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28/10/2003 | SUISSE | N°4C.201/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 octobre 2003, 4C.201/2003


{T 0/2}
4C.201/2003 /ech

Arrêt du 28 octobre 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch et
Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

A.________,
défendeur et recourant, représenté par Me Luc Recordon,

contre

B.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Etienne Laffely.

bail à loyer; résiliation pour justes motifs,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 12 fév

rier 2003.

Faits:

A.
A.a En 1996, A.________, qui cherchait une maison à rénover, a
contacté
B.________, membre...

{T 0/2}
4C.201/2003 /ech

Arrêt du 28 octobre 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch et
Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

A.________,
défendeur et recourant, représenté par Me Luc Recordon,

contre

B.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Etienne Laffely.

bail à loyer; résiliation pour justes motifs,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud du 12 février 2003.

Faits:

A.
A.a En 1996, A.________, qui cherchait une maison à rénover, a
contacté
B.________, membre et représentant d'une hoirie propriétaire d'un
immeuble, à
Cully. Il lui a proposé d'entreprendre et de diriger les travaux de
rénovation dudit immeuble. Les parties sont entrées en discussion. Le
25 mai
1996, A.________ a établi une estimation finale du coût du projet, qui
s'élevait à 106 497 fr. pour les fournitures et à 92 840 fr. pour le
travail.

Par contrat de bail à loyer non daté, B.________, représentant
l'hoirie, a
loué à A.________ un appartement d'environ 200 m2 situé dans
l'immeuble en
cause. Débutant le 1er janvier 1997 pour se terminer le 1er janvier
2013, le
contrat se renouvelait ensuite aux mêmes conditions d'année en année,
sauf
résiliation signifiée au moins trois mois à l'avance par l'une ou
l'autre des
parties.

Les dispositions complémentaires du bail renvoyaient à un contrat
établi à
Cully le 20 août 1996. Cet accord prévoyait notamment que le coût
global des
travaux serait déduit de façon compensatoire sur le loyer. Ce dernier
était
fixé, après compensation, à 1000 fr. par mois, charges non comprises.
Après
la signature de ce contrat, B.________ y a apposé, à la main, les
indications
suivantes: «loyer 2000 fr. / Charges non comprises 1000 fr. + 1000
fr. main
d'oeuvre».

A.b L'entreprise visant à rénover l'immeuble a connu des difficultés,
subi
des retards et altéré les rapports entre les parties.

Dans le courant de l'année 1997, B.________, inquiet de l'état peu
avancé des
travaux, a fait appel à l'architecte C.________. Selon le rapport de
cet
expert, la rénovation entreprise relève «d'un gag coûteux qui fleure
bon
l'arnaque.» L'architecte ajoute que «des faux niveaux dangereux, des
travaux
de peinture ou plutôt de barbouille, des fautes constructives graves,
le
non-respect des règles concernant la sécurité et la salubrité des
constructions prouvent à l'évidence que M. A.________ ignore tout du
métier
qu'il prétend pratiquer».
Hormis le grand appartement occupé par A.________, l'immeuble
comprend deux
autres logements, qui ont été loués dès fin octobre 1997.
Le 3 mai 1998, B.________, constatant la stagnation des travaux, a
imparti à
A.________ plusieurs délais, échéant au plus tard le 10 juin 1998.
L'entrepreneur a alors adressé à B.________ une nouvelle liste de
travaux non
compris dans l'estimation du 25 mai 1996.

Le 29 mai 1998, le représentant de l'hoirie a enjoint A.________ de
procéder
aux travaux de maçonnerie de l'encadrement de la fenêtre des combles,
afin
que d'autres travaux, en attente depuis deux ans, puissent être
terminés
avant le 30 juin 1998. D'autres courriers attestent de difficultés
dans la
poursuite du chantier.

Le 6 août 1998, le bailleur a informé son locataire que le loyer
serait de
2500 fr. dès septembre 1998, tant que les travaux ne seraient pas
finis
conformément au contrat d'août 1996.

Le 14 septembre 1998, B.________ a pris acte du fait que A.________ ne
faisait plus rien dans l'immeuble et qu'il ne respectait ni sa parole
ni le
contrat; il considérait le mutisme de son partenaire contractuel comme
l'acceptation du nouveau loyer de 2500 fr. à partir de septembre 1998.
A.________ a refusé de donner suite à ces prétentions.

Le 5 mai 1999, B.________ a invité A.________ à la fête de la fin des
travaux, à la mi-juin 1999. Ce dernier et sa compagne ont contesté la
fixation d'une échéance à cette date.

En juin 1999, A.________ a adressé à B.________ un nouveau devis pour
des
travaux non compris dans l'estimation du 25 mai 1996, qui
concernaient la
décontamination des combles de la présence d'amiante. B.________ a
signé ce
devis le 1er septembre 1999, en indiquant à la main «fin des trav.
combles
15.10.99».

Le 31 août 1999, la municipalité de Cully a imparti à B.________ un
dernier
délai au 31 octobre 1999 pour terminer tous les travaux objets du
permis de
construire. A.________ a estimé que ce délai était trop court.

A la mi-septembre 1999, B.________ a informé A.________ qu'il avait
confié à
E.________ la direction des travaux de second oeuvre des combles, à
remettre
au 31 octobre 1999. L'entrepreneur a accepté le principe de confier à
des
tiers la direction et l'exécution des travaux nécessaires à
l'obtention du
permis d'habiter les combles. Il s'est toutefois réservé la direction
des
travaux d'évacuation du mobilier entreposé, l'isolation des sols, le
nivellement et la pose du sous-plancher, la fourniture et la pose
d'une
fenêtre et d'un verre feuilleté.

Du 18 septembre au 16 novembre 1999, les parties ont poursuivi leur
échange
de correspondance et une nouvelle controverse concernant une commande
a
surgi.

A.c Par lettre recommandée du 22 novembre 1999 et formule officielle
ad hoc,
B.________ a résilié le bail de A.________ pour justes motifs avec
effet au
1er janvier 2000. La compagne du locataire s'est vu notifier les mêmes
documents.

Deux jours plus tard, A.________ et sa compagne ont été informés par
courrier
recommandé que B.________ résiliait le contrat d'entreprise avec effet
immédiat.

B.
Le 20 décembre 1999, A.________ a saisi la Commission de conciliation
en
matière de baux à loyer du district de Lavaux et contesté le congé.
Par
courrier du 21 décembre 1999 adressé à la même autorité, il s'est
également
opposé à la résiliation du contrat d'entreprise.

Le 9 février 2000, la Commission a considéré que la résiliation du
bail du 22
novembre 1999 était nulle.

Par demande du 7 mars 2000, B.________ a saisi le Tribunal des baux
du canton
de Vaud. Il a conclu à la confirmation de la résiliation du bail et du
contrat d'entreprise, ainsi qu'à la fixation d'un délai au locataire
pour
quitter les lieux. Il demandait également que A.________ soit reconnu
débiteur d'une somme de 100 000 fr. en sa faveur.

Au cours de la procédure, l'expert D.________ a été chargé
d'apprécier les
travaux exécutés et ceux encore à réaliser.

Par jugement du 20 mars 2002, le Tribunal des baux a confirmé la
validité de
la résiliation avec effet au 1er avril 2000; il a accordé au
défendeur une
unique prolongation de bail jusqu'au 1er août 2003.

A. ________ a recouru contre cette décision. Par arrêt du 12 février
2003, la
Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours
et
confirmé le jugement attaqué.

C.
A.________ interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Il
conclut à
l'annulation du congé signifié par B.________ et, à titre
subsidiaire, à la
prolongation du bail pour quatre ans à partir de l'arrêt du Tribunal
fédéral,
avec possibilité pour le locataire de se libérer en tout temps avec un
préavis d'un mois pour la fin d'un mois. Encore plus subsidiairement,
le
défendeur demande l'annulation de l'arrêt cantonal et le renvoi de la
cause à
la Chambre des recours pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.

Par décision du 9 septembre 2003, la cour de céans a rejeté la requête
d'assistance judiciaire présentée par A.________.

B. ________ n'a pas été invité à se déterminer sur le recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (entre autres, ATF 129 III 288 consid. 2.1 p.
290).

1.1 En cas de différend relatif à la validité d'un congé, la valeur
litigieuse se détermine selon le loyer dû pour la période durant
laquelle le
contrat subsiste nécessairement, en supposant que l'on admette la
contestation, et qui s'étend jusqu'au moment pour lequel un nouveau
congé
aurait pu être donné ou l'a été effectivement (ATF 119 II 147 consid.
1 p.
149; 111 II 385 consid. 1 p. 386).

Dans son acte de recours, le défendeur admet lui-même que le bail
était
conclu pour quinze ans, soit jusqu'au 1er janvier 2012 (et non 2013
comme
indiqué sur le bail). Le loyer qui serait dû entre le 1er janvier
2000, date
pour laquelle le bail a été résilié, et le 1er janvier 2012
représente ainsi
un total de 288 000 fr. (144 mois à 2000 fr.). La valeur litigieuse
minimale
fixée à l'art. 46 OJ est largement dépassée.
Au surplus, le recours est interjeté par la partie qui a succombé
dans ses
conclusions en annulation de congé et il est dirigé contre un
jugement final
rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art.
48 al. 1
OJ). Déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes
requises
(art. 55 OJ), le recours est ainsi recevable.

1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43
al. 1 OJ). En revanche, il ne permet pas d'invoquer la violation
directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1, 2e phrase OJ) ou la
violation
du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement
juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à
moins
que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées,
qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertance
manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de
l'autorité
cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents,
régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 127 III
248
consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).

Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui
s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec
précision
de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas
possible
d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être
présenté de
griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de
preuve
nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc
pas
ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les
constatations
de fait qui en découlent (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277; 127
III 247
consid. 2c p. 252; 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

2.
Le défendeur reproche à la Chambre des recours d'avoir violé l'art.
266g al.
1 CO en admettant l'existence de justes motifs de résiliation du
bail. Il
rappelle que les parties ont conclu deux contrats distincts et
indépendants,
soit un contrat d'entreprise au printemps 1996 et un contrat de bail
en août
1996 et qu'il y a dès lors lieu d'appliquer à chaque contrat ses
dispositions
légales propres. Ainsi, les incidents rencontrés entre les parties
dans
l'exécution du contrat d'entreprise ne sauraient avoir un effet sur le
contrat de bail que le défendeur a conclu pour loger sa famille. C'est
pourtant, de l'avis du défendeur, ce qu'a fait l'autorité cantonale en
violation de l'art. 266g al. 1 CO. En outre, la Chambre des recours
n'aurait
pas vu que le réel motif du congé était de priver le défendeur du
paiement
des travaux exécutés dans le cadre du contrat d'entreprise.

2.1 Sur ce dernier point, le grief est manifestement irrecevable. En
effet,
déterminer quel est le motif d'une résiliation relève de
l'établissement des
faits et les constatations cantonales à ce sujet lient le Tribunal
fédéral
saisi d'un recours en réforme (ATF 115 II 484 consid. 2b p. 486).

2.2 En vertu de l'art. 266g al. 1 CO, une partie peut résilier le
bail à
n'importe quel moment, en observant le délai de congé légal, si
l'exécution
du contrat lui devient intolérable pour de justes motifs. Ne peuvent
constituer de justes motifs au sens de cette disposition que des
circonstances d'une gravité exceptionnelle, qui n'étaient pas connues
ni
prévisibles lors de la conclusion du contrat et qui ne résultent pas
d'une
faute de la partie qui s'en prévaut. Ces circonstances doivent être
si graves
qu'elles rendent la poursuite du bail jusqu'à son terme objectivement
intolérable. La perception subjective du caractère intolérable de la
poursuite du bail par la partie qui résilie n'est pas pertinente (ATF
122 III
262 consid. 2a/aa p 265 s. et les références; arrêt 4C.375/2000 du 31
août
2001, consid. 3a, reproduit in Pra 90/2001, n. 177, p. 1073).

Le juge apprécie s'il existe de justes motifs en appliquant les
règles du
droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet égard, il prendra en
considération
tous les éléments du cas particulier, qu'il pondérera avec le
principe de la
sécurité du droit et avec l'intérêt de l'autre partie au maintien du
contrat
(arrêt précité du 31 août 2001 et les références).

Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'équité
prise en
dernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte
sans
raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en
matière de
libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans
le cas
particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou encore lorsqu'elle n'a
pas
tenu
compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en
considération; il
sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d'un pouvoir
d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement
injuste
ou à une iniquité choquante (ATF 119 II 157 consid. 2a in fine; 118
II 50
consid. 4; 116 II 145 consid. 6a; 115 II 30 consid. 1b).

2.3 En l'espèce, les parties ont conclu un contrat d'entreprise et un
contrat
de bail. En cas de contrats distincts, la résiliation extraordinaire
de l'un
des contrats ne doit être examinée, en principe, qu'en fonction des
dispositions légales relatives à ce contrat. Ceci ne signifie
toutefois pas
que les circonstances entourant l'exécution d'un contrat parallèle
soient
d'emblée sans pertinence. En effet, dans le cadre de l'art. 266g CO,
le juge
doit rechercher si la poursuite de l'exécution du contrat de bail
jusqu'à son
terme est devenue intolérable pour la partie qui résilie. A cette
fin, il
doit prendre en considération tous les éléments du cas particulier,
ce qui
n'exclut pas, à titre exceptionnel, la prise en compte des relations
que les
parties ont pu nouer dans le cadre d'un autre contrat, lorsqu'il
existe une
étroite connexité entre les deux rapports juridiques.

Les parties peuvent convenir, même tacitement, de lier deux contrats
entre
eux. Il s'agit alors de contrats connexes ou interdépendants, qui,
dans
l'idée des parties, forment une unité juridique et économique
indissociable,
au point de constituer un contrat unique mais complexe. Dans une telle
situation, aucun des contrats liés ne peut prendre fin séparément
(arrêt
4C.43/2000 du 21 mai 2001, consid. 2d, reproduit in SJ 2001 I p.
547). Dans
les contrats connexes, des clauses exprimant cette interdépendance
sont
fréquentes; même en leur absence, la recherche de la commune
intention des
parties révèle généralement leur volonté de soumettre à un sort
commun la
naissance et l'extinction des obligations résultant de documents
distincts.
De façon générale, il n'existe pas de différence essentielle entre la
conclusion de plusieurs contrats connexes ou celle d'un contrat
combiné, qui
présente l'avantage de manifester dans un seul document
l'interdépendance
fonctionnelle des obligations (Luc Thévenoz, Commentaire romand, n.
14 et n.
16 ad Introduction à la partie spéciale du Code des obligations).

Dans le cas particulier, les parties ont introduit dans le contrat de
bail
une clause selon laquelle le loyer mensuel serait payé, d'une part, à
raison
de 1000 fr. en espèces et, d'autre part, à raison de 1000 fr. par
l'accomplissement des travaux auxquels le défendeur s'était engagé
envers le
maître en exécution de ses obligations d'entrepreneur. Cette clause de
compensation démontre que les parties ont enchevêtré de manière
étroite les
deux contrats de bail et d'entreprise, au point qu'ils constituent
une unité
économique, ce qui est déterminant notamment sous l'angle de la
résiliation
des relations complexes existant entre demandeur et défendeur.

Dans ces conditions, il convient d'examiner si la cour cantonale a
excédé son
large pouvoir d'appréciation (cf. art. 4 CC), en considérant que la
poursuite
du bail jusqu'à son terme, le 1er janvier 2012, était devenue
intolérable
pour le demandeur.

2.4 La Chambre des recours a confirmé les justes motifs de résiliation
anticipée du bail retenus par le Tribunal des baux. Elle a ainsi tenu
compte
de la manière dont le défendeur avait approché le demandeur, de la
rédaction
des contrats par le défendeur, de l'exécution très imparfaite du
contrat
d'entreprise, en particulier du coût final environ trois fois
supérieur à
celui du budget initial et sans plus aucun rapport avec le loyer fixé
et,
enfin, du caractère inconstant du défendeur. La cour cantonale a
encore
souligné qu'au moment de la signature des contrats, le demandeur ne
pouvait
se rendre compte du véritable caractère du défendeur, qui s'était
présenté
comme un professionnel de la rénovation de bâtiments; l'affaire
n'était donc
pas vouée à l'échec dès le début. En outre, les suites de l'exécution
très
imparfaite du contrat d'entreprise ne sont pas réglées, car le
demandeur
devra encore consentir à de nombreuses dépenses pour achever les
travaux. Le
défendeur ne saurait non plus se prévaloir du délai intervenu entre la
survenance des premières difficultés et la résiliation, dès lors que
le
demandeur a cherché à sauvegarder les contrats conclus «même au-delà
de la
raison». De même, le défendeur ne peut invoquer à sa décharge le
comportement
confiant du demandeur, qu'il a lui-même induit par sa manière
d'entrer en
contact et de présenter son projet.

Pour sa part, le demandeur soutient que ses démarches initiales
envers le
demandeur ne sont pas pertinentes puisqu'elles ne visaient que la
rénovation
de l'immeuble, et non la conclusion d'un bail pour sa famille. Il
conteste
par ailleurs avoir rédigé les contrats en sa faveur et estime
notamment que
le paiement des travaux par compensation n'était pas avantageux pour
lui,
puisqu'il acceptait ainsi de n'être totalement payé qu'après quinze
ans de
bail. A son sens, la dégradation des rapports entre les parties ne
concernait
que le contrat d'entreprise. Aucun reproche ne peut lui être adressé
en tant
que locataire. De même, son caractère n'a posé aucun problème dans le
cadre
du bail. Enfin, la sous-évaluation du coût des travaux ne concernait
pas ce
contrat. En ce qui concerne l'imprévisibilité des justes motifs, le
défendeur
prétend que le demandeur a eu six mois pour se rendre compte de son
caractère
avant de conclure le bail. Il conteste également l'absence de faute du
demandeur et le caractère durable des justes motifs; à cet égard, il
soutient
que si l'inexécution du contrat d'entreprise constituait le juste
motif
retenu par le Tribunal des baux et la Chambre des recours, celui-ci
avait
cessé d'exister dès la résiliation de ce contrat par le demandeur. Le
défendeur estime enfin que l'exécution du contrat de bail n'était pas
devenue
intolérable pour le demandeur, puisque ce dernier n'habitait pas à
Cully et
était de surcroît représenté par une régie.

2.5 L'exécution du contrat d'entreprise a connu des retards
considérables et
la qualité des travaux a été remise en cause tant par l'architecte
C.________
que par l'expert judiciaire D.________. Selon les constatations de la
cour
cantonale, le demandeur n'a pas pu, malgré ses efforts et sa patience,
obtenir l'exécution des travaux prévus en temps utile et selon les
règles de
l'art.

Dès lors que le demandeur se trouvait lié par un contrat de longue
durée,
portant en principe encore sur douze ans, et que l'inexécution du
contrat
d'entreprise était constatée, impliquant le non-paiement du loyer par
violation de la clause de compensation partielle de ce dernier, la
Chambre
des recours était fondée à considérer ces circonstances comme un
juste motif
de résiliation au sens de l'art. 266g al. 1 CO. Le fait que le
demandeur ne
pouvait pas recevoir l'intégralité de la contre-prestation qui lui
était due
pour la mise à disposition du logement suffit à démontrer
l'impossibilité de
poursuivre les relations contractuelles, surtout pour une période
aussi
longue que celle prévue dans le bail.

En conséquence, le moyen tiré de la violation de l'art. 266g CO doit
être
rejeté.

3.
A titre subsidiaire, le défendeur se plaint de la violation de l'art.
272 al.
1 CO. Il estime que la durée de la prolongation de bail accordée par
l'autorité cantonale est insuffisante et entend obtenir la
prolongation
maximale de quatre ans, calculée à partir de la date du présent
arrêt. Il
justifie sa position par la situation très précaire de sa famille et
l'absence d'intérêt du demandeur à occuper lui-même l'appartement
loué.

3.1 Selon l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander la
prolongation
d'un bail lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des
conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifient.

L'alinéa 2 de cette disposition prévoit que, dans la pesée des
intérêts,
l'autorité compétente se fondera notamment sur les circonstances de la
conclusion du bail et le contenu du contrat (a), la durée du bail
(b), la
situation personnelle, familiale et financière des parties ainsi que
leur
comportement (c), le besoin que le bailleur ou ses proches parents ou
alliés
peuvent avoir d'utiliser eux-mêmes les locaux ainsi que l'urgence de
ce
besoin (d) et la situation sur le marché local du logement (e). La
pesée des
intérêts en fonction de cette liste non exhaustive sert à statuer non
seulement sur le principe d'une éventuelle prolongation de bail, mais
aussi
sur sa durée. Les règles sur la prolongation tendent à adoucir les
conséquences pénibles que la résiliation peut entraîner pour le
locataire
(ATF 116 II 446 consid. 3b).

Le bail d'habitation peut être prolongé de quatre ans au maximum
(art. 272b
al. 1 CO). La détermination de la durée de la prolongation en
fonction des
critères précités relève du pouvoir d'appréciation du juge. Celui-ci
doit
tenir compte du but de la disposition, qui est de donner du temps au
locataire pour trouver une solution de remplacement, et procéder à
une pesée
des intérêts en présence. Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral
s'impose une certaine retenue (ATF 125 III 226 consid. 4b et les
références
citées).

3.2 Considérant que le bail avait été valablement résilié pour le 1er
avril
2000, le Tribunal des baux, puis la Chambre des recours, ont accordé
une
unique prolongation au 1er août 2003, soit d'une durée de trois ans
et quatre
mois, proche du maximum légal de quatre ans.

La cour cantonale a confirmé l'appréciation du Tribunal des baux. En
substance, elle a considéré qu'au vu des revenus modestes du
défendeur et de
sa famille, une prolongation du bail se justifiait. Cependant, hormis
sa
famille à charge, le défendeur n'a fait valoir aucun motif
particulier à
l'appui d'une longue prolongation, ni allégué que sa compagne ou
lui-même ne
pourrait exercer une activité lucrative, si bien que sa situation,
loin
d'être confortable, n'en était pas pour autant préoccupante, ce
d'autant plus
qu'il avait paru s'en accommoder sans aucune difficulté. En outre, le
jour de
l'audience devant la Chambre des recours, le 12 février 2003, le
défendeur
n'avait entrepris aucune démarche pour se reloger, ce qui ne pouvait
être
imputé au bailleur.

Compte tenu des critiques que le demandeur avait légitimement
formulées à
l'égard du défendeur et de l'intérêt des enfants de celui-ci à
pouvoir finir
l'année scolaire à Cully, une unique prolongation a été accordée au
1er août
2003.

3.3 Contrairement à l'opinion du défendeur, la Chambre des recours
n'a pas
abusé du large pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu en la
matière. Il
est exact que la cour cantonale n'a pas mentionné l'intérêt urgent du
bailleur à reprendre la jouissance du logement en cause. Il y a lieu
toutefois de rappeler que le but de la prolongation de bail est de
donner du
temps au locataire pour trouver une solution de remplacement. Or, en
l'espèce, le défendeur, qui a obtenu une prolongation de bail de
trois ans et
quatre mois le 20 mars 2002, n'a fait aucune démarche jusqu'en
février 2003
pour trouver un nouveau logement. Par ailleurs, la Chambre des
recours a pris
en considération la situation financière précaire du défendeur et de
sa
famille. A cet égard, il ne faut pas perdre de vue que ceux-ci
devront tôt ou
tard déménager. Or, il n'est pas certain qu'une prolongation de
quatre ans,
au lieu de trois ans et quatre mois, soit de nature à faciliter la
recherche
d'un appartement, tant du point de vue financier que de la difficulté
actuelle de trouver un logement.

Ainsi, en confirmant la prolongation unique du bail jusqu'au 1er août
2003
prononcée en première instance, l'autorité cantonale n'a pas abusé du
large
pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu par la jurisprudence.
Partant, le
grief du défendeur sera rejeté.

4.
Sur le vu de ce qui précède, les moyens soulevés par le défendeur sont
manifestement mal fondés, de sorte que le recours doit être rejeté en
application de l'art. 36a al. 1 let. b OJ.

Les frais judiciaires seront mis à la charge du défendeur (art. 156
al. 1
OJ). Ce dernier n'aura en revanche pas d'indemnité de dépens à verser
au
demandeur, qui n'a pas été invité à se déterminer (art. 59 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du défendeur.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 28 octobre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.201/2003
Date de la décision : 28/10/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-28;4c.201.2003 ?
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