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22/10/2003 | SUISSE | N°1A.177/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 octobre 2003, 1A.177/2003


{T 0/2}
1A.177/2003 1P.507/2003 /col
Arrêt du 22 octobre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Juge présidant,
Reeb et Catenazzi.
Greffier: M. Jomini.

A. ________ et consorts,
recourants,

contre

B.________ et C.________,
intimés, représentés par Me Michel Esseiva, avocat, boulevard de
Pérolles 5,
1700 Fribourg,
Préfet de la Sarine, Grand'Rue 51, case postale 96, 1702 Fribourg,
Direction de l'aménagement, de l'environnement
et des constructions du canton de Fribourg,r> case postale, 1701 Fribourg,

Commune d'Avry-sur-Matran, Administration communale, route du Château
15,
175...

{T 0/2}
1A.177/2003 1P.507/2003 /col
Arrêt du 22 octobre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Juge présidant,
Reeb et Catenazzi.
Greffier: M. Jomini.

A. ________ et consorts,
recourants,

contre

B.________ et C.________,
intimés, représentés par Me Michel Esseiva, avocat, boulevard de
Pérolles 5,
1700 Fribourg,
Préfet de la Sarine, Grand'Rue 51, case postale 96, 1702 Fribourg,
Direction de l'aménagement, de l'environnement
et des constructions du canton de Fribourg,
case postale, 1701 Fribourg,

Commune d'Avry-sur-Matran, Administration communale, route du Château
15,
1754 Avry-sur-Matran,

Tribunal administratif du canton de Fribourg, route André-Piller 21,
1762
Givisiez.

construction agricole en zone agricole,
recours de droit administratif (1A.177/2003) et recours de droit
public
(1P.507/2003) contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de
Fribourg
du 26 juin 2003.

Faits:

A.
B. ________ exploite avec son père C.________ un domaine agricole à
Avry-sur-Matran. Ils cultivent 34 ha de terrain, principalement en
vertu d'un
contrat de bail à ferme conclu avec l'hoirie de D.________, bail
récemment
prolongé jusqu'en 2012. L'exploitation comprend du bétail,
actuellement
abrité dans une ferme du village.
Le 31 mai 2000, B.________ et C.________ ont déposé une demande
d'autorisation de construire pour un nouveau rural (étable en
stabulation
libre avec aire d'ébats extérieure pour le bétail, fourragère, fenil,
hangar
et autres locaux d'exploitation, fosse à lisier) sur la parcelle n°
218 du
registre foncier appartenant à B.________. Cette parcelle est classée
dans la
zone agricole d'Avry-sur-Matran, au lieu-dit "A la Caudraz".
Le projet a été mis à l'enquête publique et suscité l'opposition de
différents voisins, notamment de A.________, de L.________, de
V.________, de
I.________, de J.________, de S.________, de P.________ et de
M.________
(ci-après: A._________ et consorts).
Le 14 septembre 2000, la Direction des travaux publics du canton de
Fribourg
a délivré l'autorisation spéciale requise pour les projets de
construction
situés à l'extérieur de la zone à bâtir. Le 27 juin 2002, le Préfet
de la
Sarine a octroyé le permis de construire et rejeté les oppositions.

B.
A.________ et consorts ont recouru contre ces deux décisions auprès
du
Tribunal administratif du canton de Fribourg. En invoquant la
protection du
paysage, ils dénonçaient la mauvaise intégration du rural dans le
site. Ils
faisaient également valoir la possibilité d'une autre implantation,
moyennant
un échange de terrains entre B.________ et un tiers. Ils prétendaient
en
outre que l'équipement de la parcelle n° 218 n'était pas suffisant,
notamment
parce que la voie d'accès prévue n'était pas adéquate. Enfin ils
mettaient en
doute la viabilité à long terme de l'exploitation agricole concernée.
Le Tribunal administratif a rejeté le recours, dans la mesure où il
était
recevable, par un arrêt rendu le 26 juin 2003.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif (cause 1A.177/
2003)
et par celle du recours de droit public (cause 1P.507/2003) - les deux
recours étant présentés dans le même mémoire -, A.________ et consorts
demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal
administratif.
Ils se plaignent, dans le recours de droit administratif, d'une
violation de
dispositions de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT;
RS 700)
et de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire (OAT; RS 700.1)
relatives
à l'affectation de la zone agricole, et, dans le recours de droit
public,
d'une violation de l'art. 9 Cst. en relation avec une règle du droit
cantonal
en matière d'esthétique des constructions.
Il n'a pas été demandé de réponses.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Aux termes de l'art. 34 al. 1 LAT, le recours de droit administratif
au
Tribunal fédéral est recevable contre les décisions prises par
l'autorité
cantonale de dernière instance sur la reconnaissance de la conformité
à
l'affectation de la zone de constructions et d'installations sises
hors de la
zone à bâtir. Tel est bien l'objet de la présente contestation, les
recourants mettant pour l'essentiel en doute le fait que
l'exploitation des
intimés puisse subsister à long terme; c'est précisément une
condition du
droit fédéral pour l'autorisation de construire un bâtiment agricole
en zone
agricole (cf. art. 34 al. 4 let. c OAT en relation avec l'art. 16a
al. 1
LAT). En se plaignant de violations du droit administratif fédéral,
les
recourants dénoncent également l'absence, dans l'arrêt attaqué, d'une
"véritable pesée des intérêts". Ce grief est toutefois présenté de
manière
très sommaire et peu claire, sans référence à la situation concrète;
sur ce
point, l'argumentation des recourants n'est pas suffisante au regard
de la
règle de l'art. 108 al. 2 OJ, qui exige de l'auteur d'un recours de
droit
administratif qu'il indique des motifs à l'appui de ses conclusions
(cf. ATF
124 II 146 consid. 2c/aa p. 151; 123 II 359 consid. 6b/bb p. 369).
Compte tenu du sort à réserver au recours de droit administratif, il
n'est
pas nécessaire d'examiner si chacun des recourants satisfait aux
exigences de
l'art. 103 let. a OJ à propos de la qualité pour recourir, à savoir
s'il peut
se prévaloir d'un intérêt digne de protection à ce que la décision
attaquée
soit annulée ou modifiée. Selon la jurisprudence à ce sujet, le
recourant
doit être touché dans une mesure et avec une intensité plus grandes
que la
généralité des administrés, et l'intérêt invoqué - qui n'est pas
nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un
intérêt de fait - doit se trouver, avec l'objet de la contestation,
dans un
rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération (cf.
notamment
ATF 121 II 172 consid. 2b p. 174). Appliquant une règle analogue à
l'art. 103
let. a OJ (l'art. 76 let. a du code de juridiction et de procédure
administrative du canton de Fribourg, en relation avec l'art. 33 al.
3 let. a
LAT), le Tribunal administratif a laissé indécise la question de la
qualité
pour recourir; il peut en aller de même dans le présent arrêt.

2.
Les recourants se plaignent d'une violation des dispositions du droit
fédéral
de l'aménagement du territoire en reprochant au Tribunal administratif
d'avoir admis que l'exploitation agricole des intimés pouvait être
viable à
long terme.
L'art. 16a LAT fixe les conditions générales auxquelles des
constructions et
des installations peuvent être considérées comme conformes à
l'affectation de
la zone agricole. L'art. 34 OAT précise ces conditions, en disposant
en
particulier qu'une autorisation de construire ne peut être délivrée
que s'il
est prévisible que l'exploitation pourra subsister à long terme (art.
34 al.
4 let. c OAT).
Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif a d'une part évoqué
les
"perspectives d'avenir préoccupantes de l'agriculture suisse" - en
relevant
que le contexte économique général permettait de ne pas qualifier de
totalement infondés les doutes au sujet de la viabilité d'une
exploitation
semblable à celle des intimés - et il a d'autre part analysé la
situation
concrète de l'entreprise des intimés, sur la base d'une "étude
économique"
réalisée en juillet 2002 par un collaborateur de la Station de
vulgarisation
et d'économie agraire de Grangeneuve. Cette analyse des charges et des
revenus de l'exploitation, en fonction des résultats des années 1999,
2000 et
2001, fait apparaître un revenu annuel total moyen légèrement
supérieur à
100'000 fr., réparti entre la "consommation familiale" (environ deux
tiers)
et la "modification des fonds propres" (environ un tiers). Selon
l'arrêt
attaqué, l'auteur de l'étude a choisi une approche prudente, tenant
compte
d'une possibilité de diminution des marges brutes que provoquerait une
nouvelle diminution des prix des produits agricoles. Le Tribunal
administratif a retenu que le nouveau rural permettrait une
amélioration des
conditions d'exploitation et un développement de la production
laitière (avec
un effectif maximum de 40 unités de gros bétail [UGB]), que
l'investissement
pour ces installations serait financé par un crédit sans intérêt et
par une
subvention forfaitaire, et que l'exploitation, actuellement franche
de toute
dette, était économiquement saine. Pour ces motifs, il a admis la
viabilité à
long terme de l'exploitation.

Les recourants ne critiquent pas les différents éléments sur lesquels
se
fonde cette appréciation car ils se bornent à invoquer des arguments
d'ordre
général au sujet de la baisse des prix agricoles et des risques liés
à la
gestion d'une entreprise. Dans le cas particulier, où le projet
consiste à
déplacer le centre d'une exploitation familiale existante sans en
modifier la
structure - il n'est en particulier pas question de développement
interne au
sens des art. 36 et 37 OAT -, il est manifeste que les données prises
en
considération par le Tribunal administratif sont suffisantes pour
admettre
que la condition de l'art. 34 al. 4 let. c OAT est réalisée. Sur ce
point, le
recours de droit administratif est mal fondé.

3.
Dans le cadre de leur recours de droit administratif, les recourants
font
valoir qu'une solution d'échange de terrains - afin que le rural soit
édifié
à un autre endroit, sur une parcelle appartenant au bailleur des
intimés -
aurait permis de régler d'autres problèmes qu'ils avaient soulevés. Le
Tribunal administratif a considéré qu'il ne lui appartenait pas de se
prononcer sur de telles "solutions", la contestation portant
uniquement sur
la légalité du projet à son implantation prévue par le propriétaire
requérant
de l'autorisation. L'arrêt attaqué n'est pas critiquable à ce propos
car le
droit fédéral n'impose pas l'étude de variantes dans le cadre d'une
procédure
d'autorisation pour une construction agricole en zone agricole; a
fortiori ne
permettrait-il pas de contraindre un propriétaire foncier à acquérir
des
droits sur un autre terrain au prétexte que cet emplacement se
prêterait
mieux à la réalisation du projet. Le recours de droit administratif
est
également mal fondé sur ce point.

4.
Dans le cadre du recours de droit public - subsidiaire au recours de
droit
administratif en vertu de l'art. 84 al. 2 OJ -, les recourants se
plaignent
d'une application arbitraire de l'art. 155 de la loi cantonale
fribourgeoise
sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATeC), règle
selon
laquelle toute construction doit présenter un aspect satisfaisant du
point de
vue de l'architecture, en tenant compte des caractéristiques
particulières
des sites naturels.
La qualité pour agir par la voie du recours de droit public est
définie à
l'art. 88 OJ. Ce recours est ouvert uniquement à celui qui est
atteint par
l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et juridiquement
protégés. Le
recours formé pour sauvegarder l'intérêt général ou ne visant qu'à
préserver
des intérêts de fait est en revanche irrecevable (ATF 129 I 113
consid. 1.2
p. 117; 129 II 297 consid. 2.1 p. 300; 126 I 43 consid. 1a p. 44 et
les
arrêts cités). D'après la jurisprudence relative à cette disposition,
celui
qui conteste l'octroi d'une autorisation de construire à un autre
propriétaire, en dénonçant une application arbitraire (cf. art. 9
Cst.) de la
réglementation en matière d'aménagement du territoire ou de police des
constructions, doit alors invoquer la violation d'une norme du droit
cantonal
ou communal tendant, au moins accessoirement, à la protection de ses
intérêts
de propriétaire voisin. Dans cette situation, l'intérêt juridiquement
protégé
ne peut pas résulter du seul art. 9 Cst. (cf. ATF 129 I 113 consid.
1.5 p.
118; 126 I 81 consid. 2a et 3b p. 84 s.; à propos plus spécialement du
recours du voisin: ATF 127 I 44 consid. 2c p. 46; 125 II 440 consid.
1c p.
442; 118 Ia 232 consid. 1a p. 234 et les arrêts cités). La
jurisprudence
retient que les pures clauses d'esthétique, à l'instar de l'art. 155
LATeC,
sont des règles qui visent à protéger exclusivement l'intérêt public,
et non
pas accessoirement l'intérêt des voisins (ATF 118 Ia 232 consid. 1b
p. 235 et
les arrêts cités). Aussi, à défaut d'intérêt juridiquement protégé au
sens de
l'art. 88 OJ, les recourants n'ont-ils en l'occurrence pas qualité
pour agir
par la voie du recours de droit public. Celui-ci est donc irrecevable.

5.
Il s'ensuit que le recours de droit administratif doit être rejeté,
dans la
mesure où il est recevable, et que le recours de droit public doit
être
déclaré irrecevable.
Les recourants, qui succombent, doivent payer un émolument judiciaire
(art.
153, 153a et 156 al. 1 OJ).
Les intimés, qui n'ont pas été invités à répondre aux recours, n'ont
pas
droit à des dépens (cf. art. 159 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est rejeté, dans la mesure où il est
recevable.

2.
Le recours de droit public est irrecevable.

3.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des
recourants.

4.
Il n'est pas alloué de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au représentant des
recourants, au
mandataire des intimés, au Préfet de la Sarine, à la Direction de
l'aménagement, de l'environnement
et des constructions et au Tribunal
administratif du canton de Fribourg, à la Commune d'Avry-sur-Matran
ainsi
que, pour information, à l'Office fédéral du développement
territorial.

Lausanne, le 22 octobre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.177/2003
Date de la décision : 22/10/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-22;1a.177.2003 ?
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