La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/10/2003 | SUISSE | N°2A.132/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 octobre 2003, 2A.132/2003


{T 0/2}
2A.132/2003 /dxc

Arrêt du 24 octobre 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président, Hungerbühler, Yersin,
Merkli et
Zappelli, Juge suppléant.
Greffière: Mme Kurtoglu-Jolidon.

X. ________ et Y.________,
recourants, représentés par Me Renzo Galfetti et
Me Fabio Capoferri, studio legale Ferrari Partner, Corso San Gottardo
57,
case postale 2264, 6830 Chiasso,

contre

Administration de l'impôt fédéral direct du canton du Jura, rue de la
Justice
2,

2800 Delémont.

demande de sûretés,

recours de droit administratif contre la demande de l'Administration
de
...

{T 0/2}
2A.132/2003 /dxc

Arrêt du 24 octobre 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président, Hungerbühler, Yersin,
Merkli et
Zappelli, Juge suppléant.
Greffière: Mme Kurtoglu-Jolidon.

X. ________ et Y.________,
recourants, représentés par Me Renzo Galfetti et
Me Fabio Capoferri, studio legale Ferrari Partner, Corso San Gottardo
57,
case postale 2264, 6830 Chiasso,

contre

Administration de l'impôt fédéral direct du canton du Jura, rue de la
Justice
2, 2800 Delémont.

demande de sûretés,

recours de droit administratif contre la demande de l'Administration
de
l'impôt fédéral direct du canton du Jura du 24 février 2003.

Faits:

A.
Les époux X.________ et Y.________ sont domiciliés en Suisse.
X.________ est
directeur de A.________ S.A. dont le siège est à Z.________. Cette
société
était présente, jusqu'au 30 septembre 2002, dans l'import-export,
principalement dans le secteur du tabac. Depuis ladite date, son but a
changé. Elle est désormais active dans le domaine immobilier et a
également
pour but la participation à des entreprises commerciales,
industrielles ou
financières, sises en Suisse ou à l'étranger.

Dans le cadre d'une demande d'entraide internationale en matière
pénale, il a
été porté à la connaissance de l'Administration fédérale des
contributions
que X.________ agissait dans le commerce de cigarettes, y avait
obtenu des
revenus et constitué une fortune importante, lesquels n'avaient pas
été
déclarés au fisc.

B.
Le 27 janvier 2003, la division d'enquêtes fiscales spéciales de
l'Administration fédérale des contributions a saisi le Service des
contributions du canton du Jura (ci-après: le Service des
contributions) d'un
rapport signalant, notamment, que les revenus non déclarés de ce
contribuable
étaient évalués à 7'800'000 fr. pour les périodes fiscales 1995 à
1998.
Estimant que les droits du fisc paraissaient menacés, l'Administration
fédérale des contributions a demandé audit service d'engager une
procédure de
demande de sûretés et une procédure de séquestre sur les biens du
contribuable.

C.
Le 24 février 2003, l'Administration de l'impôt fédéral direct du
canton du
Jura (ci-après: l'Administration cantonale de l'impôt fédéral direct
ou le
Service des contributions) a rendu, à l'égard des époux X.________ et
Y.________, une décision de demande de sûretés pour un montant de
2'700'000
fr. afin de garantir le paiement de l'impôt fédéral direct, des
amendes et
des frais, pour les années fiscales 1995-1996 et 1997-1998.

Cette décision était motivée comme suit: "Les droits du fisc
paraissent
menacés conformément à l'art. 169 al. 1 LIFD. Au vu de l'importance
probable
des infractions commises à l'encontre du fisc (revenus et fortune non
déclarés) et du fait que le contribuable a déjà fait disparaître une
partie
de sa fortune, le paiement des impôts et des amendes doit dès lors
être
garanti."
Parallèlement, l'Administration cantonale de l'impôt fédéral direct a
prononcé une ordonnance de séquestre sur tous les biens appartenant
aux époux
X.________ et Y.________, laquelle a conduit au séquestre de,
notamment,
divers comptes bancaires, dépôt de titres, titres et autres créances,
ainsi
qu'une part de propriété par étages.

Le Service des contributions a rendu, également le 24 février 2003,
une
demande de sûretés pour un montant de 13'811'758 fr. à l'encontre des
époux
X.________ et Y.________ pour garantir le paiement des impôts
cantonal,
communal et ecclésiastique, des amendes et des frais pour les années
fiscales
1995 à 1999.

D.
Par lettre du 4 mars 2003, répondant à un courrier des intéressés
s'enquérant
des motifs de la demande de sûretés, le Service des contributions a
exposé
qu'il résultait du dossier lié à l'enquête pénale menée par le
Ministère
public de la Confédération que X.________ avait pris part à un
commerce de
cigarettes dont ni les revenus ni la fortune n'avaient été déclarés
au fisc.
Il a renvoyé les époux X.________ et Y.________, en ce qui concerne
les
avoirs non déclarés, aux procès-verbaux de séquestre du 28 février
2003. Pour
le surplus, l'accès au dossier a été refusé aux contribuables au
motif que la
procédure pénale fiscale à leur encontre n'était pas close.

Le Service des contributions, par lettre du 5 mars 2003, a rappelé
les motifs
précités et a informé les époux X.________ et Y.________ de
l'ouverture d'une
procédure en soustraction d'impôts pour les périodes fiscales
1995-1996 et
suivantes.

Les intéressés ont été autorisés, le 7 mars 2003, à consulter leur
dossier
fiscal au Service des contributions. La consultation d'autres pièces
leur a
été refusée. Pour les documents en rapport avec la procédure pénale,
les
époux X.________ et Y.________ ont été priés de s'adresser au
Ministère
public de la Confédération. Quant à leur demande de précision au
sujet des
avoirs non déclarés, ils ont été renvoyés à nouveau aux
procès-verbaux de
séquestre, les mandataires des intéressés étant invités au surplus à
solliciter des informations de leurs propres clients sur ce point.
S'agissant
enfin du calcul du montant des sûretés demandées, il a été communiqué
oralement lors d'un entretien téléphonique entre l'un des mandataires
des
intéressés et l'administrateur du Service des contributions.

E.
Agissant le 27 mars 2003 par la voie du recours de droit
administratif,
X.________ et Y.________ demandent au Tribunal fédéral, sous suite de
frais
et dépens, d'annuler la décision prononcée le 24 février 2003 par
l'Administration cantonale de l'impôt fédéral direct.

Le Service des contributions et l'Administration fédérale des
contributions
concluent au rejet du recours.

Au terme d'un second échange d'écritures, les parties ont maintenu
leurs
conclusions.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi
contre une
décision fondée sur le droit public fédéral, le présent recours est
recevable
en vertu des art. 97 ss OJ, ainsi que de la règle particulière de
l'art. 169
al. 3 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral
direct
(ci-après: LIFD; RS 642.11), en vigueur depuis le 1er janvier 1995,
selon
laquelle le contribuable peut s'opposer à une demande de sûretés en
interjetant un recours de droit administratif devant le Tribunal
fédéral dans
un délai de 30 jours à compter de la date de notification de la
demande.

1.2 Conformément à l'art. 104 let. a OJ, le recours de droit
administratif
peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et
l'abus
du pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral revoit d'office
l'application
du droit fédéral qui englobe notamment les droits constitutionnels du
citoyen. Comme il n'est pas lié par les motifs que les parties
invoquent, il
peut admettre le recours pour d'autres raisons que celles avancées
par le
recourant ou, au contraire, confirmer l'arrêt attaqué pour d'autres
motifs
que ceux retenus par l'autorité intimée (art. 114 al. 1 in fine OJ;
ATF 129
II 183 consid. 3.4 p. 188 et la jurisprudence citée).

Par ailleurs, l'autorité intimée n'étant pas une autorité judiciaire,
le
Tribunal fédéral peut revoir d'office les constatations de fait (art.
104
let. b et 105 al. 2 OJ; ATF 128 II 56 consid. 2b p. 60). Il peut en
particulier tenir compte de nouveaux moyens de preuves ou de faits
postérieurs aux décisions entreprises, y compris ceux mentionnés lors
du
second échange d'écritures (ATF 115 II 213 consid. 2 p. 215/216; 113
Ib 327
consid. 2b p. 331).

2.
Les recourants invoquent en premier lieu leur droit d'être entendus.
Se
fondant sur les art. 29 al. 2 Cst. et 114 al. 3 LIFD, ils reprochent à
l'autorité intimée d'avoir insuffisamment motivé la décision
incriminée et de
leur avoir refusé la consultation du dossier complet.

2.1 Il a été jugé (Archives 67 722 consid. 3c, 2A.310/1997; cf. art.
35 al. 1
PA en relation avec l'art. 1er al. 3 PA et, s'agissant de la
jurisprudence
rendue sous l'empire de l'arrêté du Conseil fédéral du 9 décembre 1940
concernant la perception d'un impôt fédéral direct, RDAT 1995 II 19t
492
consid. 1b, 2A.352/1995; ATF 108 III 34 consid. 3a p. 35) que ni
l'art. 169
al. 1 LIFD, ni l'art. 116 LIFD n'imposent expressément aux autorités
fiscales
de motiver les demandes de sûretés en garantie du paiement de l'impôt
fédéral
direct. La première de ces dispositions se borne à exiger que la
demande de
sûretés indique le montant à garantir, alors que la seconde prévoit
que les
décisions et les prononcés doivent être notifiés au contribuable par
écrit et
indiquer les voies de droit. Sauf exceptions expresses (cf. par
exemple art.
131 LIFD, art. 191 Cst.), une telle obligation découle cependant du
droit
d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. Pour satisfaire à
cette
exigence, il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement,
les motifs
sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que le
justiciable
puisse exercer ses droits de recours en connaissance de cause
(Archives 67
722 consid. 3c, 2A.310/1997; ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102; 123 I 31
consid.
2c p. 34). Par ailleurs, il n'est pas nécessaire que la motivation
soit
contenue dans la décision attaquée; elle peut être indiquée dans une
communication écrite séparée (Archives 67 722 consid. 3c,
2A.310/1997; ATF
113 II 204 consid. 2 p. 205 et la jurisprudence citée, arrêt non
publié du 6
novembre 2001 dans la cause 2A.516/2000).

En l'espèce, il est vrai que la motivation contenue dans la demande de
sûretés du 24 février 2003 est sommaire; elle contient cependant, de
façon
résumée, la description des causes de la menace pesant sur les droits
du
fisc. Il ressort toutefois du dossier que, avant l'expiration du
délai pour
recourir, soit par courrier du 4 mars 2003, le Service des
contributions a
précisé les éléments qui, selon lui, avaient porté préjudice aux
droits du
fisc et qui justifiaient le montant des sûretés requis. Ce service a,
en
particulier, affirmé que l'Administration fédérale des contributions
avait
appris, lors de la consultation de pièces auprès du Ministère public,
que
X.________ était actif dans le commerce de cigarettes, ce qui lui
avait
permis de réaliser des revenus conséquents et de se constituer une
fortune
très importante. En outre, selon la réponse du Service des
contributions du
19 mai 2003, que les recourants ne contestent pas, ils ont été
informés
oralement du mode de calcul des sûretés requises. Ils ont, de plus,
été
rendus attentifs aux procès-verbaux de séquestre qui indiquaient les
montants
soustraits au fisc.

Il apparaît, par conséquent, que le grief de violation du droit à une
motivation suffisante est infondé en l'espèce.

Au demeurant, si ce grief devait être retenu en ce qui concerne
l'indication
des motifs de la décision attaquée avant l'expiration du délai de
recours, ce
vice de forme devrait de toute manière être considéré comme ayant été
réparé
devant le Tribunal fédéral (ATF 124 II 132 consid. 2d p. 138; 118 Ib
111
consid. 4b p. 120/121), à l'issue du double échange d'écritures où
l'autorité
intimée a dûment précisé les éléments qui, selon elle, établiraient
la mise
en péril de ses droits et justifieraient le montant des sûretés
demandées.
Certes, les recourants allèguent à ce propos que l'on ne devrait pas
admettre
trop facilement la réparation devant le Tribunal fédéral de la
violation du
droit d'être entendu par l'autorité de première instance, sous peine
d'inciter celle-ci à bâcler sa propre tâche, au détriment du
justiciable.
Cette critique est infondée, en l'occurrence, car l'autorité intimée
a dûment
répondu aux requêtes des intéressés. Il y a lieu enfin d'observer que
les
recourants ont eu l'occasion de répliquer à la réponse de l'autorité
et n'ont
pas demandé à déposer des observations complémentaires sur les faits
contenus
dans la duplique. Ils ont ainsi disposé de toutes les informations
utiles
pour pouvoir motiver leur recours sur le fond, de sorte que, si la
décision
avait souffert d'un vice de forme, celui-ci aurait été réparé devant
le
tribunal de céans, qui jouit dans cette matière d'un libre pouvoir
d'examen
en fait et en droit.

Le grief tiré d'une motivation insuffisante de la décision attaquée
se révèle
ainsi mal fondé.

2.2 D'après l'art. 114 LIFD, le contribuable a le droit de consulter
les
pièces du dossier qu'il a produites ou signées (al. 1). Il peut
prendre
connaissance des autres pièces une fois les faits établis et à
condition
qu'aucune sauvegarde d'intérêts publics ou privés ne s'y oppose (al.
2).
Lorsqu'une autorité refuse au contribuable le droit de consulter une
pièce du
dossier, elle ne peut se baser sur ce document pour trancher au
détriment du
contribuable que si elle lui a donné connaissance, oralement ou par
écrit, du
contenu essentiel de la pièce et qu'elle lui a au surplus permis de
s'exprimer et d'apporter ses propres moyens de preuve (al. 3). L'art.
29 al.
2 Cst. ne confère pas une protection plus étendue au contribuable.

Le grief est irrecevable en tant qu'il porte sur la consultation du
dossier
de l'enquête pénale fiscale instruite actuellement à l'encontre des
recourants, car cette procédure est étrangère au présent recours. Il
doit en
revanche être examiné
dans la mesure où la décision attaquée se
fonderait sur
des éléments de ce dossier auxquels les intéressés n'auraient pas eu
accès.

En l'espèce, les recourants ont à ce jour pu prendre connaissance de
l'entier
de leur dossier fiscal auprès du Service des contributions et ils ont
pu se
prononcer sur les faits et arguments invoqués par celui-ci pour
justifier sa
décision. Ils ne démontrent pas, en outre, que ladite décision serait
fondée
sur des éléments du dossier qui auraient été soustraits à leur
connaissance.
Le montant des sûretés réclamées est d'ailleurs fondé sur des relevés
bancaires dont les recourants ont probablement eu connaissance
puisqu'ils
admettent qu'ils sont titulaires des comptes en cause.

Ce grief doit également être rejeté.

3.
Aux termes de l'art. 169 al. 1 LIFD, si le contribuable n'a pas de
domicile
en Suisse ou que les droits du fisc paraissent menacés,
l'Administration
cantonale de l'impôt fédéral direct peut exiger des sûretés en tout
temps, et
avant même que le montant de l'impôt ne soit fixé par une décision
entrée en
force.

3.1 D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant l'art.
118 al. 1
AIFD - qui conserve toute sa valeur sur ce point sous l'angle de
l'art. 169
al. 1 LIFD -, pour qu'une demande de sûretés soit valable, il est
nécessaire
que l'un des cas de séquestre mentionnés dans cette disposition soit
réalisé,
que l'existence de la créance fiscale apparaisse comme vraisemblable
et que
le montant de la garantie exigée ne se révèle pas manifestement
exagéré. La
détermination de l'obligation fiscale et la fixation de l'impôt
effectivement
dû demeurent cependant réservées à la procédure ordinaire concernant
l'affaire fiscale elle-même; statuant sur la contestation de la
demande de
sûretés, le Tribunal fédéral ne peut examiner ces questions que
préjudiciellement et en limitant son contrôle à un examen prima facie
de la
situation (RDAT 1998 II 20t 343 consid. 4b, 2A.326/1997; Archives 67
722
consid. 3b, 2A.310/1997; Archives 66 470 consid. 3a, 2A.508/1995;
Archives 66
479 consid. 2, 2A.247/1995; ATF 108 Ib 44 consid. 2b p. 47).

3.2 En premier lieu, les recourants contestent l'existence même d'une
créance
fiscale que le Service des contributions estime de son côté à
2'700'000 fr.

Pour calculer l'ensemble des reprises, l'Administration cantonale de
l'impôt
fédéral direct a pris en compte la différence entre le solde des
comptes non
déclarés au 31 décembre 1994 et le solde au 31 décembre 1998, soit
environ
7'800'000 fr. Sur la base de différents documents, tels que des
factures
relatives à des transactions portant sur des cigarettes entre les
sociétés
A.________ S.A., que dirige X.________, et B.________ S.A., dont
l'intéressé
est actionnaire majoritaire et, d'autre part, des sociétés
étrangères, ladite
administration a considéré que l'évolution de fortune susmentionnée
était due
à des revenus qui n'avaient pas été déclarés.

Les recourants admettent être titulaires des comptes non déclarés au
fisc
mais soutiennent cependant que ces comptes ne sont constitués, pour
l'essentiel, que de leur fortune transférée de l'étranger, et non de
revenus
acquis en Suisse. En ce qui concerne les montants figurant sur le
compte n°
xxxxxx à la banque G.________ à Genève, qui totalisent 3'899'479 fr.
au 31
décembre 1998 et 9'459'722 fr. au 31 décembre 1999, X.________
allègue qu'il
s'agit de sa fortune provenant des revenus obtenus dans des
entreprises
domiciliées à l'étranger, plus précisément dans la Principauté
d'Andorre, où
il a séjourné durant les années 1997-2000 et où il a développé une
activité
de directeur général de l'entreprise C.________. Ces revenus auraient
été
régulièrement transférés en Suisse. En 1999, notamment à la fin de
son séjour
à Andorre, il aurait fait transférer une somme de plus de 5'000'000
fr. sur
son compte suisse précité. Quant au compte ouvert auprès de la banque
E.________, totalisant 3'839'719 fr. au 31 décembre 1998 et 4'398'637
fr. au
31 décembre 1999, il représenterait exclusivement la fortune de
Y.________.
Selon les recourants, lesdites sommes constituant leur fortune, seul
le
revenu de celle-ci serait soumis à l'impôt fédéral direct et la
créance
fiscale serait dès lors bien inférieure à celle à laquelle prétend le
fisc.
Les recourants établissent certes que X.________ était autorisé à
résider
dans la Principauté d'Andorre en 1998 et 1999, et que, le 21 octobre
1999, un
montant de 3'441'244.64 EUR a été transféré de la banque andorrane
D.________
S.A. à la banque G.________ à Genève. Mais l'intéressé et son épouse
étaient
durant la même période domiciliés à Z.________, en Suisse, comme le
montrent
leurs déclarations d'impôt pour les périodes considérées. L'autorité
intimée
démontre, sans être contredite, que la société C.________, à Andorre,
que
dirigeait X.________, recevait de la correspondance au domicile de son
directeur à Z.________. Il est donc vraisemblable que l'activité de
ladite
société était, du moins en partie, dirigée en Suisse et que les
revenus
qu'elle dégageait auraient dû être déclarés dans ce pays. L'autorité
intimée
produit également des pièces prouvant l'existence de transactions
portant sur
des montants importants, que le fisc soupçonne les recourants de
n'avoir pas
déclarés, provenant du commerce de cigarettes entre les sociétés
suisses
A.________ S.A. et B.________ S.A. et des sociétés étrangères. Quant
aux
sommes se trouvant sur le compte de la banque E.________, rien
n'établit en
l'état qu'elles représentent la fortune de Y.________. Au contraire,
comme le
démontre le dossier, lors de l'ouverture dudit compte, le 19 novembre
1991,
X.________ déclarait être le titulaire et l'ayant droit économique de
ce
compte.

La méthode utilisée par l'Administration cantonale de l'impôt fédéral
direct
pour estimer les reprises pour l'impôt fédéral direct 1995-1996 et
1997-1998,
ainsi que les résultats obtenus, paraissent suffisamment convaincants
dans le
cadre d'un examen limité à la vraisemblance. Même si les chiffres
avancés par
l'autorité intimée n'ont fait l'objet d'aucune décision définitive,
l'examen
des faits rappelés ci-dessus suffit à rendre vraisemblable
l'existence de la
dette fiscale dans la mesure où un examen prima facie du dossier
corrobore
ces conclusions.

3.3 La créance en cause étant vraisemblable, il reste à déterminer si
l'un
des cas de séquestres de l'art. 169 al. 1 LIFD est réalisé. En
l'occurrence,
les recourants sont domiciliés en Suisse, de sorte que le premier cas
de
séquestre mentionné par ledit article n'entre pas en ligne de compte.
Il faut
donc examiner si les droits du fisc à l'encontre des intéressés
paraissent
menacés au sens de cette disposition.

Pour admettre l'existence d'une menace sur les droits du fisc, il
suffit,
selon la jurisprudence, que le recouvrement de la créance fiscale
paraisse
objectivement menacé au regard de l'ensemble des circonstances (RDAT
1998 II
20t 343 consid. 4c, 2A.326/1997; Archives 67 722 consid. 3d,
2A.310/1997;
Archives 66 479 consid. 2, 2A.247/1995). Tel est notamment le cas
lorsque le
contribuable aménage son activité de manière à pouvoir se soustraire
au fisc
en transférant ses biens à l'étranger (ATF 108 Ib 44 consid. 3 p. 49),
lorsque le contribuable dissimule systématiquement les éléments de
son revenu
et de sa fortune à l'autorité de taxation (RDAT 1998 II 20t consid.
4c,
2A.326/1997; Archives 66 479 consid. 2, 2A.247/1995), lorsqu'il
transforme
des biens immobiliers en liquidités, facilement réalisables et
transférables
(RF 51 1996 86 consid. 3d, 2A.165/1994; Archives 65 386 consid. 3,
2A.81/1994; Archives 49 485 consid. 3b, A.389/1978), lorsqu'il doit
s'attendre à des rappels d'impôts et à des amendes considérables
(Archives 65
641, 2A.378/1994), lorsqu'il consent d'importantes donations, ou
encore
lorsqu'il fait disparaître des éléments de sa fortune, par exemple en
les
transférant à l'étranger ou sur des comptes secrets (ATF 108 Ib 44
consid. 3
p. 49, Archives 67 722 consid. 3d, 2A.310/1997; Archives 65 641
consid. 4a,
2A.378/1994; Archives 64 318 consid. 2d, 2A.14/1994). Enfin, il faut
également tenir compte de l'attitude du contribuable pendant la
procédure,
notamment de la manière dont il a répondu aux demandes de
renseignements sur
sa situation financière (Archives 65 386 consid. 3, 2A.81/1994).

L'autorité intimée relève sur ce point que les contribuables
intéressés ont
omis de déclarer l'existence de comptes bancaires à la banque
E.________, à
banque F.________, à la banque G.________ et à la banque H.________
notamment, pour des montants qui totalisaient 7'832'338 fr. au 31
décembre
1998, 14'241'558 fr. au 31 décembre 1999, 9'651'484 fr. au 31
décembre 2000,
4'441'266 fr. au 31 décembre 2001 et 4'949'423 fr. à la fin 2002. Le
Service
des contributions constate en outre à ce propos qu'après 1999, les
biens non
déclarés ont diminué de près de deux tiers et qu'ils sont composés
pour
l'essentiel d'avoirs bancaires aisément réalisables. Le Service des
contributions allègue, exemples à l'appui, que X.________ gère des
transactions financières importantes au travers de sociétés
étrangères et
qu'il est en mesure de mobiliser très facilement et rapidement ses
ressources
en dehors de Suisse, pays avec lequel lui et sa famille ne semblent
pas avoir
noué d'attaches particulières; ses filles notamment étudient à
l'étranger.

Les recourants nient l'existence d'une menace sur les droits du fisc
et ils
réfutent tous les indices avancés à cet égard par l'autorité intimée.
X.________ allègue en particulier n'avoir actuellement aucun lien et
ne gérer
aucune affaire par l'entremise de sociétés étrangères. Or, les
documents
produits par le Service des contributions permettent à tout le moins
de
mettre en évidence l'existence, en 1999, de nombreuses sociétés
domiciliées à
Chypre et au Panama, lesquelles auraient été constituées, selon les
attestations du partenaire commercial de X.________, pour effectuer,
au
bénéfice de celui-ci, diverses transactions commerciales. La lettre
des
avocats panaméens J.________, du 24 juillet 2002, est adressée à
Z.________ à
la société C.________, à l'attention de X.________, ce qui contredit
également les dires précités des recourants. A cela s'ajoute qu'il
est établi
que les recourants ont caché au fisc, durant de nombreuses années,
l'existence des différents comptes bancaires précités, et que, entre
le 31
décembre 1999 et le 31 décembre 2001, lesdits comptes ont diminué de
près de
deux tiers sans que la cause de cette réduction ne soit éclaircie. Ce
dernier
élément permet de penser que d'importants fonds ont été transférés
hors de
Suisse. Il y a, en outre, de forts soupçons que les sommes ainsi
dissimulées
au fisc proviennent de revenus qui auraient dû être déclarés en
Suisse et que
ces contribuables doivent, par conséquent, s'attendre à d'importants
rappels
d'impôts et amendes.

Dans ces conditions, il convient de retenir que l'autorité intimée a
retenu à
juste titre que les droits du fisc paraissaient suffisamment menacés
pour
justifier une demande de sûretés.

3.4 Il faut encore examiner si le montant de la garantie exigée ne se
révèle
pas manifestement exagéré.

Les recourants soutiennent que tel est le cas, en raison du fait que,
selon
eux, seule une petite partie des montants figurant sur les comptes
bancaires
précités serait imposable, en tant que revenu de leur fortune.

Or, on a vu ci-dessus (consid. 3.2) que rien n'établit en l'état que
lesdits
montants représentent pour l'essentiel la fortune des recourants. Les
éléments de fait rappelés dans les considérants qui précédent rendent
vraisemblable que ces sommes pourraient, au contraire, être
considérées comme
des revenus, ce que toutefois seule la procédure en soustraction
d'impôts
engagée par le fisc permettra d'établir définitivement. La créance du
fisc,
calculée sur les revenus dissimulés entre 1994 et 1998, soit environ
7'800'000 fr., s'établirait, selon le calcul en soi non contesté de
l'autorité intimée, à 897'000 fr. pour le rappel d'impôts et à une
amende qui
pourrait s'élever au maximum à trois fois l'impôt soustrait, soit
2'691'000
fr., ce qui porterait en l'état le montant total possible de la
créance à
3'588'000 fr.
Les sûretés demandées, inférieures à ce dernier chiffre, équivalent au
montant d'impôts soustraits et à une amende égale au double de cet
impôt. Le
montant des sûretés n'est ainsi nullement disproportionné.

4.
Les recourants soutiennent enfin que la décision serait en tout état
de cause
inopportune, car trop incisive eu égard à la faible importance des
montants
soustraits au fisc.

Le grief d'inopportunité n'a pratiquement pas d'application en droit
fiscal
dominé par le principe de légalité. Au demeurant, l'art. 104 lettre c
ch. 1
OJ autoriserait le Tribunal fédéral à en revoir l'application. La
décision
attaquée remplit les conditions légales et correspond à la pratique
du fisc.
On ne voit pas en quoi elle serait inopportune, compte tenu des graves
soupçons d'une importante évasion fiscale de la part des recourants.

5.
Pour ces motifs, il convient de rejeter le recours, avec suite de
frais que
les recourants supporteront solidairement ente eux (art. 156 al. 1 et
7, 153
et 153a OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'autorité
intimée

(art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge des
recourants,
solidairement entre eux.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des
recourants et à
l'Administration de l'impôt fédéral direct du canton du Jura ainsi
qu'à
l'Administration fédérale des contributions, Division juridique de
l'impôt
fédéral direct.

Lausanne, le 24 octobre 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.132/2003
Date de la décision : 24/10/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-24;2a.132.2003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award