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11/09/2003 | SUISSE | N°5P.210/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 septembre 2003, 5P.210/2003


{T 0/2}
5P.210/2003 /frs

Arrêt du 11 septembre 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Escher.
Greffière: Mme Mairot.

G. ________, recourant,
représenté par Me Pietro Rigamonti, avocat,
rue François-Bellot 6, 1206 Genève,

contre

Dame G.________, en sa qualité de représentante légale de sa fille
C.________, intimée,
représentée par Me Bertrand Reich, avocat,
boulevard St-Georges 72, 1205 Genève,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de

Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 et 29 al. 2 Cst. (avis aux débiteurs),

recours de droit p...

{T 0/2}
5P.210/2003 /frs

Arrêt du 11 septembre 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Escher.
Greffière: Mme Mairot.

G. ________, recourant,
représenté par Me Pietro Rigamonti, avocat,
rue François-Bellot 6, 1206 Genève,

contre

Dame G.________, en sa qualité de représentante légale de sa fille
C.________, intimée,
représentée par Me Bertrand Reich, avocat,
boulevard St-Georges 72, 1205 Genève,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

art. 9 et 29 al. 2 Cst. (avis aux débiteurs),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la
Cour de
justice du canton de Genève du 11 avril 2003.

Faits:

A.
G. ________ et dame G.________ se sont mariés le 8 mai 1991 à Genthod
(GE).
Ils ont eu une fille, C.________, née le 21 avril 1994.
Par jugement du 25 février 1999, le Tribunal de première instance de
Genève a
notamment prononcé le divorce des époux, attribué à la mère l'autorité
parentale et la garde de l'enfant, enfin, condamné le père à payer
mensuellement des contributions d'entretien échelonnées de 700 fr. à
1'000
fr. pour l'enfant jusqu'à sa majorité et de 1'740 fr. pour l'épouse
jusqu'au
30 avril 2010.
Le 29 mai 2000, G.________ a ouvert action en modification du
jugement de
divorce, concluant à la suppression de la contribution d'entretien
pour son
ex-épouse. Celle-ci a quant à elle déposé, le 25 juillet 2000, une
requête
fondée sur l'art. 132 CC, tendant à ce que le Tribunal de première
instance
ordonne à l'employeur du débirentier de verser directement en ses
mains les
contributions en faveur d'elle-même et de sa fille.
Par jugement du 26 janvier 2001, le Tribunal de première instance,
après
avoir joint les deux causes, a débouté le demandeur de ses
conclusions en
modification du jugement de divorce et admis la requête d'avis aux
débiteurs
à concurrence de 1'740 fr. par mois jusqu'au 30 avril 2010 (soit
concernant
la contribution en faveur de l'ex-épouse). Toutes autres conclusions
ont été
rejetées.

B.
Le 31 mai 2001, dame G.________, alléguant que le débirentier avait
cessé
tout versement pour sa fille depuis février 2001, a déposé une
nouvelle
requête visant à ce que l'employeur de celui-ci paie directement en
ses mains
la contribution d'entretien due à l'enfant.
A la demande des parties, l'instance a été suspendue le 24 septembre
2001;
elle a été reprise le 31 octobre 2002, sur requête de dame G.________
du 26
septembre précédent.
Par jugement du 9 janvier 2003, le Tribunal de première instance a
rejeté la
requête.
Statuant le 11 avril 2003 sur l'appel de dame G.________, la Chambre
civile
de la Cour de justice du canton de Genève a, en substance, ordonné à
tout
débiteur ou employeur de G.________ de verser mensuellement à la
requérante
toute somme supérieure à 2'692 fr. jusqu'au paiement d'un arriéré de
pensions
- exigible le 1er novembre 2002 - s'élevant à 14'000 fr., ainsi que
des
pensions courantes dues en faveur de l'enfant à partir du 1er mai
2003, soit
actuellement 800 fr. par mois.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral
pour
arbitraire et violation du droit d'être entendu, G.________ conclut à
l'annulation de l'arrêt du 11 avril 2003.
Il requiert par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire.
L'intimée s'en rapporte à justice.
L'autorité cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt
quant au
fond.

D.
Par ordonnance du 24 juin 2003, le président de la cour de céans a
admis la
requête d'effet suspensif présentée par le recourant pour les pensions
arriérées, mais l'a rejetée s'agissant des contributions dues à
partir du 1er
mai 2003.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance cantonale, le recours est recevable au regard des art. 86
al. 1, 87
(a contrario) et 89 al. 1 OJ, que l'on considère l'arrêt attaqué
comme une
mesure d'exécution sui generis (ATF 110 II 9 consid. 1e p. 13/14 et
consid. 4
p. 15) ou comme une mesure protectrice de droit civil, seule la
qualification
adoptée par le Tribunal fédéral, mais non la voie du recours de droit
public
- vu la nature provisoire de la mesure - ayant été critiquée par une
partie
de la doctrine (Breitschmid, Commentaire bâlois, 2e éd., n. 5 ad art.
291 CC;
Hegnauer, Commentaire bernois, 4e éd., n. 13 ad art. 291 CC; Sandoz,
L'avis
aux créanciers des art. 171 [177 nCC] et 291 CC est-il une mesure
d'exécution
forcée ?, in BlSchK 52/1988 p. 86/87; Vogel, Die Rechtsprechung des
Bundesgerichts im Jahre 1984, in RJB 122/1986 p. 498 ch. 5).

2.
Le recourant se plaint d'arbitraire dans le calcul de son minimum
vital. Il
reproche à l'autorité cantonale d'avoir refusé de prendre en compte
le coût
de sa place de parc, ainsi que l'intégralité de ses frais de logement
et
d'exercice du droit de visite pour 2001, 2002 et 2003. Alors que ces
frais
étaient dûment documentés, la Cour de justice se serait fondée, sans
explication, sur une décision de justice du 1er mars 2000 pour en
évaluer le
montant.

2.1 En ce qui concerne la situation financière du recourant,
l'autorité
cantonale a retenu que celui-ci percevait mensuellement des
indemnités de
chômage de 5'620 fr.25, pour des charges incompressibles de 2'691
fr.35. Il
en résultait un disponible de 2'928 fr.90, qui lui permettait de
s'acquitter
des contributions d'entretien en faveur de son ex-épouse et de sa
fille
C.________. La Cour de justice a notamment considéré que le loyer à
prendre
en considération ne pouvait excéder la moitié de 1'500 fr. - soit 750
fr. par
mois -, un appartement de quatre pièces étant suffisant pour le loger
lui et
sa nouvelle famille, composée de sa compagne et de leur fille née en
août
1999; or, le recourant n'avait fourni aucun justificatif concernant
les
recherches infructueuses qu'il aurait faites pour se reloger à ces
conditions. Quant aux frais d'exercice de son droit de visite en
Suisse, ils
pouvaient être évalués à 1'500 fr. par an ou 125 fr. par mois, soit
le prix
de deux billets d'avion aller-retour pour sa fille, domiciliée avec
sa mère
en Californie. Enfin, les coûts de sa place de parc et d'utilisation
de son
véhicule automobile ne pouvaient être pris en considération, faute
pour
l'intéressé, actuellement au chômage, d'en avoir démontré le besoin.

2.2 Le recourant expose qu'il est notoirement difficile de trouver des
appartements à un prix convenable dans le canton de Genève, de sorte
qu'il
n'a pas d'autre choix que de rester dans le logement qu'il occupe,
dont le
loyer est de 2'180 fr. par mois; d'autant que l'intégration de sa
seconde
fille dans son quartier actuel est un facteur important qu'il
convient de
prendre en considération. Il soutient en outre qu'il est insensé de
ne pas
tenir compte de ses frais de place de parc et de véhicule au motif
qu'il est
au chômage, alors qu'il doit se déplacer fréquemment pour tenter de
trouver
un nouvel emploi. Enfin, il estime choquant de ne pas retenir la
totalité des
frais liés à l'exercice de son droit de visite, soulignant à cet
égard que la
mère de l'enfant s'oppose à ce que celle-ci voyage seule pour venir en
Suisse; les frais qu'il a allégués, d'un montant de 8'900 fr. par an,
ne
seraient selon lui pas déraisonnables.

2.3 Ces critiques présentent un caractère purement appellatoire et ne
peuvent
dès lors être prises en compte, faute d'être suffisamment motivées
(ATF 126
III 534 consid. 1b p. 536; 125 I 492 consid. 1b p. 495). Le recours
de droit
public pour arbitraire n'est en effet pas un appel qui permettrait au
Tribunal fédéral de procéder lui-même à l'appréciation des preuves et
d'établir les faits. Au surplus, il ne résulte pas de l'arrêt attaqué
que la
mère de l'enfant refuse que celle-ci voyage seule pour venir en
Suisse. Comme
le recourant ne prétend pas que les constatations de l'arrêt attaqué
seraient
arbitrairement fausses ou incomplètes sur ce point (cf. ATF 118 Ia 20
consid.
5a p. 26), il s'agit d'un fait nouveau qui ne peut dès lors être pris
en
considération (ATF 124 I 208 consid. 4b p. 212; 118 III 37 consid. 2a
p. 39
et les arrêts cités). Par conséquent, le grief se révèle irrecevable.

3.
En ce qui concerne l'entretien dû pour sa fille de février 2001 à
septembre
2002, le recourant se plaint notamment d'une violation de son droit
d'être
entendu, grief de nature formelle qu'il convient d'examiner en
premier lieu
(ATF 127 V 431 consid. 3d/aa p. 437; 126 I 19 consid. 2d/bb p. 24;
126 V 130
consid. 2b p. 132 et les arrêts cités). Il reproche à la Cour de
justice
d'avoir tranché cette question - qui n'était pas litigieuse entre les
parties
ou, du moins, n'était pas au centre des débats - sans lui avoir donné
l'occasion de se déterminer; or il aurait en grande partie déjà payé,
au su
de la crédirentière, les contributions dues pour la période précitée.
Au
surplus, l'intimée n'aurait jamais demandé que l'avis au débiteur
rétroagisse
au jour du dépôt de sa requête du 30 mai 2001, qui est intervenu le
lendemain.

3.1 Comme le recourant ne prétend pas que le droit cantonal lui
assurerait
une protection plus étendue que l'art. 29 al. 2 Cst., le mérite de
son grief
doit être examiné - librement - au regard de cette seule disposition
constitutionnelle (ATF 127 III 193 consid. 3 p. 194; 126 I 15 consid.
2a p.
16 et les arrêts cités), étant précisé que la jurisprudence rendue en
la
matière sous l'empire de l'art. 4 aCst. demeure valable (cf. ATF 128
V 272
consid. 5b/bb p. 278).

3.2 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, en
particulier, le
droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne
soit prise
à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de
nature à
influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier,
celui de
participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance
et de se
déterminer à leur propos. En effet, le droit d'être entendu est à la
fois une
institution servant à l'instruction de la cause et une faculté de la
partie,
en rapport avec sa personnalité, de participer au prononcé de
décisions qui
lèsent sa situation juridique (ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56; 126 I 15
consid. 2a/aa p. 16 et les arrêts cités). Cette faculté subsiste, en
règle
générale, quand bien même l'autorité examine d'office les questions
de fait
et de droit, sans être liée par les moyens invoqués (ATF 123 I 63
consid. 2d
p. 69; 115 Ia 94 consid. 1b p. 96; 114 Ia 97 consid. 2a p. 99). Le
droit
reconnu au justiciable de s'exprimer sur tous les points importants
avant
qu'une décision ne soit prise à son détriment s'applique lorsque
l'autorité à
l'intention de s'appuyer sur des arguments juridiques inattendus ou
qui
impliquent que de nouvelles questions de fait soient élucidées (ATF
126 I 19
consid. 2c/aa et consid. 2d/bb p. 22; 124 I 49 consid. 3c p. 52).

3.3 En l'espèce, l'intimée a saisi le Tribunal de première instance
d'une
requête d'avis aux débiteurs portant sur la contribution d'entretien
en
faveur de sa fille. Elle a certes allégué que le père de l'enfant
n'avait
plus rien payé à ce titre depuis février 2001. Toutefois, elle s'est
bornée à
conclure qu'il soit ordonné à l'employeur du recourant de verser en
ses mains
700 fr. par mois jusqu'au 30 avril 2002, 800 fr. par mois jusqu'au 30
avril
2006, 900 fr. par mois jusqu'au 30 avril 2009 et 1'000 fr. par mois
au-delà.
Lors de l'audience de plaidoirie, elle a persisté dans ses
conclusions. Le
Tribunal de première instance a rejeté la requête au motif que le
débirentier
avait été licencié: en tant qu'elle visait le paiement de la
contribution par
l'ancien employeur de celui-ci, la requête n'avait dès lors plus
d'objet.
Appelant de ce jugement, par acte déposé le 24 janvier 2003, la
requérante a
demandé qu'il soit ordonné à tout employeur du recourant et, le cas
échéant,
à la caisse de chômage ainsi qu'à toute assurance "dont les
prestations se
substituent au salaire", de verser en ses mains 800 fr. par mois
jusqu'au 30
avril 2006, 900 fr. par mois jusqu'au 30 avril 2009 et 1'000 fr. par
mois
au-delà.
Après avoir rappelé sa jurisprudence, selon laquelle l'avis aux
débiteurs ne
peut viser que les contributions courantes et futures, la Cour de
justice a
ordonné, d'une part, le paiement des contributions dues à l'enfant à
compter
du 1er mai 2003 et, d'autre part, celui d'un arriéré de pensions
s'élevant à
14'000 fr. Le recourant allègue qu'il n'a pu faire valoir son opinion
concernant le recouvrement de ce prétendu arriéré. L'intimée ne le
conteste
pas, observant que l'arrêt attaqué se prononce sur des points qui
n'ont pas
été soulevés par les parties. Or, le droit d'être entendu, selon la
définition qu'en donne la jurisprudence susmentionnée, implique
notamment que
le justiciable ait la possibilité de s'expliquer avant qu'une
décision ne
soit prise à son détriment. Sous ce dernier aspect, les juges
cantonaux l'ont
en l'occurrence méconnu. La décision attaquée ordonne en effet le
paiement
direct d'un arriéré de pensions contrairement, semble-t-il, à ce que
prévoit
la jurisprudence cantonale, et sans que l'occasion ait été fournie au
recourant de se déterminer à ce propos, ni de faire valoir, le cas
échéant,
les objections
qu'il estimait en droit d'élever quant à
l'admissibilité de la
rétroactivité de la mesure ou le prétendu défaut de paiement des
contributions en cause. En ne permettant pas au recourant de se
déterminer
sur ce point, l'autorité cantonale a donc violé le droit d'être
entendu de
celui-ci.

4.
En conclusion, le recours doit être partiellement admis, dans la
mesure où il
est recevable, et la décision attaquée annulée au sens des
considérants, sans
qu'il soit nécessaire d'examiner les autres critiques soulevées par le
recourant. L'intimée, qui s'en est remise à justice, ne saurait être
assimilée à une partie qui "succombe" au sens des art. 156 al. 1 et
159 al. 1
OJ. Les dépens seront dès lors supportés par le canton de Genève (cf.
ATF 125
I 389 consid. 5 p. 393), à l'exception des frais de justice (art. 156
al. 2
OJ). La requête d'assistance judiciaire du recourant devient ainsi
sans
objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis, en tant qu'il est recevable, et
l'arrêt
attaqué est annulé dans la mesure où il ordonne à tout débiteur ou
employeur
du recourant de verser mensuellement à l'intimée toute somme
supérieure à
2'692 fr. jusqu'au paiement du montant de 14'000 fr. exigible le 1er
novembre
2002.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Le canton de Genève versera au recourant une indemnité de 2'000 fr. à
titre
de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 11 septembre 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.210/2003
Date de la décision : 11/09/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-09-11;5p.210.2003 ?
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