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28/08/2003 | SUISSE | N°5C.150/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 août 2003, 5C.150/2003


{T 0/2}
5C.150/2003 /frs

Arrêt du 28 août 2003
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président, Nordmann et Marazzi.
Greffière: Mme Mairot.

O. ________,
recourant, représenté par Me Alain Berger, avocat,
9, boulevard des Philosophes, 1205 Genève,

contre

Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

interdiction,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève d

u 16 mai 2003.

Faits:

A.
O. ________, ressortissant italien né le 2 juin 1944, est célibataire
et
domicilié à Ge...

{T 0/2}
5C.150/2003 /frs

Arrêt du 28 août 2003
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président, Nordmann et Marazzi.
Greffière: Mme Mairot.

O. ________,
recourant, représenté par Me Alain Berger, avocat,
9, boulevard des Philosophes, 1205 Genève,

contre

Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case
postale 3108,
1211 Genève 3.

interdiction,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice
du canton de Genève du 16 mai 2003.

Faits:

A.
O. ________, ressortissant italien né le 2 juin 1944, est célibataire
et
domicilié à Genève. Entre 1994 et 1999, il a été hospitalisé à huit
reprises
à la Clinique psychiatrique de Belle-Idée, le plus souvent
volontairement,
pour des problèmes d'alcool.
A la suite du placement de sa compagne dans un établissement médical
spécialisé, son état s'est une fois de plus détérioré et a nécessité
son
admission - non volontaire - dans la clinique précitée du 24 juin au
18 août
2000. Dix jours après, il a de nouveau été placé dans le même
établissement,
où il séjournait encore en octobre 2002.
De 1994 à 2000, le patient a en outre été suivi de façon ambulatoire
par
l'Unité d'alcoologie des Hôpitaux Universitaires de Genève.
Par ordonnance du 21 novembre 2000, le Tribunal tutélaire du canton
de Genève
a placé l'intéressé sous curatelle volontaire et lui a désigné Me
Pietro
Rigamonti, avocat, en qualité de curateur.
Ensuite de l'intervention de celui-ci, qui demandait que la
possibilité
d'instituer une mesure d'encadrement plus stricte soit envisagée,
cette
autorité a ordonné l'expertise psychiatrique du pupille; le rapport,
établi
le 14 août 2002, a été confirmé en audience par l'expert.

B.
Par ordonnance du 15 novembre 2002, le Tribunal tutélaire a prononcé
l'interdiction de O.________ en application de l'art. 369 al. 1 CC et
lui a
désigné Me Rigamonti comme tuteur, tout en relevant celui-ci de son
mandat de
curateur.
Statuant le 16 mai 2003 sur l'appel interjeté par le pupille, la
Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé la
décision de
première instance, estimant que tant les conditions de l'art. 369 al.
1 CC
que celles de l'art. 370 CC étaient réunies.

C.
Contre cet arrêt, O.________ recourt en réforme au Tribunal fédéral,
en
demandant principalement qu'il soit dit et constaté qu'il n'y a pas
lieu de
prononcer son interdiction; subsidiairement, il conclut au renvoi de
la cause
à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des
considérants.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Déposé en temps utile contre une décision finale prise par l'autorité
suprême
du canton confirmant le prononcé d'une interdiction, le recours est
recevable
du chef des art. 44 let. e, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.

2.
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt
sur les
faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité
cantonale, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées
ou que des constatations ne reposent sur une inadvertance manifeste
(art. 63
al. 2 OJ). Les griefs dirigés à l'encontre des constatations de fait
- ou de
l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité
cantonale (ATF
127 III 543 consid. 2c p. 547 et l'arrêt cité; 122 III 61 consid.
2c/cc p.
66) - et les faits nouveaux sont irrecevables (art. 55 al. 1 let. c
OJ).
Dans la mesure où le recourant se plaint de constatation inexacte des
faits
sans se prévaloir de l'une des exceptions susmentionnées, son recours
est dès
lors irrecevable (ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252). Il en va de même
lorsqu'il s'écarte ou complète l'état de fait de la décision
entreprise.

3.
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé les art.
369 et
370 CC, les conditions pour prononcer une interdiction au sens de
l'une ou
l'autre de ces dispositions n'étant selon lui pas réalisées. S'il
admet
souffrir d'une dépendance sévère à l'alcool, assimilable à une
faiblesse
d'esprit, il conteste être incapable de gérer ses affaires, avoir
besoin de
soins et de secours permanents ou menacer la sécurité d'autrui. Il
prétend
par ailleurs que ses troubles ne peuvent être qualifié d'ivrognerie
sans avis
médical.

3.1 Aux termes de l'art. 369 al. 1 CC, sera pourvu d'un tuteur tout
majeur
qui, pour cause de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit, est
incapable de
gérer ses affaires, ne peut se passer de soins et secours permanents
ou
menace la sécurité d'autrui. Il résulte de cette disposition qu'un
état
anormal ne suffit pas pour justifier une interdiction; il faut encore
que cet
état entraîne un besoin de protection particulier (Schnyder/Murer,
Commentaire bernois, 3e éd., n. 94 ad art. 369 CC et les références;
Deschenaux/Steinauer, Personnes physiques et tutelles, 4e éd., n.
123-126, p.
39/40). La détermination de l'état pathologique et de ses
répercussions sur
la capacité de réfléchir, de vouloir et d'agir d'un individu relève
du fait
(Schnyder/Murer, op. cit., n. 93 ad art. 369 CC). En revanche, savoir
si
l'état mental constaté médicalement tombe sous le coup de la notion de
maladie mentale ou de faiblesse d'esprit au sens de l'art. 369 al. 1
CC ou si
ses effets nécessitent un besoin de protection particulier est une
question
de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 82 II 274
consid. 2 p.
279; 81 II 263; Schnyder/Murer, ibidem). Toutefois, comme la notion
de besoin
de protection découle en partie d'une appréciation de l'autorité
cantonale
(Schnyder/Murer, op. cit., n. 103 et 159 ss ad art. 369 CC, n. 225 ad
art.
373 CC et l'arrêt cité), la juridiction de réforme s'impose une
certaine
réserve; elle n'intervient que si les juges précédents ont omis des
éléments
déterminants ou, au contraire, s'ils ont tenu compte de circonstances
sans
pertinence (ATF 118 II 50 consid. 4 p. 55/56; cf. aussi ATF 119 II 197
consid. 2 p. 199).

3.2 Selon les constatations de la cour cantonale, qui se fondent
notamment
sur le rapport d'expertise du 14 août 2002 et qui lient le Tribunal
fédéral
en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ), le recourant,
anosognosique,
souffre depuis de nombreuses années d'une dépendance à l'alcool qui
rend vain
tout placement dans un milieu dépourvu d'encadrement strict. Sa
capacité de
discernement est défaillante en raison des troubles cognitifs qui
l'affectent, même s'il n'a jamais mis en danger sa situation
financière
depuis l'institution de la curatelle, et sa volonté est fluctuante.
Son état,
assimilable à une faiblesse d'esprit, le rend incapable de gérer ses
affaires. Il a de plus besoin de soins et de secours permanents, sous
peine
de devenir dangereux pour lui-même ou pour autrui. Dans un certificat
médical
établi le 16 (recte: 15) juin 2001, la cheffe de clinique adjointe de
la
Clinique de Belle-Idée relève pour sa part que plusieurs essais de
placement
de l'intéressé, de même qu'une tentative de retour dans sa famille en
Italie,
ont échoués en raison de son alcoolisme sévère; réfractaire à un
traitement
en milieu non protégé, le patient requiert un encadrement strict afin
de
prévenir de nouvelles rechutes.

3.3 Au vu de ces faits et compte tenu de son pouvoir d'appréciation,
la Cour
de justice pouvait, sans violer le droit fédéral, considérer que
l'état de
dépendance alcoolique et de faiblesse mentale du recourant requérait
une
protection et une assistance particulières, qui justifiaient le
prononcé
d'une interdiction au sens de l'art. 369 al. 1 CC comme de l'art. 370
CC. Il
est en effet admis que le recourant souffre depuis plusieurs années
d'éthylisme sévère ayant entraîné des troubles cognitifs,
assimilables à une
faiblesse d'esprit. Sa situation requiert des soins, une assistance
et une
protection constants, afin d'éviter de nouvelles récidives. Quand
bien même
n'a-t-il pas mis sa situation financière en danger depuis
l'institution de la
curatelle, il est ainsi patent qu'il provoque sa ruine sur le plan
physique
et psychique. Sa qualité de vie et sa santé sont fortement altérées,
mais son
anosognosie l'empêche de se rendre compte de la gravité de sa
situation: sous
cet angle, le recourant doit être protégé contre lui-même (cf. Riemer,
Grundriss des Vormundschaftsrecht, 2e éd., n. 13 p. 48); à dire
d'expert, il
est en outre incapable de gérer ses affaires et il a besoin de soins
et de
secours permanents, sous peine de devenir dangereux pour lui-même ou
pour
autrui. En tant qu'elle est fondée sur un besoin particulier de
protection,
la décision cantonale est dès lors conforme au droit fédéral.
Au demeurant, le terme d'ivrognerie mentionné à l'art. 370 CC se
définit
comme l'abus habituel de boissons alcooliques dû à un penchant
anormal (ATF
78 II 333, 337; 65 II 141; 39 II 509), ce qui correspond à la notion
de
dépendance à l'alcool retenue par l'expert (cf. Deschenaux/Steinauer,
op.
cit., n. 129 p. 41, n. 1166 p. 436 et les références). Le recourant
prétend
dès lors en vain que cette disposition ne serait pas applicable, pour
le
motif que le "trouble alcoolique" dont il souffre n'aurait pas été
qualifié
d'ivrognerie par un médecin.

3.4 Dans de telles circonstances, l'interdiction seule permet une
surveillance et une assistance personnelle durable, les autres mesures
tutélaires, moins contraignantes, poursuivant d'autres buts. Le
principe de
la proportionnalité est donc respecté (cf. arrêt du Tribunal fédéral
5C.119/2001 du 16 juillet 2001 consid. 4, in RDAT 2000 I 50 333; ATF
65 II
141).

4.
En conclusion, le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté,
dans la
mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supportera par
conséquent les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a en
revanche
pas lieu d'allouer des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant
et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 28 août 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.150/2003
Date de la décision : 28/08/2003
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-08-28;5c.150.2003 ?
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