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04/09/2003 | SUISSE | N°4C.139/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 septembre 2003, 4C.139/2003


{T 0/2}
4C.139/2003 /ech

Arrêt du 4 septembre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

X. ________ Sàrl,
A.________,
B.________,
défendeurs et recourants,
tous les trois représentés par Me Mathieu North, avocat, rue de Seyon
2, 2001
Neuchâtel 1,

contre

CAP Compagnie d'assurance de protection juridique SA,
demanderesse et intimée, représentée par Me Jean-Claude Schweizer,
avocat,
avenue de la Gare 1/Boine 2

, case postale 2253, 2001 Neuchâtel 1.

concurrence déloyale; risque de confusion

(recours en réforme contre le jug...

{T 0/2}
4C.139/2003 /ech

Arrêt du 4 septembre 2003
Ire Cour civile

MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

X. ________ Sàrl,
A.________,
B.________,
défendeurs et recourants,
tous les trois représentés par Me Mathieu North, avocat, rue de Seyon
2, 2001
Neuchâtel 1,

contre

CAP Compagnie d'assurance de protection juridique SA,
demanderesse et intimée, représentée par Me Jean-Claude Schweizer,
avocat,
avenue de la Gare 1/Boine 2, case postale 2253, 2001 Neuchâtel 1.

concurrence déloyale; risque de confusion

(recours en réforme contre le jugement de la Ière Cour civile du
Tribunal
cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 7 avril 2003)

Faits:

A.
CAP Compagnie d'assurance de protection juridique SA (ci-après: CAP
SA) est
active dans le domaine de l'assurance de protection juridique depuis
de
nombreuses années. Le 29 mars 1995, elle a déposé la marque «CAP
Compagnie
Assurance de Protection Juridique», accompagnée d'éléments figuratifs
(«logo»), auprès de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle
(IFPI).

Du 1er août 1990 au 6 mars 1992, A.________ - qui adoptera le nom de
son
épouse lors de son mariage avec B.________ - a été agent général de
CAP SA à
Neuchâtel. A la suite de la fermeture de l'agence neuchâteloise, il a
été
employé au «back office» de la société, à Genève, jusqu'au 31
décembre 1992.

Le 29 octobre 1997, B.________ et A.________ ont fondé X.________
Sàrl, pour
des parts respectives de 1000 fr. et 19 000 fr.; l'épouse était
gérante de la
société. Tel que décrit au registre du commerce, le but de X.________
Sàrl
consiste dans la «prestation de services dans les domaines tertiaires,
mobiliers et immobiliers, soit achat, vente, courtage, conseil,
mandat,
assistance, fourniture, recrutement, recherche, consultation, gestion,
domiciliation, analyse, commercialisation dans les branches
juridiques,
d'assurances, de finances et de psychologie». La société dispose d'un
bureau
à Neuchâtel et exerce son activité en Suisse romande. Dans ses
relations avec
la clientèle et notamment sur son papier à lettres, X.________ Sàrl a
utilisé
les mots «CAP JURIDIQUE» et «Conseils, Assistance et Protection
juridiques».
Par ailleurs, elle a déposé la marque de service «CAP JURIDIQUE» en
janvier
1999.

Par jugement du 18 avril 2000, le Tribunal de police du district de
Neuchâtel
a condamné A.________ à cinq jours d'emprisonnement et à une amende
de 500
fr. pour infractions à la loi fédérale contre la concurrence déloyale
(LCD;
RS 241). B.________ a été acquittée. La Cour de cassation pénale
cantonale a
confirmé ce jugement.

B.
Le 14 avril 2000, CAP SA a déposé une demande en constatation du
droit à la
marque, en nullité et en cessation de trouble contre B.________,
A.________
et X.________ Sàrl. Elle concluait à la constatation qu'elle seule est
titulaire de la marque «CAP Compagnie d'assurance de protection
juridique
SA», à l'interdiction faite aux défendeurs d'utiliser la marque «CAP
JURIDIQUE», les lettres «CAP» et la raison sociale ou individuelle
«Conseils,
Assistance et Protection juridiques», à la constatation de la nullité
de la
marque «CAP JURIDIQUE», à la radiation de la marque «CAP JURIDIQUE»
par
l'IFPI et à la publication du jugement.

Par jugement du 7 avril 2003, la Ière Cour civile du Tribunal cantonal
neuchâtelois a interdit aux défendeurs d'utiliser la marque «CAP
JURIDIQUE»
ainsi que la dénomination «CAP Conseils, Assistance et Protection
juridiques»; en outre, elle a ordonné la publication d'un résumé de sa
décision dans la Feuille officielle de la République et Canton de
Neuchâtel
et dans les quotidiens «L'Express» et «L'Impartial», à une reprise.

C.
X.________ Sàrl, B.________ et A.________ interjettent un recours en
réforme
au Tribunal fédéral. Ils demandent, principalement, l'annulation du
jugement
attaqué et, subsidiairement, le renvoi de la cause à l'autorité
cantonale
pour nouvelle décision au sens des considérants.

La demanderesse conclut au rejet du recours dans la mesure où il est
recevable.

Par arrêt de ce jour, la cour de céans a rejeté le recours de droit
public
déposé parallèlement par X.________ Sàrl, B.________ et A.________.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le jugement attaqué est final au sens de l'art. 48 al. 1 OJ
puisqu'il a
été rendu en instance cantonale unique par l'autorité judiciaire
supérieure
du canton de Neuchâtel (cf. art. 58 al. 3 LPM, art. 12 al. 2 LCD et
art. 21
let. c ch. 1 de la loi d'organisation judiciaire neuchâteloise).

1.2 La demande était fondée aussi bien sur la loi fédérale sur la
protection
des marques et des indications de provenance [LPM; RS 232.11] que sur
la LCD.
L'art. 45 OJ, qui fixe les conditions du recours en réforme dans les
affaires
pécuniaires sans égard à la valeur litigieuse, n'est en principe pas
applicable aux actions fondées sur la LCD (Poudret, COJ II, n. 2.2 ad
art.
45). Conformément à l'art. 12 al. 2 LCD, la connexité des actions
basées sur
la LPM et la LCD entraîne toutefois la recevabilité du recours pour
le tout,
indépendamment de la valeur litigieuse.

1.3 Dans leur recours, les défendeurs n'ont pas pris de conclusions
sur le
fond du litige, mais se sont bornés à demander l'annulation du
jugement
attaqué ou le renvoi de la cause à l'autorité cantonale. En principe,
de
telles conclusions ne satisfont pas aux exigences de l'art. 55 al. 1
let. b
OJ (cf. Bernard Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, in
SJ 2000
II, p. 45; Messmer/Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in
Zivilsachen,
p. 151). De jurisprudence constante, les conclusions doivent
toutefois être
interprétées à la lumière des motifs et de l'argumentation du recours
(ATF
106 II 175 p. 176 in fine; 101 II 372; 99 II 176 consid. 2 p. 181). En
l'occurrence, il ressort clairement de l'acte de recours que les
défendeurs
entendent obtenir le rejet de l'action en cessation de trouble
intentée par
la demanderesse.

1.4 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral
(art. 43
al. 1 OJ). En revanche, il ne permet pas d'invoquer la violation
directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la
violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son
raisonnement
juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à
moins
que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées,
qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertance
manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de
l'autorité
cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents
et
régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126
III 59
consid. 2a).

Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui
s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec
précision
de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas
possible
d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être
présenté de
griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de
preuve
nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc
pas
ouvert pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des
constatations de
fait qui en découlent (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277; 127 III
247
consid. 2c p. 252; 126 III 189 consid. 2a).

Les défendeurs ne sont dès lors pas recevables à remettre en cause
l'appréciation des preuves concernant en particulier les
circonstances de
fait desquelles la cour cantonale a déduit un comportement déloyal de
leur
part au détriment de la demanderesse.

1.5 Au surplus, la juridiction de réforme ne peut aller au-delà des
conclusions des parties; en revanche, elle n'est liée ni par les
motifs
développés par les parties (art. 63 al. 1 OJ; ATF 128 III 411 consid.
3.2.2
p. 415), ni par l'argumentation juridique retenue par la cour
cantonale (art.
63 al. 3 OJ; ATF 128 III 22 consid. 2e/cc; 127 III 248 consid. 2c;
126 III 59
consid. 2a).

2.
En premier lieu, les défendeurs contestent la légitimation passive de
B.________ au regard de la LCD.

2.1 L'exception de défaut de qualité pour défendre relève du droit de
fond
(ATF 125 III 82 consid. 1a p. 83). Dans le domaine de la LCD, la
légitimation
passive appartient à quiconque se comporte de manière déloyale au
sens de la
loi, qu'il agisse seul ou comme participant (Mario M.
Pedrazzini/Federico A.
Pedrazzini, Unlauterer Wettbewerb UWG, 2e éd., n. 17.02, p. 276). Les
personnes morales peuvent être poursuivies en justice, à travers leurs
organes. Lorsqu'ils commettent des actes illicites dans
l'accomplissement de
leur travail, les mandataires d'une personne morale ou les
travailleurs
possèdent aussi la qualité pour défendre (Kamen Troller, Précis du
droit
suisse des biens immatériels, p. 383); dans ce dernier cas, l'art. 11
LCD
prévoit également l'action directe contre l'employeur.
La définition très large de la légitimation passive s'explique par le
fait
que la protection est accordée contre toute personne qui peut
influencer la
concurrence économique de manière significative, peu importe que
l'agissement
considéré relève d'une activité économique ou simplement d'un
comportement
privé. En réalité, seul le résultat compte, à savoir une influence
potentielle sur le marché et la concurrence économique (Roland von
Büren/Eugen Marbach, Immaterialgüter- und Wettbewerbsrecht, 2e éd.,
n. 882,
p. 177/178; Pedrazzini/Pedrazzini, op. cit., n. 17.02, p. 276; Daniel
Lengauer, Zivilprozessuale Probleme bei der gerichtlichen Verfolgung
von
publikumswirksamen Wettbewerbsverstössen, thèse Zurich 1995, p.
93/94; Hans
Peter Walter, Das Wettbewerbsverhältnis im neuen UWG, in RSPI 1992,
p. 175).

2.2 En sa qualité de gérante de X.________ Sàrl, B.________ a pu, dans
l'exercice de son activité professionnelle même réduite, contribuer et
participer aux agissements reprochés, qui étaient susceptibles
d'avoir une
influence sur la concurrence économique. En conséquence, la cour
cantonale
lui a reconnu à bon droit la qualité pour défendre dans l'action
fondée sur
la LCD.

3.
Conformément aux conclusions des défendeurs, la cour cantonale a
rejeté
l'action en tant qu'elle était fondée sur la LPM. Les défendeurs se
plaignent
pourtant d'une «violation de la marque» et reprochent aux juges
neuchâtelois
de n'avoir pas reconnu l'absence de caractère distinctif du mot
«CAP», tout
en soulignant que l'application de la LPM a été écartée à juste titre
en
l'espèce.

Ce grief ne concerne pas l'objet du litige porté devant la cour de
céans; il
est par conséquent irrecevable.

4.
Il a déjà été relevé dans l'arrêt sur recours de droit public que le
délai
entre l'échéance de la clause de prohibition de concurrence liant
A.________
à la demanderesse et la fondation de X.________ Sàrl était sans
pertinence.
De plus, la cour cantonale n'a retenu contre A.________ aucune
violation de
ses obligations contractuelles envers son ancien employeur. Les
développements que les défendeurs consacrent à ce point tombent dès
lors à
faux.

5.
Les défendeurs contestent l'existence de circonstances particulières
permettant de considérer leur comportement comme déloyal.

5.1 La LCD vise à garantir, dans l'intérêt de toutes les parties
concernées,
une concurrence loyale et qui ne soit pas faussée (art. 1 LCD). Elle
ne
concerne que le domaine de la concurrence; cette notion vise une
compétition,
une rivalité sur le plan économique entre des personnes qui offrent
leurs
prestations. Pour qu'il y ait acte de concurrence déloyale, il ne
suffit pas
que le comportement apparaisse déloyal au regard de la liste
d'exemples
figurant aux art. 3 à 8 LCD; il faut encore, comme le montre la
définition
générale de l'art. 2 LCD, qu'il influe sur les rapports entre
concurrents ou
entre fournisseurs et clients; en d'autres termes, il doit influencer
le jeu
de la concurrence, le fonctionnement du marché (ATF 126 III 198
consid. 2c/aa
p. 202; Carl Baudenbacher, Lauterkeitsrecht, n. 46 ad art. 1 LCD, p.
29 et n.
2 ad remarques préalables à l'art. 2 LCD, p. 60/61).

Certes, il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'acte soit lui-même
un
concurrent (ATF 126 III 198 consid. 2c/aa p. 202; 120 II 76 consid.
3a). Il
n'empêche que l'acte doit être objectivement propre à avantager ou
désavantager une entreprise dans sa lutte pour acquérir de la
clientèle, ou à
accroître ou diminuer ses parts de marché (ATF 126 III 198 consid.
2c/aa p.
202; 120 II 76 consid. 3a).

L'acte doit être dirigé contre le jeu normal de la concurrence et
propre à
exercer une influence sur le marché; il doit être objectivement apte à
influer sur la concurrence. Il n'est en revanche pas nécessaire que
l'auteur
ait la volonté d'influencer l'activité économique (ATF 126 III 198
consid.
2c/aa p. 202 et les arrêts cités).

La LCD ne protège donc pas la bonne foi de manière générale, mais tend
seulement à garantir une concurrence loyale (ATF 126 III 198 consid.
2c/aa p.
202; 124 III 297 consid. 5d p. 302; 124 IV 262 consid. 2b p. 268).

5.2 La clause générale de l'art. 2 LCD qualifie de déloyal et

illicite tout
comportement ou pratique commercial qui est trompeur ou qui
contrevient de
toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe sur les
rapports
entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. Le risque de
confusion
tombe plus spécialement sous le coup de l'art. 3 let. d LCD: agit de
façon
déloyale celui qui prend des mesures qui sont de nature à faire
naître une
confusion avec les marchandises, les oeuvres, les prestations ou les
affaires
d'autrui. Il n'est pas nécessaire que des confusions se soient
produites. Il
suffit que les acheteurs, voire même les cercles spécialisés,
puissent croire
à l'existence de liens entre deux entreprises utilisant des
désignations
prêtant à confusion (ATF 114 II 106 consid. 3b p. 111 et l'arrêt
cité; Kamen
Troller, op. cit., p. 342; cf. également ATF 129 III 353 consid. 3.3
p. 359).
Ainsi, la protection contre le risque de confusion est assurée aussi
bien par
le droit des marques que par l'art. 3 let. d LCD, norme qualifiée de
«petite
clause générale» de la LCD en ce qu'elle précise l'art. 2 LCD tout en
offrant
au lésé une garantie plus efficace (cf. François Dessemontet, La
propriété
intellectuelle, publication CEDIDAC 42, n. 801, p. 357).

Le risque de confusion, qui est défini de la même manière pour toutes
les
branches du droit de la propriété intellectuelle, peut aussi bien
être direct
qu'indirect. Dans ce dernier cas, l'impression erronée d'un lien
étroit entre
les deux entreprises en cause suffit (ATF 127 III 160 consid. 2a p.
165/166
et les références).

Par ailleurs, les règles sur la concurrence déloyale ne permettent pas
d'interdire l'usage d'un signe appartenant au domaine public, qui ne
pourrait
faire l'objet d'une protection en vertu du droit des marques. Les
désignations relevant du domaine public sont celles qui ont un
caractère
descriptif et qui font référence à la nature, aux propriétés, à la
composition, à l'emploi ou aux effets d'un produit ou d'un service.
Une
déformation du mot ou une association d'idées n'acquiert pas un
caractère
distinctif suffisant si elle ne témoigne d'aucune fantaisie
particulière (ATF
127 III 160 consid. 2b/aa p. 166/167 et les arrêts cités). Il faut
éviter
d'accorder par le détour de la LCD une protection que la législation
sur les
marques refuserait. Seules des circonstances particulières peuvent
faire
apparaître l'imitation comme déloyale; tel est le cas si
l'utilisateur est
induit en erreur de façon évitable quant à la provenance du produit
imité ou
si l'imitateur exploite de façon parasitaire le renom des produits
d'un
concurrent (ATF 127 III 33 consid. 3b p. 38/39 et l'arrêt cité).

Enfin, le titulaire d'une marque protégée par le droit des marques
peut s'en
voir interdire l'usage sur la base de la LCD, lorsque celui-ci est
déloyal et
crée un risque de confusion (ATF 129 III 353 consid. 3.3 p. 358/359
et les
références).

6.
6.1Selon le jugement attaqué, la marque «CAP Compagnie d'assurance de
protection juridique» ne bénéficie pas de la protection de la LPM,
car les
termes «Compagnie d'Assurance de Protection juridique», qui revêtent
une
grande importance, appartiennent au domaine public. La cour cantonale
a
ensuite retenu l'existence de circonstances spéciales justifiant le
recours à
la LCD. Elle a considéré que l'utilisation de la marque «CAP
juridique» ainsi
que la dénomination «CAP Conseils, Assistance et Protection
juridiques»
étaient parasitaires et déloyales en raison de la similitude des
activités
des deux entreprises en question, de leur champ territorial commun et
de la
réalisation du risque de confusion.

6.2 Il ressort des faits établis sans arbitraire par la cour
cantonale que
les deux sociétés en cause offrent à leur clientèle des conseils
juridiques.
Sur le marché suisse romand, elles exercent ainsi une activité
semblable les
plaçant dans un rapport de concurrence économique. Le fait que
X.________
Sàrl n'a pas le droit de pratiquer une activité d'assurance et que
CAP SA y
est au contraire confinée, est sans importance. En effet, le risque
couvert
par la demanderesse implique une activité de conseil juridique envers
ses
clients, préalable à toute démarche judiciaire que ceux-ci pourraient
entreprendre.

Par ailleurs, le risque de confusion entre les deux entreprises existe
indéniablement. Selon les constatations cantonales, il s'est du reste
réalisé
régulièrement, même si ce n'était pas «à de nombreuses reprises»,
comme les
premiers juges l'ont retenu. Sur le papier à lettres de X.________
Sàrl, la
mise en évidence des mots «CAP juridique» et «Conseils, Assistance et
Protection juridiques» par rapport à la raison sociale «X.________
Sàrl»,
ainsi que l'utilisation de la couleur bleue, largement et depuis
longtemps
employée par la demanderesse, sont de nature à établir ce risque de
confusion
et à expliquer les raisons pour lesquelles il s'est concrétisé.

En faisant naître dans l'esprit des clients potentiels l'idée d'une
relation
étroite entre X.________ Sàrl et CAP SA, les défendeurs cherchaient à
profiter de la réputation et de la relative notoriété de la
demanderesse,
exploitant ainsi de manière parasitaire le renom d'une entreprise
concurrente. Ces considérations suffisent pour retenir, à la charge
des
défendeurs, un comportement déloyal et illicite, influant sur les
conditions
du marché pour l'acquisition de clients dans le domaine des conseils
juridiques.

Dans la mesure où seul le résultat compte pour qualifier un
comportement ou
un agissement de déloyal au sens des art. 2 et 3 LCD, peu importe que
la cour
cantonale ait estimé que les défendeurs ont agi consciemment. Certes,
en sa
qualité d'ancien employé de la demanderesse, A.________ était
particulièrement bien placé pour prendre les mesures propres à éviter
toute
confusion entre les deux entreprises. Il apparaît ainsi curieux qu'il
ait
donné à sa secrétaire la directive de lui transmettre les appels
téléphoniques des personnes qui croyaient s'adresser à CAP SA, alors
que
l'employée pouvait sans difficulté renseigner l'interlocuteur à ce
sujet.
L'utilisation «ciblée» de divers papiers à lettres, notamment d'un
papier ne
portant pas le sigle «CAP» lorsque X.________ Sàrl traitait avec CAP
SA,
dénote également une duplicité confirmant le risque de confusion et,
surtout,
la volonté que la demanderesse ne s'en aperçoive pas. Cette attitude
ressort
aussi du fait que les défendeurs n'ont pas informé la demanderesse du
dépôt,
le 6 janvier 1999, de la marque «CAP juridique», alors que les parties
menaient des discussions au sujet du litige les opposant.

Il s'ensuit que la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en
interdisant aux défendeurs d'utiliser la marque «CAP juridique» ainsi
que la
dénomination «CAP Conseils, Assistance et Protection juridiques». Le
recours
doit être rejeté sur ce point.

7.
En dernier lieu, les défendeurs considèrent la publication du
jugement comme
inutile et disproportionnée.

7.1 La publication du jugement selon l'art. 9 al. 2 LCD suppose un
intérêt de
la part de celui qui la demande. Elle ne doit pas servir à exprimer
une
désapprobation, ni à assouvir un désir de vengeance, mais elle doit
permettre
au lésé de rétablir une position de concurrence injustement entamée.
Un
intérêt public à la rectification est reconnu lorsqu'il s'agit de
supprimer
un état d'incertitude durable dans le public (ATF 115 II 474 consid.
4b
[recte: c] p. 483 et l'arrêt cité).

7.2 En l'espèce, les cas où une confusion entre les deux entreprises
s'est
réellement produite ne sont pas aussi fréquents que la cour cantonale
l'a
admis. De plus, X.________ Sàrl dispose d'un seul bureau, qui occupe
essentiellement A.________. Quand bien même elle s'étend à toute la
Suisse
romande, cette activité apparaît relativement modeste. Enfin, dès
août 2000,
A.________ a indiqué qu'il faisait usage d'un timbre sur le courrier à
en-tête «CAP juridique» pour mettre en garde les destinataires contre
une
éventuelle confusion avec CAP SA.

Dans ces conditions, la publication du résumé du jugement dans la
feuille
officielle cantonale et dans deux quotidiens locaux, prononcée par la
cour
cantonale, apparaît comme une mesure excessive et disproportionnée. Un
intérêt légitime à cette mesure fait aujourd'hui défaut. Le chiffre 2
du
dispositif du jugement attaqué sera dès lors annulé. Par la même
occasion, la
cause sera renvoyée aux juges précédents pour qu'ils statuent à
nouveau sur
les frais et dépens de la procédure cantonale, en fonction des
modifications
apportées par le présent arrêt.

8.
Vu l'admission très partielle du recours, les frais judiciaires seront
répartis à raison de ¿ à la charge des défendeurs et de ¿ à la charge
de la
demanderesse (art. 156 al. 3 OJ). Par ailleurs, les défendeurs
verseront à la
demanderesse une indemnité réduite à titre de dépens (art. 159 al. 3
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis.

Le chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué est confirmé.

Les chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement attaqué sont annulés.

2.
La cause est renvoyée à la Ière Cour civile du Tribunal cantonal de la
République et canton de Neuchâtel pour nouvelle décision sur les
frais et
dépens de la procédure cantonale.

3.
Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis solidairement à la charge
des
défendeurs.

Un émolument judiciaire de 1000 fr. est mis à la charge de la
demanderesse.

4.
Les défendeurs, débiteurs solidaires, verseront à la demanderesse une
indemnité de 4000 fr. à titre de dépens réduits.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Ière Cour civile du Tribunal cantonal de la République et canton de
Neuchâtel.

Lausanne, le 4 septembre 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.139/2003
Date de la décision : 04/09/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-09-04;4c.139.2003 ?
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