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08/10/2003 | SUISSE | N°C.283/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 octobre 2003, C.283/01


{T 7}
C 283/01

Arrêt du 8 octobre 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffier: M. Métral

Service cantonal des arts et métiers et du travail du canton du Jura,
rue du
24-Septembre 1, 2800 Delémont, recourant,

contre

Secrétariat d'Etat à l'économie, Marché du travail et
assurance-chômage,
RDTC, Effingerstrasse 31, 3003 Berne, intimé,

concernant X.________ SA

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
assurances,

Porrentruy

(Jugement du 29 août 2001)

Faits:

A.
L'entreprise X.________ SA est spécialisée dans la productio...

{T 7}
C 283/01

Arrêt du 8 octobre 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffier: M. Métral

Service cantonal des arts et métiers et du travail du canton du Jura,
rue du
24-Septembre 1, 2800 Delémont, recourant,

contre

Secrétariat d'Etat à l'économie, Marché du travail et
assurance-chômage,
RDTC, Effingerstrasse 31, 3003 Berne, intimé,

concernant X.________ SA

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des
assurances,
Porrentruy

(Jugement du 29 août 2001)

Faits:

A.
L'entreprise X.________ SA est spécialisée dans la production et le
finissage
d'articles d'habillement. De 1993 à 1999, elle a sollicité et obtenu
des
indemnités pour réduction de l'horaire de travail pendant des périodes
totalisant en moyenne 6 mois par année. L'effectif du personnel a
passé de 54
employés en 1993 à 31 à fin 1999. Le chiffre d'affaires de 9'654'394
fr. en
1993 s'est élevé à 5'549'032 fr. en 1999 et le nombres de pièces
vendues
durant la même période a chuté de 65'592 à 29'998 unités.

Le 11 septembre 2000, X.________ SA a déposé un préavis de réduction
de
l'horaire de travail, de 80 %, pour 16 de ses 30 employés, du 1er
octobre au
31 décembre 2000. Par décision du 28 septembre 2000, le Service des
arts et
métiers et du travail du canton du Jura (service cantonal) a
autorisé, pour
autant que les autres conditions fussent remplies, une réduction de
l'horaire
de travail donnant droit à indemnités de 40 % durant trois mois. Le 6
novembre 2000, le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) a recouru
contre
cette décision devant le Tribunal cantonal jurassien en contestant le
caractère exceptionnel et passager de la perte de travail invoquée par
l'entreprise.

Le 29 janvier 2001, X.________ SA a présenté un nouveau préavis de
réduction
de l'horaire de travail touchant 14 de ses employés, à un taux
variant de 40
à 80 %, pour la période du 1er mars au 31 mai 2001. Par décision du
12 mars
2001, le service cantonal a autorisé une réduction de l'horaire de
travail de
40 % durant trois mois. Le 2 avril 2001, le SECO a également recouru
contre
cette décision.

B.
Par jugement du 29 août 2001, le Tribunal cantonal a admis les
recours formés
par le SECO et annulé les décisions du service cantonal des 28
septembre 2000
et 12 mars 2001.

C.
Le service cantonal interjette recours de droit administratif contre
ce
jugement, dont il demande l'annulation, sous suite de frais et dépens.
L'instance cantonale et le SECO concluent au rejet du recours, tandis
que
X.________ SA a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit de X.________ SA à des indemnités pour
réduction
de l'horaire de travail pour les mois d'octobre à décembre 2000 et de
mars à
mai 2001.

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales
(LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003,
n'est pas
applicable au présent litige, dès lors que le juge des assurances
sociales
n'a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de
l'état de
fait postérieures à la date déterminante des décisions litigieuses
des 28
septembre 2000 et 12 mars 2001 (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366
consid.
1b).

3.
Les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou
l'activité
suspendue ont droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de
travail
si, entre autres conditions, la perte de travail doit être prise en
considération, si la réduction de l'horaire de travail est
vraisemblablement
temporaire, et si l'on peut admettre qu'elle permettra de maintenir
les
emplois en question (art. 31 al. 1 let. b et d LACI). La perte de
travail
n'est prise en considération que si elle est due à des facteurs
d'ordre
économique et est inévitable (art. 32 al. 1 let. a LACI), et si elle
est d'au
moins 10 % de l'ensemble des heures normalement effectuées par les
travailleurs de l'entreprise (art. 32 al. 1 let. b LACI) . Cependant,
même
quand elle satisfait à ces critères, la perte de travail n'est pas
prise en
considération lorsqu'elle est due à des circonstances inhérentes aux
risques
normaux d'exploitation que l'employeur doit assumer (art. 33 al. 1
let. a
LACI), lorsqu'elle est habituelle dans la branche, la profession ou
l'entreprise, ou qu'elle est causée par des fluctuations saisonnières
de
l'emploi (art. 33 al. 1 let. b LACI). Le but de cette dernière
exception est,
avant tout, d'exclure l'indemnisation des réductions de l'horaire de
travail
qui se répètent régulièrement (ATF 121 V 374 consid. 2a, 119 V 358
consid. 1a
et les références).

Selon la jurisprudence, doivent être considérées comme des risques
normaux
d'exploitation, les pertes de travail habituelles, c'est-à-dire
celles qui,
d'après l'expérience de la vie, surviennent périodiquement et qui, par
conséquent, peuvent faire l'objet de calculs prévisionnels. Les
pertes de
travail susceptibles de toucher chaque employeur sont des
circonstances
inhérentes aux risques d'exploitation généralement assumés par une
entreprise; ce n'est que lorsqu'elles présentent un caractère
exceptionnel ou
extraordinaire qu'elles ouvrent droit à une indemnité en cas de
réduction de
l'horaire de travail. La question du risque d'exploitation ne saurait
par
ailleurs être tranchée de manière identique pour tous les genres
d'entreprises, ce risque devant au contraire être apprécié dans
chaque cas
particulier, compte tenu de toutes les circonstances liées à
l'activité
spécifique de l'exploitation en cause (p. ex. DTA 1995 n° 20 p. 119
sv.
consid. 1b).

4.
4.1En l'espèce, la juridiction cantonale a jugé que les conditions
d'indemnisation de la réduction de l'horaire de travail n'étaient pas
réalisées. Elle a estimé que les différentes pertes de travail subies
par
l'entreprise devaient être considérées comme habituelles, ne
résultaient pas
de facteurs d'ordre économique et n'étaient pas inévitables, dans la
mesure
où, depuis 1993, X.________ SA avait sollicité et obtenu chaque
année, à
plusieurs reprises, des indemnités pour réduction de l'horaire de
travail.
Dans une argumentation subsidiaire, elle a jugé que les pertes de
travail
pour lesquelles les indemnités étaient requises n'étaient pas
passagères,
mais présentaient un caractère périodique, voire saisonnier, car
entre 1996
et 1998 les heures chômées, à deux reprises dans l'année, s'étaient
répétées
alors que le nombre d'unités vendues n'avait que peu diminué et que le
chiffre d'affaires était légèrement remonté.

4.2 Selon le service cantonal, le droit à l'indemnité étant admis
durant 12
périodes dans les limites du délai cadre de deux ans, l'évolution de
la
conjoncture doit faire perdre au moins 10 % du volume de travail à une
entreprise pour qu'on lui permette d'ouvrir un nouveau délai cadre en
fin de
période. Or, la perte de travail subie par X.________ SA, à partir de
1993, a
été supérieure à 10 % d'année en année et l'entreprise s'est
constamment
adaptée à la chute importante d'unités vendues au fil des ans. Le
raisonnement du SECO et des premiers juges reviendrait à assimiler
une chute
continuelle du volume des affaires, sans égard à l'importance dudit
volume,
en un risque normal d'exploitation après un usage répété de
l'indemnité en
cas de réduction de l'horaire de travail et pénaliserait les
entreprises qui
ont consenti des efforts pour s'adapter aux fléchissements
conjoncturels. En
outre, l'existence de motifs d'ordre structurel ne devrait pas
suffire pour
écarter le droit à l'indemnité, puisque les autres conditions du
droit,
notamment le caractère vraisemblablement temporaire de la réduction de
l'horaire de travail, suffisent à nier le droit en présence de motifs
purement structurels lorsque l'entreprise n'est pas viable à moyen ou
à long
terme.

4.3 Le recourant ne peut être suivi. Le taux de 10 % de perte de
travail
selon l'art. 32 al. 1 let. b LACI ne constitue pas un critère d'ordre
conjoncturel; pour être prise en considération, la perte de travail
subie par
l'entreprise ne doit pas avoir été provoquée - pour un pourcentage
déterminé
- par la conjoncture. Le taux de 10 % représente uniquement la limite
quantitative de la perte de travail en deçà de laquelle l'entreprise
doit
assumer elle-même les fluctuations de son activité économique au
regard du
marché (Nussbaumer, Arbeitslosenversicherung in: Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, ch. 388).

S'il est vrai que l'intimée s'est plus ou moins adaptée au fil des
ans à la
chute importante de ses ventes, principalement en ne repourvoyant pas
les
postes de travail laissés vacants par les départs naturels, il n'en
demeure
pas moins que les efforts entrepris pour adapter la capacité de
production,
surtout si leurs effets ne suffisent pas à enrayer la perte de
travail, ne
peuvent justifier à eux seuls l'octroi des indemnités pour réductions
de
l'horaire de travail. En outre, l'existence d'une situation économique
défavorable ou une perte de travail due à des motifs indépendants de
la
volonté de l'entreprise ne suffisent pas pour que la perte de travail
soit
indemnisable (DTA 1999 n° 35 p. 204, 1998 n° 50 p. 290; 1996/97 n°.40
p.
220). Or, l'intimée justifie sa perte de travail par la surproduction
dans le
secteur de l'habillement et l'essor des importations de textiles et de
produits de confection en provenance des pays de l'Europe de l'Est ou
de
l'Asie du Sud-Est. Ces éléments, ainsi que les pertes dues à un taux
de
change défavorable pour les ventes à l'étranger, ne constituent pas un
phénomène nouveau; la concurrence grandissante dans le secteur
concerné, la
pression extrême sur les prix touchent toutes les entreprises de
confection
du pays, qui doivent inclure dans leurs calculs prévisionnels la
diminution
des commandes en relation avec les coûts plus élevés de production et
les
pertes dues au taux de change. Sous cet angle la perte de travail
n'apparaît
ni passagère ni exceptionnelle et se confond avec les risques normaux
d'exploitation de l'entreprise.

Par ailleurs, même si le fait que l'entreprise a perçu des indemnités
pour
réduction de l'horaire de travail de manière répétée ne permet pas, à
lui
seul, d'exclure le caractère provisoire de la perte de travail (cf.
DTA 1995
n° 19 p. 113), il existe en l'espèce des éléments concrets permettant
de
réfuter une telle présomption. Ainsi, l'intimée a sollicité les
indemnités
pour réduction de l'horaire de travail dans les préavis litigieux des
11
septembre 2000 et 29 janvier 2001 au motif que les commandes pour la
production en Suisse n'étaient pas suffisantes, soit pour les mêmes
raisons
que celle évoquées dans ses préavis du 7 janvier 1999, du 9 août 1999
et du
11 février 2000; dans tous ces préavis, l'intimée a précisé que
l'évolution
du chiffre d'affaires était incertaine. Dans ces conditions, la perte
de
travail ne pouvait plus apparaître comme temporaire et le droit à
l'indemnité
devait être nié pour ce motif également.

Enfin, à l'examen des heures chômées par l'entreprise de 1993 à 2000,
on doit
constater, à quelques nuances près, que les mois de mars, avril et
mai ont
fait chaque année l'objet de préavis et de réductions de l'heure de
travail.
Si l'on confronte ces éléments aux précisions apportées par l'intimée
en
procédure cantonale, selon lesquelles son carnet de commandes pour le
printemps (en l'espèce 2000) est livré à la fin février et la période
de
ventes d'automne se traduit en terme de production seulement pour la
période
allant de mi-mai à fin septembre, la perte de travail des mois de
mars à
avril apparaît, pour partie du moins, avoir une origine saisonnière.

5.
Vu ce qui précède, c'est à juste titre que les premiers juges ont nié
le
droit aux indemnités litigieuses. La procédure est gratuite, dès lors
qu'elle
porte sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance. En leur
qualité
d'organismes chargés de tâches de droit public, ni le Service des
arts et
métiers et du travail du canton du Jura - qui succombe, par ailleurs
(art.
159 al. 1 OJ) -, ni le Secrétariat d'Etat à l'économie ne peuvent
prétendre
de dépens (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à X.________ SA, au
Tribunal
cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des assurances,
et à la
Caisse publique d'assurance-chômage de la République et canton du
Jura.

Lucerne, le 8 octobre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.283/01
Date de la décision : 08/10/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-10-08;c.283.01 ?
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