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24/10/2003 | SUISSE | N°H.224/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 octobre 2003, H.224/02


{T 7}
H 224/02

Arrêt du 24 octobre 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffier : M.
Beauverd

W.________, 12, recourant, représenté par Me Enrico Monfrini, avocat,
Etude
Monfrini Bottge & Associes,
place du Molard 3, 1204 Genève,

contre

HOTELA, Caisse de compensation de la SSH et de la FSAV, rue de la
Gare 18,
1820 Montreux, intimée

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 25 avril 2002)

Faits

:

A.
Par décision du 30 mars 1994, HOTELA, Caisse de compensation de la
Société
suisse des hôteliers (ci-après : la ca...

{T 7}
H 224/02

Arrêt du 24 octobre 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffier : M.
Beauverd

W.________, 12, recourant, représenté par Me Enrico Monfrini, avocat,
Etude
Monfrini Bottge & Associes,
place du Molard 3, 1204 Genève,

contre

HOTELA, Caisse de compensation de la SSH et de la FSAV, rue de la
Gare 18,
1820 Montreux, intimée

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 25 avril 2002)

Faits:

A.
Par décision du 30 mars 1994, HOTELA, Caisse de compensation de la
Société
suisse des hôteliers (ci-après : la caisse) a fixé à 204'371 fr. 80 -
y
compris les frais administratifs - le montant des cotisations dues par
W.________ sur le bénéfice réalisé lors de la vente de son hôtel en
1989. La
caisse s'était fondée pour cela sur une taxation de l'autorité
fiscale du
canton de Berne.

Saisie d'une demande de remise de l'impôt dû sur le bénéfice de cette
vente,
la Commission fédérale de remise de l'impôt fédéral direct (ci-après
: la
Commission fédérale) l'a rejetée par décision du 24 juin 1994. Le 9
mai 1995,
l'intéressé a présenté une demande de reconsidération de cette
décision.

Par courrier du 26 mars 1997, la caisse a informé W.________ que la
décision
à venir de la Commission fédérale pouvait être prise en considération
dans le
cadre d'une reconsidération de la décision de cotisations du 30 mars
1994.
Par décision du 17 décembre 1998, la Commission fédérale a
partiellement
admis la demande, en ce sens qu'un montant de 169'040 fr. 50 a été
déduit de
la somme de 219'040 fr. 50 due au titre d'impôt sur le gain en
capital.

Par commandement de payer no 97 148886 J notifié par l'Office des
poursuites
de Genève, la caisse a réclamé le paiement des cotisations dues sur le
bénéfice en capital. Saisie d'une opposition, elle en a requis la
mainlevée
devant le Tribunal de première instance de Genève par écriture du 10
mars
1998.

Par décision du même jour, elle a prononcé la mainlevée de
l'opposition en ce
qui concerne les intérêts moratoires. La Commission cantonale
genevoise de
recours en matière d'AVS/AI (aujourd'hui, en matière d'assurances
sociales :
Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève) ayant annulé cette
décision par jugement du 10 décembre 1998, la caisse a rendu une
nouvelle
décision, le 1er février 1999, par laquelle elle a prononcé la
mainlevée de
l'opposition formée contre le commandement de payer no 97 148886 J,
jusqu'à
concurrence d'un montant de 36'256 fr. 95, somme représentant les
intérêts
moratoires dus - pour la période du 30 mars 1994 au 30 avril 1997 -
sur le
solde des cotisations fixées par la décision du 30 mars 1994.

Par écriture du 4 mars 1999, W.________ a requis de la caisse le
réexamen de
la décision de cotisations du 30 mars 1994.

B.
Le même jour, le prénommé a recouru devant la commission cantonale de
recours
contre la décision de mainlevée de l'opposition en matière d'intérêts
moratoires du 1er février 1999 (cause no 201/99).

Par ailleurs, la caisse ayant refusé de reconsidérer la décision de
cotisations sur le bénéfice en capital du 30 mars 1994 (lettre du 9
mars
1999), W.________ a également déféré cet acte à la juridiction
cantonale le
19 mars 1999 (cause no 240/99).

Après avoir joint les causes, la commission cantonale a rejeté le
recours
dans la cause no 201/99 et déclaré irrecevable le recours dans la
cause
240/99.

C.
W.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, dont
il demande l'annulation, en concluant, sous suite de frais et dépens,
à ce
que la caisse intimée rende une nouvelle décision en « tenant compte,
pour le
calcul du montant des cotisations dues et des intérêts y relatifs, de
la
remise de l'impôt 1989/1990 intervenue le 17 décembre 1998 ».

La caisse intimée conclut au rejet du recours, tandis que l'Office
fédéral
des assurances sociales a renoncé à présenter des déterminations.

Considérant en droit:

1.
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se
borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris
par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles
de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et
105 al. 2
OJ).

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-vieillesse et survivants. Cependant, le cas d'espèce
reste régi
par les dispositions de la LAVS en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002,
eu
égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en
vigueur
au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits
(ATF 127 V
467 consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie
la
légalité des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état
de fait
existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V
366
consid. 1b).

3.
3.1Le litige porte d'abord sur le point de savoir si la caisse
intimée était
fondée à refuser d'entrer en matière sur la demande de révocation de
sa
décision de cotisations sur le bénéfice en capital du 30 mars 1994.
Comme
cette décision est entrée en force faute d'avoir été déférée à une
autorité
judiciaire, il y a lieu d'examiner d'entrée de cause si la créance de
cotisations est éteinte.

3.2 La créance de cotisations, fixée par décision notifiée
conformément à
l'art. 16 al. 1 LAVS, s'éteint trois ans après la fin de l'année
civile au
cours de laquelle la décision est passée en force (art. 16 al. 2,
première
phrase, LAVS, dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 1996).
Ce délai
a été porté à cinq ans par la dixième révision de l'AVS entrée en
vigueur le
1er janvier 1997. Si une poursuite pour dettes ou une faillite est en
cours à
l'échéance du délai, celui-ci prend fin avec la clôture de
l'exécution forcée
(art. 16 al. 2, troisième phrase, LAVS).

3.3 En l'espèce, la décision de cotisations ayant été rendue le 30
mars 1994,
la créance de cotisations n'était pas éteinte le 1er janvier 1997, de
sorte
que c'est le délai de cinq ans qui est applicable en l'occurrence
(let. b al.
2 des dispositions finales de la modification du 7 octobre 1994 [10ème
révision de l'AVS]). Aussi, le délai était-il échu le 31 décembre
1999. Etant
donné qu'une poursuite pour dettes était toutefois en cours à cette
date et
qu'elle est toujours pendante, la créance de cotisations n'est pas
éteinte.

4.
4.1 La caisse intimée a refusé d'entrer en matière sur la demande de
révocation de sa décision de cotisations sur le bénéfice en capital
du 30
mars 1994, motif pris qu'un administré n'a pas le droit d'exiger d'une
autorité qu'elle reconsidère une décision entrée en force.

De son côté, la juridiction cantonale a repris cette motivation tout
en
ajoutant que le refus de la caisse d'entrer en matière ne constituait
pas une
décision sujette à recours, de sorte qu'elle n'avait pas à entrer en
matière
sur le recours du 19 mars 1999, dans la cause no 240/99.

4.2 L'administration ne peut revenir sur une décision formellement
passée en
force et sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée
sous
l'angle matériel que lorsque les conditions qui président à la
révocation,
par son auteur, d'une décision administrative sont réalisées. A cet
égard, la
jurisprudence constante distingue la reconsidération d'une décision
formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle une
autorité
judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à laquelle
l'administration
peut procéder pour autant que la décision soit sans nul doute erronée
et que
sa rectification revête une importance notable (ATF 122 V 21 consid.
3a, 173
consid. 4a, 271 consid. 2, 368 consid. 3, 121 V 4 consid. 6 et les
arrêts
cités), de la révision d'une décision entrée en force formelle, à
laquelle
l'administration est tenue de procéder lorsque sont découverts des
faits
nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve susceptibles de conduire à
une
appréciation juridique différente (ATF 122 V 21 consid. 3a, 138
consid. 2c,
173 consid. 4a, 272 consid. 2, 121 V consid. 6 et les références).

4.3 En l'occurrence, on ne saurait considérer comme sans nul doute
erronée
une décision de cotisations fondée sur une taxation fiscale, au seul
motif
que l'intéressé a bénéficié subséquemment d'une remise de l'impôt
fédéral
direct (art. 23 de l'ordonnance du Département fédéral des finances
concernant le traitement des demandes en remise de l'impôt fédéral
direct; RS
642.121). Aussi, contrairement à ce que laisse entendre le jugement
attaqué,
une reconsidération de la décision de cotisations sur le bénéfice en
capital
du 30 mars 1994 n'entrait-elle pas en ligne de compte dans le cas
particulier.

Par ailleurs, selon la jurisprudence, les remises d'impôts accordées
par
l'autorité fiscale n'ont pas d'incidence sur la fixation des
cotisations
AVS/AI/APG, ces dernières étant déterminées en fonction des taxations
de
l'impôt fédéral direct entrées en force (ATF 120 V 276 consid. 6).
Cela
étant, dans la mesure où la remise d'impôts ne constitue pas un fait
nouveau
susceptible de conduire à une appréciation juridique différente, il
n'y avait
pas lieu à révision de la décision de cotisations du 30 mars 1994.

4.4
4.4.1Toutefois, le recourant reproche à la caisse intimée une
violation du
principe de la bonne foi. Se référant à la lettre de la caisse du 26
mars
1997, il est d'avis que celle-ci s'est engagée à procéder au réexamen
de la
décision du 30 mars 1994, une fois droit connu sur la procédure
tendant à la
remise de l'impôt fédéral direct 1989/1990, pendante devant les
autorités
fiscales. En particulier, la caisse indiquait que la décision à venir
desdites autorités pouvait être prise en considération dans le cadre
d'une
reconsidération de la décision susmentionnée.

4.4.2 Le droit à la protection de la bonne foi, déduit de l'art. 4
aCst., est
expressément consacré à l'art. 9 Cst. Selon la jurisprudence rendue
sous
l'ancien droit, qui est toujours valable (ATF 127 I 36 consid. 3a,
126 II 387
consid. 3a; RAMA 2001 no KV 171 p. 281 consid. 3b, 2000 no KV 126 p.
223, no
KV 133 p. 291 consid. 2a), il permet au citoyen - à certaines
conditions (ATF
121 V 66 consid. 2a et les références) - d'exiger que l'autorité
respecte ses
promesses et qu'elle évite de se contredire. Il faut notamment que
l'administré se soit fondé sur un renseignement erroné pour prendre
des
dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir un préjudice.

4.4.3 En l'espèce, il n'est pas nécessaire d'examiner si la lettre de
la
caisse du 26 mars 1997 constituait une promesse de nature à faire
naître le
droit à la protection de la bonne foi du recourant. En effet, il
n'apparaît
pas que celui-ci ait subi un préjudice en se fondant sur les
indications
ressortant de la lettre susmentionnée, l'intéressé se contentant au
demeurant
d'alléguer que ces informations étaient propres à faire naître une
expectative.

4.5 Vu ce qui précède, le recourant n'était pas fondé à demander la
révocation de la décision de cotisations sur le bénéfice en capital
du 30
mars 1994. Toutefois, au lieu de déclarer irrecevable le recours
contre le
refus d'entrer en matière sur la demande de réexamen (cause no
240/99), la
juridiction cantonale aurait dû le déclarer mal fondé, ce refus ayant
manifestement valeur de décision sujette à recours, dès lors qu'une
reconsidération ne pouvait entrer en ligne de compte (cf. consid.
4.3).

5.
La juridiction cantonale a constaté le bien-fondé de la décision de
mainlevée
de l'opposition en matière d'intérêts moratoires du 1er février 1999.
En
procédure fédérale, le recourant ne conteste pas explicitement ce
point du
jugement entrepris. Aussi doit-on considérer qu'il remet en cause la
décision
portant sur la dette accessoire d'intérêts uniquement dans la mesure
où il
soulève des griefs à l'encontre de la dette principale de
cotisations. Du
moment que ces griefs sont mal fondés (cf. consid. 4), il n'y a pas
lieu de
revenir sur le point de vue des premiers juges, lequel, au demeurant,
est
conforme à la réglementation et à la jurisprudence applicables en
l'occurrence.

6.
Vu ce qui précède, le jugement entrepris n'est pas critiquable dans
son
résultat et le recours se révèle mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le point 4 du dispositif du jugement de la Commission cantonale
genevoise de
recours en matière d'AVS/AI du 25 avril 2002 est réformé en ce sens
que le
recours du 19 mars 1999 dans la cause no 240/99 est rejeté.

3.
Les frais de justice, d'un montant de 7'000 fr., sont mis à la charge
du
recourant et sont compensés avec l'avance de frais qu'il a versée.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal
genevois
des assurances sociales et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 24 octobre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.224/02
Date de la décision : 24/10/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-24;h.224.02 ?
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