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23/10/2003 | SUISSE | N°5P.310/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 octobre 2003, 5P.310/2003


{T 0/2}
5P.310/2003 /frs

Arrêt du 23 octobre 2003
IIe Cour civile

Mmes et M. les Juges Nordmann, Juge présidant,
Meyer et Hohl.
Greffière: Mme Mairot.

S. ________,
recourante, représentée par Me Pascal Maurer, avocat, Etude de Mes
Keppeler &
Associés, rue Ferdinand-Hodler 15, case postale 360, 1211 Genève 17,

contre

Présidente de la Cour de justice civile du canton de Genève,
Assistance
juridique, case postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 et 29 Cst., 6 § 3 let. c CEDH (assis

tance judiciaire pour
diverses
procédures),

recours de droit public contre la décision de la Présidente de la
...

{T 0/2}
5P.310/2003 /frs

Arrêt du 23 octobre 2003
IIe Cour civile

Mmes et M. les Juges Nordmann, Juge présidant,
Meyer et Hohl.
Greffière: Mme Mairot.

S. ________,
recourante, représentée par Me Pascal Maurer, avocat, Etude de Mes
Keppeler &
Associés, rue Ferdinand-Hodler 15, case postale 360, 1211 Genève 17,

contre

Présidente de la Cour de justice civile du canton de Genève,
Assistance
juridique, case postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 9 et 29 Cst., 6 § 3 let. c CEDH (assistance judiciaire pour
diverses
procédures),

recours de droit public contre la décision de la Présidente de la
Cour de
justice civile du canton de Genève, Assistance juridique, du 18 juin
2003.
Faits:

A.
Le 8 avril 2002, S.________, femme d'affaires sud-africaine, a requis
l'assistance juridique pour une action en validation de séquestre
ainsi
qu'une procédure pour escroquerie et abus de confiance, toutes deux
dirigées
à son encontre et ayant leur origine dans le même état de fait. Elle
faisait
valoir qu'elle se trouvait privée des moyens nécessaires pour assurer
sa
défense, dès lors que tous ses biens avaient été séquestrés dans le
cadre de
ces procédures et qu'elle ne pouvait pas travailler, étant en liberté
provisoire sous caution, avec interdiction de quitter le Royaume-Uni.
Par décision du 14 juin 2002, la Présidente du Tribunal de première
instance
de Genève a rejeté la requête au motif que l'intéressée n'avait pas
rendu son
indigence vraisemblable. Statuant le 8 octobre 2002 sur le recours
formé par
S.________ contre cette décision, la Présidente de la Cour de justice
du
canton de Genève l'a annulée et a renvoyé le dossier à l'autorité de
première
instance pour enquête et nouvelle décision.

B.
Le 13 février 2003, la Présidente du Tribunal de première instance a
derechef
rejeté la requête, pour le même motif que précédemment.
Par décision du 18 juin 2003, la Présidente de la Cour de justice a
rejeté le
recours. Elle a précisé que la requête en cause concernait cinq
procédures.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral,
S.________ conclut à l'annulation de cette décision; elle sollicite
l'octroi
de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.
L'autorité cantonale n'a pas été invitée à répondre.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 185 consid. 1 p. 188; 129 II 225
consid. 1 p.
227 et la jurisprudence citée).
Le refus de l'assistance judiciaire constitue une décision incidente
susceptible de causer un préjudice irréparable, de sorte que le
présent
recours est ouvert au regard de l'art. 87 al. 2 OJ (ATF 126 I 207
consid. 2a
p. 210; 125 I 161 consid. 1 p. 162 et les arrêts cités). Déposé en
temps
utile contre une décision prise en dernière instance cantonale, le
recours
est aussi recevable du chef des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ.

2.
La recourante reproche en bref à l'autorité cantonale d'avoir
arbitrairement
considéré que les conditions d'octroi de l'assistance juridique
n'étaient en
l'occurrence pas réalisées. Elle se plaint à cet égard d'une
violation des
art. 9 et 29 Cst., ainsi que de l'art. 6 § 3 let. c CEDH.

2.1 L'art. 6 § 3 let. c CEDH donne à tout accusé le droit de se
défendre
lui-même ou avec l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il
n'a pas
les moyens de rémunérer un défenseur, de pouvoir être assisté
gratuitement
par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent.
Ces
garanties ont pour objet de rendre la défense concrète et effective.

2.2 Selon l'art. 29 al. 3 Cst. - qui ne fait que reprendre les
principes
posés dans ce domaine par la jurisprudence relative à l'art. 4 aCst.,
à
laquelle il est dès lors possible de se référer (ATF 126 I 194
consid. 3a p.
195/196) -, toute personne qui ne dispose pas de ressources
suffisantes a
droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de
succès, à
l'assistance judiciaire gratuite et à la nomination d'un défenseur
d'office,
dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. Une
personne est
indigente lorsqu'elle n'est pas en mesure d'assumer les frais de la
procédure
sans devoir entamer les moyens qui lui sont nécessaires pour couvrir
ses
besoins personnels et ceux de sa famille (ATF 128 I 225 consid. 2.5.1
p. 232
et l'arrêt cité). Pour déterminer si tel est le cas, il convient de
prendre
en considération l'ensemble de la situation financière du requérant
au moment
où la demande est présentée. Il appartient à celui-ci d'indiquer de
manière
complète et, autant que faire se peut, d'établir ses revenus et sa
situation
de fortune (ATF 120 Ia 179 consid. 3a p. 181). Saisi d'un recours de
droit
public pour violation de l'art. 29 al. 3 Cst., le Tribunal fédéral
examine
librement le respect de cette disposition, mais il ne revoit que sous
l'angle
restreint de l'arbitraire les constatations de fait de l'autorité
cantonale
(ATF 129 I 129 consid. 2.1 p. 133 et les arrêts cités).

3.
La recourante soutient que l'autorité cantonale a dénié son indigence
sur la
base d'une appréciation manifestement arbitraire des faits.

3.1 D'après la jurisprudence, les autorités cantonales disposent d'un
large
pouvoir en ce domaine (ATF 104 Ia 381 consid. 9 p. 399). Saisi d'un
recours
de droit public, le Tribunal fédéral n'intervient que lorsque
l'appréciation
incriminée se révèle arbitraire, à savoir manifestement insoutenable
(ATF 129
I 8 consid. 2.1 p. 9; 127 I 38 consid. 2b p. 41 et les arrêts cités);
encore
faut-il que la décision en soit viciée, non seulement dans ses
motifs, mais
aussi dans son résultat (ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 88 et les
références).

3.2 Aux termes de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit -
sous
peine d'irrecevabilité (ATF 123 II 552 consid. 4d p. 558) - contenir
un
exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes
juridiques
violés, précisant en quoi consiste la violation. Le justiciable qui
forme un
recours de droit public pour arbitraire ne peut se borner à critiquer
la
décision attaquée comme il le ferait dans une procédure d'appel, où
l'autorité de recours jouit d'un libre pouvoir d'examen (ATF 117 Ia 10
consid. 4b p. 11/12; 107 Ia 186); en particulier, il ne peut se
contenter
d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit
démontrer, par
une argumentation précise, que cette décision repose sur une
appréciation des
preuves manifestement insoutenable (cf. sur ce point: ATF 128 III 50
consid.
1c p. 53/54; 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités).

3.3 La recourante s'en prend d'abord à la décision attaquée dans la
mesure où
celle-ci mentionne qu'elle disposait d'au moins 10 millions de francs
sur
divers comptes bancaires en Suisse et à l'étranger.
Elle ne démontre toutefois pas en quoi cette constatation serait
arbitrairement inexacte (art. 90 al. 1 let. b OJ; cf. supra, consid.
3.2). En
effet, elle se contente de prétendre qu'elle ignore de quels comptes
il
s'agit et à quelle date ils auraient présenté un tel solde créditeur;
de
plus, les seuls documents probants, qui se trouveraient dans le
dossier de la
procédure pénale, ne feraient pas état d'une fortune de cet ordre: de
nature
appellatoire, ces critiques sont à l'évidence insuffisamment
motivées. Par
ailleurs, l'autorité cantonale ne retient pas que la fortune de la
recourante
dépasserait 10 millions de francs, mais constate qu'elle a disposé de
fonds
de cette importance sur différents comptes bancaires en Suisse et à
l'étranger, dans le cadre de contrats et de transactions, ce qui
résulte
clairement de la décision attaquée. On ne voit pas non plus en quoi
l'autorité cantonale aurait à cet égard violé le droit d'être entendu
de la
recourante, qui ne développe du reste guère ce grief. L'affirmation
selon
laquelle son compte auprès de ABN-Amro présenterait un solde
inférieur à 400
euros est par ailleurs sans pertinence, ce montant étant mentionné
dans la
décision attaquée. Le fait que l'autorité cantonale ait qualifié de
compliquées les explications de la recourante concernant l'opération
effectuée sur ce compte ne permet pas non plus d'affirmer que le
résultat
auquel elle est parvenue serait manifestement insoutenable (cf. supra,
consid. 3.1).
3.4 Dans un autre grief, la recourante reproche à l'autorité cantonale
d'avoir retenu qu'elle vivait dans de bonnes conditions à Londres,
mais
qu'elle n'avait fourni aucun document probant quant au montant de ses
ressources. Elle concède qu'elle vit dans des conditions
"relativement"
bonnes grâce à l'aide que sa famille et ses amis lui fournissent à
bien
plaire, mais soutient qu'il ne leur incombe pas d'assumer ses frais de
justice; elle fait par ailleurs valoir qu'elle a produit au sujet de
cette
aide des déclarations effectuées sous serment par les personnes
concernées.
En principe, seules doivent être prises en considération les propres
ressources du requérant et, à la rigueur, celles des personnes qui
assument
envers lui une obligation d'entretien (ATF 108 Ia 9 consid. 3 p. 10;
119 Ia
134 consid. 4 p. 135; consid. 6 non publié de l'arrêt paru aux ATF
129 III 55
et la jurisprudence citée). En l'occurrence, l'autorité cantonale n'a
pas
méconnu cette règle. Elle a considéré sur ce point que la recourante
n'avait
déposé aucune pièce de nature à démontrer la réalité et l'étendue de
l'aide
apportée par sa famille et ses amis, comme par exemple des relevés
bancaires
faisant apparaître les montants et les dates des versements allégués.
Bien
que le Service de l'assistance juridique eût expressément demandé à la
requérante de lui fournir de tels documents, ensuite de la décision
de la
Présidente de la Cour de justice du 8 octobre 2002, ces pièces ne
figuraient
toujours pas au dossier de la procédure. Quant aux déclarations
émanant de
ses proches, elles devaient être considérées avec circonspection en
raison
des liens unissant l'intéressée à ces personnes, et ne pouvaient
remplacer
lesdites pièces; dès lors, ces déclarations ne suffisaient pas à
établir sa
situation financière. La recourante se limite à dire que rien ne
permet de
supposer que ces personnes ne seraient pas dignes de foi, et que le
refus de
tenir compte de leurs déclarations, non seulement attente à leur
honneur,
mais est de surcroît discriminatoire, l'autorité cantonale ayant au
contraire
accordé du crédit aux informations contenues dans la lettre de sa
partie
adverse du 14 juin 2002, dont elle avait pourtant démontré la totale
inexactitude: de telles allégations sont irrecevables au regard de
l'art. 90
al. 1 let. b OJ et ne peuvent par conséquent être prises en
considération.

3.5 La recourante soutient encore que l'autorité cantonale a fait
preuve
d'arbitraire en considérant qu'en tant que personne rompue aux
affaires, et
ayant disposé de fonds considérables en Suisse, il était douteux
qu'elle se
trouvât sans ressources personnelles dans le pays où elle résidait. A
cet
égard, elle se contente toutefois d'opposer son opinion à celle de
l'autorité
cantonale, affirmant que c'est précisément parce qu'elle était
constamment en
déplacement dans le monde qu'elle a décidé de déposer son argent dans
des
banques suisses. Elle prétend en outre qu'il résulterait des pièces
de la
procédure pénale, qu'elle énumère, que ses comptes auprès de ces
établissements lui servaient à payer ses dépenses courantes. Fût-elle
avérée,
cette allégation n'apparaît pas décisive. L'autorité cantonale a en
effet
considéré, de surcroît, que la recourante ne s'était pas expliquée
sur le
sort ou la destination des montants sur lesquels un séquestre n'avait
pas été
obtenu ou validé; elle n'avait pas non plus rapporté la preuve de son
indigence ou, du moins, n'avait pas rendu celle-ci vraisemblable, se
bornant
à des explications contradictoires et des allégations insuffisamment
documentées. Contrairement à ce que prétend la recourante, l'autorité
cantonale ne s'est donc pas contentée d'un simple doute pour lui
refuser
l'assistance juridique. Dès lors, cette décision n'apparaît pas non
plus
contraire au principe de la proportionnalité; au demeurant, il
importe peu
que, selon le droit cantonal, l'assistance juridique puisse être
révoquée si
elle a été octroyée indûment.

4.
Comme il n'est pas établi que l'autorité cantonale aurait
arbitrairement
considéré que la recourante n'était pas indigente, au sens des art.
29 al. 3
Cst. et 6 § 3 let. c CEDH, il est inutile d'examiner les autres griefs
soulevés par celle-ci, visant les motifs supplémentaires énoncés dans
la
décision attaquée.

5.
En conclusion, le recours doit être rejeté, dans la faible mesure de
sa
recevabilité. Comme il était d'emblée voué à l'échec, la requête
d'assistance
judiciaire ne peut être agréée (art. 152 al. 1 OJ). La recourante, qui
succombe, supportera par conséquent les frais de la présente
procédure (art.
156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge de la
recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la
recourante et à
la Présidente de la
Cour de justice civile du canton de Genève,
Assistance
juridique.

Lausanne, le 23 octobre 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

La Juge présidant: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.310/2003
Date de la décision : 23/10/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-23;5p.310.2003 ?
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