceptionnellement déjà
au
stade des recherches de la police judiciaire. On ne discerne pas non
plus
pourquoi le plaignant ne serait pas en mesure de se défendre
lui-même. En
effet, il est poursuivi pour avoir participé au placement de capitaux
douteux, alors qu'il était le collaborateur d'une banque. Cette
qualité, qui
implique une connaissance des affaires en général, doit lui permettre
de
défendre efficacement ses intérêts à ce stade de la procédure où il
s'agit
avant tout de rechercher les preuves. De plus, l'enquête a pu avancer
durant
sa détention au point qu'il a été relaxé. Les faits essentiels et la
situation juridique ont vraisemblablement été élucidés pendant cette
période
- dépassant un mois - où il était pourvu d'un défenseur. Dans ces
circonstances, on ne saurait admettre qu'il s'agisse d'un cas
exceptionnel au
sens de la jurisprudence précitée où, au stade de l'instruction,
l'accusé
apparaîtrait manifestement incapable de se défendre seul. D'ailleurs,
il
n'invoque aucun argument précis démontrant en quoi sa défense
nécessiterait
de toute évidence l'assistance d'un avocat; il se limite à soutenir
que la
complexité de l'affaire l'imposerait, ce qui ne suffit pas.

En résumé, le Ministère public de la Confédération n'a pas violé
l'art. 36
al. 1 PPF interprété à la lumière des droits constitutionnels et
conventionnels du plaignant.

4.
Aux termes de l'art. 37 PPF, le défenseur désigné d'office est nommé
par le
juge d'instruction durant l'instruction préparatoire, par le procureur
général durant l'enquête (al. 1). Il conserve généralement son mandat
pour la
suite de la procédure. Le président du tribunal peut désigner à titre
exceptionnel un autre défenseur, si des raisons particulières le
justifient
(al. 2).

Le plaignant soutient que cette disposition garantirait à l'inculpé un
défenseur d'office tout au long de la procédure d'instruction puis de
jugement. Il oublie que la défense n'est obligatoire que si les
conditions
énumérées à l'art. 36 PPF sont réunies. Or, pour les motifs exposés
aux
considérants qui précèdent, ce n'est pas le cas ici.

Le moyen tiré d'une violation de l'art. 37 al. 2 PPF doit être rejeté.

5.
En résumé, le plaignant peut se défendre lui-même au stade actuel de
la
procédure. Les conditions prévues à l'art. 36 al. 1 PPF ne sont plus
réunies.
C'est donc à bon droit que le MPC a mis fin à la défense d'office.

6.
Vu les difficultés d'interprétation des dispositions de la PPF en
matière de
défense d'office, on ne saurait considérer que la plainte ait été
portée à la
légère (art. 219 al. 3 en liaison avec l'art. 105bis al. 2 PPF). Dès
lors, il
ne sera pas perçu de frais.

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
La plainte est rejetée.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du plaignant
et au
Ministère public de la Confédération.

Lausanne, le 28 octobre 2003

Au nom de la Chambre d'accusation
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 8G.101/2003
Date de la décision : 28/10/2003
Chambre d'accusation

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-28;8g.101.2003 ?
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