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02/09/2003 | SUISSE | N°U.329/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 septembre 2003, U.329/02


{T 7}
U 329/02

Arrêt du 2 septembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
von Zwehl

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

P.________, intimé, représenté par Me Mauro Poggia, avocat, rue
De-Beaumont
11, 1206 Genève

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 29 octobre 2002)

Fai

ts:

A.
P. ________, né en 1938, bénéficie depuis juin 1976 d'une rente
d'invalidité
LAA d'un taux de 25 %. Dès le 29 ju...

{T 7}
U 329/02

Arrêt du 2 septembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
von Zwehl

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,

contre

P.________, intimé, représenté par Me Mauro Poggia, avocat, rue
De-Beaumont
11, 1206 Genève

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 29 octobre 2002)

Faits:

A.
P. ________, né en 1938, bénéficie depuis juin 1976 d'une rente
d'invalidité
LAA d'un taux de 25 %. Dès le 29 juin 1998, il a été engagé à plein
temps en
qualité de maçon (chef d'équipe) au service de l'entreprise de
construction
X.________ SA; à ce titre, il était assuré contre le risque d'accident
professionnel et non professionnel auprès de la Caisse nationale
suisse en
cas d'accidents (CNA).

Le 23 juin 1999, alors qu'il travaillait sur un chantier, l'assuré a
marché
sur une barre de fer en équerre qui lui a tapé le genou droit.
L'employeur a
annoncé cet incident à la CNA comme accident-bagatelle avant de
signaler une
rechute au mois de juillet 1999. P.________ a été opéré le 17 août
suivant
pour une déchirure de la corne postérieure du ménisque interne droit.
Du 5
janvier au 4 février 2000, il a suivi une rééducation à la Clinique
Y.________ à l'issue de laquelle les médecins ont estimé qu'il
n'était plus
en mesure d'oeuvrer comme chef d'équipe mais qu'il conservait une
capacité de
travail entière dans une activité en position assise avec des
déplacements
sur une courte distance et sur terrain plat. Dans son examen final, le
docteur A.________, médecin d'arrondissement, a constaté que le cas
était
suffisamment stabilisé sur le plan médical et confirmé l'appréciation
de ses
confrères sur la capacité de travail résiduelle de P.________, niant
en
particulier que les troubles dorsaux dont le prénommé se plaignait
depuis peu
puissent être mis en relation de causalité avec l'accident assuré;
quant à
l'atteinte à l'intégrité, il l'a évaluée à 10 % (rapport du 4 juillet
2000).
Sur cette base et après avoir procédé à une enquête économique, la
CNA a
accordé à l'assuré, d'une part, une rente d'invalidité LAA fondée sur
une
incapacité de gain de 35 % à partir du 1er août 2000, estimant que ce
dernier
pouvait encore réaliser un salaire mensuel (part du 13ème inclus) de
3'900
fr., et, d'autre part, une indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un
taux de
10 % (décision du 9 mars 2001). Saisie d'une opposition, la CNA l'a
écartée
dans une nouvelle décision du 26 juin 2001. Ayant également déposé une
demande de prestations de l'assurance-invalidité, P.________ s'est vu
octroyer par l'Office AI du canton de Genève une rente d'invalidité
entière
avec effet au 1er août 2000 (décision du 24 janvier 2002).

B.
L'assuré a déféré la décision sur opposition de la CNA au Tribunal
administratif du canton de Genève (aujourd'hui : Tribunal cantonal des
assurances sociales), en concluant à la reconnaissance d'une
incapacité de
gain de 100 %, et, partant, au versement d'une rente d'invalidité LAA
d'un
montant mensuel de 4'864 fr. 40.

Par jugement du 29 octobre 2002, le tribunal a partiellement admis le
recours, et reconnu à P.________ le droit à une rente d'invalidité
LAA d'un
taux de 40 %; il l'a rejeté pour le surplus.

C.
La CNA interjette recours de droit administratif contre ce jugement,
dont
elle requiert l'annulation, en concluant à la confirmation de sa
décision sur
opposition.

Dans sa réponse au recours, P.________ conclut, sous suite de frais et
dépens, principalement, à la réforme du jugement cantonal en ce sens
qu'il a
droit à une rente fondée sur un taux d'invalidité de 49,3 % mais au
moins de
46,1 %, et, subsidiairement, au rejet du recours de la CNA. De son
côté,
l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-accidents. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard
au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467
consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).

2.
Le litige porte uniquement sur le degré d'invalidité présenté par
l'intimé,
singulièrement sur la détermination des revenus avec et sans
invalidité. A
cet égard, le jugement entrepris expose correctement les dispositions
légales
applicables (art. 18 LAA), de sorte qu'on peut y renvoyer.

3.
3.1Tout en se basant sur la même appréciation de la capacité de
travail de
l'assuré que la CNA, les premiers juges se sont néanmoins écartés de
son
évaluation de l'invalidité. Tandis que l'assureur-accidents s'est
appuyé sur
les descriptions de poste de travail (DPT) pour déterminer le revenu
d'invalide, ils se sont, quant à eux, référés aux données statistiques
économiques, en procédant en outre à une déduction du salaire
statistique à
hauteur de 20 %. S'agissant du revenu sans invalidité, ils ont retenu
le
montant de 76'360 fr. correspondant au dernier salaire annuel obtenu
par
P.________ additionné du renchérissement survenu jusqu'à la date de la
décision sur opposition (+ 1,9 % en 2000 et + 2,7 % en 2001). Cela
les a
conduit à établir le degré d'invalidité de l'assuré à 40 % [76'360
(revenu
sans invalidité) - 45'467 (revenu d'invalide) x 100 : 76'360].

3.2 La CNA conteste aussi bien le revenu sans invalidité que le
revenu avec
invalidité fixés par la juridiction cantonale. En premier lieu, elle
fait
remarquer que selon une jurisprudence récente du Tribunal fédéral des
assurances, sont déterminants pour la comparaison des revenus les
rapports
existants non pas à la date de la décision sur opposition mais au
moment de
l'ouverture du droit à la rente, ce qui porte le revenu sans
invalidité à
72'930 fr et non pas à 76'360 fr. En second lieu, elle critique le
procédé
utilisé par les premiers juges consistant à recourir aux données
statistiques
alors qu'elle-même s'est fondée sur les DPT dans sa décision
initiale; en
tout état de cause, elle considère la déduction de 20 % qu'ils ont
opéré
comme injustifiée, admettant au regard des circonstances du cas
d'espèce tout
au plus une déduction à hauteur de 15 %.

3.3 L'intimé, pour sa part, est d'avis que la nouvelle jurisprudence
concernant le moment déterminant pour la comparaison des revenus ne
lui est
pas applicable dès lors que celle-ci a été rendue postérieurement à la
décision sur opposition. Pour le surplus, il partage le point de vue
des
premiers juges sur la manière de calculer le degré d'invalidité et
soutient
qu'à suivre le raisonnement de la CNA au sujet du revenu sans
invalidité, son
taux d'invalidité devrait même se situer à 46,1 % (avec un abattement
de 15
%), voire à 49,3 % (avec un abattement de 20 %).

4.
4.1Dans un arrêt publié aux ATF 128 V 174 consid. 4a, le Tribunal
fédéral des
assurances a précisé que, sous réserve de modifications
significatives des
données hypothétiques déterminantes durant la période postérieure, la
comparaison des revenus prend date au moment de l'ouverture du droit
à une
éventuelle rente et non à celui de la décision sur opposition.
Contrairement
à ce que prétend l'intimé, cette précision de jurisprudence vaut,
sous un
angle temporel, non seulement pour les cas futurs mais aussi pour les
affaires pendantes devant un tribunal au moment où elle a été décidée
(ATF
122 V 184 consid. 3b, 120 V 131 consid. 3a, 119 V 412 sv. consid. 3).

Dans le cas particulier, le revenu sans invalidité à prendre en
considération
est donc celui que l'assuré aurait pu réaliser sans atteinte à la
santé en
l'année 2000, à savoir, d'après les renseignements fournis par
l'employeur,
72'928 fr. [(5'610 fr. + 8,33%) x 12].

4.2 Quant au recours à des données statistiques pour déterminer le
revenu
d'invalide, il est conforme à la jurisprudence qui admet de s'y
référer en
l'absence d'un revenu effectivement réalisé comme c'est le cas en
l'espèce
(ATF 126 V 76 consid. 3b/aa et bb, 124 V 322 consid. 3b/aa). De ce
point de
vue, la méthode adoptée par les premiers juges n'apparaît pas
critiquable. En
revanche, c'est à tort qu'ils ont procédé à une indexation du salaire
statistique de 2000 à 2002 dès lors que l'année de référence est en
l'occurrence l'année 2000 (voir consid. 4.1 supra). Le revenu
d'invalide de
l'intimé s'élève ainsi à 55'644 fr. par année compte tenu d'un
horaire de
travail hebdomadaire de 41,8 heures [(4'437 x 41,8 : 40) x 12] (cf.
Enquête
suisse sur la structure des salaires 2000, TA1, p. 31; La Vie
économique,
10/2002 p. 88).

4.3
Il reste à examiner le mérite de la réduction du salaire statistique
effectuée par la juridiction cantonale.

Selon la jurisprudence, la mesure dans laquelle les salaires
statistiques
doivent être réduits dépend de l'ensemble des circonstances
personnelles et
professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap,
âge,
années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et
taux
d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir
d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire
statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent
influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 79 sv.
consid.
5b/aa-cc; VSI 2002 p. 70 sv. consid. 4b). La déduction, qui doit être
effectuée globalement, résulte d'une évaluation et doit être
brièvement
motivée par l'administration. Le juge des assurances sociales ne
peut, sans
motifs pertinents, substituer son appréciation à celle de
l'administration
(ATF 126 V 81 consid. 6).

En l'espèce, la juridiction cantonale a admis une déduction de 20 %
essentiellement en considération de l'âge de l'assuré qui, au moment
du début
du droit à la rente, avait 62 ans (voir jugement attaqué p. 10).
L'âge ne
représente toutefois qu'un facteur parmi d'autres qui légitiment une
déduction du salaire statistique; une déduction aussi importante ne
pourrait
se justifier que lorsque plusieurs des éléments retenus par la
jurisprudence
se trouvent réunis chez un assuré. Tel n'est pas le cas de P.________.
Celui-ci est certes proche de la retraite et présente des séquelles
accidentelles aux membres inférieurs, mais ne réunit pas en sa
personne,
d'autres éléments aggravants; il est en effet médicalement apte à
travailler
à plein temps sans diminution de rendement et bénéficie de surcroît
d'une
longue expérience sur le marché du travail suisse. L'ensemble de ces
circonstances justifient au plus un abattement de 15 % (pour cas
similaire
voir arrêt S. du 4 février 2003, U 311/02). Il en résulte un taux
d'invalidité équivalent à celui fixé par la recourante dans sa
décision sur
opposition.

On ajoutera que ce résultat ne s'en trouverait pas sensiblement
modifié si
l'on procédait à l'évaluation de l'invalidité de l'intimé
conformément à la
règle spéciale prévue à l'art. 28 al. 4 OLAA, aux termes duquel si,
en raison
de son âge, l'assuré ne reprend pas d'activité lucrative après
l'accident ou
si la diminution de la capacité de gain est due essentiellement à son
âge
avancé, les revenus de l'activité lucrative déterminants pour
l'évaluation du
degré d'invalidité sont ceux qu'un assuré d'âge moyen dont la santé a
subi
une atteinte de même gravité pourrait réaliser. Car selon la
jurisprudence
rendue à propos de cette disposition réglementaire, il y a justement
lieu de
faire abstraction du facteur âge tant dans la détermination des
revenus avec
que sans invalidité (cf. ATF 122 V 426 consid. 7b/aa non publié), de
sorte
que même s'il fallait considérer qu'elle était applicable au cas de
l'intimé,
ce dernier ne pourrait prétendre une réduction du salaire statistique
de
l'ampleur de celle qui lui a été accordée par la juridiction cantonale
principalement en raison de son âge.

Le recours se révèle bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif du
canton de
Genève du 29 octobre 2002 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal
genevois
des assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 2 septembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.329/02
Date de la décision : 02/09/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-09-02;u.329.02 ?
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