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04/09/2003 | SUISSE | N°I.273/03

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 septembre 2003, I.273/03


{T 7}
I 273/03

Arrêt du 4 septembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M.
Berthoud

L.________, recourante, représentée par Me Pierre Bauer, avocat,
avenue
Léopold-Robert 88, 2300 La Chaux-de-Fonds,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 4 février 2003)

Faits:

A.

Née en 1965, L.________ a travaillé en qualité d'employée de
nettoyage puis
comme gérante d'un magasin de vêtements. Invoquant des...

{T 7}
I 273/03

Arrêt du 4 septembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffier : M.
Berthoud

L.________, recourante, représentée par Me Pierre Bauer, avocat,
avenue
Léopold-Robert 88, 2300 La Chaux-de-Fonds,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 4 février 2003)

Faits:

A.
Née en 1965, L.________ a travaillé en qualité d'employée de
nettoyage puis
comme gérante d'un magasin de vêtements. Invoquant des douleurs
multiples
résistantes aux différents traitements, elle s'est annoncée à
l'assurance-invalidité, le 12 mars 1997.

Parmi les spécialistes qui se sont exprimés, les docteurs A.________
et
B.________, médecins à la Policlinique X.________, ont fait état de
fibromyalgie, d'un syndrome douloureux somatoforme persistant ainsi
que d'un
épisode dépressif moyen sans syndrome somatique. Dans leur rapport du
25 juin
1998, ils ont attesté que le diagnostic psychiatrique justifiait une
incapacité de travail de 50%, tandis que sur un plan somatique,
l'assurée
était pleinement en mesure d'exercer un métier manuel d'employée de
nettoyage
ou de manutentionnaire. Leur appréciation se fondait sur une
consultation
psychiatrique de la doctoresse C.________ du 26 mai 1998, ainsi que
sur une
consultation rhumatologique du professeur D.________ du 27 mai 1998.

L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (l'office
AI) a
également recueilli l'avis du docteur E.________, spécialiste en
psychiatrie
et psychothérapie. Dans son rapport du 21 septembre 1999, ce
psychiatre a
attesté que l'assurée présentait un épisode dépressif majeur
chronique léger,
un trouble douloureux (F 45.4) associé à des facteurs psychologiques
chroniques (307.80) et une personnalité immature et rigide; il a
également
fait état de problèmes économiques et de douleurs. Selon l'expert, la
capacité de travail de l'assurée était de 50 % dans un emploi de
femme de
ménage ou de manutentionnaire, d'un point de vue psychiatrique. Comme
ses
confrères de la Policlinique X.________, le docteur E.________
préconisait
des mesures médicales (l'administration d'un antidépresseur plus
efficace),
alors que des mesures d'ordre professionnel ne lui paraissaient pas
opportunes.

Le 22 octobre 1999, l'office AI a informé l'assurée qu'il envisageait
de lui
allouer une demi-rente d'invalidité à partir du 1er octobre 1997,
fondée sur
un degré d'invalidité de 50 %.

L'assurée a produit l'avis du docteur F.________, spécialiste en
affections
rhumatismales, qui s'écartait expressément des conclusions de
l'expertise de
la Policlinique X.________; d'après ce médecin, la capacité de
travail était
nulle et définitive en raison de la fibromyalgie et du syndrome
somatoforme
(rapport du 20 décembre 1999). Par ailleurs, l'assurée a versé au
dossier une
expertise du docteur G.________, spécialiste en neurologie, dans
laquelle ce
médecin posait le diagnostic de syndrome fibromyalgique et attestait
une
incapacité de travail de 75 % (rapport du 24 mai 2000).

Dans un projet de décision du 5 février 2001, l'office AI est revenu
sur sa
position et fait savoir à l'assurée qu'elle ne présentait pas
d'atteinte à la
santé invalidante. Par décision du 26 mars 2001, il a rejeté la
demande de
prestations.

B.
L.________ a déféré cette décision au Tribunal des assurances du
canton de
Vaud en concluant principalement à l'allocation d'une rente entière
d'invalidité à partir du 1er octobre 1997, subsidiairement au renvoi
de la
cause à l'office AI afin qu'il mette une expertise en oeuvre destinée
à
déterminer sa capacité de gain.

La juridiction de recours l'a déboutée, par jugement du 4 février
2003.

C.
L.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
elle demande l'annulation, avec suite de dépens, en concluant
principalement
à l'octroi d'une rente entière d'invalidité, subsidiairement à une
demi-rente. Elle produit un rapport du docteur H.________, du 11
février
2003, et invite le Tribunal à requérir un rapport détaillé de la part
du
docteur I.________, psychiatre.

L'intimé conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le taux d'invalidité de la recourante, et par
voie de
conséquence, sur son droit à des prestations de
l'assurance-invalidité.

2.
La loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales (LPGA)
du 6
octobre 2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, n'est pas
applicable au
présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à
prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de
fait
postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 26
mars 2001
(ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).

Le jugement entrepris rappelle correctement les dispositions légales
(en
particulier les art. 4 et 28 LAI) ainsi que les principes
jurisprudentiels
relatifs à la notion d'invalidité et à l'appréciation des expertises
médicales par le juge, applicables au cas d'espèce. Les premiers
juges ont
également exposé les conditions auxquelles des troubles somatoformes
douloureux peuvent, dans certaines circonstances, provoquer une
incapacité de
travail. Ils ont aussi résumé les tâches qui incombent à l'expert
médical,
lorsque celui-ci doit se prononcer sur le caractère invalidant de
troubles
somatoformes, si bien qu'il suffit de renvoyer audit jugement.

3.
Au regard de l'ensemble des pièces médicales figurant au dossier, on
peut
tenir pour établi que l'assurée ne souffre pas d'une atteinte à la
santé
physique propre à entraîner une incapacité de travail et de gain. Les
douleurs doivent être imputées à un syndrome douloureux somatoforme
persistant.

Il s'agit dès lors d'examiner si la recourante présente une atteinte
invalidante à sa santé psychique.

4.
La recourante fait grief à l'intimé d'avoir contrevenu à son
obligation
d'établir d'office les faits pertinents, alléguant que les expertises
(des 25
juin 1998 et 21 septembre 1999) sur lesquelles il s'est fondé pour
évaluer
son invalidité n'étaient plus actuelles au jour où il a rendu sa
décision
litigieuse (du 26 mars 2001). A son avis, la mise en oeuvre d'une
nouvelle
expertise s'imposait d'autant plus que les docteurs F.________ et
G.________
avaient ultérieurement fait état d'une incapacité de travail de 75 à
100 %
(cf. rapports des 20 décembre 1999 et 24 mai 2000) et que les experts
de la
Policlinique X.________ avaient suggéré, dans leur rapport du 25
juin 1998,
de réévaluer la situation après deux ans. Par ailleurs, la recourante
soutient que le rapport d'expertise du docteur G.________ a pleine
valeur
probante et que ce document est propre à mettre en doute les
conclusions des
experts mandatés par l'intimé, si bien que pour ce motif également,
une
nouvelle expertise aurait dû être ordonnée.

5.
Dans son rapport du 20 décembre 1999, le docteur F.________ a
simplement
indiqué qu'il maintenait son point de vue précédemment exprimé en
1997; il
n'a toutefois pas exposé les motifs qui l'ont conduit à s'écarter de
l'appréciation des experts de la Policlinique X.________. Quant au
docteur
G.________, il paraît avoir apprécié l'entendue de la capacité de
travail en
se fondant essentiellement sur les plaintes de sa patiente; son
rapport du 24
mai 2000 ne contient d'ailleurs que très peu de constatations
objectives et
il n'expose pas non plus les raisons pour lesquelles il s'éloigne des
conclusions auxquelles ses confères mandatés par l'AI étaient
parvenus à la
suite d'examens pluridisciplinaires. Quoi qu'il en soit, le taux
d'incapacité
de travail de 75 % ne saurait être retenu, car on ne connaît pas la
nature
des activités que le docteur G.________ a prises en compte dans son
appréciation, ni en quoi consistent concrètement les empêchements
engendrés
par l'atteinte à la santé. De plus, le docteur G.________ ne s'est pas
exprimé sur le caractère invalidant des troubles somatoformes de sa
patiente
conformément aux règles posées par la jurisprudence (cf. VSI 2000 p.
155
consid. 2c).

Contrairement à ce que soutient la recourante, on ne saurait dès lors
inférer
des rapports des docteurs F.________ et G.________ que l'appréciation
des
spécialistes mandatés par l'AI était dépassée, ni en déduire qu'un
complément
d'instruction était justifié.

6.
Parmi les critères déterminants pour apprécier le caractère
invalidant de
troubles somatoformes douloureux, le psychiatre E.________ avait
retenu un
épisode dépressif majeur chronique léger; il s'agit là toutefois d'un
état
passager qui n'a pas le caractère d'une comorbidité ou d'une atteinte
psychiatrique grave (consid. 6.2 de l'arrêt S. du 19 août 2003, I
53/03).
D'ailleurs, à la lumière des observations consignées par ce
psychiatre, ce
critère ne se manifeste pas chez l'assurée avec un minimum de
constance et
d'intensité. En effet, le docteur E.________ avait retenu, notamment,
une
humeur triste, une diminution de la motivation, une perte de plaisir
dans les
activités quotidiennes, ainsi que des sentiments fréquents
d'irritabilité et
d'énervement. Or on ne saurait reconnaître l'existence d'une
incapacité de
travail résultant d'un syndrome douloureux sur la base d'éléments qui
entrent
certes dans les critères déterminants susceptibles de justifier une
incapacité de travail mais qui, chez la personne expertisée, se
manifestent
sous une forme aussi atténuée. A cela, il convient d'ajouter que le
docteur
E.________ a tenu compte de difficultés économiques (voir l'axe IV
de son
diagnostic), soit d'un critère qui n'est pas déterminant pour
apprécier le
caractère invalidant de troubles somatoformes. Par ailleurs, la
structure de
la personnalité de l'intimée ne présente pas de traits prémorbides.
L'anamnèse psychosociale ne fait pas état d'une perte d'intégration,
même si
l'intéressée peut hésiter à s'impliquer dans des relations sociales.
Quant à
la situation du couple, elle est stable et la recourante bénéficie de
l'aide
que son époux lui apporte.

Le critère de la chronicité et de la durée des douleurs, qui serait
susceptible de fonder un pronostic défavorable à propos de
l'exigibilité
d'une reprise de l'activité professionnelle, apparaît certes réalisé;
toutefois, il n'est à lui seul pas suffisant au regard de la
jurisprudence
pour justifier une invalidité. A cet égard, les experts ne donnent
aucune
explication convaincante, sur la base de laquelle il faudrait inférer
que la
capacité de travail de la recourante ne serait pas entière dans une
activité
adaptée, malgré ses douleurs, mais seulement de 50 %.

Il s'ensuit que le trouble somatoforme douloureux dont la recourante
est
affectée ne revêt pas un minimum de degré de gravité permettant
d'admettre un
caractère invalidant. L'office AI était dès lors fondé à s'écarter des
conclusions formulées par les experts qu'il avait mandaté, s'agissant
de
l'évaluation de la capacité de travail de l'assurée (voir le consid.
3.2 de
l'arrêt D. du 20 septembre 2002, I 759/01, le consid. 5 de l'arrêt V.
du 18
octobre 2002, I 141/02, et le consid. 6.2 de l'arrêt S. du 19 août
2003, I
53/03). C'est donc à juste titre que l'intimé a admis que la
recourante
serait à même de reprendre une activité lui permettant de réaliser un
revenu
n'ouvrant pas droit à des prestations de l'assurance-invalidité.

7.
La recourante demande que son cas soit jugé à la lumière du rapport du
docteur H.________ du 11 février 2003. Par ailleurs, elle requiert le
témoignage du docteur I.________, d'après lequel elle serait
entièrement
incapable de travailler.

Les avis en question portent toutefois sur des faits postérieurs à la
décision litigieuse, si bien qu'ils ne doivent pas être pris en
considération
pour en apprécier la légalité, nonobstant ce que la recourante
demande (ATF
121 V 366 consid. 1b et les arrêts cités).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des
assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 4 septembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.273/03
Date de la décision : 04/09/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-09-04;i.273.03 ?
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