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23/09/2003 | SUISSE | N°4C.189/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 septembre 2003, 4C.189/2003


{T 0/2}
4C.189/2003 /ech

Arrêt du 23 septembre 2003
Ire Cour civile

Mme et MM. les Juges Corboz, président, Walter
et Rottenberg Liatowitsch.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

X. ________ S.A.,
défenderesse et recourante, représentée
par Me Elie Elkaim, avocat, avenue Juste-Olivier 11,
case postale 1299, 1001 Lausanne,

contre

A.________,
demanderesse et intimée, représentée par Me Philippe Nordmann,
avocat, case
postale 3309, 1002 Lausanne.

contrat de travail; licenciement

abusif

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal vaudois du 29 janvier 20...

{T 0/2}
4C.189/2003 /ech

Arrêt du 23 septembre 2003
Ire Cour civile

Mme et MM. les Juges Corboz, président, Walter
et Rottenberg Liatowitsch.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

X. ________ S.A.,
défenderesse et recourante, représentée
par Me Elie Elkaim, avocat, avenue Juste-Olivier 11,
case postale 1299, 1001 Lausanne,

contre

A.________,
demanderesse et intimée, représentée par Me Philippe Nordmann,
avocat, case
postale 3309, 1002 Lausanne.

contrat de travail; licenciement abusif

(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal vaudois du 29 janvier 2003).

Faits:

A.
En août 1979, A.________ a été engagée en qualité d'aide-infirmière
par
l'Hôpital du district de Y.________.

En 1995, des procédures d'évaluation du personnel ont été introduites
dans
l'hôpital. Le rapport relatif à l'entretien d'appréciation de
A.________ du
19 mai 1995 mentionnait que, de manière générale, l'employeur était
satisfait
des prestations de son employée, bien qu'il ait été précisé, sous la
rubrique
des points à améliorer, que A.________ devait faire preuve de plus de
tolérance envers ses collègues et qu'elle devait mieux maîtriser son
impulsivité.

Le 24 mars 1998, A.________ a fait l'objet d'une nouvelle évaluation
de
laquelle il ressort que l'hôpital, satisfait des prestations de son
employée,
précisait pouvoir envisager sans réserve une poursuite de leur
collaboration.

En raison d'un changement de statut juridique de l'hôpital, un nouveau
contrat de travail a été passé entre A.________ et le X.________ S.A.
en date
du 16 novembre 1999, annulant et remplaçant le précédent contrat.

Des tensions étant apparues dans l'équipe où travaillait A.________,
la
responsable a organisé, le 13 octobre 2000, un colloque auquel
A.________ n'a
pas pu participer en raison de vacances prévues de longue date. Il
résulte en
substance du procès-verbal de cette séance que la responsable
ressentait un
malaise dans l'équipe dû à trois personnes, dont A.________, et que
les
tensions dans le groupe entraîneraient une baisse de la qualité du
travail.
La responsable a indiqué ne pas pouvoir "parler d'équipe, car chacun
se tire
dans les pattes". Le comportement de A.________, qualifié de mobbing
par la
responsable, avait motivé la demande de mutation d'une collègue.
Certaines
intervenantes se sont opposées à l'utilisation du terme de mobbing.
A.________ a été très choquée par celui-ci.

Le 24 novembre 2000, un second colloque auquel A.________ a participé
a été
organisé. Plusieurs points de friction ont été mis en évidence entre
celle-ci
et certaines de ses collègues, qui lui reprochaient en particulier de
les
déstabiliser, de les intimider et de n'en faire qu'à sa tête. Il
ressort du
procès-verbal de ce colloque qu'il existait plusieurs causes au
malaise qui
est apparu au sein de l'équipe des aides-infirmières et la
responsable a
qualifié celui-ci de "généralisé". Elle a expliqué qu'elle avait
utilisé le
terme de mobbing à l'encontre de A.________ pour permettre à ses
collègues
d'exprimer ce qu'elles ressentaient, afin que l'employée en cause
puisse
prendre conscience de son comportement à leur égard et le modifier. La
responsable de l'équipe a demandé à A.________ d'être attentive à son
attitude et à son comportement. A l'issue de la réunion, l'une des
aides-infirmières a proposé que le terme de mobbing soit retiré du
procès-verbal de la réunion du 13 octobre 2000, ce qui n'a toutefois
pas été
fait, la responsable considérant le sujet comme clos.

A la demande de A.________, X.________ S.A. a accepté qu'elle réduise
son
temps de travail à 60 % à partir du 1er février 2001.

Le 13 février 2001 a eu lieu un entretien d'appréciation, au terme
duquel un
rapport d'évaluation a été établi par la responsable de l'équipe. Il
en
ressort que, de manière générale, X.________ S.A. s'est déclarée
insatisfaite
des prestations de A.________ et lui a accordé un délai de trois mois
pour
"apprendre à travailler en équipe et à communiquer de manière
adéquate". Sans
changement vérifiable, X.________ S.A. a indiqué qu'il ne voyait pas
d'avenir
possible pour cette employée au sein de l'institution.

En contresignant ce rapport, A.________ a précisé qu'à son avis, elle
s'était
améliorée.

Par courrier du 15 mai 2001, elle a contesté la teneur de cette
évaluation,
estimant qu'elle serait le reflet d'une situation relationnelle qui se
dégraderait et qu'il manquerait d'objectivité. A.________ a notamment
demandé
que son évaluation soit reprise.

Le 18 mai 2001, X.________ S.A. a résilié le contrat de travail de
A.________
pour le 31 août 2001, sans qu'il ait été vérifié si des améliorations
étaient
intervenues.

Par lettre du 25 juin 2001, A.________ a qualifié son congé
d'inadmissible et
exigé une motivation écrite de la part de son employeur.

Le 5 juillet 2001, les motifs du licenciement ont été communiqués à
A.________. X.________ S.A. lui a reproché de n'avoir jamais accepté
les
remarques et demandes d'amélioration et elle a souligné qu'en plus de
"comportements dysfonctionnels", le non-respect de sa hiérarchie avait
représenté une rupture du lien de confiance.

Dès le 1er octobre 2001, A.________ a retrouvé du travail à l'Hôpital
de
Z.________, au même salaire de base, mais avec des horaires à son
avis plus
difficiles et des frais de déplacement accrus.

B.
Le 24 octobre 2001, A.________ a ouvert une action en justice,
concluant à ce
qu'il soit constaté que X.________ S.A. n'a pas valablement résilié
son
contrat de travail, de sorte que celui-ci a continué à courir au moins
jusqu'en août 2002, que cette société lui doit 61'230 fr.
correspondant au
salaire dû pendant cette période, ainsi que le montant de 30'615 fr.
à titre
d'indemnité pour licenciement abusif équivalant à six mois de salaire.
A.________ a par la suite réduit ses conclusions à 34'500 fr. en
capital,
soit 2'700 fr. pour le salaire du mois de septembre 2001, 3'000 fr.
de frais
supplémentaires et 27'000 fr. à titre d'indemnité pour licenciement
abusif.

Par jugement du 27 juin 2002, le Tribunal civil de W.________, niant
le
caractère abusif du licenciement, a rejeté les conclusions de
A.________ et
donné suite aux conclusions libératoires prises par X.________ S.A.

Le 29 janvier 2003, la Chambre des recours du Tribunal cantonal
vaudois a
partiellement admis le recours en réforme interjeté par A.________ et
a
modifié le jugement du 27 juin 2002 dans le sens d'une admission
partielle
des conclusions de la demande, en condamnant X.________ S.A. à verser
à son
ancienne employée la somme de 11'588,20 fr. correspondant à quatre
mois de
salaire à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

C.
Contre cet arrêt, X.________ S.A. (la défenderesse) dépose un recours
en
réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt
du 29
janvier 2003 et à la confirmation du jugement du 17 juin 2002, avec
suite de
frais et dépens.

A. ________ (la demanderesse) propose le rejet du recours, avec suite
de
dépens.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions
libératoires
et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance
cantonale par
un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ; art. 452 CPC vaud.) sur une
contestation civile (cf. ATF 129 III 301 consid. 1.2.2 et les
références
citées) dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art.
46 OJ),
le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été
déposé en
temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55
OJ).

1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit mener son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve
n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant
sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter
les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte
de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis
(art. 64
OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et l'arrêt cité). Dans la mesure où
une partie
recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu
dans la
décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions
qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte (ATF
127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55
al. 1 let. c OJ).

La défenderesse semble perdre de vue ces principes, dès lors qu'à
l'appui des
violations du droit fédéral invoquées, elle n'hésite pas à présenter
sa
propre version des événements, qui diffère de celle retenue dans
l'arrêt
attaqué, ce qui n'est pas admissible. La Cour de céans n'examinera
donc les
griefs soulevés qu'à la lumière des faits constatés par la chambre des
recours.

2.
Parallèlement à la violation de dispositions figurant dans le CO, la
défenderesse se prévaut d'une application arbitraire du droit fédéral.

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral est chargé de
vérifier que
l'autorité inférieure a correctement mis en oeuvre le droit fédéral
(cf. art.
43 OJ), ce qui comprend, a fortiori, l'application arbitraire de
celui-ci
(Poudret, COJ II, 2e éd. Berne 1990, art. 43 OJ no 1.6.3). Par
conséquent,
les critiques de la défenderesse tendant à démontrer que la chambre
des
recours a appliqué le droit fédéral de manière insoutenable sont
superflues,
la Cour de céans contrôlant de toute manière librement cette question
dans la
présente procédure.

3.
Contrairement au tribunal de première instance, la chambre des
recours a
admis l'existence d'un licenciement abusif. Les juges ont relevé en
substance
que le contrat de travail de la demanderesse avait été résilié en
raison de
sa forte personnalité, ce qui n'était du reste pas contesté, et que le
comportement et le caractère de celle-ci ont été incontestablement
l'une des
causes du malaise qui est apparu au sein de l'équipe. Toutefois, la
demanderesse ne pouvait être déclarée seule responsable de la façon
dont le
climat de travail s'était progressivement dégradé et les
circonstances ne
permettaient pas de conclure que la défenderesse avait pris les
mesures
nécessaires pour aplanir les conflits.

4.
La défenderesse considère qu'en admettant l'existence d'un
licenciement
abusif, la chambre des recours a violé les art. 328 et 336 ss CO.

4.1 Selon le principe posé à l'art. 335 al. 1 CO, un contrat de
travail de
durée indéterminée peut être résilié librement par chacune des parties
moyennant respect du délai de congé contractuel ou légal, sous
réserve d'abus
(cf. ATF 127 III 86 consid. 2a p. 88). En droit suisse prévaut donc la
liberté du licenciement, ce qui signifie que, pour être conforme au
droit,
une résiliation n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif
particulier, sauf cas d'abus (ATF 125 III 70 consid. 2a p. 72 et les
références citées). Un congé est abusif lorsqu'il est donné pour un
motif qui
figure à l'art. 336 CO, mais cette énumération n'est pas exhaustive
(ATF 125
III 70 consid. 2a p. 72; 123 III 246 consid. 3b p. 251 et les
références
citées; confirmé au consid. 3b non publié de l'ATF 128 III 129,
traduit in SJ
2002 I 396). Les motifs de la résiliation relèvent du fait et lient
par
conséquent le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63
al. 2
OJ; ATF 127 III 86 consid. 2a p. 88 et l'arrêt cité).

4.2 La chambre des recours a retenu que le congé donné à la
demanderesse
était abusif au sens de l'art. 336 al. 1 let. a CO.

Selon cette disposition, le congé est abusif lorsqu'il est donné par
une
partie pour une raison inhérente à la personnalité de l'autre partie,
à moins
que cette raison n'ait un lien avec le rapport de travail ou ne porte
sur un
point essentiel un préjudice grave au travail dans l'entreprise. Une
norme
juridique doit être interprétée en premier lieu selon sa lettre.
Lorsque son
sens littéral est clair et univoque, l'autorité qui doit l'appliquer
est en
principe liée (ATF 129 II 353 consid. 3.3). En l'occurrence, il
ressort
expressément du texte de l'art. 336 al. 1 let. a CO que, pour que le
congé
puisse être qualifié d'abusif, deux conditions cumulatives doivent
être
réalisées : il faut d'une part qu'il ait été donné pour une raison
inhérente
à la personnalité de l'autre partie et, d'autre part, que cette
raison n'ait
pas un lien avec le rapport de travail ou ne porte pas sur un point
essentiel
un préjudice grave au travail dans l'entreprise (ATF 127 III 86
consid. 2a p.
88). Cette double exigence, imposée par le législateur, a pour
résultat que
le Tribunal fédéral n'a jamais eu à trancher la question controversée
de
savoir si les traits de caractère sont compris dans les raisons
inhérentes à
la personnalité, car il a toujours été établi que le caractère
difficile de
l'employé congédié avait un lien avec le rapport de travail ou
portait sur un
point essentiel un préjudice grave au travail dans l'entreprise (cf.
ATF 127
III 86 consid. 2b p. 88; 125 III 70 consid. 2c p. 74). On peut
d'ailleurs se
demander, s'agissant de
difficultés relationnelles survenant dans le
cadre du
travail, si les deux conditions de l'art. 336 al. 1 let. a CO ne sont
pas
antinomiques, dès lors qu'il paraît difficile de concevoir qu'un
salarié soit
licencié en raison de ses traits de caractère, sans que ceux-ci
n'aient de
lien avec le rapport de travail ou ne portent un préjudice grave au
travail
dans l'entreprise. La présente cause en donne d'ailleurs une nouvelle
illustration, puisqu'il a été constaté que la demanderesse a été
congédiée en
raison de sa forte personnalité, mais qu'il ressort également de
l'arrêt
attaqué que le comportement et le caractère de celle-ci ont été
incontestablement l'une des causes du malaise et de la dégradation du
climat
de travail au sein de l'équipe des aides-infirmières. Il apparaît
ainsi que,
même si la demanderesse n'a pas été la seule responsable de la
situation, son
caractère difficile et son comportement, à l'origine de son
licenciement,
avaient à tout le moins un lien avec le rapport de travail, voire
portaient
sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans
l'entreprise, eu
égard à l'importance du travail d'équipe dans un établissement
hospitalier.
La chambre des recours ne pouvait donc, sans violer le droit fédéral,
retenir
un licenciement abusif au sens de l'art. 336 al.1 let. a CO.

5.
Le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, n'étant pas lié
par
l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale (art. 63
al. 3 OJ;
ATF 129 III 124 consid. 8; 128 III 22 consid. 2e/cc p. 29), il
convient de se
demander si le caractère abusif du licenciement ne pourrait pas être
retenu
sur une autre base, attendu que les situations énumérées à l'art. 336
CO ne
sont pas exhaustives (cf. supra consid. 4.1).
5.1 La jurisprudence récente considère que, s'il est établi qu'une
situation
conflictuelle sur le lieu du travail, due au caractère difficile d'un
employé, nuit notablement au travail en commun dans l'entreprise, le
congé
donné à celui-ci n'est pas abusif (arrêt du Tribunal fédéral non
publié du 18
décembre 2001 dans la cause 4C.253/2001 consid. 2b), à condition
toutefois
que l'employeur ait pris toutes les mesures que l'on pouvait attendre
de lui
pour désamorcer le conflit (ATF 125 III 70 consid. 2c p. 74, confirmé
in
arrêts du Tribunal fédéral non publiés 4C.274/2002 du 5 novembre 2002
consid.
2.1; du 18 décembre 2001 précité consid. 2c; 4C.121/2001 du 16
octobre 2001
consid. 3d/bb). Cette exigence repose sur l'art. 328 al. 1 CO selon
lequel
l'employeur a le devoir de protéger et de respecter, dans les
rapports de
travail, la personnalité de ses travailleurs (Rehbinder, Commentaire
bernois,
art. 328 CO no 4; Streiff/von Kaenel, Leitfaden zum
Arbeitsvertragsrecht, 5e
éd. Zurich 1992, art. 328 CO no 7; cf. arrêt du 5 novembre 2002
précité
consid. 2.1). L'abus réside dans le fait que l'employeur exploite la
propre
violation de ses devoirs contractuels (cf. ATF 125 III 70 consid. 2a
p. 73).
En effet, après avoir laissé une situation conflictuelle s'envenimer
parmi
ses salariés sans prendre les mesures adéquates pour l'atténuer,
contrairement à l'art. 328 al. 1 CO, celui-ci se prévaut du fait que
l'ambiance est devenue préjudiciable au travail dans l'entreprise,
pour
licencier le salarié apparaissant, en raison de son caractère
difficile,
comme un fauteur de troubles. La question de savoir si l'employeur a
pris les
mesures nécessaires pour désamorcer le conflit avant d'en arriver à la
résiliation relève du droit, car elle revient à examiner si
l'employeur s'est
conformé aux devoirs que lui impose l'art. 328 CO. Elle peut donc
être revue
dans le cadre d'un recours en réforme.

5.2 Comme il l'a déjà été relevé, la résiliation a été prononcée en
raison du
caractère difficile et du comportement de la demanderesse vis-à-vis
de ses
collègues, qui a été incontestablement l'une des causes du malaise
apparu au
sein de l'équipe des aides-infirmières et de la dégradation du climat
de
travail. Pour que le congé donné dans ces circonstances soit abusif,
il faut
que l'employeur n'ait pas pris toutes les mesures que l'on pouvait
attendre
de lui pour désamorcer le conflit. La chambre des recours a considéré
que tel
était le cas en l'espèce, ce que conteste la défenderesse. Il
convient donc
d'examiner cette question sur la base des constatations cantonales.

5.3 Selon l'arrêt attaqué, la défenderesse avait déjà prié la
demanderesse
d'améliorer son attitude vis-à-vis de ses collègues dans son rapport
d'évaluation de 1995. Les 13 octobre et 24 novembre 2000, la
responsable de
l'équipe d'aides-infirmières dans laquelle était affectée la
demanderesse a
organisé deux colloques, afin que le personnel puisse s'expliquer sur
les
tensions ressenties dans les rapports de travail. Un entretien
d'appréciation
et de développement personnel de la demanderesse a eu lieu le 13
février
2001, dans lequel la défenderesse s'est dite insatisfaite des
prestations de
son employée et lui a accordé un délai de trois mois pour "apprendre à
travailler en équipe et à communiquer de manière adéquate". Sans
changement
vérifiable sur le terrain, l'employeur a indiqué qu'il ne voyait pas
d'avenir
possible pour la demanderesse, qui a finalement été licenciée le 18
mai 2001.

Sorti de son contexte, l'enchaînement de ces événements tendrait à
démontrer
que l'employeur a bien pris toutes les mesures nécessaires pour
tenter de
remédier à la situation, avant de résilier le contrat de travail de la
demanderesse. On ne peut toutefois faire abstraction des circonstances
particulières qui, en l'occurrence, ont accompagné ces mesures.

Ainsi, les demandes d'amélioration faites en 1995 à la demanderesse
n'ont pas
été reprises dans le rapport d'évaluation de 1998 et il n'a pas été
constaté
que celle-ci ait causé des difficultés à son employeur sans
discontinuer
depuis cette époque.

Le premier colloque du 13 octobre 2000 a été organisé par la
responsable de
l'équipe dans le but d'examiner le comportement de chacun, alors que
la
demanderesse était en vacances, ce qui était prévu de longue date. La
responsable a accusé à cette occasion la demanderesse de mobbing,
sans que
celle-ci n'ait pu se défendre. Il a été retenu que la demanderesse
avait été
très choquée par l'utilisation de ce terme, auquel certaines
intervenantes
s'étaient du reste opposées. Il en découle que la tenue de cette
première
séance ne représente à l'évidence pas une mesure propre à atténuer les
conflits liés au comportement de la demanderesse, bien au contraire,
elle n'a
pu qu'accroître les ressentiments de l'employée évincée.

Quant à la seconde séance du 24 novembre 2000, elle a permis de
confirmer
que, si le comportement et le caractère de la demanderesse ont été
incontestablement l'une des causes des tensions au sein de l'équipe,
celle-ci
n'en était pas la seule responsable. Il existait aussi d'autres
causes à ce
malaise, d'ailleurs qualifié de généralisé par la responsable, en
particulier
des conflits entre d'autres collègues. En affirmant l'inverse à
l'appui de
son recours, la défenderesse s'écarte de manière inadmissible des
faits
retenus (cf. supra consid. 1.2). De plus, il ne ressort pas du
procès-verbal
du colloque du 24 novembre 2000, reproduit en intégralité dans l'arrêt
entrepris, que cette séance ait débouché sur des mesures concrètes ou
sur des
propositions de nature à améliorer l'ambiance au sein de l'équipe. La
responsable a seulement prié la demanderesse d'être attentive à son
attitude
et à son comportement, en déclarant qu'il s'agissait d'un "travail de
prise
de conscience".

Enfin, à propos du rapport d'évaluation du 13 février 2001
impartissant à la
demanderesse un délai pour s'améliorer, les juges cantonaux ont
souligné à
juste titre qu'il était difficilement admissible qu'un tel rapport
ait été
établi par la responsable de l'équipe qui avait organisé le premier
colloque
en l'absence de la demanderesse et avait accusé celle-ci de mobbing,
alors
qu'elle ne pouvait se défendre. Sous cet angle, une telle injonction
n'était
pas de nature à apaiser la demanderesse, qui a du reste mis en cause
l'objectivité des critiques formulées à son encontre. De plus, en ne
s'adressant qu'à la demanderesse, on ne voit pas que l'employeur ait
contribué à aplanir les difficultés qualifiées de généralisées dans
l'équipe.
Mais surtout, il ressort de l'arrêt attaqué qu'à l'expiration du
délai de
trois mois fixé dans ce rapport, le congé a été signifié à la
demanderesse,
sans qu'il n'ait été vérifié si des améliorations étaient intervenues.

Dans un tel contexte, il faut admettre que l'on se trouve dans un cas
limite.
Les circonstances entourant les mesures effectuées par l'employeur
permettent
cependant de confirmer la position de la chambre des recours selon
laquelle
celui-ci n'a pas fait tout ce que l'on pouvait attendre de lui pour
désamorcer la situation conflictuelle régnant dans l'équipe et dont
l'employée licenciée n'était pas la seule responsable.
En retenant l'existence d'une résiliation abusive, l'arrêt attaqué ne
contrevient donc pas au droit fédéral.

Il n'y a ainsi pas lieu de se demander si le congé aurait également
pu être
considéré comme abusif pour un autre motif, ce que soutient la
demanderesse
dans sa réponse.

5.4 Quant à l'indemnité allouée par la chambre des recours en
application de
l'art. 336a CO, elle n'est pas remise en cause dans la présente
procédure, de
sorte que ce point ne sera pas revu (art. 55 al. 1 let. b et c OJ).

Le recours doit par conséquent être rejeté.

6.
Comme la valeur litigieuse, selon les prétentions de la demanderesse à
l'ouverture de l'action (ATF 115 II 30 consid. 5b; 100 II 358 consid.
a),
dépasse 30'000 fr., la procédure n'est pas gratuite (art. 343 al. 2
et 3 CO).

Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la
charge
de la défenderesse, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la défen
deresse.

3.
La défenderesse versera à la demanderesse une indemnité de 2'500 fr.
à titre
de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre
des
recours du Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 23 septembre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.189/2003
Date de la décision : 23/09/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-09-23;4c.189.2003 ?
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