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05/09/2003 | SUISSE | N°U.352/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 septembre 2003, U.352/02


{T 7}
U 352/02

Arrêt du 5 septembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
Gehring

L.________, 1947, recourante, représentée par Me Henri Nanchen,
avocat,
boulevard des Philosophes 14, 1205 Genève,

contre

Allianz Suisse, Société d'Assurances, Badenerstrasse 694, 8048 Zurich,
intimée

Tribunal administratif de la République et Canton de Genève, Genève

(Jugement du 29 octobre 2002)

Faits:

A.

A.a L.________ a travaillé au service de l'entreprise X._________ en
qualité
de couturière depuis le mois de décembre 1990. A ce titre...

{T 7}
U 352/02

Arrêt du 5 septembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
Gehring

L.________, 1947, recourante, représentée par Me Henri Nanchen,
avocat,
boulevard des Philosophes 14, 1205 Genève,

contre

Allianz Suisse, Société d'Assurances, Badenerstrasse 694, 8048 Zurich,
intimée

Tribunal administratif de la République et Canton de Genève, Genève

(Jugement du 29 octobre 2002)

Faits:

A.
A.a L.________ a travaillé au service de l'entreprise X._________ en
qualité
de couturière depuis le mois de décembre 1990. A ce titre, elle était
assurée
contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de
Elvia
Assurances (intégrée depuis lors au groupe Allianz Suisse
Versicherungen).

A la suite d'une chute survenue le 26 mai 1993, L.________ s'est
fracturée la
huitième vertèbre dorsale et a présenté une incapacité entière de
travail
d'une durée indéterminée à compter du même jour (rapports des 4 juin
et 16
août 1993 du docteur A.________, médecin généraliste, rapport du 30
juin 1993
du docteur B.________, orthopédiste, rapport du 1er octobre 1993 du
docteur
C.________, chirurgien orthopédique). Par déclaration d'accident
datée du 3
juin 1993, l'employeur de L.________ a annoncé le cas à Elvia
Assurances qui
l'a pris en charge.
Le 17 décembre 1993, le docteur C.________ a indiqué que L.________
avait
bénéficié de traitements médicamenteux et de physiothérapie, que son
état de
santé s'était passablement amélioré de sorte qu'une reprise du
travail était
envisageable pour le début de l'année 1994. Tel ne fut pas le cas.
Elvia
Assurances confia alors un mandat d'expertise au docteur D.________,
rhumatologue. Dans un rapport daté du 7 mars 1994, ce médecin a
indiqué que
l'assurée souffrait de rachialgies sur troubles statiques du rachis
consécutifs à une fracture et compliqués d'une polyinsertionite
multiple. La
fracture était parfaitement consolidée au vu de l'examen
scintigraphique
effectué le 2 février 1994. La symptomatologie douloureuse de la
charnière
dorso-lombaire ayant été incontestablement déclenchée par l'accident,
elle
était, à ce jour, davantage à mettre en relation avec une
polyinsertionite
multiple (ou fibrose ou fibromyalgie ou encore syndrome polyalgique
idiopathique diffus). Considérant qu'il convenait de limiter les
conséquences
directes de l'accident et en particulier celles afférentes à la
capacité de
gain de l'assurée, il a indiqué que cette dernière avait recouvré sa
capacité
de travail dont il a proposé la reprise à raison de 50 % dès le 1er
avril
1994 et de 100 % à partir du 1er mai 1994. Le docteur D.________ a par
ailleurs précisé que les douleurs ressenties de manière chronique par
l'assurée ne justifiaient plus de traitement médical, sauf en cas de
rechutes
algiques aiguës susceptibles de se produire occasionnellement et il a
évalué
à 10 % le degré d'indemnité pour atteinte à l'intégrité physique.
Sur la base de ce rapport, Elvia Assurances a mis fin au versement des
indemnités journalières avec effet au 1er mai 1994 (décision du 26
août
1994). Elle a également mentionné le fait qu'elle prendrait à sa
charge les
frais de traitement correspondant aux épisodes algiques aigus
relevant de la
fracture et non de la fibrosite.

A compter du même jour, L.________ a par ailleurs été mise au
bénéfice d'une
rente entière de l'assurance-invalidité (décision du 11 juin 1996).

A.b A la suite de l'opposition formée par L.________ contre la
décision du 26
août 1994, Elvia Assurances a poursuivi l'instruction du cas, en
procédant à
la mise en oeuvre d'expertises psychiatriques et orthopédique.

Dans un rapport du 12 octobre 1995, le docteur E.________, chirurgien
orthopédique, constate que les plaintes exprimées par l'assurée ont
tout
d'abord été localisées au niveau dorsal avant de diffuser
progressivement
pour atteindre le segment lombaire vertébral, puis le segment
cervical, ainsi
que les ceintures scapulaires. L'assurée présente un status après une
ancienne fracture de la huitième vertèbre dorsale et un état
douloureux
post-traumatique, de nature progressive, qui est dépourvu
d'explication
morphologique, la fracture ayant atteint un stade de guérison. Il
existe donc
un état indépendant de l'accident dont ce dernier constitue
probablement un
facteur déclenchant. Le degré d'indemnité pour atteinte à l'intégrité
physique se situe entre 10 et 20 %. En l'état, l'assurée présente une
incapacité entière de travail.
Selon un rapport du 29 janvier 1996 du docteur de F.________, médecin
psychiatre, complété le 11 septembre 1996, L.________ présente un
trouble
somatoforme douloureux chronique. Il n'existe pas d'état pré-existant
sur le
plan psychiatrique mais il est clair que le traumatisme du 26 mai
1993 a
décompensé l'assurée. La cause organique déterminant l'invalidité ne
peut
être retenue que comme facteur déclenchant de décompensation d'un état
justifiant une incapacité entière de travail. Au vu de la
symptomatologie, la
patiente ne semble pas capable d'une activité professionnelle. Dans un
rapport établi au mois de février 1997, le docteur G.________,
psychiatre,
considère que L.________ souffre d'un état dépressif réactionnel à son
accident et à ses suites qui est l'unique cause de l'atteinte à la
santé. Les
troubles psychiques sont la conséquence de l'atteinte organique.

Par décision du 2 novembre 2000, Elvia Assurances a dès lors rejeté
l'opposition formée par L.________ contre sa décision du 26 août
1994. En
bref, elle a considéré qu'il n'y avait pas de causes organiques aux
douleurs
de l'assurée et que l'existence d'un lien de causalité naturelle
entre les
plaintes de cette dernière et l'événement dommageable faisait par
conséquent
défaut. Sur le plan psychique, elle a nié l'existence d'un lien de
causalité
adéquate entre ces troubles et l'accident du 23 mai 1993.

B.
Par jugement du 29 octobre 2002, le Tribunal administratif de la
République
et Canton de Genève (aujourd'hui : le Tribunal cantonal des assurances
sociales) a rejeté le recours formé par l'assurée contre la décision
sur
opposition de Elvia Assurances.

C.
L.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
elle requiert l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, au
maintien
de son droit aux indemnités journalières de l'assurance-accidents
au-delà du
30 avril 1994. En bref, elle fait grief à Elvia Assurances d'avoir
nié à tort
l'existence d'un lien de causalité naturelle et adéquate entre
l'ensemble de
ses troubles et l'accident du 26 mai 1993 et de n'avoir examiné que
partiellement ces questions.

L'intimée conclut au rejet du recours, cependant que l'Office fédéral
des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:

1.
1.1 Le litige porte sur le droit de la recourante au versement par
l'intimée
d'indemnités journalières au titre de l'assurance-accidents
obligatoire. Il
s'agit en particulier de déterminer s'il subsiste au-delà du 30 avril
1994,
un rapport de causalité entre les affections dont l'assurée souffre et
l'événement accidentel du 26 mai 1993.

1.2 Le jugement entrepris expose de manière correcte et complète les
dispositions légales ainsi que les principes jurisprudentiels
relatifs au
droit aux indemnités journalières versées au titre de
l'assurance-accidents
obligatoire, singulièrement à la causalité naturelle et adéquate,
ainsi qu'à
l'appréciation par le juge des documents médicaux, si bien qu'il
suffit d'y
renvoyer sur ces différents points.

Il convient d'ajouter que la loi fédérale sur la partie générale des
assurances sociales (LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er
janvier 2003, n'est pas applicable au présent litige, dès lors que le
juge
des assurances sociales n'a pas à prendre en considération les
modifications
du droit ou de l'état de fait postérieures à la date déterminante de
la
décision litigieuse du 2 novembre 2000 (ATF 127 V 467 consid. 1; 121
V 366
consid. 1b).

1.3 Sur le plan physique, la recourante souffre de rachialgies sur
troubles
statiques du rachis, consécutifs à une ancienne fracture de la
huitième
vertèbre dorsale, entièrement guérie. Cette affection est susceptible
de
conduire à des douleurs résiduelles intermittentes. Elle justifie une
indemnité pour atteinte à l'intégrité de l'ordre de 10 à 20 %, selon
les
médecins. Pour autant, elle n'entraîne pas d'incapacité de travail de
l'assurée (rapports du 7 mars 1994 du docteur D.________, du 12
octobre 1995
du docteur E.________, lettre du 18 mars 1994 du docteur C.________).
Dans
cette mesure, il convient de considérer que le statu quo ante est
atteint à
tout le moins depuis le 2 février 1994, date de l'examen
scintigraphique
indiquant que la fracture de la huitième vertèbre est entièrement
guérie.
C'est par conséquent à juste titre que les premiers juges ont
considéré qu'il
n'existait plus de lien de causalité naturelle entre l'atteinte à la
santé
physique résultant de la fracture de la huitième vertèbre dorsale et
l'événement accidentel du 26 mai 1993. Etant donné que la causalité
naturelle
n'est pas donnée, il n'est pas nécessaire d'examiner la question de la
causalité adéquate entre les troubles somatiques et l'événement
dommageable.

1.4
1.4.1Dans la mesure où la symptomatologie douloureuse ressentie par la
recourante s'est progressivement diffusée pour atteindre, sans
explication
morphologique, le segment lombaire vertébral, puis le segment
cervical, ainsi
que les ceintures scapulaires, elle relève d'un état dépressif
réactionnel à
l'accident et à ses suites, soit de troubles psychiques. En raison de
ceux-ci, l'assurée présente une incapacité entière de travail.

1.4.2 Sur le vu des pièces médicales versées au dossier, le lien de
causalité
naturelle entre ces troubles et l'accident du 26 mai 1993 n'est ni
contesté
ni contestable.

1.4.3 En présence de troubles psychiques consécutifs à un accident, la
jurisprudence a dégagé des critères objectifs qui permettent de juger
du
caractère adéquat de ce lien de causalité. Elle a tout d'abord classé
les
accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les
accidents insignifiants ou de peu de gravité (par ex. une chute
banale); les
accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à
cette
classification des accidents, il convient non pas de s'attacher à la
manière
dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien
plutôt de
se fonder, d'un point de vue objectif, sur l'événement accidentel
lui-même.
En présence d'un accident de gravité moyenne, il faut prendre en
considération un certain nombre de critères, dont les plus importants
sont
les suivants : les circonstances concomitantes particulièrement
dramatiques
ou le caractère particulièrement impressionnant de l'accident; la
gravité ou
la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment
du fait
qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles
psychiques; la durée anormalement longue du traitement médical; les
douleurs
physiques persistantes; les erreurs dans le traitement médical
entraînant une
aggravation notable des séquelles de l'accident; les difficultés
apparues au
cours de la guérison et des complications importantes; le degré et la
durée
de l'incapacité de travail due aux lésions physiques. Tous ces
critères ne
doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise.
Un seul
d'entre eux peut être suffisant, notamment si l'on se trouve à la
limite de
la catégorie des accidents graves. Inversement, en présence d'un
accident se
situant à la limite des accidents de peu de gravité, les
circonstances à
prendre en considération doivent se cumuler ou revêtir une intensité
particulière pour que le caractère adéquat du lien de causalité
puisse être
admis (ATF 115 V 138 consid. 6; cf. également Jean-Maurice Frésard,
L'assurance-accidents obligatoire in: Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht,
Soziale Sicherheit, ch. m. 39 et les références).

1.4.4 En l'occurrence, la juridiction cantonale a nié l'existence
d'un lien
de causalité adéquate en fonction des critères objectifs développés
par la
jurisprudence pour juger du caractère adéquat du lien de causalité
entre
l'accident du 26 mai 1993, qu'elle a qualifié d'accident de gravité
moyenne,
voire légère, et l'incapacité de travail ou de gain d'origine
psychique. En
particulier, elle a considéré que les circonstances dans lesquelles
l'accident s'est déroulé apparaissent dénuées de tout caractère
particulièrement dramatique ou impressionnant. Les séquelles
physiques ne
présentent pas une gravité particulière. Le traitement médical n'a
pas été
entaché d'erreur. Quant à la durée du traitement et de l'incapacité de
travail, elles ont été assez rapidement influencées par des facteurs
étrangers à l'accident.

Ce point de vue est convainquant et il n'y a pas lieu de s'en
écarter. Aussi,
doit-on le confirmer et nier l'existence d'un lien de causalité
adéquate
entre l'accident et les troubles psychiques constatés.

2.
Il convient encore de relever que, dans la mesure où l'existence d'un
rapport
de causalité avec un événement accidentel ne constitue pas une
condition du
droit aux prestations de l'assurance-invalidité, la décision par
laquelle des
prestations de cette assurance
ont été accordées à la recourante en
raison
d'une maladie de longue durée ne lie pas l'assureur-accidents. En
conséquence, la décision de l'assurance-invalidité ne préjugeait en
rien
l'issue du présent litige.

3.
Sur le vu de ce qui précède, le jugement entrepris n'est dès lors pas
critiquable et le recours se révèle ainsi mal fondé.

4.
Aux termes de l'art. 159 al. 2 OJ in fine, aucune indemnité pour les
frais de
procès n'est allouée, en règle générale, aux organismes chargés de
tâches de
droit public. C'est ainsi que le Tribunal fédéral des assurances a
refusé
d'allouer de tels dépens à la Caisse nationale et - sous réserve de
cas très
particuliers - aux caisses-maladie. Les assureurs privés qui
participent à
l'application de la LAA sont chargés de tâches de droit public au
même titre
que la Caisse nationale et que les caisses-maladie. Il n'y a dès lors
pas de
raison de les traiter différemment sous l'angle du droit éventuel aux
dépens
(ATF 126 V 150 consid. 4a, 118 V 169 consid. 7 et les références).
L'intimée, qui a conclu à l'octroi de dépens, ne saurait dès lors en
prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal
genevois
des assurances sociales, à Assura, Assurances maladie et accidents,
Pully, et
à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 5 septembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.352/02
Date de la décision : 05/09/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-09-05;u.352.02 ?
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