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26/09/2003 | SUISSE | N°2A.556/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 septembre 2003, 2A.556/2002


{T 0/2}
2A.556/2002/sch

Arrêt du 26 septembre 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Betschart, Hungerbühler, Yersin et Merkli.
Greffière: Mme Dupraz.

1. A.________,

2. B.________,

3. C.________,

4. D.________,

5. E.________,

6. F.________,

7. G.________,

8. H.________,

9. I.________,

10. J.________,

11. K.________,

12. L.________,
recourants, tous représentés par Me J

oanna Bürgisser, avocate, avenue
de
Frontenex 5, 1207 Genève,

contre

Hôpitaux Universitaires de Genève,
1211 Genève 14, représentés par ...

{T 0/2}
2A.556/2002/sch

Arrêt du 26 septembre 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Betschart, Hungerbühler, Yersin et Merkli.
Greffière: Mme Dupraz.

1. A.________,

2. B.________,

3. C.________,

4. D.________,

5. E.________,

6. F.________,

7. G.________,

8. H.________,

9. I.________,

10. J.________,

11. K.________,

12. L.________,
recourants, tous représentés par Me Joanna Bürgisser, avocate, avenue
de
Frontenex 5, 1207 Genève,

contre

Hôpitaux Universitaires de Genève,
1211 Genève 14, représentés par Me Pierre Martin-Achard, avocat, rue
du Rhône
100, case postale 3403,
1211 Genève 3,

Office du personnel de l'Etat de Genève,
1211 Genève 3, représenté par Me Pierre Martin-Achard, avocat, rue du
Rhône
100, case postale 3403, 1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de Genève,
rue des Chaudronniers 3, 1204 Genève.

Egalité des sexes, rémunération,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Genève du 8 octobre 2002.

Faits:

A.
Depuis 1971, l'Association suisse des infirmières et infirmiers -
section de
Genève (ci-après: l'Association) effectue des démarches tendant à
permettre
aux infirmières d'obtenir les "compensations morales et matérielles"
qu'elles
sont en droit d'attendre, soit une meilleure reconnaissance de leur
profession et une réévaluation de leur fonction. En 1985,
l'Association a
adressé au Conseil d'Etat du canton de Genève (ci-après: le Conseil
d'Etat)
une demande formelle de réévaluation de la fonction d'infirmière qui
était en
classe 12 de l'échelle des traitements. Le Conseil d'Etat a décidé de
colloquer en fait cette fonction en classe 13, à partir du 1er
janvier 1990.

B.
Le 27 avril 2001, A.________ et dix consorts, à savoir B.________,
C.________, D.________, E.________, F.________, G.________,
H.________,
I.________, J.________ et K._________, tous infirmier ou infirmières,
ont
adressé une demande en paiement contre les Hôpitaux universitaires de
Genève
(ci-après: les Hôpitaux) à la Commission genevoise de conciliation en
matière
d'égalité entre femmes et hommes dans les rapports de travail
(ci-après: la
Commission).

Le 27 avril 2001 également, C.________ et quatre consorts, à savoir
E.________, G.________, J.________ et L.________, tous infirmiers ou
infirmières, ont adressé à la Commission une demande en paiement
contre
l'Office du personnel de l'Etat de Genève (ci-après: l'Office).

Ces deux demandes avaient le même but et développaient la même
argumentation.
Elles visaient au paiement de salaires dus à partir du 1er mai 1996,
en
raison d'une discrimination salariale fondée sur le sexe. Elles
invoquaient
les art. 3, 5 al. 1 lettre d et 17 de la loi fédérale du 24 mars 1995
sur
l'égalité entre femmes et hommes (loi sur l'égalité; LEg; RS 151.1).
Elles
faisaient valoir que la politique salariale du canton de Genève, les
critères
utilisés et la procédure appliquée lors de l'établissement de la
grille des
salaires avaient pour effet de discriminer la profession d'infirmière,
exercée principalement par des femmes. Ces demandes s'appuyaient
notamment
sur un rapport de l'Association datant de septembre 1997 et sur la
comparaison de la situation des infirmières et de celle des
gendarmes. Le
calcul des créances des demandeurs se fondait sur la différence entre
le
salaire reçu et le traitement qui aurait été versé aux intéressés
s'ils
avaient été en classe 16 de l'échelle des traitements - classe
correspondant
à celle des brigadiers de gendarmerie - conformément à leurs
revendications.

Ces deux demandes ont fait l'objet, le 11 juin 2001, d'une audience
de la
Commission. Les causes, non conciliées, ont été transmises le 15 juin
2001 au
Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal
administratif).

Donnant suite à une demande d'évaluation des fonctions d'infirmiers et
d'infirmières présentée le 18 juillet 2000 par l'Association, le
Conseil
d'Etat a modifié la classification de ces fonctions le 21 novembre
2001.
Ainsi, depuis le 1er janvier 2002, les infirmiers et infirmières
assistants
sont colloqués en classe maximale 10 de l'échelle des traitements, les
infirmiers et infirmières diplômés en classe maximale 15, les
infirmiers et
infirmières spécialisés en classe maximale 16, les infirmiers et
infirmières
responsables 1 en classe maximale 17, les infirmiers et infirmières
responsables 2 en classe maximale 19, les infirmiers et infirmières
spécialistes cliniques en classe maximale 19 et les sages-femmes
diplômées
(hommes ou femmes) en classe maximale 15.

Par arrêt du 8 octobre 2002, le Tribunal administratif a rejeté, dans
la
mesure où elles avaient conservé un objet, les deux demandes
susmentionnées
et mis un émolument de 1'200 fr. à la charge des demandeurs. Il a
considéré
que, les fonctions de tous les demandeurs ayant été réévaluées depuis
le 1er
janvier 2002, les demandes avaient perdu tout objet à l'exception du
paiement
du rétroactif réclamé du 1er mai 1996 jusqu'au 30 avril 2001. Il a
écarté les
conclusions que les demandeurs tiraient de la comparaison entre les
fonctions
d'infirmier et d'infirmière, d'une part, et de gendarme, d'autre
part,
estimant que les intéressés n'avaient pas rendu vraisemblable la
discrimination qu'ils prétendaient subir depuis 1996.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________,
B.________, C.________, D.________, E.________, F.________,
G.________,
H.________, I.________, J.________, K.________ et L.________ demandent
principalement au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens,
d'annuler
l'arrêt du Tribunal administratif du 8 octobre 2002 et de renvoyer la
cause à
cette autorité pour nouvelle décision. Subsidiairement et vu les art.
112,
113 et 95 OJ, les recourants demandent au Tribunal fédéral, sous
suite de
dépens, d'ordonner des débats ainsi qu'une expertise ayant pour but
d'évaluer
le salaire non discriminatoire de la fonction d'infirmier et
d'infirmière, à
la lumière de l'échelle des fonctions en vigueur dans le canton de
Genève,
puis d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif du 8 octobre 2002;
ils
demandent ensuite à l'autorité de céans de condamner l'Office ainsi
que les
Hôpitaux (1) à leur payer les arriérés de salaire calculés sur la
différence
entre les salaires effectivement reçus et ceux qu'ils auraient reçus
sur la
base de la classe 16 pour la période allant du 1er mai 1996 au 30
avril 2001
avec intérêt à 5 % dès le 1er octobre 1998, (2) à payer aux
recourants, à
l'exception de B.________, le montant correspondant à la différence
entre
leur traitement effectif et la classe 16 du 1er mai 2001 jusqu'à la
date du
jugement et (3) à payer aux recourants, à l'exception de B.________,
le
traitement correspondant à la classe 16 dès le jugement. Les
recourants
invoquent les art. 3, 5, 6 et 13 al. 1 et 5 LEg, 29 al. 1 et 2 et 30
al. 3
Cst., 6 par. 1 CEDH, 12 PA ainsi que 19 et 41 de la loi genevoise du
12
septembre 1985 sur la procédure administrative (ci-après: LPA/GE). Ils
reprochent à l'autorité intimée d'avoir violé le principe de
l'allégement du
fardeau de la preuve au sens de la loi sur l'égalité, l'interdiction
de
l'arbitraire, le droit d'être entendu, la maxime d'office, le droit
d'obtenir
une décision, le principe de la publicité et celui de la gratuité de
la
procédure en matière d'égalité entre femmes et hommes.

Le Tribunal administratif a renoncé à formuler des observations.
L'Office et
les Hôpitaux concluent, sous suite de frais et dépens, au rejet du
recours
dans la mesure où il est recevable.

Le Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes propose
d'admettre le
recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 II 46 consid. 2a p. 47).

Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA, la voie du recours
de droit
administratif est ouverte contre les décisions fondées sur le droit
public
fédéral - ou qui auraient dû l'être -, à condition qu'elles émanent
des
autorités énumérées à l'art. 98 OJ et pour autant qu'aucune des
exceptions
prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation spéciale ne soit
réalisée
(ATF 128 I 46 consid. 1b/aa p. 49). En particulier, l'art. 13 LEg
prévoit
que, dans les rapports de travail de droit public, les voies de droit
sont
régies par les dispositions générales sur la procédure fédérale. Dès
lors, le
recours de droit administratif est recevable à l'encontre de l'arrêt
attaqué
dans la mesure où il porte sur le grief d'inégalité liée au sexe (ATF
124 II
409 consid. 1d p. 413 ss).

2.
2.1Conformément à l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit
administratif
peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et
l'abus
du pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral revoit d'office
l'application
du droit fédéral qui englobe notamment les droits constitutionnels du
citoyen
(ATF 129 II 183 consid. 3.4 p. 188), sans être lié par les motifs
invoqués
par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). En revanche, lorsque le
recours
est dirigé, comme en l'espèce, contre la décision d'une autorité
judiciaire,
le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans cette
décision, sauf
s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été
établis au
mépris de règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2 OJ).
Enfin, le
Tribunal fédéral ne peut pas revoir l'opportunité de l'arrêt attaqué,
le
droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la matière (art. 104
lettre c
ch. 3 OJ).

2.2 Les recourants demandent qu'un certain nombre de précisions et de
compléments soit apporté à l'état de fait établi par le Tribunal
administratif. En réalité, les faits constatés dans l'arrêt attaqué
ne sont
pas manifestement inexacts ou incomplets; en particulier, les faits
invoqués
par les recourants qui n'y figurent pas n'ont pas été ignorés par
l'autorité
intimée mais ils ne représentaient pas des faits pertinents à ses
yeux. Le
Tribunal fédéral est donc lié par l'état de fait de l'arrêt entrepris
(art.
105 al. 2 OJ). Rien n'empêche toutefois l'autorité de céans de tenir
compte
également de faits ressortant par ailleurs du dossier dans la mesure
où son
appréciation juridique de ceux-ci différerait de celle du Tribunal
administratif, car il s'agit d'une question de droit qu'elle examine
librement.

2.3 Les recourants produisent pour la première fois devant l'autorité
de
céans différentes pièces antérieures à l'arrêt attaqué sans expliquer
ce qui
les a empêchés de déposer ces pièces devant le Tribunal
administratif. En
effet, ces documents, soit un ensemble de courriers entre
l'Association et le
Département des finances du canton de Genève (ci-après: le
Département) ainsi
que le Département de l'action sociale et de la santé du canton de
Genève,
sont même antérieurs au dépôt des demandes en paiement du 27 avril
2001 et on
ne comprend pas pourquoi les intéressés ne les ont pas produits déjà
au
moment où ils ont présenté ces demandes qui mentionnent notamment les
contacts entre l'Association et le Département. Ces pièces nouvelles
ne
peuvent par conséquent pas être prises en considération au regard de
l'art.
105 al. 2 OJ.

2.4 Les recourants demandent des débats. La procédure du recours de
droit
administratif est essentiellement écrite (art. 110 OJ). Des débats, en
particulier une audience de comparution personnelle, ne sont
qu'exceptionnellement ordonnés (art. 112 OJ). En l'espèce, les faits
sont
clairs et les intéressés ont pu s'exprimer de manière complète sur les
questions juridiques soulevées par leur recours, de sorte que des
débats, en
particulier une audience de comparution personnelle, n'apporteraient
aucun
élément supplémentaire. Leur requête à ce sujet n'est donc pas fondée
et doit
être rejetée. Au demeurant, dans la mesure où les recourants
demandent des
débats publics sur la base de l'art. 6 par. 1 CEDH - pour autant qu'il
s'applique en l'espèce, question qui peut rester ouverte -, ils sont
forclos.
En effet, ils auraient dû requérir expressément de tels débats devant
le
Tribunal administratif (cf. l'ATF 119 Ia 221 consid. 5 p. 227 ss;
Andreas
Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit constitutionnel
suisse, vol.
II, Berne 2000, n. 1265, p. 602/603), ce qu'ils n'ont pas fait comme
on le
verra ci-dessous (consid. 6.3).
2.5 Les recourants demandent encore une expertise ayant pour but
d'évaluer le
salaire non discriminatoire de la fonction d'infirmier et
d'infirmière, à la
lumière de l'échelle des fonctions en vigueur dans le canton de
Genève.
L'autorité de céans s'estime suffisamment renseignée pour statuer en
l'état
du dossier. Il y a donc lieu d'écarter la mesure d'instruction
requise par
les intéressés.

3.
Les recourants se plaignent de la violation de différentes garanties
de
procédure, qui sont des droits de nature formelle. Dans la mesure où
la
violation de tels droits équivaut à un déni de justice formel, elle
entraîne
en principe l'annulation de la décision entreprise sans qu'il soit
même
nécessaire de vérifier si, au fond, ladite décision apparaît

justifiée ou
non. En conséquence, il convient d'examiner en priorité les griefs
relatifs à
ces droits.

4.
Les recourants reprochent à l'autorité intimée d'avoir violé leur
droit
d'être entendus en ne leur offrant pas de s'exprimer, notamment
oralement,
sur la collocation du personnel infirmier en classe 15 de l'échelle
des
traitements dès le 1er janvier 2002.

4.1 Le contenu du droit d'être entendu est déterminé en premier lieu
par les
dispositions cantonales de procédure, dont le Tribunal fédéral ne
contrôle
l'application et l'interprétation que sous l'angle de l'arbitraire;
dans tous
les cas, l'autorité cantonale doit cependant observer les garanties
minimales
déduites de l'art. 29 al. 2 Cst., dont le Tribunal fédéral examine
librement
le respect (ATF 127 III 193 consid. 3 p. 194; 125 I 257 consid. 3a p.
259).

Les recourants invoquent l'art. 29 al. 2 Cst. et citent également
l'art. 41
LPA/GE qui précise que les parties ne peuvent prétendre à une audition
verbale sauf dispositions légales contraires. Les recourants
déclarent que
l'art. 41 LPA/GE est une concrétisation de l'art. 29 al. 2 Cst., sans
alléguer qu'une disposition de droit cantonal leur conférerait le
droit
d'être entendus oralement. De toute façon, cette disposition
cantonale ne
semble pas leur fournir une protection plus grande que la garantie
constitutionnelle. Dès lors, le grief soulevé doit être examiné
exclusivement
à la lumière des principes déduits directement de l'art. 29 al. 2
Cst. (cf.
l'ATF 119 Ia 136 consid. 2c p. 138/139 au sujet de l'art. 4 aCst.).

Le droit d'être entendu garanti constitutionnellement comprend le
droit pour
l'intéressé de prendre connaissance du dossier (ATF 126 I 7 consid.
2b p.
10), de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision
ne soit
prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves
pertinentes,
d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes,
de
participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le
moins,
de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer
sur la
décision à rendre (ATF 127 III 576 consid. 2c p. 578/579; 124 II 132
consid.
2b p. 137 et la jurisprudence citée). A lui seul, l'art. 29 al. 2
Cst. ne
confère pas le droit d'être entendu oralement (cf., au sujet de
l'art. 4
aCst., l'ATF 122 II 464 consid. 4c p. 469; Alfred Kölz/Isabelle Häner,
Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd.,
Zurich
1998, n. 150, p. 53). Au surplus, la jurisprudence admet que le droit
d'être
entendu n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction
lorsque
les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et
que,
procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée
des
preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne
pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 124 I 208 consid. 4a
p. 211).

Le Tribunal fédéral admet à certaines conditions la possibilité de
réparer,
après coup, une violation du droit d'être entendu, en particulier
lorsque la
décision entachée est couverte par une nouvelle décision qu'une
autorité
supérieure - jouissant d'un pouvoir d'examen aussi étendu - a
prononcée après
avoir donné à la partie lésée la possibilité d'exercer effectivement
son
droit d'être entendu (ATF 118 Ib 111 consid. 4b p. 120/121).

4.2 Le 10 janvier 2002, le Tribunal administratif, qui avait appris
par la
presse - et non pas par les parties au présent litige, comme cela
aurait dû
être le cas - que le personnel infirmier était rémunéré selon la
classe 15 de
l'échelle des traitements depuis le 1er janvier 2002, a demandé à
l'Office,
respectivement aux Hôpitaux, de lui indiquer quelles raisons avaient
conduit
à cette décision et si ladite décision était appliquée depuis la même
date
aux Hôpitaux. Une copie de cette lettre a été envoyée aux recourants.
Le 13
février 2002, le Tribunal administratif leur a aussi adressé une
copie de la
réponse de l'Office et des Hôpitaux. Cette réponse indiquait que la
nouvelle
classification du personnel infirmier était l'aboutissement de la
procédure
d'évaluation engagée le 18 juillet 2000 sur demande de l'Association
qui,
selon les écritures de l'Office et des Hôpitaux du 30 août 2001, avait
interpellé le Conseil d'Etat sur les différences de classes
salariales des
infirmières employées au sein des organismes publics. Il ressort de
l'ensemble du dossier que les recourants ont des liens étroits avec
l'Association et qu'ils sont tous représentés par la même avocate.
Ils ne
pouvaient donc ignorer l'activité de l'Association. Dès lors, le
Tribunal
administratif pouvait, sans violer leur droit d'être entendus se
contenter de
leur communiquer la réponse précitée de l'Office et des Hôpitaux. Au
surplus,
les recourants auraient pu demander au Tribunal administratif de leur
impartir un délai pour se déterminer sur cette réponse.
Au demeurant, on ne voit pas en quoi cette façon de procéder de
l'autorité
intimée aurait violé la maxime d'office, comme le soutiennent les
recourants
en invoquant les art. 13 al. 1 LEg, 12 PA et 19 LPA/GE.

5.
Les recourants se plaignent que le Tribunal administratif ait violé
leur
droit d'obtenir une décision (art. 29 al. 1 Cst.) et ainsi commis un
déni de
justice. Ils lui reprochent de ne pas s'être prononcé sur leur demande
tendant à l'obtention d'un traitement correspondant à la classe 16 de
l'échelle des traitements.

Le Tribunal administratif a considéré que la réévaluation des
fonctions des
intéressés avait rendu sans objet leurs demandes à l'exception du
paiement du
rétroactif réclamé du 1er mai 1996 jusqu'au 30 avril 2001 (arrêt
attaqué, p.
9, ch. 4). Il a alors examiné ces prétentions au regard de la loi sur
l'égalité et est arrivé à la conclusion que les intéressés n'avaient
pas
rendu vraisemblable la discrimination qu'ils alléguaient subir depuis
1996.
Il a donc rejeté les actions pécuniaires dans la mesure où elles
avaient
conservé un objet (arrêt attaqué, p. 12, ch. 13).

La formulation de l'arrêt entrepris laisse à désirer. Toutefois, on ne
saurait considérer que le Tribunal administratif n'a pas statué sur
certaines
prétentions des demandeurs. L'autorité intimée s'est en effet
prononcée sur
le moyen que les recourants tiraient d'une prétendue discrimination
liée au
sexe pour statuer sur le rétroactif réclamé. Il est vrai qu'elle n'a
pas
relevé que la fonction des intéressés avait été colloquée dans la
quinzième
classe de l'échelle des traitements et non pas dans la seizième,
comme ils le
demandaient en invoquant la loi sur l'égalité. Elle a toutefois
estimé que
les intéressés n'avaient pas rendu vraisemblable l'existence d'une
discrimination liée au sexe, en soulignant notamment que la fonction
de
gendarme à laquelle ils se référaient était celle du gendarme "de
base" alors
que la classe 16 de l'échelle des traitements qu'ils revendiquaient
était
celle que les brigadiers pouvaient obtenir après vingt-deux ou
vingt-cinq ans
de carrière dans la gendarmerie. Dès lors, en considérant que les
intéressés
n'avaient pas rendu vraisemblable l'existence d'une telle
discrimination, le
Tribunal administratif a anéanti l'ensemble de leur motivation, tant
en ce
qui concernait le versement d'un rétroactif que l'octroi d'une classe
supplémentaire par rapport à leur reclassification. Par conséquent, il
ressort du ch. 13 de la p. 12 de l'arrêt attaqué que l'autorité
intimée a
écarté toute demande des recourants tendant à être payés en classe 16
de
l'échelle des traitements.
Le grief est donc mal fondé.

6.
6.1Les recourants reprochent au Tribunal administratif d'avoir violé
le
principe de la publicité garanti par les art. 6 par. 1 CEDH et 30 al.
3 Cst.,
en statuant sans avoir ordonné de comparution personnelle ni organisé
d'audience.

6.2 L'art. 6 par. 1 CEDH garantit notamment le droit à ce qu'une cause
portant sur des droits et obligations de caractère civil soit jugée en
audience publique. La jurisprudence du Tribunal fédéral et des
organes de
Strasbourg admet que le droit à des débats publics peut faire l'objet
d'une
renonciation. Celle-ci peut être expresse ou tacite, mais doit en
tout cas
être sans équivoque. Tel est le cas lorsque la procédure se déroule
habituellement sans audience publique et que le justiciable ne
requiert pas
une audience publique (ATF 127 I 44 consid. 2e/aa p. 48; 122 V 47
consid. 2d,
p. 52).

6.3 Les recourants n'ont pas demandé expressément au Tribunal
administratif
d'organiser des débats publics, comme ils le reconnaissent (mémoire de
recours, p. 20, ch. 97). Durant la procédure devant l'autorité
intimée, ils
se sont contentés d'évoquer "une éventuelle comparution personnelle"
ainsi
qu'une comparution de mandataires pour fixer la suite de la
procédure. Or, la
procédure devant le Tribunal administratif est en principe écrite
(cf. l'art.
18 LPA/GE). Dès lors et pour autant que le présent litige ait un
caractère
civil - question qui peut rester indécise en l'espèce -, il y a lieu
de
considérer que les recourants ont renoncé à des débats publics.
L'autorité
intimée n'a donc pas violé l'art. 6 par. 1 CEDH en statuant sans
avoir tenu
d'audience publique.

6.4 L'art. 30 al. 3 Cst. n'a pas non plus été enfreint en l'espèce.
Dans un
arrêt du 23 août 2002, le Tribunal fédéral a analysé la portée de
cette
disposition constitutionnelle. Il est arrivé à la conclusion
suivante: "...,
l'art. 30 al. 3 Cst. ne confère pas au justiciable de droit à une
audience
publique, mais se limite à garantir que, lorsqu'il y a lieu d'en
tenir une,
celle-ci se déroule publiquement, sauf exceptions prévues par la loi.
Aujourd'hui comme avant, un droit, comme tel, à des débats publics
(oraux),
n'existe donc que pour les causes bénéficiant de la protection de
l'art. 6
par. 1 CEDH ou lorsque les règles de procédure applicables le
prévoient ou
encore lorsque sa nécessité découle des exigences du droit à la
preuve" (ATF
128 I 288 consid. 2.6 p. 293/294). Or, de telles conditions n'étaient
pas
remplies en l'occurrence.

6.5 Le moyen que les recourants tirent d'une prétendue violation du
principe
de la publicité n'est donc pas fondé.

7.
7.1L'interdiction de toute discrimination directe ou indirecte des
employés
liée au sexe figurant à l'art. 4 al. 2 aCst., a été reprise à l'art.
8 al. 3
Cst. Elle se trouve également dans l'art. 3 al. 1 LEg. Selon cette
disposition, il est interdit de discriminer les travailleurs à raison
du
sexe, soit directement, soit indirectement, notamment en se fondant
sur leur
état civil ou leur situation familiale ou, s'agissant de femmes, leur
grossesse. L'interdiction de toute discrimination s'applique
notamment à
l'embauche, à l'attribution des tâches, à l'aménagement des
conditions de
travail, à la rémunération, à la formation et au perfectionnement
professionnels, à la promotion et à la résiliation des rapports de
travail
(art. 3 al. 2 LEg).

Une discrimination est dite "directe" lorsqu'elle se fonde
explicitement sur
le critère du sexe ou sur un critère ne pouvant s'appliquer qu'à l'un
des
deux sexes et qu'elle n'est pas justifiée objectivement. La
discrimination
est en revanche qualifiée d'"indirecte" lorsque le critère utilisé
pourrait
s'appliquer à l'un ou l'autre sexe, mais qu'il a ou peut avoir pour
effet de
désavantager une plus grande proportion de personnes d'un sexe par
rapport à
l'autre, sans être justifié objectivement (cf. le message du Conseil
fédéral
du 24 février 1993 concernant la loi sur l'égalité [ci-après: le
Message], in
FF 1993 I 1163 ss, spéc. p. 1210; voir aussi l'ATF 124 II 409 consid.
7 p.
424/425).

Il y a discrimination en matière de rémunération lorsqu'il existe, au
détriment d'une profession identifiée comme typiquement liée à un
sexe, des
différences de salaire qui ne sont pas fondées objectivement sur le
travail
lui-même. Les différences de salaire qui reposent sur des
circonstances
spécifiquement liées au sexe sont interdites (ATF 124 II 409 consid.
8a p.
425).

7.2 L'art. 6 LEg, qui traite de l'allégement du fardeau de la preuve,
a la
teneur suivante:
"L'existence d'une discrimination est présumée pour autant que la
personne
qui s'en prévaut la rende vraisemblable; la présente disposition
s'applique à
l'attribution des tâches, à l'aménagement des conditions de travail,
à la
rémunération, à la formation et au perfectionnement professionnels, à
la
promotion et à la résiliation des rapports de travail."

Cette disposition représente un assouplissement par rapport au
principe
général de l'art. 8 CC selon lequel il incombe à la partie qui déduit
un
droit de certains faits d'apporter la preuve de ces faits. Dans les
relations
de travail, la preuve devra généralement porter sur des faits qui se
trouvent
dans la sphère d'influence de l'employeur et ne sont connus que de
lui.
Lorsque le juge, à l'instar de l'employé, ignore l'existence de ces
moyens de
preuve, la maxime officielle, qui veut que les faits soient établis
d'office,
demeure inopérante. En revanche, si le fardeau de la preuve est à la
charge
de l'employeur, il est dans l'intérêt de ce dernier d'informer le
juge avec
la plus grande diligence et de lui fournir toutes pièces utiles. La
règle
spéciale de l'art. 6 LEg trouve sa justification dans la nécessité de
corriger l'inégalité de
fait résultant de la concentration des moyens
de
preuve en mains de l'employeur. Toutefois, pour éviter que des
actions ne
soient introduites à la légère, on exige, avant de mettre le fardeau
de la
preuve à la charge de l'employeur, que la prétendue victime apporte
quelques
indices qui rendent vraisemblable l'existence d'une discrimination.
Sur ce
dernier point, on précisera que le juge n'a pas à être convaincu du
bien-fondé des arguments du travailleur; il doit simplement disposer
d'indices objectifs suffisants pour que les faits allégués lui
paraissent
vraisemblables, sans pour autant exclure qu'il puisse en aller
différemment.
Lorsqu'une discrimination a été rendue vraisemblable, le fardeau de
la preuve
incombe à l'employeur. Celui-ci obtiendra gain de cause s'il parvient
à
établir, preuves à l'appui, que la différence de traitement repose
sur des
facteurs objectifs (cf. le Message, in FF 1993 I p. 1215/1216; voir
aussi
Sabine Steiger-Sackmann, in Commentaire de la loi sur l'égalité, éd.
par
Margrith Bigler-Eggenberger et Claudia Kaufmann, Lausanne 2000, n. 28
p. 171
et n. 42-64 p. 175-180 ad art. 6; Luzius Mader, Das
Gleichstellungsgesetz -
Entstehung, Ziele und Instrumente, in Das Bundesgesetz über die
Gleichstellung von Frau und Mann, éd. par Yvo Schwander et René
Schaffhauser,
St-Gall 1996, p. 9 ss, spéc. p. 31-34).

Selon la jurisprudence, la vraisemblance doit porter sur les
conditions
effectives de la discrimination, surtout en ce qui concerne la
spécification
des sexes et le fait que l'échelle des traitements repose sans raison
objective sur des critères liés au sexe (ATF 125 III 368 consid. 4 p.
372/373). La preuve de la vraisemblance incombe à la partie qui
entend faire
valoir un droit (ATF 127 III 207 consid. 7 p. 218). Le fait qu'une
employée
exerçant une profession typiquement féminine gagne moins que dans une
autre
profession (neutre du point de vue du sexe ou masculine) ne rend pas
encore
vraisemblable une discrimination (ATF 125 II 541 consid. 6a p. 550).
En
effet, la question de l'existence d'une discrimination ne peut être
tranchée
que si la fonction concernée est examinée par rapport à l'ensemble du
système
salarial (ATF 125 II 385 consid. 5e p. 392). En revanche, lorsque des
travailleurs de sexe opposé ont une position semblable avec des
cahiers des
charges comparables, il est présumé, s'il y a une différence de
rémunération
entre eux, que celle-ci est de nature sexiste (ATF 127 III 207
consid. 3b p.
213). Si la discrimination est rendue vraisemblable, le fardeau de la
preuve
est renversé: l'employeur doit prouver que la différence de
traitement n'est
pas discriminatoire (ATF 127 III 207 consid. 3b p. 213). Il ne s'agit
pas
d'établir si une classification de traitement basse est appropriée,
mais si
elle est discriminatoire (ATF 125 II 541 consid. 6e p. 552).
L'existence ou
l'absence de discrimination, qui dépend de questions de fait et de
droit, ne
peut pas être prouvée de façon absolue. Il faut déduire de l'art. 6
LEg -
pour autant qu'une discrimination ait été rendue vraisemblable - que
l'employeur doit prouver, d'une part, les faits sur lesquels il fonde
sa
politique salariale et, d'autre part, les motifs justifiant les
différences
critiquées comme discriminatoires (ATF 125 II 541 consid. 6c p. 551;
125 III
368 consid. 4 p. 373; arrêt 2A.200/2001 du 18 juin 2002, consid. 3.5).

8.
Les demandes en paiement que les intéressés ont déposées le 27 avril
2001 se
fondaient essentiellement sur le fait que les infirmiers se voyaient
attribuer 118 points dans le système d'évaluation des fonctions
publiques du
canton de Genève et étaient ainsi colloqués dans les classes 12 à 13
de
l'échelle des traitements alors que les gendarmes qui obtenaient 103
points
étaient colloqué dans les classes 12 à 14, les sous-brigadiers qui
obtenaient
116 points entre les classes 15 et 16 et les brigadiers qui
obtenaient 121
points en classe 16. Les recourants y voyaient une discrimination
indirecte
au sens de l'art. 3 LEg. Ils invoquaient la prétendue admission de
leur
discrimination par le Conseil d'Etat et critiquaient la politique
salariale
du canton de Genève ainsi que le système d'évaluation des fonctions en
vigueur dans ce canton.

Dans la présente procédure, les recourants considèrent que le Tribunal
administratif disposait d'éléments suffisants pour constater la
vraisemblance
de la discrimination entre femmes et hommes dans la fonction publique
genevoise. Ils lui reprochent donc d'avoir violé l'art. 6 LEg et le
principe
de l'interdiction de l'arbitraire en rendant l'arrêt attaqué. Ils
reprennent
les arguments sur lesquels reposaient leurs demandes en paiement du
27 avril
2001. Ils font aussi valoir la nouvelle classification dont ils
bénéficient
depuis le 1er janvier 2002.
Dans le présent recours de droit administratif, le grief d'arbitraire
se
confond avec celui de violation de l'art. 6 LEg. Il convient donc
d'examiner
si, devant l'autorité intimée, les recourants ont rendu vraisemblable
qu'ils
subissaient une discrimination liée au sexe, au sens de la loi sur
l'égalité.

8.1 Les recourants ont prétendu devant l'autorité intimée que le
Conseil
d'Etat avait admis l'existence d'une discrimination liée au sexe,
dont ils
auraient été victimes. Ils invoquaient des lettres que le Département,
engageant sur ce point le Conseil d'Etat, avait envoyées à
l'Association les
27 octobre et 23 décembre 1998 ainsi que le 1er avril 1999 et qui
concernaient en particulier l'évaluation générale des fonctions de
l'administration cantonale genevoise.

Dans sa lettre du 27 octobre 1998, le Département déclarait que le
système
d'évaluation des fonctions en usage dans le canton de Genève n'était
pas
critiquable en ce qui concernait l'égalité de traitement entre homme
et
femme. Il soulignait que les traitements respectifs que touchaient les
infirmiers et les gendarmes relevaient de lois différentes et que la
différence de salaire évoquée résultait de la politique salariale
adoptée par
le canton de Genève. Au demeurant, il indiquait avoir demandé une
expertise
portant sur la méthode d'évaluation utilisée pour s'assurer qu'il
n'existait
pas de discrimination en raison du sexe.

Dans sa lettre du 23 décembre 1998, le Département affirmait que sa
lettre du
27 octobre 1998 reflétait des décisions prises par le Conseil d'Etat
et il
donnait quelques précisions sur l'expertise concernant le système
d'évaluation et de classification des fonctions de l'administration
cantonale
genevoise.

Dans sa lettre du 1er avril 1999, le Département communiquait un
certain
nombre d'éléments contenus dans l'expertise susmentionnée, en
relevant les
points positifs ainsi que les éventuels risques d'évaluation
discriminante.
Il annonçait en outre que les résultats et les propositions contenus
dans
cette expertise seraient abordés dans le cadre des travaux du Conseil
d'Etat.

On ne saurait suivre les recourants quand ils déduisent de ces
courriers que
le Conseil d'Etat a constaté qu'ils subissaient une discrimination
liée au
sexe.

8.2 L'essentiel de l'argumentation que les recourants ont développée
devant
le Tribunal administratif, et qu'ils reprennent dans la présente
procédure,
repose sur la comparaison qu'ils ont établie entre leur fonction et
celle de
gendarme.

Les infirmiers qui exercent une profession typiquement féminine, se
voient
attribuer un nombre plus élevé de points, selon l'évaluation de leur
fonction, que les gendarmes qui exercent une profession typiquement
masculine; or, les premiers sont colloqués dans une classe de
traitement
légèrement inférieure à celle des seconds: classes 12 à 13 pour les
infirmiers et classes 12 à 14 pour les gendarmes. Il ressort
cependant de la
jurisprudence rappelée ci-dessus que la différence de rémunération
entre ces
deux fonctions ne rend pas encore vraisemblable une discrimination
fondée sur
le sexe. Pour cela, il faudrait que les cahiers des charges des
infirmiers et
des gendarmes soient comparables, mais les interventions que les
infirmiers
effectuent dans le domaine sanitaire, généralement en milieu
hospitalier, se
différencient nettement des actions que les gendarmes mènent dans le
domaine
sécuritaire, souvent sur le terrain. Il faudrait également que les
infirmiers
et les gendarmes aient une position semblable, mais la perception que
la
société a des infirmiers est très différente de celle qu'elle a des
gendarmes. Ainsi, même si l'on peut trouver quelques analogies entre
ces deux
fonctions, comme les intéressés l'ont relevé (professions à risques
et ayant
un caractère social, dont l'exercice s'effectue en équipe de façon à
assurer
une permanence), elles sont minimes par rapport aux différences les
séparant.
L'exercice de la profession de gendarme est par exemple souvent lié à
des
dangers personnels considérables (interventions contre des criminels
violents, dans le trafic routier, lors de manifestations et de
réunions). Il
est difficile de comparer ces dangers au risque latent de contagion
auquel
les infirmiers sont exposés par le contact avec des malades. Par
ailleurs,
dans la mesure où les recourants se plaignent de ne pas être
colloqués en
classe 16 de l'échelle des traitements, comme les brigadiers, il y a
lieu de
rappeler qu'un gendarme ne peut parvenir à cette fonction qu'au bout
de
vingt-deux ou vingt-cinq ans de service dans la gendarmerie. Ainsi, en
colloquant les brigadiers de gendarmerie en classe 16, le Conseil
d'Etat a
pris en considération certains facteurs objectifs tels que l'âge et
l'expérience. Vu ce qui précède, les intéressés n'ont pas rendu
vraisemblable
qu'ils subissaient une discrimination liée au sexe en comparant leur
situation à celle des gendarmes, d'autant plus que ces derniers
constituent
une exception au sein des fonctions de l'administration cantonale
genevoise,
dans la mesure où ils sont soumis à une législation particulière. Au
demeurant, les recourants auraient également dû comparer leur
condition avec
celle d'autres catégories de fonctionnaires de l'administration
cantonale
genevoise, conformément à la jurisprudence (ATF 125 II 385 consid. 5e
p 392).

8.3 Afin de rendre vraisemblable qu'ils subissaient une
discrimination liée
au sexe, les recourants ont attaqué, devant l'autorité intimée, le
système
d'évaluation des fonctions de l'administration cantonale genevoise,
en se
fondant sur l'expertise réalisée en 1999. Ils ont fait valoir que la
méthode
utilisée était potentiellement discriminatoire. Ils ont critiqué en
particulier le nombre insuffisant de critères choisis, le nombre trop
important de niveaux d'évaluation des critères et le choix de certains
critères.

L'expertise susmentionnée, qui porte sur le système d'évaluation et de
classification de toutes les fonctions de l'administration cantonale
genevoise - à l'exception, semble-t-il, des fonctions de
l'enseignement (cf.
l'expertise, p. 3) -, a analysé la procédure d'évaluation de ces
fonctions,
les critères d'évaluation et leur pondération. Elle a constaté que la
procédure d'évaluation de ces fonctions associée à leur système
d'évaluation
pouvait être qualifiée de bonne notamment en comparaison des
procédures
existant dans d'autres organisations publiques et privées (cf.
l'expertise,
p. 5 et 9). Elle a qualifié cette procédure de précise, structurée,
systématique, fiable et peu discriminante sur la base du sexe (cf.
l'expertise, p. 9). L'expertise de 1999 a considéré que le système
genevois
utilisait trop peu de critères de classification (cinq alors que le
nombre
idéal se situerait entre dix et vingt-cinq) (cf. l'expertise p.
11/12). En
outre, elle a critiqué le nombre élevé de niveaux, à l'intérieur de
ces
critères dont, au demeurant, le choix serait contestable (cf.
l'expertise, p.
16). Elle a estimé que les critères et les niveaux du système genevois
présentaient des risques de discrimination liée au sexe (cf.
l'expertise, p.
30). Cette critique, qui ne pouvait pas être adressée à la méthode de
pondération des critères (cf. l'expertise, p. 32), était aussi
valable pour
la corrélation des critères (cf. l'expertise, p. 35). Enfin, elle a
constaté
que le système d'évaluation des fonctions en cause n'était pas exempt
d'aspect discriminant sur le plan du sexe (cf. l'expertise, p.
38/39). Pour
terminer, l'expertise précitée a émis des recommandations qui vont
bien
au-delà du problème de discrimination liée au sexe (cf. l'expertise,
p.
40/41).

En réalité, l'expertise de 1999 a simplement relevé certains éléments
du
système d'évaluation des fonctions de l'administration cantonale
genevoise
qui laissent planer un doute sur le respect du principe de l'égalité
homme/femme, dans les deux sens. Il est regrettable qu'elle se soit
attachée
à la seule comparaison des situations des infirmiers et des gendarmes
et
n'ait pas apporté d'éléments intéressants quant à la classification
des
infirmiers par rapport à l'ensemble, ou du moins à différentes
catégories,
des fonctionnaires de l'administration cantonale genevoise. Il est
également
fâcheux qu'elle se soit abstenue de donner des exemples concrets
permettant
de constater la réalité des risques qu'elle évoque. Elle présente
donc un
intérêt limité en l'espèce. Au surplus, c'est avec prudence qu'il
convient de
la prendre en compte. Elle manque parfois de crédibilité, notamment
quand
elle classe des fonctions de juristes dans la
catégorie de fonctions
dites
féminines (cf. l'expertise, p. 25 et 28) ou quand elle considère que
l'attention ainsi que la concentration sont des facteurs favorisant
davantage
les femmes que les hommes (cf. l'expertise, p. 30). On relèvera que,
sur ce
dernier point, le Tribunal fédéral a émis récemment un autre avis en
déclarant que les caractères spécifiques à un sexe étaient par
exemple la
taille ou la force mais pas l'intelligence, ni les facultés mentales
ou
psychiques, ni l'entregent (cf. l'arrêt 2A.253/2001 du 8 octobre 2002,
consid. 5.2).

On ne saurait donc admettre la vraisemblance d'une violation de la
loi sur
l'égalité, en se fondant sur l'expertise de 1999.

8.4 Il ressort de ce qui précède que, durant la procédure cantonale -
de même
d'ailleurs que dans la présente procédure -, les recourants n'ont pas
rendu
vraisemblable qu'ils subissaient une discrimination liée au sexe. Ils
se sont
contentés de comparer leur situation à celle des gendarmes, sans même
établir
pourquoi ils devaient être payés comme un brigadier avec vingt-deux ou
vingt-cinq ans de service. Ils n'ont pas non plus donné d'exemples des
discriminations évoquées en théorie dans l'expertise précitée de
1999. Par
conséquent, ils n'ont pas satisfait aux exigences de l'art. 6 LEg.
Dès lors,
en rendant l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif n'a pas violé
cette
disposition.

Au demeurant, le fait que les recourants bénéficient d'une
collocation plus
favorable depuis le 1er janvier 2002 ne signifie pas qu'ils
subissaient
jusque-là une discrimination liée au sexe. En effet, leur
reclassification
intervient dans un processus qui s'étend à toute la fonction publique
du
canton de Genève. La fonction d'infirmier avait été retenue comme
fonction-clé lors de la mise en oeuvre de la méthode d'évaluation des
fonctions de l'administration cantonale genevoise et elle avait donc
servi de
référence pour la cotation d'autres fonctions de l'administration
cantonale
genevoise. Le Conseil d'Etat a commencé par elle vraisemblablement à
la fois
parce que l'Association demandait depuis longtemps une réévaluation
de la
fonction d'infirmier et parce qu'il s'agit d'une fonction-clé. Il a
tenu
compte à cet égard de l'évolution de la profession d'infirmier. En
effet, au
début du vingtième siècle, les professions soignantes étaient
empreintes de
motivations religieuses; puis la formation pratique a évolué pour
déboucher
sur des professions véritablement techniques (cf. Johannes Flury,
Professions
du domaine de la santé, in Système de santé suisse 2001/2002, Soleure
2001,
p. 190 ss). Ainsi, le 21 novembre 2001, le Conseil d'Etat a non
seulement
colloqué les infirmiers diplômés et les sages-femmes diplômées en
classe
maximale 15 de l'échelle des traitements, mais aussi les infirmiers
spécialisés en classe maximale 16, les infirmiers responsables 1 en
classe
maximale 17, les infirmiers responsables 2 en classe maximale 19 et
les
infirmiers spécialistes cliniques en classe maximale 19. Au
demeurant, en
colloquant les infirmiers diplômés en classe maximale 15, il a
réservé les
classes de traitement supérieures aux infirmiers bénéficiant d'une
formation
complémentaire ou chargés de responsabilités plus lourdes (cf. l'ATF
125 I 71
consid. 4c/bb p. 84). On peut d'ailleurs comparer cette situation à
celle qui
existe dans la gendarmerie genevoise où le gendarme de base est
colloqué dans
les classes 12 à 14 de l'échelle des traitements, alors que le
brigadier, qui
ne peut obtenir ce grade qu'après vingt-deux ou vingt-cinq années de
service,
est colloqué dans la seizième classe.

9.
Les recourants se plaignent que l'autorité intimée ait violé l'art.
13 al. 5
LEg en mettant des frais à leur charge.

L'art. 13 al. 5 LEg prévoit que la procédure est gratuite, sauf en
cas de
témérité. Même si les recourants n'ont pas rendu vraisemblable qu'ils
subissaient une discrimination fondée sur le sexe durant la procédure
cantonale, on ne saurait considérer qu'ils ont fait preuve de
témérité. C'est
donc à tort que le Tribunal administratif a mis un émolument à leur
charge.

10.
Vu ce qui précède, le recours doit être partiellement admis et l'arrêt
attaqué annulé dans la mesure où il met des frais à la charge des
recourants.
Au surplus il doit être rejeté.

Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire (art. 13 al. 5 LEg).

Les recourants qui n'obtiennent que très partiellement gain de cause
ont
droit à des dépens réduits (art. 159 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu
d'allouer
des dépens à l'Office, soit au canton de Genève, ni aux Hôpitaux
(art. 159
al. 2 OJ), bien qu'ils obtiennent gain de cause sur le principe.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Genève du 8 octobre 2002 est annulé dans la mesure où il
met un
émolument de 1'200 fr. à la charge des recourants, pris conjointement
et
solidairement. Au surplus, le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Le canton de Genève versera aux recourants, créanciers solidaires, une
indemnité de 500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au
Tribunal administratif du canton de Genève et au Bureau fédéral de
l'égalité
entre femmes et hommes.

Lausanne, le 26 septembre 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.556/2002
Date de la décision : 26/09/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-09-26;2a.556.2002 ?
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