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27/10/2003 | SUISSE | N°1A.149/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 octobre 2003, 1A.149/2003


{T 0/2}
1A.149/2003 /col

Arrêt du 27 octobre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président
du Tribunal fédéral, Reeb, Féraud et Catenazzi.
Greffier: M. Kurz.

V. ________,
recourant, représenté par Me Michel A. Halpérin, avocat, avenue
Léon-Gaud 5,
1206 Genève,

contre

Ministère public de la Confédération,
Taubenstrasse 16, 3003 Berne.

entraide judiciaire internationale en matière

pénale à la Belgique,

recours de droit administratif contre l'ordonnance du Ministère
public de la
Confédération du 6 jui...

{T 0/2}
1A.149/2003 /col

Arrêt du 27 octobre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Nay, Vice-président
du Tribunal fédéral, Reeb, Féraud et Catenazzi.
Greffier: M. Kurz.

V. ________,
recourant, représenté par Me Michel A. Halpérin, avocat, avenue
Léon-Gaud 5,
1206 Genève,

contre

Ministère public de la Confédération,
Taubenstrasse 16, 3003 Berne.

entraide judiciaire internationale en matière pénale à la Belgique,

recours de droit administratif contre l'ordonnance du Ministère
public de la
Confédération du 6 juin 2003.

Faits:

A.
Le 27 septembre 2002, un Juge d'instruction de Bruxelles a adressé au
Ministère public de la Confédération (MPC) une demande d'entraide
judiciaire
formée pour les besoins d'une enquête dirigée notamment contre
K.________,
ressortissante du Burundi domiciliée en Belgique, pour blanchiment de
capitaux. Complétée les 21 et 25 octobre 2002, la demande expose que
K.________ aurait été autorisée par un groupe de rebelles congolais,
contre
financement, à exploiter illégalement des gisements de coltan. Les
mines
étaient exploitées par la société M.________ (détenue par
K.________), et le
minerai commercialisé par la société belge C.________, gérée par
V.________,
citoyen belge. Les fonds provenant de l'exploitation étaient
acheminés en
Suisse sur des comptes détenus par K.________ ou des sociétés
détenues par
ses propres enfants, soit la société S.________ et la société
G.________.
Lors d'une perquisition au siège de C.________, des indices d'achats,
de
location et de transport de matériel militaire auraient été
découverts.
L'autorité requérante demande notamment d'identifier les avoirs
détenus en
banque par K.________ et les différentes personnes physiques ou
morales
soupçonnées.

B.
Le 14 novembre 2002, le MPC est entré en matière. Le 6 novembre 2002,
la
banque X.________ fit savoir que deux comptes mentionnés dans la
demande
étaient détenus respectivement par V.________ et J.________. Des
précisions
sur cette dernière ont été fournies le 14 novembre 2002 par la même
banque.
Le 20 novembre 2002, la banque Y.________ fit état de versements en
faveur de
S.________ et M.________. Les 26 novembre et 3 décembre 2002, la
banque
Z.________ a bloqué deux comptes détenus par K.________ et M.________
et
apporté des précisions sur des comptes détenus par ces personnes. Le
20
février 2003, la banque W.________ a fait savoir, par son avocat,
qu'elle
avait bloqué les avoirs de S.________.

V. ________ s'est adressé au MPC à plusieurs reprises au cours de la
procédure. Il fit notamment état, le 14 novembre 2002, de contacts
téléphoniques "quasi-quotidiens" entre le Procureur suisse et le Juge
d'instruction de Bruxelles. Le Procureur lui répondit, le 20 novembre
2002,
qu'il n'y avait eu qu'un entretien portant sur l'opportunité de
révéler le
contenu de la demande d'entraide, et deux contacts téléphoniques avec
son
assistant, concernant les précisions à apporter dans la demande ainsi
que
l'existence de relations bancaires en Suisse.
Le 2 décembre 2002, V.________ indiqua que lors de son interrogatoire
le 27
novembre 2002 par les inspecteurs de police belges, ces derniers
avaient fait
état d'un compte détenu en suisse, et de son contenu; en outre, le
Procureur
suisse s'était rendu à Bruxelles le 25 novembre précédent et avait
remis des
informations. V.________ réclamait un inventaire des pièces et
informations
transmises aux autorités belges.
Le 3 décembre 2002, le Procureur suisse produisit un inventaire des
informations remises spontanément en application des art. 10 CBl et
67a EIMP.
Il s'agit d'un tableau synoptique daté du 22 novembre 2002 et portant
le
sceau du MPC, mentionnant les différents comptes découverts en Suisse,
précisant leurs références, leurs détenteurs et ayants droit, les
procurations, les dates d'ouverture et de clôture, la monnaie et le
solde
disponible. Il en ressort notamment que V.________ est titulaire d'un
compte
auprès de la banque X.________, clôturé le 5 novembre 2001, d'un
compte
ouvert du 10 janvier au 9 octobre 2002 auprès de la banque
Y.________, d'un
compte ouvert le 10 janvier 2002 et présentant un solde de 7,4
millions
d'US$, ainsi que d'un coffre auprès de la même banque, dont le
contenu n'est
pas révélé. Il était précisé qu'aucun autre document n'avait été
remis aux
autorités belges.
Par lettre du 9 décembre 2002, V.________ s'est plaint de la
transmission de
ce qui, à ses yeux, ne constituait pas seulement une information,
mais un
véritable moyen de preuve, alors qu'une demande d'entraide avait déjà
été
présentée. La restitution de ce document était requise. Le même jour,
l'Office fédéral de la justice (OFJ) rappela au MPC les conditions
d'une
transmission spontanée, en se demandant "si il n'y aurait pas lieu de
«légaliser» cette transmission spontanée d'informations selon les
formes
arrêtées par le Tribunal fédéral (cf. ATF 125 II 238, spéc. consid.
6c et d),
ne serait-ce que pour éviter que les autorités belges n'utilisent
dans leur
procédure des informations obtenues de manière contraire au droit
suisse, ce
qui serait susceptible, à terme, de leur porter préjudice".
Le 11 décembre 2002, le Procureur refusa de rendre une décision
formelle sur
ce point. Le 13 décembre suivant, il s'adressa néanmoins au Juge
d'instruction de Bruxelles pour lui rappeler que les moyens de preuve
touchant au domaine secret devaient servir à la présentation d'une
demande
d'entraide, joignant à son envoi une copie de l'art. 67a EIMP.
Dans de nouveaux courriers des 11 et 21 février 2003, V.________
relevait
notamment que le juge d'instruction belge n'avait pas pu établir le
caractère
illicite du commerce de coltan, compte tenu notamment d'un rapport
d'un
groupe d'experts de l'ONU mettant K.________ hors de cause. Le juge
aurait
alors orienté son enquête sur les questions d'évasion fiscale. Selon
les
autorités belges, la réserve émise le 13 décembre 2002 n'avait pour
but que
de "couvrir" les autorités suisses, et ne changeait rien à
l'utilisation des
documents en Belgique.

C.
Le 6 juin 2003, après avoir tenté en vain d'obtenir l'accord des
parties
concernées à une exécution simplifiée, le MPC a prononcé la clôture
de la
procédure, et la transmission à l'autorité requérante - sous la
réserve de la
spécialité - des documents suivants:
la lettre du 6 novembre 2002 de la banque X.________;
la lettre du 14 novembre 2002 de la banque X.________ et ses 5
annexes;
la lettre du 20 novembre 2002 de la banque Y.________;
la lettre du 26 novembre 2002 de la banque Z.________;
la lettre du 3 décembre 2002 de la banque Z.________;
la lettre du 20 février 2003 de l'avocat de W.________.

D.
V.________ forme un recours de droit administratif contre cette
dernière
décision, ainsi que contre la transmission spontanée intervenue le 25
novembre 2002. Il conclut à l'irrecevabilité de la demande d'entraide
et de
ses compléments, à l'annulation des décisions d'entrée en matière et
de
clôture, ainsi qu'au refus de toute transmission d'information ou
document;
il demande en outre que le MPC obtienne la restitution des pièces
remises le
25 novembre 2002. Subsidiairement, il demande la suspension de la
procédure
d'entraide jusqu'à ce que l'Etat requérant ait donné des garanties
que les
documents remis ne seront pas utilisés à des fins fiscales.
Le MPC se réfère à sa décision de clôture et s'en remet à justice.
L'OFJ
conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté dans le délai et les formes utiles contre une décision de
clôture
rendue par l'autorité fédérale d'exécution, le recours de droit
administratif
est recevable (art. 80g al. 1 de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur
l'entraide internationale en matière pénale [EIMP; RS 351.1]).

1.1 La décision du MPC porte sur différents documents remis par des
établissements bancaires.
Dans sa lettre du 6 novembre 2002, la banque X.________ indique
notamment que
le recourant est titulaire et bénéficiaire d'un compte dont elle
indique les
références, ainsi que les dates d'ouverture et de clôture. Les
relevés ne
sont pas joints à cet envoi. La lettre du 14 novembre 2002 de la même
banque,
avec annexes, concerne le compte de J.________. Dans sa lettre du 20
novembre
2002, la banque Y.________ indique qu'il n'existe pas en ses livres
de compte
n° xxx; il est fait état d'un autre compte dont les documents
auraient été
remis précédemment, mais la transmission ne porte pas sur ces
documents. Dans
ses lettres des 26 novembre et 3 décembre 2002, la banque Z.________
mentionne plusieurs comptes dont le recourant n'est ni titulaire, ni
bénéficiaire. Enfin, la lettre de la banque W.________ du 20 février
2003
concerne un compte de S.________. Sur l'ensemble de ces documents, le
recourant n'est directement concerné que par l'indication figurant
dans la
lettre du 6 novembre 2002. Faute de toute indication précise sur
l'utilisation de ce compte (en l'absence de documentation bancaire
comme les
relevés et justificatifs), on peut s'interroger sur l'utilité de ce
renseignement pour l'autorité requérante. Le recourant n'en est pas
moins
légitimé à recourir, en vertu des art. 80h let. b EIMP et 9a let. a
OEIMP.

1.2 Le recours est également dirigé contre la transmission, qualifiée
de
"spontanée", effectuée le 25 novembre 2002. En réalité, comme cela
est relevé
ci-dessous, il faut voir dans cet acte une exécution, partielle et
anticipée,
de l'entraide requise, soumis à recours au même titre qu'une
ordonnance de
clôture. Même s'il s'agissait réellement d'une transmission spontanée
au sens
de l'art. 67a EIMP, le recours de droit administratif serait ouvert
(ATF 125
II 356 consid. 3a p. 361). Le document remis à cette occasion
consiste en un
tableau où figurent les différents titulaires des comptes ouverts
dans les
banques précitées, avec indications du numéro, de l'ayant droit, des
procurations, des dates d'ouverture et de clôture, ainsi que du
solde. Le
recourant y figure comme détenteur de deux comptes, l'un ouvert du 10
janvier
au 9 octobre 2002, et l'autre présentant un solde de 7'428'878 US$
auprès de
la banque Y.________, d'un coffre auprès du même établissement (dont
le
contenu n'est pas révélé), ainsi que du compte auprès de la banque
X.________. Ce document, qui porte le sceau du MPC, peut avoir une
certaine
valeur probante, même s'il ne permet pas déterminer l'utilisation et
la
provenance des avoirs mentionnés. Le recourant a dès lors aussi
qualité pour
recourir sur ce point, dans la mesure où ces renseignements le
concernent.

1.3 Saisi d'un recours de droit administratif dirigé contre une mesure
d'entraide judiciaire, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les
conclusions
des parties (art. 25 al. 6 EIMP; art. 114 OJ; ATF 122 II 373 consid.
1c p.
375; 118 Ib 269 consid. 2e p. 275; 117 Ib 51 consid. 1b p. 56, et les
arrêts
cités). Il examine librement dans quelle mesure la coopération
internationale
doit être accordée, et statue avec une cognition pleine sur les griefs
soulevés sans être cependant tenu, comme le serait une autorité de
surveillance, de vérifier d'office la conformité de la décision
attaquée à
l'ensemble des dispositions applicables en la matière (ATF 123 II 134
consid.
1d p. 136/137).

2.
L'entraide judiciaire entre la Belgique et la Suisse est régie par la
Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20
avril
1959 (CEEJ; RS 0.351.1). Compte tenu des délits pour lesquels
l'entraide est
requise, les règles sur la coopération internationale de la Convention
relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la
confiscation des
produits du crime, conclue à Strasbourg le 8 novembre 1990 et entrée
en
vigueur le 11 septembre 1993 pour la Suisse et le 1er mai 1998 pour la
Belgique (CBl; RS 0.311.53), sont également applicables. Les
dispositions de
ces instruments internationaux l'emportent sur le droit autonome qui
régit la
matière. Celui-ci reste toutefois applicable aux questions non
réglées,
explicitement ou implicitement, par le droit conventionnel, et
lorsqu'il se
révèle plus favorable à l'entraide (ATF 123 II 134 consid. 1a p. 136;
122 II
140 consid. 2 p. 142; 120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, 189 consid.
2a p.
191/192; 118 Ib 269 consid. 1a p. 271, et les arrêts cités).

3.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 67a EIMP. Selon lui,
les
renseignements figurant dans le tableau remis par le MPC
constitue-raient des
moyens de preuve, puisque les références exactes des comptes y sont
mentionnées. Les autorités belges les avaient d'ailleurs utilisés
lors de
différents interrogatoires de police, ainsi qu'à l'occasion de la
prolongation de la détention du recourant. Cette irrégularité ne
pourrait pas
être réparée après coup par l'octroi de l'entraide judiciaire, compte
tenu du
caractère essentiellement fiscal de l'enquête en Belgique, de la
violation du
principe de la spécialité et du fait que ces renseignements ne sont
pas
mentionnés dans l'ordonnance de clôture. Il y aurait donc lieu
d'obtenir la
restitution de ce document, ainsi que l'assurance qu'aucune copie
n'est
conservée et qu'il n'en sera pas fait usage dans l'Etat requérant.

3.1 Selon l'art. 67a EIMP, la transmission
spontanée de
renseignements à un
Etat étranger est admissible lorsque cela peut permettre l'ouverture
d'une
poursuite pénale ou faciliter le déroulement d'une enquête en cours.
Lorsqu'il s'agit d'informations touchant au domaine secret, une telle
transmission n'est autorisée que si elle permet la présentation d'une
demande
d'entraide à la Suisse (al. 4 et 5). Le MPC s'est effectivement fondé
sur
cette disposition pour justifier la remise immédiate au Juge
d'instruction de
Bruxelles du tableau établi le 22 novembre 2002. Un procès-verbal de
cette
transmission a été dressé, conformément à l'art. 67a al. 6 EIMP.

3.2 La transmission spontanée est possible comme forme complémentaire
ou
anticipée de coopération internationale. Dans le premier cas, l'Etat,
déjà
saisi d'une demande d'entraide judiciaire, livre spontanément des
informations propres à favoriser la procédure dans l'Etat requérant,
mais qui
n'ont pas été requises. Dans le second cas, les renseignements sont
transmis
indépendamment de toute procédure d'entraide, et sont propres à
motiver une
demande d'entraide (ATF 125 II 356 consid. 12b p. 366). Le but d'une
telle
transmission est d'éviter que des renseignements utiles à une
procédure
pénale demeurent inexploités faute d'information adéquate à l'autorité
étrangère (idem).
Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'entraide, l'autorité
d'exécution ne
peut procéder par transmission spontanée pour remettre tout ou partie
des
documents ou renseignements requis, car les règles ordinaires sur la
procédure d'exécution, en particulier l'obligation de rendre une
décision de
clôture sujette à recours (art. 80d et 80g EIMP), s'en trouveraient
contournées.

3.3 En l'occurrence, la demande d'entraide du 27 septembre tend au
blocage
des comptes de S.________. Le complément du 21 octobre 2001 tend à
l'identification et au blocage des comptes détenus par ou pour les
personnes
physiques et morales mentionnées dans l'exposé des faits, notamment
K.________ et la société G.________. Des précisions comme les dates
d'ouverture et de clôture, les pouvoirs de signature et de gestion et
les
soldes actuels sont requises. Quatre comptes bancaires sont
expressément
mentionnés, dont un auprès de la banque X.________ censément détenu
par la
société G.________. V.________ ne figure pas dans la mission
proprement dite,
mais est mentionné comme gérant de C.________. Lors de l'exécution de
la
requête, il est apparu que le compte précité auprès de la banque
X.________
était détenu par V.________. En outre, celui-ci détenait des comptes
auprès
de la banque Y.________, notamment deux comptes dont l'un avait servi
à des
versements en faveur de S.________ et M.________. Il apparaît par
conséquent
que les informations concernant le compte auprès de la banque
X.________
répondent précisément à la demande d'entraide judiciaire; celles qui
concernent les autres avoirs auprès de banque Y.________ pourraient
aussi
entrer, moyennant une légère extension de l'entraide requise,
compatible avec
le principe de la proportionnalité, dans le cadre de la mission
définie par
le Juge d'instruction de Bruxelles. Ce dernier ne demande pas
formellement la
remise de l'ensemble des documents bancaires, y compris les extraits
et
justificatifs, mais paraît se contenter d'informations livrées par
l'autorité
requise sur la base d'un examen des documents bancaires que cette
dernière
aurait elle-même effectué. Dans ces conditions, la remise du tableau
récapitulatif apparaît comme un acte d'exécution, et ne peut être
qualifiée
de remise spontanée. Le MPC ne pouvait par conséquent se contenter
d'une
remise informelle, mais devait procéder par la voie d'une ordonnance
de
clôture.

3.4 La remise opérée par le juge d'instruction apparaît problématique
à un
second titre. La transmission spontanée, lorsqu'elle est admissible,
doit se
limiter à de pures informations; la remise de moyens de preuve est
exclue par
ce biais (art. 67a al. 4 EIMP; sur la notion de moyens de preuve, ATF
125 II
356 consid. 12c p. 367 et les auteurs cités par Zimmermann, La
coopération
judiciaire internationale en matière pénale, Berne 1999, n° 237 et
note 890).
En l'occurrence, un document officiel de l'autorité suisse
mentionnant les
références des comptes, leurs dates d'ouverture et de clôture,
l'identité des
personnes habilitées à les faire fonctionner, ainsi que le montant
des sommes
qui s'y trouvent, est susceptible de confirmer les soupçons, voire
même de
permettre, moyennant des recoupements avec les autres renseignements
disponibles, de fonder une condamnation, même si les mouvements des
comptes
ne sont pas indiqués dans le détail. La demande d'entraide ne tend
d'ailleurs
pas expressément à la production des documents bancaires, l'autorité
requérante paraissant se contenter de simples informations délivrées
par
l'autorité d'exécution. On peut en déduire que de telles informations
pourraient avoir, dans l'Etat requérant, une valeur probante
suffisante.
La question peut demeurer indécise: qu'il s'agisse d'un véritable
moyen de
preuve ou d'une simple information, le tableau remis au Juge
d'instruction de
Bruxelles constitue un acte d'exécution de la demande d'entraide
formée par
celui-ci et devait, à ce titre, être soumis à la procédure ordinaire
et faire
l'objet d'une décision de clôture.

3.5 Le MPC s'est aussi fondé sur l'art. 10 CBl pour opérer sa
transmission
spontanée. Cette disposition a la teneur suivante :
Sans préjudice de ses propres investigations ou procédures, une
Partie peut,
sans demande préalable, transmettre à une autre partie des
informations sur
les instruments et les produits lorsqu'elle estime que la
communication de
ces informations pourrait aider la Partie destinataire à engager ou à
mener à
bien des investigations ou des procédures, ou lorsque ces informations
pourraient aboutir à une demande formulée par cette Partie en vertu du
présent chapitre.
Cette disposition ne saurait, elle non plus, justifier une remise
spontanée à
n'importe quelles conditions, indépendamment des règles relatives à la
procédure d'entraide judiciaire ordinaire, découlant de la CEEJ ou du
droit
interne. Il s'agit en effet d'une disposition potestative, qui
n'impose
nullement une remise spontanée d'informations: chaque Etat partie a la
possibilité de prévoir une telle remise, et peut par conséquent en
fixer les
conditions, plus ou moins restrictivement. Ainsi, dans son message
concernant
la ratification de la CBl, le Conseil fédéral a estimé, avec raison,
que
l'art. 10 CBl n'imposait aucune obligation aux Etats parties et que,
par
ailleurs, une transmission spontanée pouvait être soumise à une
condition de
confidentialité (art. 33 al. 3 CBl; FF 1992 VI 8 ss, p. 23). Le
système prévu
par la Convention n'est d'ailleurs pas différent de celui institué par
l'EIMP. L'art. 10 CBl prévoit que les informations transmises
spontanément
peuvent notamment aboutir à une demande formelle au sens de l'art. 8
CBl. Il
n'est donc pas possible de recourir systématiquement à la transmission
spontanée, sans quoi les règles spécifiques de la Convention
relatives aux
demandes formelles d'entraide judiciaire (notamment les art. 27 ss
CBl) ne
seraient plus d'aucune utilité. Cela implique aussi que l'on puisse
faire une
distinction entre, d'une part, les simples informations visées par
l'art. 10
CBl et, d'autre part, les moyens ou "éléments" de preuve proprement
dits,
visés spécifiquement aux art. 8, 32 et 33 CBl. Par conséquent,
l'application
de la CBl ne saurait justifier une transmission spontanée à des
conditions
plus larges que celles prévues par le droit fédéral.

3.6 Selon la jurisprudence, lorsque des renseignements ou moyens de
preuve
font l'objet d'une transmission prématurée, il n'y a pas forcément
lieu d'en
demander la restitution. Le vice peut en effet encore être réparé par
la
suite lorsqu'il apparaît, après avoir permis aux parties intéressées
de faire
valoir leurs objections, que les conditions d'octroi de l'entraide
judiciaire
sont réalisées et que les documents litigieux doivent de toute façon
aboutir
en mains de l'autorité requérante (ATF 125 II 238 consid. 6a p. 246;
arrêt
1A.168/1996 du 7 novembre 1996, consid. 3d/cc).
Une telle réparation n'est toutefois pas possible en l'occurrence,
dès lors
que la décision de clôture du 6 juin 2003 porte sur différentes
lettres
remises par les banques, et que ces dernières ne contiennent pas tous
les
renseignements qui, s'agissant du recourant, figurent dans le tableau
récapitulatif du 22 novembre 2002. Le recourant n'est donc pas à
même, au
travers de la décision de clôture, de faire valoir ses objections
contre la
transmission irrégulière qui l'a précédée. Il appartiendra par
conséquent au
MPC de rendre une décision formelle, susceptible de recours, contre la
transmission au Juge d'instruction de Bruxelles des renseignements
concernant
le recourant, tels qu'ils figurent dans le tableau du 22 novembre
2002.
Compte tenu de la possibilité d'une régularisation de cette
transmission, il
n'y a pas lieu, en l'état, d'exiger une restitution de cette pièce ou
des
assurances de l'Etat requérant quant à son utilisation.

4.
Invoquant l'art. 3 EIMP et le principe de la spécialité, le recourant
estime
que l'enquête menée en Belgique prendrait une orientation
exclusivement
fiscale. Les renseignements transmis en novembre 2002 auraient déjà
été
utilisés par les enquêteurs belges, en particulier lors de
l'interrogatoire
du 17 février 2003. A cette occasion, le recourant avait été
interrogé sur
l'absence de mention de ses comptes en Suisse dans son dossier
fiscal, les
enquêteurs ayant ajouté que les revenus déclarés par le recourant ne
lui
permettaient pas d'avoir autant d'argent en Suisse. La Chambre des
mises en
accusation aurait elle aussi tenu compte des renseignements figurant
dans le
tableau remis par le MPC pour fixer le montant de la caution imposée
au
recourant. Selon les propos de l'Avocat Général (relatés par les
avocats du
recourant en Belgique), la réserve émise par le MPC le 13 décembre
2002 ne
servirait qu'à "couvrir" les autorités suisses, et était sans
incidence sur
la procédure en Belgique.

4.1 Selon l'art. 3 al. 3 EIMP, applicable en vertu de l'art. 2 let. a
CEEJ,
la demande d'entraide est irrecevable si la procédure étrangère vise
un acte
qui paraît tendre à diminuer les recettes fiscales; l'entraide peut en
revanche être accordée pour la répression d'une escroquerie fiscale.
Selon l'art. 67 EIMP (dont l'application est réservée par la Suisse à
propos
de l'art. 2 CEEJ), les renseignements et documents obtenus par voie
d'entraide ne peuvent, dans l'Etat requérant, ni être utilisés aux
fins
d'investigation ni être produits comme moyens de preuve dans une
procédure
pénale visant une infraction pour laquelle l'entraide est exclue. Ces
infractions sont celles qui figurent à l'art. 3 EIMP (ATF 124 II 184
consid.
4b p. 187); il s'agit en particulier des délits fiscaux. Il appartient
toutefois à l'Etat requis d'indiquer clairement les conditions
auxquelles
l'art. 5 CEEJ permet de subordonner l'octroi de sa collaboration. A
défaut,
il ne saurait être question d'une violation du principe de la
spécialité.

4.2 La demande d'entraide est exclusivement formée pour les besoins
d'une
procédure pénale, les infractions poursuivies (blanchiment d'argent)
donnant
manifestement lieu à l'entraide. Le recourant évoque certains
éléments à
décharge, notamment un rapport du Conseil de sécurité de l'ONU qui
mettrait
K.________ hors de cause. Ce genre d'arguments n'a pas sa place dans
le cadre
d'une requête d'entraide judiciaire: c'est aux autorités de l'Etat
requérant
qu'il appartiendra de décider du sort de la poursuite. Quand bien
même il
existerait certains éléments susceptibles de mettre hors de cause les
personnes poursuivies dans l'Etat requérant, seul le retrait de la
demande
pourrait, en dehors des cas prévus aux art. 5 EIMP, mettre fin à la
procédure
d'entraide ouverte en Suisse.
De son côté, en tant que partie à la CEEJ, la Belgique bénéficie d'une
présomption de respect des conditions posées par la Suisse en matière
d'entraide judiciaire. Une telle présomption ne saurait être
renversée que
sur la base d'éléments de preuve incontestables. En effet, il va de
soi que
les Etats liés par la CEEJ se conforment à leurs engagements
internationaux,
tel le respect de la règle de la spécialité, sans qu'il soit
nécessaire de le
leur faire préciser dans une déclaration expresse (ATF 129 II 384,
consid. 4
non publié; ATF 115 Ib 373 consid. 8 p. 377; 107 Ib 64 consid. 4b p.
272, et
les arrêts cités). Sauf circonstances particulières, l'Etat requérant
est
réputé observer fidèlement et scrupuleusement les obligations que le
traité
met à sa charge (ATF 118 Ib 547 consid. 6b p. 561; 110 Ib 392 consid.
5b p.
394/395; 107 Ib 264 consid. 4b p. 272; 104 Ia 49 consid. 5b p. 56-60).

4.3 Dans le cas d'espèce, si les enquêteurs ont eu accès au dossier
fiscal du
recourant, cela ne signifie pas encore que la réciproque soit vraie
et que
les autorités fiscales aient accès au dossier pénal, voire que des
informations leur soient directement transmises. En l'état, les
renseignements remis par le MPC ont été utilisés, certes
prématuré-ment, mais
uniquement par les autorités de poursuite pénale (police, chambre
d'accusation). L'allusion aux déclarations fiscales du recourant tend

manifestement à faire avouer par ce dernier l'origine des fonds qui
ont
abouti sur son compte en Suisse. Le recourant ne prétend pas qu'il
ferait
l'objet d'une quelconque mesure de la part des autorités fiscales.
L'affirmation d'un magistrat belge selon laquelle la réserve formulée
par le
MPC serait sans portée, ne paraît pas non plus avoir été faite en vue
d'autoriser une utilisation des renseignements transmis à des fins
fiscales.
On ne saurait d'ailleurs perdre de vue que, jusqu'à présent, aucune
réserve
formelle et claire n'a été émise à propos de la spécialité. La
transmission
spontanée n'a fait l'objet d'aucune réserve, et l'intervention après
coup du
MPC, par lettre du 13 décembre 2002, se borne à préciser que les
renseignements touchant au domaine secret ne peuvent être obtenus que
par la
voie ordinaire de l'entraide judiciaire, sans restreindre de manière
claire
l'utilisation des renseignements déjà transmis. Pour l'instant, la
Suisse n'a
donc pas fait usage de la faculté réservée à l'art. 5 CEEJ, de sorte
que
l'autorité requérante ne saurait se voir adresser aucun reproche.
Il en ira différemment lorsque l'ordonnance de clôture lui sera
communiquée,
avec les réserves habituelles relatives au principe de la spécialité.
L'Etat
requérant se trouvera alors lié par les conditions posées par la
Suisse, et
il n'y a actuellement aucune raison de penser qu'il se soustraira à
ses
obligations. Si, malgré cela, le recourant peut démontrer par la
suite que le
principe de la spécialité a été violé, il lui incombera de faire
valoir cet
argument devant le juge du fond, voire de saisir l'OFJ d'une
dénonciation au
sens de l'art. 71 PA ou d'une demande d'intervention auprès des
autorités
belges afin de leur rappeler la portée du principe de la spécialité.
En
l'état, on ne se trouve pas dans une situation d'abus répétés qui
commanderait au Tribunal fédéral d'intervenir déjà au stade de
l'entraide
(cf. Zimmermann, op. cit. n° 484; cf. également ATF 125 II 384
consid. 4.2
non publié; arrêt 1A.161/2000 du 15 juin 2000, consid. 4).

5.
Pour le surplus, le recourant ne soutient pas que les autres
conditions
d'octroi de l'entraide judiciaire ne seraient pas réunies, s'agissant
des
pièces faisant l'objet de la décision de clôture. En particulier,
compte tenu
des renseignements très limités qui figurent dans les courriers
bancaires, le
principe de la proportionnalité paraît manifestement respecté.

6.
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit
être
admis en tant qu'il est dirigé contre la transmission du 25 novembre
2002, le
MPC étant invité à rendre une décision de clôture formelle à cet
égard,
portant sur les renseignements qui concernent le recourant. Le
recours doit
en revanche être rejeté en tant qu'il est dirigé contre l'ordonnance
de
clôture du 6 juin 2003. Le recourant n'obtient que très partiellement
gain de
cause, sur une question formelle, l'essentiel de ses conclusions
principales
et subsidiaires étant pour le surplus rejeté. Il convient de mettre à
sa
charge un émolument judiciaire réduit, et de lui allouer des dépens,
également réduits, à la charge du MPC.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est admis au sens des considérants.
Le MPC
est invité à rendre une décision formelle de clôture concernant la
remise à
l'autorité requérante des renseignements concernant le recourant et
figurant
dans le tableau récapitulatif daté du 25 novembre 2002. Le recours
est rejeté
pour le surplus, et la décision de clôture du 6 juin 2003 est
confirmée.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Une indemnité de dépens de 1000 fr. est allouée au recourant, à la
charge du
Ministère public de la Confédération.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant
et au
Ministère public de la Confédération ainsi qu'à l'Office fédéral de la
justice (B 135 875 BOT).

Lausanne, le 27 octobre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.149/2003
Date de la décision : 27/10/2003
1re cour de droit public

Analyses

Art. 67a EIMP; art. 10 CBl. L'autorité saisie d'une demande d'entraide judiciaire ne peut pas procéder par transmission spontanée pour remettre tout ou partie des renseignements requis (consid. 3).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-27;1a.149.2003 ?
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