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05/09/2003 | SUISSE | N°8G.75/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 septembre 2003, 8G.75/2003


{T 1/2}
8G.75/2003 /rod

Arrêt du 5 septembre 2003
Chambre d'accusation

MM. les Juges Fonjallaz, Vice-président,
Meyer et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

Felipe Turover, c/o Me Niccolò Salvioni, case
postale 143, 6600 Locarno,
recourant,

contre

Ministère public de la Confédération,
Taubenstrasse 16, 3003 Berne.

Ordonnance de refus de donner suite à une dénonciation (art. 100 al.
3 PPF),

recours à la Chambre d'accusation contre l'ordonnance du représentant
spécialr> du Ministère public de la Confédération du 31 mai 2003.

Faits:

A.
Les 9 et 12 août 2002, Felipe Turover, par son c...

{T 1/2}
8G.75/2003 /rod

Arrêt du 5 septembre 2003
Chambre d'accusation

MM. les Juges Fonjallaz, Vice-président,
Meyer et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

Felipe Turover, c/o Me Niccolò Salvioni, case
postale 143, 6600 Locarno,
recourant,

contre

Ministère public de la Confédération,
Taubenstrasse 16, 3003 Berne.

Ordonnance de refus de donner suite à une dénonciation (art. 100 al.
3 PPF),

recours à la Chambre d'accusation contre l'ordonnance du représentant
spécial
du Ministère public de la Confédération du 31 mai 2003.

Faits:

A.
Les 9 et 12 août 2002, Felipe Turover, par son conseil tessinois, a
déposé un
recours de droit public puis un pourvoi en nullité au Tribunal
fédéral contre
une décision rendue le 4 juillet 2002 par la Chambre pénale des
recours du
canton du Tessin.

Le pourvoi en nullité a été déclaré irrecevable dans un arrêt rendu
le 20
août 2002 par la Cour de cassation pénale (6S.333/2002), présidée par
le Juge
fédéral Martin Schubarth. Quant au recours de droit public, il a été
rejeté
par arrêt rendu le 20 septembre 2002 par la Ire Cour de droit public
(1P.405/2002).

Ces deux arrêts ont été publiés sur le site Internet du Tribunal
fédéral
(http://www.bger.ch). L'arrêt de la Cour de cassation pénale, tel que
publié
sur ce site dès le 24 août 2002, mentionnait le nom de Felipe Turover
ainsi
que son adresse complète à Madrid, tandis que le nom de la partie
intimée,
dont l'adresse ne figurait pas dans l'arrêt, avait été anonymisé à
l'instar
de celui des autres personnes citées dans l'arrêt.

B.
Le 1er octobre 2002, Felipe Turover a adressé au Ministère public de
la
Confédération une dénonciation, au sens de l'art. 100 PPF, contre le
Juge
fédéral Martin Schubarth et contre inconnu, pour violation du secret
de
fonction (art. 320 CP), violation de l'obligation de discrétion (art.
35 LPD;
RS 235.1), exposition (art. 127 CP) et soutien à une organisation
criminelle
(art. 260ter CP), infractions qui auraient été commises le 24 août
2002 à
Lausanne; il déclarait en outre se porter partie civile au sens de
l'art. 34
PPF et demandait à être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire
conformément à l'art. 213 PPF.

Dans sa dénonciation, Felipe Turover exposait que la Cour de
cassation pénale
du Tribunal fédéral était au courant de ce qu'il était victime de
persécutions de la part de puissantes organisations criminelles pour
avoir
été entendu comme témoin de l'accusation contre le régime corrompu de
Boris
Eltsine, Borodine et consorts, et que ce nonobstant, elle avait
publié son
nom et son adresse complète en Espagne, donnant ainsi à ceux qui
étaient
intéressés à l'éliminer ou à lui nuire la possibilité de le faire.
Selon lui,
une telle exposition résultait d'une violation tant du secret de
fonction au
sens de l'art. 320 CP que de l'obligation de discrétion au sens de
l'art. 35
LPD, commise de manière attentatoire à sa sphère privée, sans aucune
base
légale ni aucun respect du principe de proportionnalité, et en
violation de
la CEDH. Une telle exposition représentait en outre une mise en danger
constante de sa vie au sens de l'art. 127 CP et ne pouvait être
considérée
que comme un soutien à une organisation criminelle au sens de l'art.
260ter
CP.

C.
Le 29 novembre 2002, le Conseil fédéral a décidé de nommer Arthur
Hublard,
ancien Procureur de la République et canton du Jura, en qualité de
représentant spécial du Ministère public de la Confédération, au sens
de
l'art. 16 al. 3 PPF, pour traiter cette plainte.

Le 19 mars 2003, une entrevue a été accordée au représentant spécial
du
Ministère public de la Confédération par la Commission des Présidents
et
Vice-présidents des Chambres fédérales. Au terme de cette entrevue,
il a été
décidé de surseoir à la demande d'autorisation des Chambres fédérales
qui est
nécessaire pour ouvrir une poursuite pénale contre des membres du
Tribunal
fédéral (cf. art. 14 et 14bis de la loi fédérale sur la
responsabilité de la
Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires
[LRCF];
RS 170.32). En effet, la Commission avait reçu le même jour les
Règles émises
les 24 août 1999 et 9 avril 2001 par décision de la Conférence des
Présidents
et de la Commission administrative du Tribunal fédéral.

D.
Par ordonnance du 31 mai 2003, le représentant spécial du Ministère
public de
la Confédération, statuant en application de l'art. 100 al. 3 PPF, a
dit
qu'il n'y avait pas de motif d'ouvrir une enquête contre le Juge
fédéral
Martin Schubarth et a rejeté la demande d'assistance judiciaire. La
motivation de cette ordonnance est la suivante :
D.aEn vertu de l'art. 30 al. 3 Cst., les audiences et le prononcé des
jugements sont en principe publics, y compris les noms des parties. En
application de cette disposition constitutionnelle, le Tribunal
fédéral met à
disposition du public, dans la salle d'attente, le dispositif de tous
ses
arrêts, sans la motivation en fait et en droit mais avec le rubrum
(page de
garde) qui comporte les noms et adresses des parties. Comme la loi
autorise
la publicité dans ce domaine, il n'y a plus de devoir de garder le
secret.
D'ailleurs, l'identité de Felipe Turover n'est pas secrète, au vu des
nombreux articles de presse qui lui ont déjà été consacrés. On ne
saurait dès
lors admettre que les conditions objectives de l'art. 320 CP sont
réalisées.

D.b En raison de la notoriété de Felipe Turover au travers de la
presse
suisse notamment, le Président de la Cour de cassation pénale du
Tribunal
fédéral a été d'avis que le nom et les coordonnées du dénonciateur
partie
civile pouvaient être publiés sur Internet, comme "cause célèbre",
conformément aux Règles émises les 24 août 1999 et 9 avril 2001 par
décision
de la Conférence des Présidents et de la Commission administrative du
Tribunal fédéral. Au surplus, la Cour de cassation a admis que Felipe
Turover
n'avait pas rapporté la preuve, ni rendu vraisemblable, qu'il était
directement atteint dans sa santé physique ou psychique.
Enfin, Felipe Turover n'a jamais pris de précautions particulières
(par
exemple en faisant élection de domicile chez son avocat) pour que son
adresse
n'apparaisse pas dans les diverses procédures qu'il a intentées. Une
violation du devoir de discrétion au sens de l'art. 35 LPD n'est
ainsi pas
donnée. Au contraire, le Président de la Cour de cassation pénale
s'est
conformé aux normes du Préposé fédéral à la protection des données
(voir ch.
2.3.3 du 9e rapport d'activités 2001/2002 du Préposé).

D.c On ne voit pas en quoi le Président de la Cour de cassation
pénale aurait
mis en danger la vie ou la santé de Felipe Turover, au sens de l'art.
127 CP,
en publiant l'adresse de celui-ci sur Internet. En effet, il n'avait
pas la
garde de Felipe Turover ni le devoir de veiller sur lui. Par
ailleurs, Felipe
Turover n'a pas prétendu qu'il était hors d'état de se protéger, et
il a
lui-même donné des interviews à la presse à plusieurs reprises et est
une
personnalité connue. Quant au prétendu soutien du Juge fédéral Martin
Schubarth à une organisation criminelle, l'allégation est non
seulement
hautement fantaisiste mais attentatoire à l'homme.

D.d Après examen du dossier et un déplacement auprès du Tribunal
fédéral, une
poursuite du Juge fédéral Martin Schubarth n'est aucunement
justifiée. Il n'y
a donc pas lieu de maintenir la demande d'autorisation d'ouvrir une
poursuite
pénale au sens de l'art. 14 LRCF. Enfin, les dispositions des art. 34
à 38
PPF ne prévoient pas de défense d'office pour les lésés qui se
constituent
partie civile.

E.
Par acte du 18 juin 2003, Felipe Turover a adressé à la Chambre
d'accusation
du Tribunal fédéral un recours au sens de l'art. 100 al. 5 PPF.
Demandant à
titre préalable à être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire, il
a pris
(avec suite de frais, dépens et dommages-intérêts) les conclusions
suivantes
sur le fond : l'ordonnance du représentant spécial du Ministère
public de la
Confédération du 31 mai 2003, ainsi que la décision de la Commission
des
Présidents et Vice-présidents des Chambres fédérales du 19 mars 2003
de
surseoir à la demande d'autorisation d'ouvrir une poursuite pénale,
sont
annulées, et il est ouvert une poursuite pénale contre le Juge
fédéral Martin
Schubarth.

Le représentant spécial du Ministère public de la Confédération a
conclu avec
suite de frais à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son
rejet.
Invité à présenter ses observations éventuelles sur cette réponse, le
recourant a confirmé les positions prises dans son recours.

La Chambre considère en droit:

1.
L'art. 100 al. 1 PPF prévoit que chacun a qualité pour dénoncer les
infractions poursuivies d'office en vertu de la législation fédérale.
Selon
l'al. 3 de cette disposition, s'il n'existe pas de motif d'ouvrir une
enquête, le Ministère public de la Confédération ¿ le Procureur
général, l'un
de ses substituts ou représentants ou le représentant du Ministère
public
désigné dans un cas spécial par le Conseil fédéral (cf. art. 16 PPF)
¿ décide
de ne donner aucune suite à la dénonciation. Cela peut être le cas par
exemple si le comportement n'est à l'évidence pas punissable (cf. FF
1998 p.
1253 ss, 1281). Cette hypothèse est précisément à l'origine de
l'ordonnance
attaquée, qui a été rendue en vertu de l'art. 100 al. 3 PPF parce que
les
conditions objectives des dispositions invoquées par Felipe Turover
apparaissaient d'emblée non réalisées. La première question à
résoudre ici
est de déterminer si le recourant a qualité pour attaquer une telle
décision
devant la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral.

1.1 A réception d'une dénonciation, le Ministère public de la
Confédération
doit soit ordonner par écrit l'ouverture d'une enquête en raison de
soupçons
suffisants (art. 101 al. 1 PPF), soit décider de ne pas donner suite
à la
dénonciation s'il n'existe pas de motif d'ouvrir une enquête (art.
100 al. 3
PPF); il est tenu d'adopter l'une de ces deux options (ATF 129 IV 197
consid.
1.5 et les références citées). En application de l'art. 100 al. 5
PPF, seule
la victime au sens de l'art. 2 de la loi fédérale sur l'aide aux
victimes
d'infractions (LAVI; RS 312.5) peut recourir contre une décision
prise selon
l'art. 100 al. 3 PPF de ne pas donner suite à la dénonciation. Le
dénonciateur qui n'est pas une victime LAVI ne peut pas recourir
contre une
telle décision, et cela pas non plus sur la base de l'art. 105bis al.
2 PPF,
quand bien même il serait lésé par l'infraction en cause (ATF 129 IV
197
consid. 1).

1.2 Est une victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI toute personne qui
a subi,
du fait d'une infraction, une atteinte directe à son intégrité
corporelle,
sexuelle ou psychique. L'atteinte, qui doit résulter directement de
l'infraction, doit être réalisée; un simple risque de dommage ne
suffit pas
(ATF 129 IV 95 consid. 3.1; 122 IV 71 consid. 3a). Il faut en outre
que
l'atteinte ait une certaine gravité (ATF 129 IV 95 consid. 3.1; 128 I
218
consid. 1.2; 127 IV 236 consid. 2b/bb; 125 II 265 consid. 2a/aa; 122
IV 71
consid. 3a; 120 Ia 157 consid. 2d/aa).

Les infractions de mise en danger sont en principe exclues du champ
d'application de la loi puisque, par définition, elles ne comportent
pas une
atteinte à un bien juridique (FF 1990 II 909 ss, 925; ATF 122 IV 71
consid.
3a). Toutefois, une personne dont la vie a été mise en danger, au
sens de
l'art. 129 CP, peut souffrir de troubles psychologiques en relation
directe
avec l'acte de l'auteur de l'infraction (arrêt non publié 6S.729/2001
du 25
février 2002, reproduit in SJ 2002 I 397, consid. 1a).

La notion de victime ne dépend pas de la qualification de
l'infraction, mais
exclusivement de ses effets sur le lésé; il faut en définitive
déterminer si,
au regard des conséquences de l'infraction en cause, le lésé pouvait
légitimement invoquer le besoin de la protection prévue par la loi
fédérale
(ATF 128 I 218 consid. 1.2; 127 IV 236 consid. 2b/bb; 125 II 265
consid.
2a/aa). Tant que les faits ne sont pas définitivement arrêtés, il
faut se
fonder sur les allégués de celui qui se prétend lésé, et sur la
vraisemblance
des actes et de l'atteinte, pour déterminer s'il est une victime au
sens de
l'art. 2 LAVI (ATF 126 IV 147 consid. 1; 125 II 265 consid. 2c/aa;
125 IV 79
consid. 1c; 123 IV 38 consid. 2a).

1.3 En l'espèce, le recourant allègue, à l'appui de son affirmation
selon
laquelle il serait une victime au sens de l'art. 2 LAVI, que la
décision de
publier son adresse en Espagne sur le site Internet du Tribunal
fédéral a
porté une atteinte grave à son intégrité tant psychique que physique
et à sa
liberté ainsi qu'à celle de ses proches en Espagne; il expose
qu'après que
l'« odyssée judiciaire » en Suisse s'était terminée avec les arrêts du
Tribunal fédéral cités sous lettre A ci-dessus, il aurait
éventuellement pu
retourner en Espagne, ce qui a été rendu impossible par la
divulgation de ses
coordonnées.

Sur le vu de ces allégations, on ne discerne pas qu'une atteinte à
l'intégrité physique du recourant aurait été réalisée, étant rappelé
qu'un
simple risque de dommage ne suffit pas. Le fait d'avoir été privé de
la
possibilité de retourner « éventuellement » en Espagne ne constitue à
l'évidence pas une atteinte directe à l'intégrité corporelle,

sexuelle ou
psychique au sens de l'art. 2 LAVI. Il apparaît certes plausible que
la
publication sur Internet de son adresse complète en Espagne ait eu un
certain
impact émotionnel sur le recourant, mais celui-ci ne tente même pas de
démontrer, par exemple en se référant à un certificat médical, qu'il
aurait
subi de ce fait une véritable atteinte à son intégrité psychique au
sens de
l'art. 2 LAVI.

1.4 Il résulte de ce qui précède que le recourant ne peut pas être
considéré
comme une victime au sens de l'art. 2 LAVI. Partant, son recours
contre la
décision du représentant spécial du Ministère public de la
Confédération de
ne pas donner suite à sa dénonciation se révèle irrecevable. Par
ailleurs, la
loi n'ouvre aucune voie de recours à la Chambre d'accusation du
Tribunal
fédéral contre les décisions prises par la Commission des Présidents
et
Vice-présidents des Chambres fédérales dans le cadre des art. 14 et
14bis
LRCF.

2.
2.1On peut se demander si, malgré l'irrecevabilité du recours, la
Chambre
d'accusation, en tant qu'autorité de surveillance du Procureur
général de la
Confédération (art. 11 PPF), devrait constater d'office la nullité de
l'ordonnance attaquée, dans l'hypothèse où celle-ci émanerait d'une
autorité
absolument incompétente (cf. pour l'autorité de surveillance en
matière de
poursuite et de faillite ATF 118 III 4 consid. 2a; 117 III 31 consid.
1; 115
III 11 consid. 1c; 111 III 56 consid. 3). En effet, la nullité d'une
décision
qui a été prise par une autorité absolument incompétente peut être
constatée
d'office en tout temps (ATF 127 II 32 consid. 3g p. 48; 122 I 97
consid.
3a/aa; 118 Ia 336 consid. 2a; 116 Ia 215 consid. 2a; 104 Ia 172
consid. 2c).

Or le recourant soutient que la décision de ne pas donner suite à la
dénonciation (art. 100 al. 3 PPF) n'aurait pu être prise que par un
Procureur
général extraordinaire désigné par l'Assemblée fédérale conformément
à l'art.
14 al. 6 LRCF, et non par un représentant spécial du Ministère public
de la
Confédération nommé par le Conseil fédéral. Tel n'est toutefois pas
le cas,
comme on va le voir.

2.2 En vertu de l'art. 14 al. 1 LRCF, une autorisation des Chambres
fédérales
est nécessaire pour ouvrir une poursuite pénale contre des membres du
Conseil
national ou du Conseil des États, ainsi que contre des membres
d'autorités et
contre des magistrats élus par l'Assemblée fédérale (tels que les
Juges
fédéraux) en raison d'infractions en rapport avec leur activité ou
situation
officielle. Selon l'art. 14bis al. 1 LRCF, une autorisation ¿
délivrée par
une Commission formée des Présidents et des Vice-présidents des deux
conseils
(art. 14bis al. 2 LRCF) ¿ est en particulier nécessaire pour lever le
secret
postal ou le secret des télécommunications au sens de l'art. 321ter
du code
pénal, à l'égard de l'une des personnes mentionnées à l'art. 14 LRCF,
lorsqu'il s'agit de poursuivre ou de prévenir une infraction. Cette
disposition est également applicable lorsque, pour une première
constatation
des faits ou pour assurer les preuves, d'autres mesures d'enquête ou
d'instruction se révèlent nécessaires à l'égard des personnes
mentionnées à
l'art. 14 LRCF; aussitôt que les mesures autorisées par la Commission
seront
exécutées, il y aura lieu de requérir l'autorisation des Chambres
fédérales
en vue d'une poursuite pénale, à moins que la procédure ne soit
suspendue
(art. 14 al. 4 LRCF). Enfin, l'art. 14 al. 6 LRCF prévoit que lorsque
l'autorisation d'ouvrir une poursuite pénale est accordée et l'affaire
renvoyée devant le Tribunal pénal fédéral, l'Assemblée fédérale
(Chambres
réunies) désigne un Procureur général extraordinaire.

2.3 Une autorisation des Chambres fédérales est nécessaire selon
l'art. 14
al. 1 LRCF pour ouvrir une poursuite pénale contre un Juge fédéral en
raison
d'infractions en rapport avec son activité. En procédure pénale
fédérale, la
poursuite pénale est ouverte lorsque le Procureur général, estimant
que des
soupçons suffisants laissent présumer que des infractions relevant de
la
juridiction fédérale ont été commises, ordonne par écrit l'ouverture
de
l'enquête (art. 101 al. 1 PPF). Une autorisation des Chambres
fédérales n'est
dès lors pas nécessaire lorsque le Procureur général ¿ ou l'une des
personnes
mentionnées à l'art. 16 PPF (cf. consid. 1 supra) ¿, estimant qu'il
n'existe
pas de motif d'ouvrir une enquête, décide de ne donner aucune suite à
la
dénonciation. Or tel a précisément été le cas en l'espèce, puisque le
représentant spécial du Ministère public de la Confédération a
décidé, en
application de l'art. 100 al. 3 PPF, de ne pas ouvrir d'enquête.
Aucune
autorisation des Chambres fédérales n'était requise pour une telle
décision,
que le représentant spécial du Ministère public de la Confédération,
régulièrement désigné par le Conseil fédéral sur la base de l'art. 16
al. 3
LRCF (notamment parce que Felipe Turover avait lui-même récusé dans sa
dénonciation le Procureur général et l'un de ses substituts), avait la
compétence de prendre. Il résulte au demeurant clairement de l'art.
14 al. 6
LRCF que c'est seulement au stade du renvoi éventuel de l'affaire
devant le
Tribunal pénal fédéral que l'Assemblée fédérale doit désigner un
Procureur
général extraordinaire pour soutenir l'accusation devant ce Tribunal
(cf. FF
1956 I 1420 ss, 1428).

2.4 Il convient enfin de relever, à toutes fins utiles, qu'une
autorisation
de la Commission des Présidents et Vice-présidents des Chambres
fédérales
selon l'art. 14bis al. 1 et 4 LRCF n'était pas non plus nécessaire en
l'espèce. Il n'apparaît en effet pas que le représentant spécial du
Ministère
public de la Confédération ait accompli des actes d'enquête ou
d'instruction
à l'égard du Juge fédéral Martin Schubarth, au sens de l'art. 14bis
al. 4
LRCF. Le fait de se renseigner sur les principes suivis par le
Tribunal
fédéral en ce qui concerne la mise à disposition publique de ses
arrêts,
ainsi que sur les Règles adoptées les 24 août 1999 et 9 avril 2001
par la
Conférence des Présidents et la Commission administrative du Tribunal
fédéral
sur l'anonymisation des arrêts (notamment dans les "causes célèbres"),
constitue une demande de renseignements sur des faits d'ordre
général, et non
une mesure d'enquête ou d'instruction à l'égard du dénoncé
spécifiquement. Au
demeurant, il est admis qu'avant de décider de ne pas donner suite à
la
dénonciation (art. 100 al. 3 PPF), le Ministère public de la
Confédération
puisse procéder à des recherches préliminaires, qui ne constituent
pas des
actes d'investigation dans le cadre d'une enquête ouverte selon
l'art. 101
al. 1 PPF (ATF 129 IV 197 consid. 1.5 et les références citées).

3.
En définitive, le recours doit être déclaré irrecevable. La demande
d'assistance judiciaire du recourant doit être rejetée dès lors que le
recours apparaissait d'emblée dénué de chances de succès (cf. art.
152 al. 1
OJ). Le recourant ne pouvait d'ailleurs qu'en être conscient,
puisqu'il avait
été orienté de manière complète à l'occasion d'une précédente affaire
(arrêt
8G.38/2001 du 24 octobre 2001) sur la qualité pour recourir du
dénonciateur
qui n'est pas victime au sens de l'art. 2 LAVI. Au surplus, le
recourant, qui
affirme se trouver dans le besoin au sens de l'art. 152 al. 1 OJ
depuis qu'il
s'est réfugié en Suisse en été 2000, n'avance pas le moindre élément
de
preuve à l'appui de cette allégation, de sorte que sa demande
d'assistance
judiciaire doit être rejetée pour cette raison également.

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire du recourant est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et au Ministère
public
de la Confédération.

Lausanne, le 5 septembre 2003

Au nom de la Chambre d'accusation
du Tribunal fédéral suisse

Le Vice-président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 8G.75/2003
Date de la décision : 05/09/2003
Chambre d'accusation

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-09-05;8g.75.2003 ?
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