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02/09/2003 | SUISSE | N°6P.90/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 septembre 2003, 6P.90/2003


{T 0/2}
6P.90/2003 /sch

Arrêt du 2 septembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Kolly et Brahier Franchetti, Juge suppléante.
Greffière: Mme Kistler.

X.________,
recourant, représenté par Me Stéphane Coudray, avocat, case postale
244, 1920
Martigny 1,

contre

A.________,
intimée, représentée par Me Vincent Hertig, avocat, bâtiment
Raiffeisen, case
postale, 1934 Le Châble VS,
Ministère public du canton du Valais, Palais de Justice, case

postale
2050,
1950 Sion 2,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale II, Palais de
Justice,
1950 Sion 2....

{T 0/2}
6P.90/2003 /sch

Arrêt du 2 septembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Kolly et Brahier Franchetti, Juge suppléante.
Greffière: Mme Kistler.

X.________,
recourant, représenté par Me Stéphane Coudray, avocat, case postale
244, 1920
Martigny 1,

contre

A.________,
intimée, représentée par Me Vincent Hertig, avocat, bâtiment
Raiffeisen, case
postale, 1934 Le Châble VS,
Ministère public du canton du Valais, Palais de Justice, case postale
2050,
1950 Sion 2,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale II, Palais de
Justice,
1950 Sion 2.

Art. 9 et 32 Cst. et art. 6 CEDH (procédure pénale; arbitraire),

recours de droit public contre le jugement du Tribunal cantonal du
canton du
Valais, Cour pénale II, du 17 avril 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 21 septembre 2001, le Tribunal du III arrondissement
pour le
district de Monthey a condamné X.________, né le 11 janvier 1961 à
Bruxelles,
à une peine de vingt-quatre mois d'emprisonnement pour actes d'ordre
sexuel
commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance
(art. 191
CP).

Statuant sur appel le 17 avril 2003, la Cour pénale II du Tribunal
cantonal
valaisan a confirmé le jugement de première instance.

B.
En résumé, les faits à la base de cette condamnation sont les
suivants:
Le dimanche 21 mai 2000, vers 23h05, B.________, médecin à l'Hôpital
du
Chablais à Monthey, a été appelé en urgence au domicile de
A.________. Il a
trouvé cette dernière allongée sur le sol; elle se débattait et ne
répondait
pas aux questions qu'il lui posait. Il lui a injecté une ampoule de
10 mg de
valium par voie intramusculaire et l'a conduite au service des
urgences. A
l'hôpital de Monthey, une perfusion a été mise en place afin de lui
administrer du rivotril en continu à raison de 4 mg en 24 heures en
sus de 3
mg par voie intramusculaire. Vers 1h30, A.________ a été installée
dans une
chambre d'isolement sur un lit relativement haut, muni de trois
barrières
relevées, deux latérales et une au niveau des pieds. Elle avait une
attelle
plâtrée à l'avant-bras gauche, un saturomètre à un doigt de la main
gauche,
une perfusion à un bras, un brassard de pression au bras opposé et
trois
électrodes sur le thorax.

Le 22 mai 2000, vers 5h, l'infirmier de garde, X.________, qui était
allé
rendre visite à A.________, a mis son pénis en érection dans la
bouche de
cette dernière et lui a dit "suce-moi". Quelque chose ayant sonné, il
est
reparti sans rien dire. Un quart d'heure après, il est revenu. Il a
fait le
tour du lit et a abaissé la barrière gauche. Il a empoigné A.________
au-dessus des genoux et l'a tirée, la mettant en travers de son lit,
couchée
sur le dos. Il a ouvert son pantalon et, lui écartant les jambes, il
l'a
pénétrée, sans la caresser ni lui toucher le sexe des doigts, lui
provoquant
ainsi une vive douleur. Après quelques allées et venues, il a soupiré
et est
ressorti d'elle. Son acte accompli, il a quitté la chambre sans rien
dire.

C.
X.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral.
Invoquant la
présomption d'innocence et l'arbitraire dans l'établissement des
faits, il
conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué.

Parallèlement, il a déposé un pourvoi en nullité.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral peut être formé
contre une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des
citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ). Il ne peut cependant pas être exercé pour
une
violation du droit fédéral, laquelle peut donner lieu à un pourvoi en
nullité
(art. 269 al. 1 PPF); un tel grief ne peut donc être invoqué dans le
cadre
d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ;
art. 269
al. 2 PPF).

1.2 Dans le recours de droit public, le recourant peut se plaindre
d'arbitraire dans l'établissement des faits pertinents pour le
prononcé. Il
ne s'agit cependant pas d'un appel qui permettrait au Tribunal
fédéral de
procéder lui-même à l'appréciation des preuves. Il ne suffit pas que
le
recourant discute de nombreux éléments de preuve, en opposant sa
propre
appréciation à celle de l'autorité cantonale. Il doit indiquer, sous
peine
d'irrecevabilité, quel aspect de la décision attaquée lui paraît
insoutenable
et en quoi consiste l'arbitraire (art. 90 al. 1 let. b OJ).

Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution que celle
qu'a
retenue l'autorité cantonale pourrait entrer en considération, voire
serait
préférable. Le Tribunal fédéral s'écarte de la décision attaquée
seulement si
elle est insoutenable, se trouve en contradiction manifeste avec la
situation
de fait, viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté
ou
encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de
l'équité.
Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit insoutenable;
encore
faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 38
consid. 2a p.
41, 54 consid. 2b p. 56; 126 III 438 consid. 3 p. 440; 125 I 166
consid. 2a
p. 168; 125 II 10).

1.3La présomption d'innocence, garantie expressément par l'art. 6 ch.
2 CEDH
et l'art. 32 al. 1 Cst., et le principe "in dubio pro reo", qui en
est le
corollaire, concernent tant le fardeau de la preuve que
l'appréciation des
preuves. Dans la mesure où l'appréciation des preuves est critiquée en
référence avec la présomption d'innocence, celle-ci n'a pas une
portée plus
large que l'interdiction de l'arbitraire. En tant qu'elle s'applique
à la
constatation des faits et à l'appréciation des preuves, la maxime "in
dubio
pro reo" est violée lorsque l'appréciation objective de l'ensemble des
éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable
quant à
la culpabilité de l'accusé (ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 87/88; 120 Ia
31
consid. 2e et 4b p. 38 et 40). Sa portée ne va pas, sous cet aspect,
au-delà
de l'interdiction de l'arbitraire (ATF 120 Ia 31 consid. 2d p. 37/38).

1.4 Sous réserve de certaines exceptions sans pertinence en l'espèce,
le
recours de droit public n'est recevable qu'à l'encontre des décisions
prises
en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ). Le recourant doit
dès lors
faire valoir ses griefs devant les autorités cantonales et ne peut
pas en
soulever de nouveaux dans le recours de droit public (ATF 118 Ia 20
consid.
5a p. 26).

2.
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 9
Cst. en
appréciant les preuves et en établissant les faits de la cause de
manière
arbitraire.

2.1.1 Il estime d'abord que l'autorité cantonale a fait preuve
d'arbitraire
en retenant l'incapacité de résistance de la victime, tout en
déclarant que
la question de l'état de conscience de cette dernière importait peu.

Le recourant considère à tort que l'incapacité de résistance suppose
que la
victime soit inconsciente. Selon la jurisprudence, une personne est
incapable
de résister au sens de l'art. 191 CP si elle se trouve dans un état
qui,
concrètement, l'empêche de s'opposer aux visées de l'auteur. La cause
de cet
état est sans importance; elle peut être d'origine physique (par ex.
la
victime est attachée) et/ou psychique (la victime est endormie; ATF
120 IV
194 consid. 2c p. 198; 119 IV 230 consid. 3a p. 232). Il n'est donc
pas du
tout arbitraire de retenir que la victime était incapable de
résistance
(parce qu'elle était entravée par des appareils médicaux et dans
un
état de demi-sommeil) et de

déclarer parallèlement que la question de l'état de conscience ou
d'inconscience de la victime est sans pertinence; les griefs du
recourant
portant sur cette question sont donc infondés.

2.1.2 Le recourant estime que l'autorité cantonale ne pouvait pas,
sans
tomber dans l'arbitraire, admettre l'incapacité de résistance de la
victime,
alors que les raisons exactes de son hospitalisation (crise
d'épilepsie ou
situation de crise d'épilepsie simulée d'ordre hystériforme)
n'étaient pas
déterminées.

L'autorité cantonale a déduit l'incapacité de résistance de la
victime d'un
ensemble de circonstances: la victime avait une attelle plâtrée à
l'avant-bras gauche, une perfusion à un bras, un brassard de pression
au bras
opposé et trois électrodes sur le thorax; elle était en outre couchée
sur un
lit médical surélevé, les barrières latérales et la barrière frontale
du lit
étant levées; à ces entraves physiques s'ajoutait un état de sommeil
ou de
semi-somnolence à la suite de la consommation de médicaments. On ne
voit pas
en quoi les raisons de l'hospitalisation de la victime pourraient
venir
infirmer les conclusions de l'autorité cantonale et établir que la
victime
était capable de résister. Le recourant n'apporte à cet égard aucune
explication. Son grief ne satisfait donc pas aux exigences de clarté
et de
précision posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ et doit en conséquence
être
déclaré irrecevable.

2.1.3 Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'être tombée dans
l'arbitraire en occultant les conclusions du rapport pharmacologique
du 16
janvier 2003.

Dans son jugement, l'autorité cantonale a repris les conclusions de ce
rapport, lequel conclut que "si l'état clinique, une médication
antérieure,
une comédication n'ont pas influencé le niveau de la conscience, cinq
heures
après l'administration de Valium et de Rivotril, le patient se trouve
en état
de sommeil naturel et peut être réveillé et réagir"; il précise
encore que
"l'effet des benzodiazépines est différent d'un individu à l'autre".
Les
conclusions de ce rapport n'excluent nullement l'incapacité de
résistance de
la victime; selon la doctrine, l'art. 191 CP protège en effet aussi la
personne endormie (sommeil naturel) (Corboz, Les infractions en droit
suisse,
volume 1, 2e éd., Berne 2002, p. 764; Schubarth/Jenny/Albrecht,
Kommentar zum
schweizerischen Strafrecht, Schweizerisches Strafgesetzbuch,
Besonderer
Teil, volume 4, Berne 1997, p. 82; Logoz, Commentaire du Code

pénal suisse, Partie spéciale I, p. 306). En outre, en l'espèce,
l'incapacité
de résister résultait également d'entraves physiques (voir consid.
2.1.2).
Infondé, le grief du recourant doit être rejeté.

2.1.4 Le recourant soutient que l'autorité cantonale serait tombée
dans
l'arbitraire en omettant de tenir compte des résultats du test de
Glasgow
effectué par l'infirmière C.________ à 6h30 le 22 mai 2000.

Dès lors que ce test ne figure pas au dossier et que ses résultats
sont
inconnus, on ne saurait considérer que la solution retenue par l'arrêt
cantonal, soit l'incapacité de résistance de la victime, va à
l'encontre de
ce test. Infondé, le grief du recourant doit être rejeté.

2.1.5 Le recourant se plaint que le Ministère public, à qui incombe,
selon
lui, la charge de la preuve, n'a sollicité l'administration d'aucun
moyen de
preuve.

Le juge apprécie librement les preuves, en faisant appel à son
raisonnement
et selon son intime conviction. Si l'accusé estime que certaines
preuves
peuvent le disculper, il lui incombe d'en requérir lui-même
l'administration.
Le recourant, qui n'a rien fait durant la procédure cantonale, ne
saurait
maintenant se plaindre que des preuves (sans même préciser
lesquelles) n'ont
pas été administrées et que, partant, sa condamnation est arbitraire.
Mal
fondé, le grief du recourant doit être rejeté.

2.1.6 Le recourant reproche à l'autorité cantonale de n'avoir rien
dit sur le
poids des appareils médicaux, de ne pas avoir décrit les mouvements
de la
victime, qui auraient été rendus plus difficiles, voire impossibles
par la
présence de ces appareils et, en particulier, de ne pas avoir établi
que la
victime ne pouvait pas bouger ses bras ou ses jambes.

L'autorité cantonale a décrit clairement les circonstances sur
lesquelles
elle s'est fondée pour retenir l'incapacité de résistance de la
victime (voir
consid. 2.1.2). Par ces critiques, le recourant ne démontre nullement
en quoi
l'état de faits retenu par l'autorité cantonale procède d'une
appréciation
arbitraire des preuves. Les points qu'il soulève sont de portée
secondaire.
Le grief du recourant ne satisfait donc pas aux exigences de l'art.
90 al. 1
let. b OJ et doit en conséquence être déclaré irrecevable.

2.1.7 Le recourant estime que l'autorité cantonale est tombée dans
l'arbitraire en retenant que le changement de lieu où la victime
passait
ordinairement la nuit pouvait être un élément déstabilisant, alors
qu'elle
avait été hospitalisée déjà trois ou quatre fois à l'Hôpital de
Monthey et
quatre fois à l'Hôpital de Malévoz.

Il n'est nullement arbitraire de constater qu'il est déstabilisant
d'être
hospitalisé, et cela même si ce n'est pas la première fois. Pour le
surplus,
l'autorité cantonale a fondé l'incapacité de résistance sur diverses
circonstances, et celles-ci suffisent à elles seules pour justifier
l'incapacité de résistance. Non pertinent, le grief du recourant doit
être
écarté.

2.1.8 Enfin, dans toutes une série de digressions, le recourant se
plaint que
l'autorité cantonale l'a condamné en l'absence de preuves concrètes.
Il
déclare que l'autorité cantonale a fait preuve d'arbitraire en
déclarant,
d'une part, que les déclarations de l'accusé relevaient du pur
mensonge

lorsqu'il s'agissait de le discréditer de manière excessive et,
d'autre part,
qu'elles reflétaient la réalité lorsqu'elles se confondaient avec la
version
des faits de la victime. Il ne précise cependant pas quel aspect du
jugement
est arbitraire, quelles sont les preuves qui ont été retenues
arbitrairement
et en quoi consiste l'arbitraire. D'ordre trop général, ces griefs ne
satisfont pas aux exigences de clarté et de précision posées par
l'art. 90
al. 1 let. b OJ et doivent en conséquence être déclarés irrecevables.

3.
En conséquence, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable. Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais (art.
156 al.
1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à l'intimée qui n'a
pas déposé
de mémoire dans la procédure devant le Tribunal fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 francs est mis à la charge du
recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
au
Ministère public du canton du Valais et au Tribunal cantonal
valaisan, Cour
pénale II.

Lausanne, le 2 septembre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6P.90/2003
Date de la décision : 02/09/2003
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-09-02;6p.90.2003 ?
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