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13/10/2003 | SUISSE | N°1P.434/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 octobre 2003, 1P.434/2003


{T 0/2}
1P.434/2003/col

Arrêt du 13 octobre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Parmelin.

les époux A.________,
recourants, représentés par Me Guy Frédéric Zwahlen, avocat, rue
Céard 13,
1204 Genève,

contre

les époux B.________,
intimés, représentés par Me Jean-Franklin Woodtli, avocat, rue
Prévost-Martin
5, case postale 145,
1211 Genève 4,
Département d

e l'aménagement, de l'équipement et du logement du
canton de
Genève, rue David-Dufour 5, case postale 22, 1211 Genève 8,
Tribunal ...

{T 0/2}
1P.434/2003/col

Arrêt du 13 octobre 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb et Féraud.
Greffier: M. Parmelin.

les époux A.________,
recourants, représentés par Me Guy Frédéric Zwahlen, avocat, rue
Céard 13,
1204 Genève,

contre

les époux B.________,
intimés, représentés par Me Jean-Franklin Woodtli, avocat, rue
Prévost-Martin
5, case postale 145,
1211 Genève 4,
Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement du
canton de
Genève, rue David-Dufour 5, case postale 22, 1211 Genève 8,
Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, case
postale 1956, 1211 Genève 1.

autorisation de construire; validité d'une clause accessoire,

recours de droit administratif et de droit public contre l'arrêt du
Tribunal
administratif du canton de Genève
du 17 juin 2003.

Faits:

A.
Les époux B.________ sont copropriétaires de la parcelle n° 5846 du
registre
foncier de la Commune de Collonge-Bellerive. D'une surface de 1'130
mètres
carrés, cette parcelle sise en cinquième zone de construction est
bordée au
nord par le chemin de Sous-Cherre, à l'ouest par deux parcelles
bâties et au
sud par la parcelle n° 5845, propriété des époux A.________. Elle est
notamment grevée en limite ouest d'une servitude de passage à pied et
à
véhicule d'une largeur de 1,5 mètre au profit de la parcelle des époux
A.________.
Le 5 novembre 2001, les époux B.________ ont requis l'autorisation de
construire une villa individuelle avec garage et piscine sur leur
bien-fonds.
Cette requête faisait suite à un projet immobilier portant sur les
parcelles
nos 5845 et 5846, qui prévoyait un accès commun à l'est. Les plans
d'enquête
mentionnaient la servitude de passage actuelle en limite ouest, avec
une
extension de son assiette à trois mètres, pour tenir compte des
conclusions
prises en ce sens par les époux A.________ dans le cadre d'une action
en
constitution d'un passage nécessaire ouverte devant le Tribunal de
première
instance du canton de Genève.
Par décision du 14 février 2002, le Département de l'aménagement, de
l'équipement et du logement du canton de Genève (ci-après: le
Département) a
délivré aux époux B.________ l'autorisation de construire sollicitée,
à la
condition posée sous chiffre 5 que la copie du plan et de l'acte
inscrits au
registre foncier de la servitude de passage pour tous véhicules au
profit de
la parcelle n° 5845 lui parviennent avant l'ouverture du chantier,
conformément au préavis de la division de l'aménagement. Dans un
avenant du 5
mars 2002, il a précisé que le plan et l'acte de la servitude de
passage pour
tous véhicules portait non seulement sur la servitude existante, mais
également sur l'extension envisagée, conformément aux plans d'enquête.
Par décision du 16 décembre 2002, la Commission cantonale de recours
en
matière de constructions a admis le recours des époux B.________ et
annulé la
condition posée sous chiffre 5 de l'autorisation de construire du 14
février
2002 au motif que cette condition était illégale. Elle a considéré en
substance qu'en l'absence de tout projet de construction sur la
parcelle des
époux A.________, le Département devait uniquement s'assurer que
l'accès à la
villa des requérants était garanti et qu'il n'était pas habilité à
faire
dépendre l'ouverture du chantier de l'élargissement préalable à trois
mètres
de l'assiette de la servitude de passage au profit de la parcelle n°
5845.
Les époux A.________ ont recouru sans succès contre cette décision
auprès du
Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal
administratif ou la cour cantonale). Dans son arrêt du 17 juin 2003,
cette
autorité a estimé que l'élargissement de la servitude de passage
existante à
trois mètres était une question de droit privé et que le Département
avait
excédé sa compétence en assortissant l'octroi du permis de construire
aux
époux B.________ à une telle condition.

B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif,
subsidiairement par
celle du recours de droit public, les époux A.________ concluent
principalement à l'annulation de cet arrêt. Dans le cadre du recours
de droit
administratif, ils demandent en outre au Tribunal fédéral d'ordonner
qu'il
soit établi un droit de passage de trois mètres, fondé sur le droit
public
fédéral, permettant l'accès depuis la voie publique à leur parcelle, à
travers la parcelle des époux B.________, et de soumettre
l'autorisation de
construire litigieuse à une charge consistant dans la création d'une
servitude de passage pour tous véhicules d'une largeur de trois mètres
grevant la parcelle n° 5846 au profit de la parcelle n° 5845; sur le
fond,
ils se plaignent d'une violation des art. 19 al. 1, 20 et 22 al. 2
let. b de
la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700). A
l'appui du
recours de droit public, ils dénoncent une violation de leur droit
d'être
entendus, de la garantie de la propriété, du principe de la force
dérogatoire
du droit fédéral et de l'interdiction de l'arbitraire.
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Le Département
conclut au
rejet des recours. Les époux B.________ proposent de déclarer le
recours de
droit administratif irrecevable, respectivement de le rejeter, et de
rejeter
le recours de droit public.

C.
Par ordonnance du 29 août 2003, le Juge présidant la Ire Cour de
droit public
a rejeté la demande d'effet suspensif présentée par les époux
A.________.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 185 consid. 1 p. 188; 129 II 225
consid. 1 p.
227 et la jurisprudence citée).

1.1 L'arrêt attaqué, rendu en dernière instance cantonale, concerne
une
autorisation de construire dans la zone à bâtir. En vertu de l'art.
34 al. 1
et 3 LAT, seul le recours de droit public est en principe ouvert
contre une
telle décision dans la mesure où celle-ci ne porte pas sur
l'application des
art. 5 et 24 à 24d LAT. La jurisprudence admet cependant qu'elle
puisse faire
l'objet d'un recours de droit administratif, lorsque l'application du
droit
fédéral de la protection de l'environnement, ou d'autres prescriptions
fédérales spéciales directement applicables est en jeu (ATF 125 II 10
consid.
2a p. 13; 123 II 88 consid. 1a p. 91, 231 consid. 2 p. 233; 121 II 72
consid.
1b p. 75 et les arrêts cités). Les recourants prétendent en
l'occurrence que
la suppression de la charge assortie à l'octroi de l'autorisation de
construire délivrée à leurs voisins ferait obstacle au droit fédéral
en
empêchant que leur terrain soit doté d'une voie d'accès adaptée à
l'utilisation de leur parcelle comme le requiert l'art. 22 al. 2 let.
b LAT;
ils se plaignent à cet égard de la non-application des art. 19 al. 1
et 20
LAT. Or, conformément à l'art. 34 al. 1 et 3 LAT, un tel grief doit
être
invoqué par la voie du recours de droit public (cf. ATF 115 Ib 383
consid. 1a
in fine p. 386; arrêt 1A.171/1993 du 5 août 1994, consid. 1a publié à
la ZBl
96/1995, p. 231). Pour le surplus, les recourants n'invoquent la
violation
d'aucune autre disposition du droit fédéral directement applicable,
de sorte
que le recours de droit administratif est irrecevable.

1.2 La vocation pour agir par la voie du recours de droit public se
détermine
exclusivement selon l'art. 88 OJ; il importe peu à cet égard que la
qualité
de partie ait été reconnue aux recourants en procédure cantonale. En
matière
d'autorisation de construire, le Tribunal fédéral reconnaît la
qualité pour
recourir aux voisins s'ils invoquent la violation de dispositions du
droit
des constructions qui sont destinées à les protéger ou qui ont été
édictées à
la fois dans l'intérêt public et dans celui des voisins (ATF 127 I 44
consid.
2c p. 46). Ils doivent en outre se trouver dans le champ de
protection des
dispositions dont ils allèguent la violation et être touchés par les
effets
prétendument illicites de la construction ou de l'installation
litigieuse
(ATF 121 I 267 consid. 2 p. 268 et les arrêts cités).
En l'occurrence, les recourants ne contestent pas que le projet
litigieux
réponde aux normes de police des constructions en vigueur; ils ne
prétendent
pas plus que le projet des intimés les priverait d'une voie d'accès à
leur
parcelle ou qu'il les entraverait dans l'exercice de la servitude de
passage,
telle qu'elle est inscrite au registre foncier. Ils affirment en
revanche
disposer d'un droit de passage fondé sur le droit public, dont la cour
cantonale aurait dû tenir compte en assortissant l'octroi du permis de
construire délivré aux époux B.________ à l'inscription préalable au
registre
foncier d'une servitude de passage de trois mètres grevant la
parcelle n°
5846 au profit de leur parcelle. La question de savoir si l'existence
d'un
tel droit suffirait à leur conférer la qualité pour agir peut demeurer
indécise, car leur argumentation ne peut de toute manière pas être
suivie.
Selon la jurisprudence à laquelle se réfèrent les recourants, il
incombe en
premier lieu au droit public de prévoir les instruments propres à
assurer
l'équipement des zones constructibles; l'octroi d'un passage
nécessaire au
sens du droit civil n'entre pas en considération tant qu'un accès
approprié
peut être réalisé par des moyens de droit public (ATF 121 I 65
consid. 4b p.
70). Il n'y a pas lieu d'examiner si cette jurisprudence s'applique
effectivement dans le cas particulier ou si, au contraire,
l'élargissement de
la servitude de passage ressortit uniquement au droit privé, comme
l'a retenu
la cour cantonale, car la décision attaquée est de toute manière
conforme aux
principes développés dans l'arrêt précité et échappe au grief
d'arbitraire
(cf. ATF 129 I 173 consid. 3 p. 178). L'art. 19 LAT ne précise en
effet pas
par quel moyen l'obligation d'équiper les zones à bâtir, qui incombe
à la
collectivité publique en vertu de cette disposition, doit être mise en
oeuvre; en particulier, il n'impose pas un droit de passage
nécessaire fondé
sur le droit public - même si le droit fédéral ne l'interdit pas (ATF
121 I
65 consid. 5a/aa p. 70) -, que les recourants pourraient faire valoir
à
l'occasion d'un projet immobilier déposé par leur voisin en tout point
conforme aux normes de police des constructions. Pareille obligation
ne
saurait par ailleurs se déduire directement de la garantie de la
propriété
consacrée à l'art. 26 al. 1 Cst., dont se prévalent également les
recourants.
A tout le moins, elle devrait reposer sur une base légale expresse,
en raison
de l'atteinte qu'elle porte à la propriété des voisins concernés (cf.
art. 36
al. 1 Cst.; ATF 117 Ib 172 consid. 3 p. 176). L'art. 16 al. 1 let. b
de la
loi genevoise sur les constructions et les installations diverses
(LCI)
prévoit certes que l'autorisation de construire peut être subordonnée
à
l'équipement préalable des terrains. A supposer que cette disposition
constitue une base légale suffisante pour assortir l'octroi du permis
de
construire aux époux B.________ de la constitution préalable d'une
servitude
de passage grevant leur parcelle en faveur de celle des recourants,
encore
faut-il que cette solution respecte le principe de la
proportionnalité (cf.
art. 36 al. 3 Cst.; ATF 121 I 65 consid. 5a/cc p. 71; arrêt
1A.145/1998 du 7
juillet 1999 consid. 9b paru à la RDAT 1999 II n° 62 p. 230). Or, le
recours
à un droit de passage fondé sur le droit public est subsidiaire par
rapport
aux moyens de droit public tirés de l'aménagement du territoire (ATF
121 I 65
consid. 5b/aa p. 71); par ailleurs, il n'est pas exclu qu'une autre
variante
permettant d'éviter le passage au travers du bien-fonds des intimés
puisse
également garantir l'accès de la parcelle des recourants au domaine
public.
Les autorités de recours cantonales n'ont donc pas fait preuve
d'arbitraire
en annulant la condition posée sous chiffre 5 du permis de construire
délivré
aux époux B.________. La suppression de cette clause accessoire se
justifie
d'autant plus qu'elle ne présente pas de rapport de connexité étroit
avec le
projet des intimés, ce qui aurait pu à la rigueur être le cas si
l'une des
constructions prévues s'implantait sur l'assiette élargie à trois
mètres de
la servitude de passage, et qu'elle n'est pas nécessaire pour le
rendre
conforme aux normes de police des constructions applicables (ATF 117
Ib 172
consid. 3 p. 176; Benoît Bovay, Le permis de construire en droit
vaudois, 2è
éd., Lausanne 1988, p. 185 et les références citées).

1.3 Les recourants se plaignent enfin en vain d'une violation de leur
droit
d'être entendus. Le Tribunal administratif a considéré que la
question de
savoir si l'assiette de la servitude de passage pouvait ou non être
doublée
ressortait uniquement au droit privé; il a donc implicitement admis
que
l'art. 19 al. 1 LAT ne conférait aux époux A.________ aucun droit
d'exiger
l'extension de l'assiette de la servitude de passage existante à
l'occasion
d'un projet de construction déposé par leurs voisins. Ils étaient
donc en
mesure de comprendre les raisons pour lesquelles la cour cantonale
n'avait
pas souscrit à leur argumentation et de l'attaquer en connaissance de
cause,
ce qui suffit à satisfaire les exigences de motivation déduites de
l'art. 29
al. 2
Cst. (cf. ATF 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 et les arrêts cités).

2.
Les considérants qui précèdent conduisent à l'irrecevabilité du
recours de
droit administratif et au rejet du recours de droit public, dans la
mesure où
il est recevable. Les frais du présent arrêt doivent être mis à la
charge des
recourants qui succombent (art. 156 al. 1 OJ). Ces derniers verseront
en
outre une indemnité de dépens aux intimés, qui obtiennent gain de
cause avec
l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est irrecevable.

2.
Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est
recevable.

3.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des époux
A.________.

4.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée aux époux B.________,
créanciers
solidaires, à titre de dépens, à la charge des époux A.________,
débiteurs
solidaires.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
ainsi
qu'au Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et
au
Tribunal administratif du canton de Genève.

Lausanne, le 13 octobre 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.434/2003
Date de la décision : 13/10/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-13;1p.434.2003 ?
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