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18/09/2003 | SUISSE | N°5C.123/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 septembre 2003, 5C.123/2003


{T 0/2}
5C.123/2003 /frs

Arrêt du 18 septembre 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

A. X.________,
demanderesse et recourante, représentée par Me Philippe Mercier,
avocat,

contre

B.X.________,
représentée par Me Philippe Reymond, avocat,
C.X.________,
représenté par Me Jacques Haldy, avocat,
D.X.________,
représentée par Me Jean-Emmanuel Rossel, avocat,
tous trois défendeurs et intimés,

constata

tion de la filiation,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud d...

{T 0/2}
5C.123/2003 /frs

Arrêt du 18 septembre 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

A. X.________,
demanderesse et recourante, représentée par Me Philippe Mercier,
avocat,

contre

B.X.________,
représentée par Me Philippe Reymond, avocat,
C.X.________,
représenté par Me Jacques Haldy, avocat,
D.X.________,
représentée par Me Jean-Emmanuel Rossel, avocat,
tous trois défendeurs et intimés,

constatation de la filiation,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud des 27 décembre 2002/2 mai 2003.

Faits:

A.
Feu E.X.________, né à Milan en 1913, devenu suisse en 1971 et décédé
le 21
avril 1992 à Lonay, a eu deux enfants de son premier mariage (avec
M.Y.________), soit D.X.________, née le 5 février 1946, et
C.X.________, né
le 16 avril 1949. Alors qu'il était encore marié, il a eu deux autres
enfants
de sa liaison avec B.P.________, soit F.X.________, né le 12 juin
1960 à New
York, et A.X.________, née le 10 mai 1962 à New York. En 1980,
E.X.________
s'est marié avec B.X.________.

B.
Le 6 janvier 1995, F.X.________ et A.X.________, ont introduit devant
les
tribunaux vaudois une action en constatation de leur filiation avec
feu
E.X.________, dirigée contre la seconde épouse et les deux enfants
légitimes
de celui-ci. Outre la constatation de leur filiation avec le défunt,
ils ont
requis leur inscription comme ses enfants dans tous les registres
publics.
Par jugement du 4 février 2002, le Tribunal civil de l'arrondissement
de la
Côte a considéré que la résidence habituelle des demandeurs au moment
de leur
naissance se situait en Suisse et, appliquant le droit suisse (art.
68 al. 1
et 69 al. 1 LDIP), il a rejeté leur action. En tant qu'elle était
dirigée
contre l'épouse, il l'a rejetée pour défaut de légitimation, celle-ci
n'étant
pas héritière du défunt; en tant qu'elle était dirigée contre les
enfants
légitimes, il l'a rejetée parce que les demandeurs ne remplissaient
pas les
conditions légales permettant d'ouvrir une action en paternité, dès
lors
qu'ils avaient plus de 10 ans au moment de l'entrée en vigueur du
nouveau
droit de la filiation (art. 13a al. 1 Tit. fin. CC).
Saisie d'un recours des demandeurs, la Chambre des recours du Tribunal
cantonal vaudois l'a rejeté et a confirmé le jugement de première
instance
par arrêt du 27 décembre 2002, dont les considérants ont été notifiés
le 2
mai 2003.

C.
Seule la demanderesse A.X.________ a interjeté un recours en réforme
au
Tribunal fédéral, par acte du 28 mai 2003, concluant à la réforme du
jugement
de première instance et de l'arrêt de la Chambre des recours
cantonale en ce
sens qu'il soit prononcé qu'elle est issue des oeuvres de feu
E.X.________ et
qu'elle soit inscrite comme sa fille dans tout registre public, en
particulier dans les registres de l'état civil.
Parallèlement, la demanderesse a interjeté un recours de droit
public, qui a
été déclaré irrecevable par arrêt de ce jour (5P.211/2003).

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le recours en réforme est ouvert dans les causes en constatation
de la
filiation, contestations civiles portant sur un droit de nature non
pécuniaire (art. 44 OJ). Interjeté en temps utile (art. 54 al. 1 OJ)
dans une
telle cause, le présent recours n'est toutefois recevable, en vertu
de l'art.
48 OJ, qu'à l'encontre de l'arrêt de l'autorité suprême cantonale
(Chambre
des recours).

1.2 Bien que la recourante le mentionne comme partie, F.X.________
n'a plus
cette qualité, puisqu'il n'a pas recouru contre le rejet de son
action par
l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois.

2.
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt
sur les
faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité
cantonale, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, qu'il n'y ait lieu à rectification de constatations reposant
sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille
compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127
III 248
consid. 2c). Dans la mesure où un recourant présente un état de fait
qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir avec
précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il
n'y a pas
lieu d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55
al. 1 let. c OJ). L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée
l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 126 III 189
consid.
2a; 125 III 78 consid. 3a).

3.
La demanderesse soutient que la cour cantonale a commis un abus de son
pouvoir d'appréciation en admettant que sa résidence habituelle était
en
Suisse, et non en Italie.

3.1 La résidence habituelle d'une personne physique, telle que la
définit
l'art. 20 al. 1 let. b LDIP, est le lieu dans lequel cette personne
vit
pendant une certaine durée, même si cette durée est de prime abord
limitée.
Selon la jurisprudence, elle correspond à l'endroit où la personne
intéressée
a le centre de ses relations personnelles et se déduit, non de sa
volonté
subjective, mais de circonstances de fait extérieurement
reconnaissables
attestant de sa présence en un lieu donné. Normalement, la résidence
habituelle de l'enfant se trouve au centre de vie de l'un de ses
parents.
Pour le nouveau-né, ce sont ses relations avec la personne qui en
assume la
garde qui sont déterminantes; en règle générale, le centre de vie de
sa mère
dans un certain pays sera également le sien (ATF 129 III 288 consid.
4.1 et
les références citées).

Les circonstances relatives au lieu où la personne réside et où elle
a le
centre de ses relations personnelles relèvent du fait, alors que les
conclusions qui en sont tirées pour admettre la résidence habituelle
constituent une question de droit (ATF 120 III 7 consid. 2a et les
références).

3.2 Le recours de droit public dirigé contre l'appréciation des faits
et des
preuves ayant été déclaré irrecevable, le Tribunal fédéral est lié
par les
constatations de fait de l'arrêt attaqué (art. 63 al. 2 OJ). Selon ces
constatations, le lieu de vie et le centre des relations personnelles
de la
demanderesse au moment de sa naissance se trouvaient en Suisse, sa
mère ayant
résidé dès l'été 1960 et jusqu'en 1962 à Lausanne (Hôtel Palace) et à
Verbier.
Aucune disposition légale ne réservant un pouvoir d'appréciation au
juge en
cette matière, c'est à tort que la demanderesse croit pouvoir
soumettre ses
griefs à la juridiction de réforme en se référant à Corboz (Le
recours en
réforme au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II 65) et Poudret (COJ, n.
1.3.3 ad
art. 43 OJ).
Lorsqu'elle conteste que l'on puisse déduire de la convention de mars
1964
relative à son entretien qu'elle et sa mère vivaient à Verbier, de
l'attestation administrative de la commune de Rome de juin/juillet
1993 que
sa mère aurait quitté cette ville en 1960, du témoignage de
R.Z.________ que
sa mère n'aurait pas été domiciliée à Rome, des allégués de procédure
qu'elle
aurait résidé en Suisse, et qu'elle soutient qu'il faut déduire de la
propriété de deux appartements à Rome que sa mère aurait plus
vraisemblablement résidé dans cette ville, la demanderesse s'en prend
en
réalité à l'appréciation des preuves de la cour cantonale, en
d'autres termes
à l'appréciation des circonstances de fait qui lui ont permis de
déduire
qu'elle avait le centre de ses relations personnelles en Suisse au
moment de
sa naissance. Relevant du fait, de tels griefs sont irrecevables en
instance
de réforme (cf. consid. 2 ci-dessus).

4.
La demanderesse reproche à la cour cantonale d'avoir mal appliqué la
loi
fédérale sur le droit international privé (LDIP). En se tenant
rigoureusement
aux art. 68 et 69 LDIP, la cour aurait dû arriver à la conclusion que
l'action en constatation de la filiation devait être soumise au droit
américain ou au droit anglais. Cette solution conduisant toutefois,
dans l'un
ou l'autre cas, à une absurdité manifeste, elle aurait dû faire
application
de l'art. 15 LDIP.

4.1 En matière internationale (art. 1 al. 1 LDIP), le droit
applicable à la
constatation de la filiation est réglé par les art. 68 et 69 LDIP.
Selon
l'art. 68 LDIP, la constatation de la filiation est régie par le
droit de
l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant (al. 1); toutefois, si
aucun
des parents n'est domicilié dans l'Etat de la résidence habituelle de
l'enfant et si les parents et l'enfant ont la nationalité d'un même
Etat, le
droit de cet Etat est applicable (al. 2). D'après l'art. 69 LDIP, le
moment
déterminant pour arrêter le droit applicable est la date de la
naissance de
l'enfant (al. 1); toutefois, on se fondera sur la date de l'action si
un
intérêt prépondérant de l'enfant l'exige (al. 2).
Selon l'art. 15 LDIP, le droit désigné par la LDIP n'est
exceptionnellement
pas applicable si, au regard de l'ensemble des circonstances, il est
manifeste que la cause n'a qu'un lien très lâche avec ce droit et
qu'elle se
trouve dans une relation beaucoup plus étroite avec un autre droit.

4.2 D'après l'arrêt attaqué, au moment de la naissance de la
demanderesse,
celle-ci avait sa résidence habituelle en Suisse, son père y avait son
domicile, alors que le domicile de sa mère n'était pas établi de façon
certaine. Les conditions d'application du droit national commun
posées par
l'art. 68 al. 2 LDIP n'étaient donc pas remplies.
Au moment de l'ouverture d'action, la demanderesse résidait à
Londres. Elle
ne prétendait toutefois pas et n'avait pas d'intérêt à l'application
du droit
anglais, qui ne présentait qu'un lien très lâche avec le présent
litige; en
outre, le père et la mère n'avaient plus de nationalité commune, de
sorte que
l'art. 68 al. 2 LDIP ne s'appliquait pas.
L'art. 15 LDIP ne s'appliquait pas non plus, car le seul lien avec
l'Italie
était la nationalité des parties, mais aucune d'elles n'y vivait.

Le droit suisse de la résidence habituelle de l'enfant au moment de sa
naissance était donc applicable en vertu des art. 68 al. 1 et 69 al.
1 LDIP.

4.3 Lorsque la recourante soutient que l'application des art. 68 al.
1 et 69
al. 1 LDIP devrait conduire à l'application du droit américain,
puisqu'elle
est née à New York, la demanderesse s'écarte de manière inadmissible
de
l'état de fait retenu par la cour cantonale (art. 63 al. 2 OJ; cf.
consid. 2
ci-dessus), laquelle a constaté que le centre de ses relations
personnelles
au moment de sa naissance était en Suisse.
Contrairement à ce que la demanderesse affirme, la cour cantonale a
envisagé
l'application du droit anglais en vertu de l'art. 69 al. 2 LDIP, mais
l'a
écartée pour le motif que ce droit ne présentait qu'un lien très
lâche avec
le litige, la demanderesse ne prétendant d'ailleurs pas à son
application,
qu'elle tient au demeurant, tout comme celle du droit américain, pour
absurde.
L'application des art. 68 al. 1 et 69 al. 1 LDIP, qui est la règle
générale
(par rapport aux art. 68 al. 2 et 69 al. 2 LDIP), ne conduit pas,
comme le
fait valoir la recourante, à une absurdité qui imposerait de recourir
à la
clause d'exception de l'art. 15 LDIP. Les dispositions en question
entraînent
l'application du droit suisse parce que c'est le droit de l'Etat de la
résidence habituelle de l'enfant et de celui du domicile de son père
au
moment de sa naissance. Les conditions pour une application de la
clause
d'exception de l'art. 15 LDIP ne sont dès lors pas remplies.

5.
Par surabondance, la demanderesse fait valoir que les premiers juges
ont
tranché seulement l'action en constatation de la filiation et ont
omis de
juger celle en constatation de reconnaissance de la paternité. Comme
elle en
tire seulement la constatation que les premiers juges n'ont même pas
entrepris d'examiner cette seconde action et qu'elle n'indique ni ne
démontre
en quoi le droit fédéral aurait été violé, son grief est irrecevable,
faute
d'être motivé (art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF 116 II 745 consid. 3 p.
748).

6.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la
mesure
de sa recevabilité, aux frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ). Les
défendeurs n'ayant pas été invités à se déterminer, il ne leur est
pas
alloué de dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de la
demanderesse.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 18 septembre 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.123/2003
Date de la décision : 18/09/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-09-18;5c.123.2003 ?
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