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23/10/2003 | SUISSE | N°I.387/03

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 octobre 2003, I.387/03


{T 7}
I 387/03

Arrêt du 23 octobre 2003
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Borella, Leuzinger, Rüedi et
Frésard.
Greffier : M. Wagner

D.________, recourant, représenté par Me Charles Guerry, avocat, rue
de
Romont 33, 1700 Fribourg,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 14 mai 2003)

Faits:

A.
A.a D.

________ a présenté le 24 août 1999 une demande de prestations
de
l'assurance-invalidité. Par décision du 3 avril 2001, l'Office de
...

{T 7}
I 387/03

Arrêt du 23 octobre 2003
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Borella, Leuzinger, Rüedi et
Frésard.
Greffier : M. Wagner

D.________, recourant, représenté par Me Charles Guerry, avocat, rue
de
Romont 33, 1700 Fribourg,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 14 mai 2003)

Faits:

A.
A.a D.________ a présenté le 24 août 1999 une demande de prestations
de
l'assurance-invalidité. Par décision du 3 avril 2001, l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud a refusé toute
prestation,
l'assuré présentant une invalidité de 11 %.
Le 9 mai 2001, D.________ a formé recours contre cette décision
devant le
Tribunal des assurances du canton de Vaud.

A.b Le 6 décembre 2001, le docteur P.________, spécialiste FMH en
médecine
générale à A.________, a présenté une nouvelle demande pour le compte
de
D.________.
Par décision du 5 février 2002, l'Office AI a prononcé le «rejet» de
la
demande, en invoquant l'effet dévolutif du recours alors pendant
devant le
Tribunal des assurances et en réservant un réexamen du cas une fois ce
recours tranché.

B.
Dans un mémoire du 20 février 2002, D.________ a recouru contre la
décision
du 5 février 2002 devant le Tribunal des assurances du canton de
Vaud. Il se
plaignait d'un déni de justice de la part de l'Office AI.
Par jugement du 29 octobre 2002, la juridiction cantonale a rejeté le
recours
formé par D.________ contre la décision du 3 avril 2001. Par jugement
du 14
mai 2003, le président du Tribunal des assurances a rejeté le recours
formé
par celui-ci contre la décision du 5 février 2002 et renvoyé le
dossier à
l'Office AI pour qu'il statue sur la nouvelle demande au vu de
l'ensemble des
faits déterminants, en rendant telle nouvelle décision que de droit.

C.
D.________ interjette recours de droit administratif contre le
jugement
présidentiel du 14 mai 2003, en concluant, sous suite de frais et
dépens, à
l'annulation de celui-ci et de la décision administrative litigieuse
du 5
février 2003 (recte : 2002), le dossier étant remis à l'Office AI pour
instruction et décision sur la requête du 4 janvier 2002.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud conclut au
rejet du
recours. L'Office fédéral des assurances sociales n'a pas déposé
d'observations.

Considérant en droit:

1.
Le premier juge a considéré la décision du 5 février 2002 comme une
décision
de suspension de la procédure. Lorsque l'autorité suspend sans raison
suffisante le traitement d'une affaire, le justiciable est fondé à se
plaindre d'un retard à statuer ou d'un refus de statuer (ATF 120 III
144
consid. 1b, 117 Ia 337 consid. 1a). C'est du reste le motif qu'a
invoqué le
recourant dans son recours du 20 février 2002. Le recours contre la
décision
en question était donc un recours pour déni de justice.

2.
Conformément à la jurisprudence actuelle, le recours pour déni de
justice
doit être formé devant l'Office fédéral des assurances sociales
(OFAS),
compétent - dans le cadre de son pouvoir de surveillance - pour
connaître
d'un recours interjeté par un assuré contre un refus de statuer ou un
retard
injustifié d'un office AI (ATF 114 V 145; arrêt B. du 7 août 2002, I
629/01;
en ce qui concerne l'assurance-chômage, voir ATF 114 V 358). L'entrée
en
vigueur de la LPGA, le 1er janvier 2003, a rendu obsolète cette
jurisprudence
dès lors que le déni de justice est expressément envisagé à l'art. 56
al. 2
LPGA, comme pouvant faire l'objet d'un recours devant le Tribunal
cantonal
des assurances compétent (Meyer-Blaser, Die Rechtspflegebestimmungen
des
Bundesgesetzes über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts
[ATSG], in Responsabilité et assurance [REAS] 5/2002 p. 329; Kieser,
ATSG
Kommentar, note 11 ad art. 56; voir également à propos de l'art. 63
du projet
de LPGA, devenu l'art. 57 LPGA, FF 1999 4268).

3.
3.1Selon les dispositions transitoires de la LPGA, l'art. 82 al. 1
première
phrase LPGA prescrit que les dispositions matérielles de cette loi ne
sont
pas applicables aux prestations en cours et aux créances fixées avant
son
entrée en vigueur. Cette disposition ne règle pas les questions de
droit
intertemporel en matière de procédure. Seul l'art. 82 al. 2 LPGA
concerne le
droit de procédure (ATF 129 V 115 consid. 2.2). Cette disposition
légale -
qui prévoit que les cantons doivent adapter leur législation à la
présente
loi dans un délai de cinq ans à partir de son entrée en vigueur, les
dispositions cantonales en vigueur restant applicables dans
l'intervalle - ne
règle pas, toutefois, la question de droit intertemporel qui se pose
en
l'espèce.

3.2 D'après la jurisprudence, en l'absence de disposition contraire,
les
nouvelles règles de procédure doivent être appliquées dès leur entrée
en
vigueur (ATF 129 V 115 consid. 2.2; RAMA 1998 no KV 37 p. 316 consid.
3b; SVR
1995 MV n° 4 p. 12 consid. 2b). Cependant, lorsque l'autorité a été
saisie,
comme en l'espèce, avant l'entrée en vigueur de la LPGA, le cas reste
soumis
à l'ancien droit, notamment quant à la compétence (cf. Kieser, op.
cit., note
8 ad art. 82; arrêt S. du 28 mai 2003, U 255/01). Ainsi, selon l'art.
171 al.
1 OJ, les anciennes dispositions en matière de compétence et de
procédure
restent applicables aux affaires portées avant le 1er janvier 1945
devant le
Tribunal fédéral ou dont le délai de recours a commencé à courir
avant cette
date. Cette règle a une certaine portée générale (ATF 128 IV 230
consid.
3.2). En effet, conformément au principe de la perpetuatio fori, la
compétence se détermine en fonction de la date d'ouverture de la
procédure
(ATF 129 III 406 consid. 4.3.1). Il faut cependant réserver le cas où
l'ancienne autorité n'existe plus (ATF 124 V 130).

3.3 Dans le cas particulier, au moment où l'assuré a recouru, le
Tribunal des
assurances du canton de Vaud n'était pas compétent. Il aurait dû se
déclarer
d'entrée de cause incompétent et transmettre d'office l'affaire à
l'OFAS
comme objet de sa compétence. Au lieu de cela, il a statué à un
moment où la
LPGA était déjà entrée en vigueur. Normalement, le Tribunal fédéral
des
assurances devrait annuler le jugement attaqué et transmettre
lui-même la
cause à l'OFAS.
L'affaire étant en état d'être jugée, un renvoi à l'OFAS serait
contraire au
principe de l'économie de la procédure. D'autant que les nouvelles
règles de
compétences ne sont pas défavorables au recourant. Bien au contraire,
puisque
le Tribunal des assurances du canton de Vaud est un tribunal établi
par la
loi, qui répond aux exigences de l'art. 6 § 1 CEDH (cf. ATF 129 III
454
consid. 3.3.3, 124 I 263 consid. 5b et 119 V 377 consid. 4), ce qui
n'est pas
le cas d'une autorité administrative comme l'OFAS. Par souci
d'économie de la
procédure et compte tenu du fait que le recours pour déni de justice
doit
désormais être adressé au Tribunal cantonal des assurances, il se
justifie
exceptionnellement de renoncer à une transmission et d'examiner le
litige.

4.
Il y a lieu de constater que le recourant a obtenu ce qu'il demandait
puisque
le premier juge a renvoyé le dossier de la cause pour qu'il statue
sur la
nouvelle demande de l'assuré. Indépendamment de cela, l'Office AI
devait se
saisir du cas, à teneur de sa décision du 5 février 2002, dès le
moment déjà
où le jugement du 29 octobre 2002 a été rendu. A priori, le recourant
n'a pas
d'intérêt pratique et actuel à obtenir l'annulation du jugement
attaqué et le
renvoi du dossier à l'Office AI pour décision sur la nouvelle demande
(conclusions no 2 et 3 du recours).
Certes, il est renoncé à l'exigence d'un intérêt digne de protection
lorsque
la contestation peut se reproduire en tout temps dans des
circonstances
identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la soumettre
au
Tribunal fédéral des assurances avant qu'elle ne perde son actualité
et qu'en
raison de sa portée de principe, il existe un intérêt suffisamment
important
à la solution de la question litigieuse (ATF 126 V 247 consid. 2b).
Il en
irait ainsi si la juridiction cantonale, comme en l'espèce, statuait
systématiquement d'abord sur le recours portant sur le droit à la
rente et
ensuite seulement sur le recours pour retard injustifié, qui aurait
de ce
fait perdu toute actualité, dès lors que le prononcé du premier
jugement
permet à l'Office AI de se saisir de la nouvelle demande de l'assuré.
Quoi qu'il en soit, le point de savoir si l'on peut en l'occurrence
renoncer
à l'exigence d'un intérêt digne de protection peut demeurer indécis,
car
l'Office AI était en droit, dans les présentes circonstances et comme
on va
le voir, de différer l'examen du cas jusqu'au prononcé du jugement
sur le
recours contre sa précédente décision portant sur le refus d'une
rente en
faveur du recourant.

5.
La procédure engagée par la nouvelle demande de l'assuré, motivée par
une
aggravation de son état de santé, porte sur des faits postérieurs à la
décision du 3 avril 2001. Juridiquement, l'effet dévolutif du recours
contre
cette décision ne faisait donc pas obstacle à un nouvel examen du cas
par
l'Office AI. Mais une suspension de la procédure peut se justifier
par des
raisons d'opportunité (voir l'art. 6 PCF; Fabienne Hohl; Procédure
civile,
Tome II, ch. 2404), notamment en raison d'une procédure pendante
devant une
autre autorité. Dans ce contexte, elle peut se justifier par des
motifs tirés
de l'économie de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral du 7 août
2002 dans
la cause A. et consorts, 2A.167/2002). Le principe de la célérité qui
découle
de l'art. 29 al. 1 Cst. pose certes des limites à la suspension d'une
procédure. Elle ne doit être admise qu'exceptionnellement, lorsqu'il
s'agit
d'attendre le prononcé de la décision d'une autre autorité et qui
permettrait
de trancher une question décisive (ATF 119 II 389 consid. 1b).

6.
Dans le cas particulier, le jugement du Tribunal des assurances sur
le droit
à la rente était de nature à apporter des éléments déterminants pour
le
traitement par l'Office AI de la nouvelle demande de l'assuré.
Celle-ci a été
présentée huit mois seulement après le refus de rente de l'Office AI,
de
sorte qu'il paraissait difficile de séparer clairement les états de
faits
antérieurs et postérieurs à la décision précitée. L'appréciation des
faits
par la juridiction cantonale, ainsi que son jugement, pouvaient ainsi
avoir
une incidence sur la suite à donner par l'Office AI à la nouvelle
demande. Ce
jugement était susceptible d'entraîner l'économie d'un certain nombre
de
mesures d'instruction de la part de l'administration, qui eussent pu
se
révéler inutiles, notamment en cas d'admission du recours sur le
droit à la
rente. En cas de rejet ou d'admission partielle du recours ou encore
de
renvoi de la cause à l'administration pour complément d'instruction,
la
suspension pouvait permettre de mieux orienter le champ des
investigations de
l'Office AI. Enfin, on pouvait s'attendre, en décembre 2001 (moment
du dépôt
de la nouvelle demande), que le tribunal statue dans un délai
rapproché sur
le recours qui était alors pendant depuis le mois de mai précédent.
Du reste,
si tel n'était pas le cas, l'Office AI avait toujours la possibilité,
d'office ou sur requête, d'instruire la nouvelle demande, sans
attendre
l'issue de la procédure pendante.
Sur le vu de l'ensemble de ces éléments, on doit admettre que
l'Office AI
avait des raisons suffisantes de surseoir à un nouvel examen du cas
jusqu'à
droit connu sur le recours alors pendant devant le Tribunal des
assurances du
canton de Vaud.

7.
Il s'ensuit que le recours est mal fondé. Vu la nature de la
procédure,
celle-ci n'est pas gratuite (art. 134 OJ a contrario). Succombant, le
recourant en supportera les frais.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge du
recourant et sont compensés avec l'avance de frais qu'il a versée.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 23 octobre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.387/03
Date de la décision : 23/10/2003
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 56 et 57 LPGA; art. 171 al. 1 OJ; art. 6 PCF: Recours pour déni de justice. Conformément au principe de la perpetuatio fori, la compétence se détermine en fonction de la date d'ouverture de la procédure. L'entrée en vigueur de la LPGA a rendu obsolète la jurisprudence actuelle, selon laquelle le recours pour déni de justice doit être formé devant l'Office fédéral des assurances sociales. Le déni de justice est expressément envisagé à l'art. 56 al. 2 LPGA, comme pouvant faire l'objet d'un recours devant le Tribunal cantonal des assurances compétent. Une suspension de la procédure ne doit être admise qu'exceptionnel lement, lorsqu'il s'agit d'attendre le prononcé de la décision d'une autre autorité et qui permettrait de trancher une question décisive.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-23;i.387.03 ?
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