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01/09/2003 | SUISSE | N°2P.294/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 septembre 2003, 2P.294/2002


{T 0/2}
2P.294/2002

Arrêt du 1er septembre 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Yersin et Merkli.
Greffière: Mme Dupraz.

X. ________,
recourant, représenté par Me Jacques Meyer, avocat, avenue de Tivoli
3, case
postale 768, 1701 Fribourg,

contre

Conseil d'Etat du canton de Fribourg,
rue des Chanoines 17, 1702 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg,
Ière Cour administrative, route André-Piller 21,
case postale, 1762 Givisiez.r>
Art. 29 al. 2 Cst.: avertissement

(recours de droit public contre l'arrêt de la Ière Cour
administrative d...

{T 0/2}
2P.294/2002

Arrêt du 1er septembre 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Yersin et Merkli.
Greffière: Mme Dupraz.

X. ________,
recourant, représenté par Me Jacques Meyer, avocat, avenue de Tivoli
3, case
postale 768, 1701 Fribourg,

contre

Conseil d'Etat du canton de Fribourg,
rue des Chanoines 17, 1702 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg,
Ière Cour administrative, route André-Piller 21,
case postale, 1762 Givisiez.

Art. 29 al. 2 Cst.: avertissement

(recours de droit public contre l'arrêt de la Ière Cour
administrative du
Tribunal administratif du canton de Fribourg du 8 novembre 2002)

Faits:

A.
Le 10 mars 1987, le Conseil d'Etat du canton de Fribourg (ci-après: le
Conseil d'Etat) a nommé X.________ chef de service chargé du
Département de
l'industrie, du commerce et de l'artisanat du canton de Fribourg
(ci-après:
le Département) jusqu'au terme de la période administrative générale
en
cours. L'intéressé est entré en fonction le 1er juin 1987.

Le 22 janvier 1998, le Conseiller d'Etat chargé de la Direction de
l'économie, des transports et de l'énergie du canton de Fribourg
(ci-après:
le Conseiller d'Etat) a informé X.________ qu'il avait décidé
d'ouvrir à son
encontre une enquête disciplinaire pour établir sa responsabilité dans
l'affaire A.________ SA ainsi que d'éventuels manquements et
défaillances
dans la gestion du Département.

X. ________ a été confirmé dans ses fonctions pour la période
administrative
2000-2003, en vertu de l'arrêté du Conseil d'Etat du 15 novembre 1999
relatif
à la confirmation générale des fonctionnaires de l'Etat de Fribourg.

B.
Par note du 21 mars 2000, le Conseiller d'Etat a demandé à X.________
de
prendre position sur des demandes d'explications de la sous-commission
financière du Fonds cantonal de l'emploi concernant la période
1993-1999. Le
Conseiller d'Etat évoquait une perte de subventions fédérales pour le
canton
de Fribourg pour les années 1996-1997.

X. ________ a répondu au Conseiller d'Etat par une note du 23 mars
2000 dont
on tire deux extraits:
"En premier lieu, je précise que je n'estime pas avoir à vous donner
de
renseignements en ce qui concerne les amortissements effectués par
les ORP en
1997. En effet, les amortissements auraient dû être effectués à la
fin de
l'exercice, soit en 1998. A ce moment-là, le Conseil d'Etat avait
déjà décidé
la création de l'Office public de l'emploi. De plus, vous aviez
décidé, dès
la fin 1997, d'assumer directement les responsabilités de la lutte
contre le
chômage. Dès lors, les amortissements 1997 ne peuvent me concerner."
"Dans tous les cas, je ne tolérerai plus qu'on m'interpelle, par note
«personnelle» pour des banalités."

Par courrier recommandé du 11 avril 2000, le Conseiller d'Etat a
adressé un
avertissement à X.________ en se fondant notamment sur l'art. 57 de
la loi
fribourgeoise du 22 mai 1975 sur le statut du personnel de l'Etat
(ci-après:
la loi fribourgeoise ou LStP). Il considérait la note de l'intéressé
du 23
mars 2000 comme inadmissible, aussi bien quant à la forme que quant
au fond.
Il constatait que, malgré les mises en garde adressées à X.________,
rien
n'avait changé dans l'attitude de ce dernier - globalement négative -
depuis
la création de l'Office public de l'emploi du canton de Fribourg.
Après avoir
replacé la note précitée du 23 mars 2000 dans son contexte, le
Conseiller
d'Etat arrivait à la conclusion que le rapport de confiance qui doit
être à
la base de toute relation de travail entre employeur et employé était
dès
lors gravement altéré dans le cas de X.________. Il estimait que
l'ouverture
d'une procédure de renvoi pour de justes motifs serait parfaitement
fondée
mais, pour laisser une dernière chance à l'intéressé, il lui
adressait un
ultime et sévère avertissement, au sens de l'art. 57 LStP. Il
précisait qu'à
la moindre transgression des devoirs de fonction ou qu'au moindre
problème
imputable à X.________ dans la gestion du Département, il saisirait
immédiatement l'autorité de nomination pour proposer le congédiement
de
l'intéressé.

C.
Par décision du 5 décembre 2000, le Conseil d'Etat a rejeté le
recours déposé
par X.________ contre la décision du Conseiller d'Etat du 11 avril
2000.

D.
Par arrêt du 8 novembre 2002, la Ière Cour administrative du Tribunal
administratif du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal
administratif) a
rejeté le recours que X.________ avait formé à l'encontre de la
décision du
Conseil d'Etat du 5 décembre 2000, notamment pour violation de son
droit
d'être entendu. Le Tribunal administratif a retenu en particulier
qu'en
l'espèce, l'avertissement critiqué était une étape considérée comme
nécessaire avant une possible résiliation des rapports de fonction; il
constituait donc une décision susceptible de recours. Le Tribunal
administratif a relevé que, durant la procédure devant le Conseil
d'Etat,
l'intéressé avait pu prendre connaissance des reproches qui lui
étaient
adressés et fondaient l'avertissement litigieux, avant d'exprimer son
point
de vue; X.________ avait pu développer ses arguments dans son mémoire
ainsi
que dans ses contre-observations. Il convenait dès lors d'admettre
l'effet
guérisseur du recours au Conseil d'Etat, de sorte que le grief de
violation
du droit d'être entendu devait être rejeté. Au surplus,
l'avertissement
prononcé était pleinement justifié.

E.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du
Tribunal administratif du 8 novembre 2002. Il reproche à l'autorité
intimée
d'avoir violé son droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2
Cst., et
porté atteinte à sa dignité humaine, garantie par l'art. 7 Cst. Il se
plaint
que l'ouverture d'une procédure de renvoi pour de justes motifs à son
encontre ne lui ait pas été notifiée et qu'il n'ait pas été entendu
avant que
la décision précitée du 11 avril 2000 ne soit prise. Le recourant
conteste
que la procédure devant le Conseil d'Etat ait pu guérir le vice
résultant de
la violation de son droit d'être entendu, compte tenu de la gravité de
l'atteinte portée à ce droit. Il demande à l'autorité de céans de
constater
qu'il a été victime d'une atteinte aux libertés publiques constituant
non
seulement une violation du droit d'être entendu mais encore une
méconnaissance de la dignité humaine.

Le Tribunal administratif a expressément renoncé à formuler des
remarques sur
le recours. Le Conseil d'Etat conclut, sous suite de frais, au rejet
du
recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 177 consid. 1 p. 179).
Déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi, le
présent
recours remplit en principe les conditions de recevabilité des art.
84 ss OJ,
de sorte que le Tribunal fédéral peut entrer en matière.

2.
Le contenu du droit d'être entendu est déterminé en premier lieu par
les
dispositions cantonales de procédure, dont le Tribunal fédéral ne
contrôle
l'application et l'interprétation que sous l'angle de l'arbitraire;
dans tous
les cas, l'autorité cantonale doit cependant observer les garanties
minimales
déduites de l'art. 29 al. 2 Cst., dont le Tribunal fédéral examine
librement
le respect (ATF 127 III 193 consid. 3 p. 194; 125 I 257 consid. 3a p.
259).
Le recourant, qui invoque l'art. 29 al. 2 Cst., cite également deux
dispositions cantonales de procédure en précisant qu'elles se
contentent de
rappeler des exigences découlant directement de la garantie
constitutionnelle. Dès lors, le grief soulevé doit être examiné
exclusivement
à la lumière des principes déduits directement de l'art. 29 al. 2
Cst. (cf.
l'ATF 119 Ia 136 consid. 2c p. 138/139 au sujet de l'art. 4 aCst.).

Le droit d'être entendu garanti constitutionnellement comprend le
droit pour
l'intéressé de prendre connaissance du dossier (ATF 126 I 7 consid.
2b p.
10), de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision
ne soit
prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves
pertinentes,
d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes,
de
participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le
moins,
de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer
sur la
décision à rendre (ATF 127 III 576 consid. 2c p. 578/579; 124 II 132
consid.
2b p. 137 et la jurisprudence citée). Au surplus, la jurisprudence
admet que
le droit d'être entendu n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à
l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de
former sa
conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une
appréciation
anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la
certitude
qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 124 I 208
consid.
4a p. 211).

Le Tribunal fédéral admet à certaines conditions la possibilité de
réparer,
après coup, une violation du droit d'être entendu, en particulier
lorsque la
décision entachée de ce vice est couverte par une nouvelle décision
qu'une
autorité supérieure - jouissant d'un pouvoir d'examen aussi étendu - a
prononcée après avoir donné à la partie lésée la possibilité d'exercer
effectivement son droit d'être entendu (ATF 118 Ib 111 consid. 4b p.
120/121).

3.
Selon l'art. 56 al. 1 LStP, indépendamment de la révocation,
l'autorité de
nomination peut en tout temps ordonner le renvoi pour de justes
motifs. Quant
à l'art. 57 al. 1 à 3 LStP, il dispose:
"1.Le renvoi pour de justes motifs ne peut être prononcé qu'après
enquête et
audition du fonctionnaire ou de son mandataire.

2. Sauf cas grave, le renvoi motivé par des faits dépendant de la
volonté du
fonctionnaire doit être précédé d'un avertissement.

3. L'avertissement et le renvoi doivent être communiqués au
fonctionnaire par
pli recommandé avec indication des motifs et des voies de recours."
L'art. 166 du règlement fribourgeois du 10 juillet 1985 du personnel
de
l'Etat (ci-après: RPE) a la teneur suivante:
"1.La compétence d'adresser les avertissements prévus aux articles
8f, 57 et
61 LStP appartient au chef de service.

2. L'autorité d'engagement ou l'autorité de nomination peuvent
également
prononcer de tels avertissements dans le cadre de procédures se
déroulant
devant elles."
L'art. 3 LStP prévoit que l'engagement aux fonctions supérieures
appartient
au Conseil d'Etat (al. 1) et que l'engagement aux autres fonctions
relève des
directions et des établissements (al. 2). Enfin, l'art. 8a al. 1 LStP
établit
que le pouvoir de nommer appartient au Conseil d'Etat.

4.
Le Conseiller d'Etat a pris l'avertissement litigieux sur la base de
l'art.
57 LStP. Il a agi sur délégation de compétence selon une pratique que
le
recourant ne conteste pas et que le Tribunal administratif a
implicitement
admise dans l'arrêt attaqué.

La loi fribourgeoise ne donne aucune précision quant aux exigences
formelles
que devrait respecter l'ouverture de la procédure de renvoi pour de
justes
motifs. En fait, c'est l'avertissement du 11 avril 2000 qui a
constitué
l'ouverture d'une procédure de renvoi pour de justes motifs à
l'encontre du
recourant. Cette décision, dont la rédaction laisse certes à désirer,
a été
notifiée par courrier recommandé à l'intéressé et elle indique les
motifs
justifiant cette procédure. En l'espèce, le recourant connaissait la
précarité de sa situation, puisqu'il savait, depuis le mois de
janvier 1998,
qu'il faisait l'objet d'une enquête disciplinaire. Toutefois, il
aurait dû
être informé des griefs qui lui étaient adressés et de l'ouverture
envisagée
d'une procédure de renvoi pour de justes motifs antérieurement à cette
décision afin de pouvoir s'exprimer avant que celle-ci ne soit prise
à son
encontre. Comme l'admet tacitement le Tribunal administratif, la
décision du
11 avril 2000 a donc été prise en violation du droit d'être entendu de
l'intéressé. Reste à examiner la question de la guérison de ce vice.

Sachant qu'il faisait l'objet d'une procédure de renvoi pour de
justes motifs
et connaissant les raisons qui la justifiaient, l'intéressé a pu
s'exprimer
devant le Conseil d'Etat. Il a donc pu exercer pleinement son droit
d'être
entendu durant la procédure de recours au Conseil d'Etat. Il n'a
d'ailleurs
jamais prétendu que ce droit avait été violé au cours de ladite
procédure.
Comme le Conseiller d'Etat avait exercé la compétence de prononcer
l'avertissement litigieux sur délégation du Conseil d'Etat, ce
dernier avait
une compétence aussi étendue que la première instance. C'est donc à
bon droit
que le Tribunal administratif a reconnu l'effet guérisseur de la
décision du
Conseil d'Etat du 5 décembre 2000. Il convient de souligner que le
recourant
a pu exercer librement son droit d'être entendu devant l'instance
habilitée
par la loi fribourgeoise à lui adresser un avertissement sur la base
de
l'art. 57 LStP, soit le Conseil d'Etat. En effet, seule l'instance à
laquelle
cette compétence avait été déléguée, le Conseiller d'Etat, n'a pas
respecté
ce droit. En outre, l'intéressé a encore bénéficié d'une instance de
recours
cantonale (le Tribunal administratif), conformément à ce que prévoit

la
législation fribourgeoise.

Compte tenu de l'ensemble des circonstances, le grief de violation du
droit
d'être entendu n'est pas fondé.

5.
En l'espèce, l'atteinte à la dignité humaine alléguée par le
recourant se
confond, quoi qu'il en dise, avec la prétendue violation de son droit
d'être
entendu. En effet, l'intéressé ne fait valoir aucune violation de sa
dignité
humaine qui ne serait pas comprise dans celle de son droit d'être
entendu.
Ainsi, ce grief n'est recevable que dans la mesure où il recoupe
celui de
violation du droit d'être entendu. A cet égard, il convient donc de se
référer à ce qui a été dit ci-dessus (consid. 4). Au demeurant, on
rappellera
que le recours de droit public n'a en principe qu'un effet
cassatoire. Ainsi,
lorsque le Tribunal fédéral est saisi d'un tel recours, il prend une
décision
formatrice et non pas une décision en constatation, sous réserve
d'exceptions
non réalisées en l'espèce (cf. l'ATF 125 II 86 consid. 5a p. 96).

6.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il
est
recevable.

Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art.
156 al.
1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
au
Conseil d'Etat et à la Ière Cour administrative du Tribunal
administratif du
canton de Fribourg.

Lausanne, le 1er septembre 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.294/2002
Date de la décision : 01/09/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-09-01;2p.294.2002 ?
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