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25/09/2003 | SUISSE | N°6S.236/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 septembre 2003, 6S.236/2003


{T 0/2}
6S.236/2003/sch

Arrêt du 25 septembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Kolly et Brahier Franchetti, Juge suppléante.
Greffière: Mme Kistler.

A.________,
recourant, représenté par Me Jean-Michel Dolivo, avocat, place de la
Riponne
3, case postale 255, 1000 Lausanne 17,

contre

B.X.________,
intimé, représenté par Me Rémy Bonnard, avocat,
case postale 41, 1260 Nyon,
Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, cas

e postale, 1014 Lausanne.

Lésions corporelles graves par négligence
(art. 125 al. 2 CP),

pourvoi en nullité con...

{T 0/2}
6S.236/2003/sch

Arrêt du 25 septembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Kolly et Brahier Franchetti, Juge suppléante.
Greffière: Mme Kistler.

A.________,
recourant, représenté par Me Jean-Michel Dolivo, avocat, place de la
Riponne
3, case postale 255, 1000 Lausanne 17,

contre

B.X.________,
intimé, représenté par Me Rémy Bonnard, avocat,
case postale 41, 1260 Nyon,
Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.

Lésions corporelles graves par négligence
(art. 125 al. 2 CP),

pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour
de
cassation pénale, du 23 octobre 2002.

Faits:

A.
Le 19 août 1998, à Gland, rue du Borgeaud, sur le chantier de
l'immeuble
"Clos de l'Union", A.________ conduisait un engin de chantier de type
Dumper.
Il est descendu, en première vitesse et en marche avant (à une vitesse
maximale de 3,6 km/h), la benne étant chargée de goudron, une rampe
d'accès,
d'une déclivité de 25 à 30 %, donnant accès au garage souterrain, où
se
situait le chantier d'enrobé nécessitant le matériau transporté par le
Dumper. Le véhicule a glissé, peut-être à la suite d'un freinage trop
prononcé, lui-même conséquence d'une allure trop élevée, le tout sur
une
rampe glissante, et a basculé en avant, ce qui a eu pour effet de
projeter le
conducteur contre le plafond. Ce dernier a été grièvement blessé.

Les frères B.X.________ et C.X.________ étaient les administrateurs
de la
société X.________ Frères SA, responsable du chantier; le premier
gérait la
partie administrative et le second s'occupait de la partie technique.
D.________ était le contremaître en génie civil de l'ensemble du
chantier et
E.________, le chef d'équipe du chantier d'enrobé.

B.
Par jugement du 5 juin 2002, le Tribunal de police de
l'arrondissement de La
Côte a condamné C.X.________ et E.________ à une amende de 2'000
francs,
respectivement de 1'000 francs, avec un délai d'épreuve et de
radiation de
deux ans, pour lésions corporelles graves par négligence (art. 125
al. 2 CP).
Il a en revanche acquitté D.________ et B.X.________.

Statuant le 23 octobre 2002 sur recours de A.________, la Cour de
cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois a confirmé ce jugement.

C.
A.________ forme un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral contre ce
dernier
arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 En vertu de l'art. 270 let. e ch. 1 PPF, le lésé qui est une
victime
d'une infraction au sens de l'art. 2 de la loi fédérale du 4 octobre
1991 sur
l'aide aux victimes d'infractions (LAVI, RS 312.5) peut exercer un
pourvoi en
nullité autant qu'il est déjà partie à la procédure et dans la mesure
où la
sentence touche ses prétentions civiles ou peut avoir des incidences
sur le
jugement de celles-ci.

En l'espèce, le recourant doit être considéré comme une victime au
sens de
l'art. 2 al. 1 LAVI, dès lors qu'il a été grièvement blessé lors de
l'accident de chantier en cause. Il a déjà participé à la procédure
pénale,
puisqu'il a provoqué, par son recours, la décision attaquée. Il a
pris des
conclusions civiles tendant au versement d'une somme de 30'000
francs, à
titre de réparation du tort moral; comme son état de santé n'est pas
encore
stabilisé, il a conclu, pour le surplus, à ce qu'il lui soit donné
acte de
ses réserves civiles. Le jugement sera déterminant pour apprécier la
faute de
l'intimé selon l'art. 97 CO pour la responsabilité contractuelle et la
condition d'illicéité de l'art. 41 CO en cas de responsabilité
aquilienne. En
conséquence, les conditions de l'art. 270 let. e ch. 1 PPF sont
réunies, et
il y a lieu d'admettre que le recourant a qualité pour recourir.

1.2 Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle
l'application
du droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base exclusive de l'état de
fait
définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et
273 al. 1
let. b PPF). Le raisonnement juridique doit se fonder sur les faits
retenus
dans la décision attaquée, dont le recourant ne peut s'écarter.

Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne
peut
aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF).
Celles-ci, qui
doivent être interprétées à la lumière de leur motivation,
circonscrivent les
points litigieux (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66).

2.
Le recourant soutient que l'intimé doit être condamné pour lésions
corporelles par négligence (art. 125 CP) pour ne pas avoir pris les
mesures
qui lui incombaient, compte tenu de sa fonction d'administrateur et
d'employeur, pour assurer la sécurité de manière générale sur les
chantiers
de l'entreprise qu'il co-dirige, en particulier en relation avec
l'utilisation par ses ouvriers de petits engins de chantier sur de
fortes
pentes.

2.1 L'art. 125 CP punit, sur plainte, celui qui, par négligence, aura
fait
subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la
santé;
l'al. 2 prévoit que si la lésion est grave, l'auteur sera poursuivi
d'office.
Il s'agit d'une infraction de résultat qui suppose en général une
action. En
l'espèce cependant, on ne saurait considérer que l'intimé a, par sa
propre
action, porté atteinte à l'intégrité corporelle du recourant.

Une infraction de résultat peut cependant être également réalisée
lorsque
l'auteur n'empêche pas le résultat dommageable de se produire, alors
qu'il
aurait pu le faire et qu'il avait l'obligation juridique d'agir pour
prévenir
la lésion de l'intérêt protégé (délit d'omission improprement dit).
Un délit
d'omission improprement dit est réalisé lorsque la survenance du
résultat que
l'auteur s'est abstenu d'empêcher constitue une infraction, que ce
dernier
aurait effectivement pu éviter le résultat par son action et qu'en
raison de
sa situation juridique particulière, il y était à ce point obligé que
son
omission apparaît comparable au fait de provoquer le résultat par un
comportement actif (par exemple ATF 113 IV 68 consid. 5a p. 72). La
doctrine
et la jurisprudence ont développé les situations de garant qui
obligent
juridiquement à prendre des mesures de précaution (ATF 113 IV 68
consid. 5b
p. 73).
Pour déterminer si un délit d'omission improprement dit est réalisé,
il y a
tout d'abord lieu d'examiner si la personne à laquelle l'infraction
est
imputée se trouvait dans une situation de garant. Ce n'est que si tel
est le
cas que l'on peut établir l'étendue du devoir de diligence qui
découle de
cette position de garant et quels actes concrets l'intéressé était
tenu
d'accomplir en raison de ce devoir de diligence.

2.2
2.2.1Se fondant sur l'art. 328 CO, le recourant estime que l'intimé se
trouvait en tant qu'administrateur de la société dans une position de
garant
et devait dès lors mettre sur pied un concept général de sécurité en
conformité avec les directives de la CNA et les dispositions de
sécurité de
la loi et de l'ordonnance sur la prévention des accidents (art. 112
et 82 al.
1 LAA, RS 832.20; art. 3, 6 et 14 OPA, RS 832.30). Selon l'état de
fait
cantonal, l'intimé ne gérait cependant que la partie administrative de
l'entreprise et avait laissé à son coadministrateur la charge des
questions
de sécurité. Il convient dès lors de déterminer s'il est possible de
déléguer
l'obligation de prendre des mesures de sécurité à un administrateur
et dans
quelle mesure une co-responsabilité de l'administrateur déléguant
subsiste.

La réponse à cette question ne dépend pas du droit de la société
anonyme (cf.
Rita Trigo Trindade, Le conseil d'administration de la société
anonyme, thèse
Genève 1996, p. 209), mais relève du droit pénal. Aujourd'hui, avec la
complexité de la technique, l'organisation du travail exige de plus
en plus
une répartition des tâches et une spécialisation des compétences. En
règle
générale, il est admis que chacun n'engage sa responsabilité pénale,
pour le
défaut d'accomplissement d'un acte, que dans les limites de ses
tâches et
compétences (ATF 113 IV 68 consid. 6d p. 75).

Pour délimiter les responsabilités des travailleurs en cas de
division du
travail, la doctrine pénale recourt au principe de la confiance,
développé en
matière de circulation routière, selon lequel tout conducteur peut
compter,
en l'absence d'indice contraire, avec une certaine prudence des autres
personnes (ATF 118 IV 277 consid. 4 p. 280 ss). De la même manière,
en cas de
division horizontale du travail, chaque travailleur doit pouvoir
légitimement
s'attendre que son collègue respectera ses devoirs, tant qu'aucune
circonstance ne laisse présumer le contraire; en cas de répartition
verticale, la doctrine subordonne le principe de la confiance à la
cura in
eligendo, custodiendo et instruendo (Seelmann, Basler Kommentar, vol.
I,
2003, n. 73 ad art. 1, p. 27; Roth, Le droit pénal face au risque et à
l'accident individuels, Lausanne 1987, p. 88 ss; ATF 120 IV 300
consid. 3d/bb
p. 310).

2.2.2 En l'espèce, on est en présence d'une répartition horizontale
des
compétences. L'obligation de prendre des mesures de sécurité
appartenait à
C.X.________. L'intimé n'occupait aucune position de garant. Il
pouvait
partir de l'idée que son coadministrateur avait fait le nécessaire
pour
assurer de manière générale la sécurité sur les chantiers de
l'entreprise.
L'arrêt cantonal ne fait mention d'aucun indice pouvant donner à
penser à
l'intimé que son coadministrateur n'avait pas pris les mesures de
sécurité
nécessaires. On ne saurait donc reprocher à l'intimé de ne pas être
intervenu
et de ne pas avoir établi un concept général de sécurité pour
l'entreprise.

3.
Au vu de ce qui précède, le pourvoi doit être rejeté, et le
recourant, qui
succombe, doit être condamné aux frais (art. 278 al. 1 PPF). Il n'y a
pas
lieu d'allouer d'indemnité à l'intimé qui n'a pas déposé de mémoire
dans la
procédure devant le Tribunal fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 francs est mis à la charge du
recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au
Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois,
Cour de
cassation pénale.

Lausanne, le 25 septembre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.236/2003
Date de la décision : 25/09/2003
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-09-25;6s.236.2003 ?
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