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28/08/2003 | SUISSE | N°4C.257/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 août 2003, 4C.257/2002


{T 0/2}
4C.257/2002 /ech

Arrêt du 28 août 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Chaix, Juge
suppléant.
Greffier: M. Carruzzo.

A. ________,
B.________,
C.________,
demandeurs et recourants,
tous les trois représentés par Me Alain Thévenaz, avocat, Grand-Chêne
5, CP
3633, 1002 Lausanne,

contre

X.________ S.A.,
défenderesse et intimée, représentée par Me François Logoz, avocat,
avenue
des Mousquines 20, case postale 31, 1000 Lausanne

5.

acte illicite; action en dommages-intérêts; tort moral; prescription,

recours en réforme contre le jugement de la Co...

{T 0/2}
4C.257/2002 /ech

Arrêt du 28 août 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Chaix, Juge
suppléant.
Greffier: M. Carruzzo.

A. ________,
B.________,
C.________,
demandeurs et recourants,
tous les trois représentés par Me Alain Thévenaz, avocat, Grand-Chêne
5, CP
3633, 1002 Lausanne,

contre

X.________ S.A.,
défenderesse et intimée, représentée par Me François Logoz, avocat,
avenue
des Mousquines 20, case postale 31, 1000 Lausanne 5.

acte illicite; action en dommages-intérêts; tort moral; prescription,

recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal
cantonal
du canton de Vaud du 8 août 2001.

Faits:

A.
A.a Du 7 au 9 mars 1991, X.________ SA a organisé pour la classe de
première
gymnasiale scientifique un camp de retraite facultatif à l'Hospice du
Grand-Saint-Bernard. Les activités prévues comprenaient des périodes
de
réflexion et des randonnées à ski avec peaux de phoque, notamment pour
accéder à l'Hospice qui est situé à 2469 mètres d'altitude. Dix
élèves de
cette classe, dont D.________ né le 25 juillet 1975, ont participé à
cette
retraite; certains d'entre eux n'avaient jamais pratiqué le ski à
peaux de
phoque. Le groupe se trouvait sous la responsabilité du chanoine
Z.________:
sans être ni professeur de ski ni guide patenté, ce dernier était
considéré
comme un bon montagnard, qui connaissait en particulier la région du
Grand-Saint-Bernard pour être monté chaque week-end pendant une année
à
l'Hospice.

A.b Le 8 mars 1991, Z.________ a décidé d'effectuer l'après-midi une
excursion à peaux de phoque avec ses élèves jusqu'à la selle du
Petit-Mont-Mort, située 500 mètres en aval du sommet. Ce jour-là, les
conditions météorologiques étaient mauvaises: le vent soufflait à 45
km/h
avec des rafales fréquentes à 75 km/h et il neigeait. La veille, il
était
tombé entre 10 et 20 centimètres de neige fraîche sur la crête
principale des
Alpes, dont le Col du Grand-Saint-Bernard fait partie. Selon le
bulletin de
l'Institut fédéral pour l'étude de la neige et des avalanches (IFENA)
du 7
mars 1991, le risque local d'avalanches était important au-dessus de
1500
mètres; le bulletin du 8 mars 1991 parlait de grand danger local
d'avalanches
sur le versant sud et la crête principale des Alpes.

La course effectuée par le chanoine Z.________ et son groupe de
skieurs est
techniquement facile; elle dure entre 45 minutes et deux heures,
retour
compris, pour un dénivelé de 130 mètres environ. L'itinéraire est
protégé sur
toute sa longueur, à l'exception du dernier tronçon, par la grosse
moraine
qui sert aussi d'abri naturel à l'Hospice; il ne coupe à aucun moment
un
couloir d'avalanche. De mémoire humaine, le trajet en question
n'avait jamais
été pris sous une avalanche avant le 8 mars 1991 et cette course
était et est
toujours considérée par les guides et les montagnards locaux comme un
"parcours de mauvais temps", sûr pratiquement en toutes circonstances.
Z.________ avait effectué cette randonnée entre 50 et 100 fois.

A.c Le 8 mars 1991 vers 14 h 00, Z.________ est parti avec ses élèves
auxquels s'étaient joints deux autres jeunes. Les élèves étaient
correctement
équipés. Malgré certaines réticences, tous les élèves ont pris part à
la
course de leur plein gré. Seul Z.________ était porteur d'un appareil
de
détection en cas d'avalanche (barryvox), ce qui était conforme aux
usages en
vigueur en 1991. Vers 14 h 15, à 300 mètres environ de leur but,
Z.________
et ses skieurs ont croisé un autre groupe mené par le prieur de
l'Hospice
qui, parti à 13 h 40 environ, redescendait du Petit-Mont-Mort. Le
prieur
n'avait discerné aucun danger sur l'itinéraire.

Vers 14 h 30, le groupe de Z.________ progressait dans une petite
cuvette
longue de 20 à 30 mètres qu'il ne faut pas plus d'une minute pour
traverser à
peaux de phoque. A cet instant, s'est déclenchée une avalanche dont
la zone
de rupture se trouvait dans un compartiment de terrain séparé de la
cuvette
par une crête, à un kilomètre en amont. La masse neigeuse, qualifiée
de très
importante, est descendue, pour l'essentiel, dans la Combe-des-Morts,
soit
derrière la moraine protégeant l'avancée du groupe et l'Hospice.
Cependant,
un cône de neige, d'une largeur de 4 à 5 mètres et d'une hauteur de 3
mètres
à 3 mètres 50, s'est détaché de l'avalanche, a quitté le cheminement
normal
de celle-ci et a été projeté par-dessus la crête. Ce cône est alors
arrivé
verticalement sur le groupe; comme les skieurs avançaient en colonne,
leurs
skis distants de dix à vingt centimètres les uns des autres, la masse
de
neige les a ensevelis sur un espace très limité. Le skieur en queue de
colonne a pu se dégager seul et donner l'alerte à 14 h 45 à
l'Hospice. Les
secours ont été rapides et efficaces, mais seuls trois élèves et un
participant extérieur ont pu être dégagés en vie; les six autres
élèves, au
nombre desquels figurait D.________, ainsi que Z.________ étaient tous
décédés, semble-t-il par suffocation immédiate.

A.d A la suite de l'accident du 8 mars 1991, une instruction pénale a
été
ouverte contre le prieur de l'Hospice du Grand-Saint-Bernard. Elle a
conduit
à un non-lieu. Quant à la dénonciation visant le recteur de
X.________ S.A.,
le Juge d'instruction a décidé de ne pas y donner suite.

Ces décisions sont définitives et exécutoires.

A.e X.________ SA a accepté de renoncer à se prévaloir de la
prescription
jusqu'au 31 décembre 1993. Sur réquisition du 31 décembre 1993,
rédigée
notamment au nom des hoirs de D.________, un commandement de payer
lui a été
notifié le 6 janvier 1994 avec la mention "dommages-intérêts et
interruption
de la prescription". La date de remise de la réquisition de poursuite
à
l'office compétent ou à la poste n'a pas été établie.

B.
B.aLe 23 décembre 1994, A.________ et B.________, les parents de feu
D.________, ainsi que C.________, la soeur du défunt, ont assigné
conjointement X.________ SA en paiement des sommes de 100'000 fr. à
titre de
réparation du tort moral et de 30'000 fr. pour les frais d'un
traitement
psychothérapeutique, intérêts en sus. Les parents demandeurs ont
réclamé en
outre le paiement de 20'000 fr. pour les frais funéraires.

La défenderesse a excipé de la prescription; sur le fond, elle a
conclu au
déboutement des demandeurs.

B.b Au cours de l'instruction, une expertise technique a été confiée
à un
guide de montagne. Estimant qu'il n'était pas possible d'imputer à
Z.________
une violation des règles de prudence habituellement observées en la
matière,
l'expert judiciaire a souligné que le déroulement de l'accident, soit
la
chute verticale d'un cône de neige, expliquait la position des
victimes
retrouvées non dispersées, pratiquement en position de marche, et
constituait
une exception dans toutes les annales des avalanches connues à ce
jour. A son
avis, l'accident résultait d'un concours de circonstances incroyable
que
personne, pas même un guide de montagne, ne pouvait prévoir.

Tous les professionnels de la montagne entendus ont déclaré que
l'accident
était dû à la fatalité et non à une erreur humaine. Quant aux guides
présents
à l'Hospice le jour du drame, ils n'avaient pas perçu de danger
d'avalanche
et aucun d'entre eux n'aurait déconseillé de faire la course du
Petit-Mont-Mort ce jour-là. Enfin, un autre groupe mené par deux
guides de
montagne avait emprunté l'itinéraire de la Combe-des-Morts, qui
traverse le
couloir d'avalanches, peu avant le déclenchement de celle-ci. Si ces
guides
avaient perçu un danger d'avalanche, ils n'auraient pas entrepris
cette
course.

Edité par l'IFENA, un dépliant résume les principes à connaître dans
le
domaine des excursions en haute montagne. Ce document relève
notamment que,
en cas de signes d'alarme tels que des avalanches spontanées, de
récentes
plaques de neige, un déclenchement à distance, des bruits sourds et
des
fissures lorsque l'on pénètre le manteau neigeux, il est recommandé de
respecter des distances de délestage (au moins dix mètres à la
montée) et de
traverser un à un les zones à risque.

B.c Par jugement du 8 août 2001, la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois
a rejeté toutes les conclusions des demandeurs. En résumé, elle a
retenu que
les parents du défunt pouvaient fonder leur demande tant sur la
responsabilité délictuelle que sur la responsabilité contractuelle,
tandis
que la soeur de feu D.________ ne pouvait se prévaloir que des art.
41 ss CO.
En raison de la prescription de la responsabilité aquilienne, seule la
responsabilité fondée sur le contrat entrait en ligne de compte pour
les
parents du de cujus. La responsabilité de la défenderesse n'était
cependant
pas engagée en l'absence de toute faute de ses auxiliaires. Ce
jugement a été
confirmé par arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du
20
novembre 2002.

C.
Les demandeurs ont interjeté un recours en réforme contre le jugement
de la
Cour civile et un recours de droit public contre l'arrêt de la
Chambre des
recours. Dans le premier recours, ils ont repris les conclusions
qu'ils
avaient soumises à la Cour civile.

La défenderesse propose le rejet du recours en réforme.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Aux termes de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à
l'arrêt
sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droit
public.
Cette disposition s'applique également lorsque, comme en l'espèce, le
recours
en réforme est dirigé contre la décision finale d'une autorité suprême
cantonale et que le recours de droit public vise la décision
rendue sur
un recours en nullité cantonal dans la même cause (arrêt 4P.203/2001,
du 18
mars 2002, consid. 1). Elle souffre toutefois des exceptions (ATF 117
II 630
consid. 1a et les références). En effet, il ne se justifie pas de
surseoir à
statuer sur le recours en réforme lorsque le recours de droit public
n'aurait
aucune incidence sur la solution du litige (Jean-François Poudret,
COJ, n. 5
ad art. 57 OJ p. 464). Il en va ainsi en l'espèce, dès lors que, pour
les
motifs indiqués ci-après, la demande doit être rejetée sur le fond,
quel que
soit le sort réservé à la question de la prescription de l'action
délictuelle
des demandeurs, question qui constitue l'unique objet du recours de
droit
public dirigé contre l'arrêt rendu par la Chambre des recours dans la
même
affaire.

2.
2.1Interjeté par les personnes qui ont succombé dans leurs conclusions
condamnatoires et dirigé contre un jugement final rendu en dernière
instance
cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une
contestation
civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art.
46 OJ),
le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été
déposé en
temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ).

2.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral,
mais
non pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art.
43 al. 1
OJ) ou pour violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c).
L'acte
de recours doit être motivé et indiquer succinctement quelles sont
les règles
de droit fédéral violées par la décision attaquée et en quoi consiste
cette
violation (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve
n'aient
été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations
reposant sur
une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille
compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127
III 248
consid. 2c). Dans la mesure où un recourant présente un état de fait
qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée sans se prévaloir
avec
précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il
n'est pas
possible d'en tenir compte. L'appréciation des preuves à laquelle
s'est
livrée l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 127 III
248
consid. 2c). II ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de
fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let.
c OJ).

Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des
parties, mais
il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1
OJ), ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al.
3 OJ;
ATF 127 III 248 consid. 2c).

3.
La question de la prescription des prétentions délictuelles des
demandeurs
contre la défenderesse peut rester ouverte: en raison du rejet du
recours sur
le fond (infra consid. 4), cette question apparaît sans aucune
pertinence
pour le sort du litige, de sorte que le Tribunal fédéral n'a pas à
l'examiner
(cf. Poudret, op. cit., n. 2.2.4 ad art. 63 p. 517).

4.
Les demandeurs reprochent aux auxiliaires de la défenderesse de ne
pas avoir
observé les règles élémentaires de prudence qui imposaient de
renoncer à la
randonnée fatale: les élèves étaient mal équipés, inexpérimentés et
réticents; le temps était très mauvais et, en raison des fortes chute
de
neige, le risque local d'avalanche
était important. Pendant la
course, les
mesures de précaution n'étaient pas suffisantes: les skieurs étaient
trop
rapprochés les uns des autres et ils ne portaient pas d'appareils de
détection en cas d'avalanche.

En argumentant ainsi, les demandeurs critiquent l'application qu'a
faite
l'autorité intimée des art. 41, 97 et 398 CO. Même si une référence
expresse
à ces articles de loi fait défaut dans leur recours, celui-ci n'en
est pas
moins recevable car sa motivation permet de saisir en quoi la décision
attaquée est censée violer le droit fédéral (Bernard Corboz, Le
recours en
réforme au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II p. 46).

4.1 A juste titre, la juridiction cantonale a retenu que les parents
du
défunt étaient liés à la défenderesse par un contrat relevant des
règles du
mandat, lesquelles sont applicables tant au contrat d'enseignement
(Walter
Fellmann, Commentaire bernois, n. 175 ad art. 394 CO; Pierre Tercier,
Les
contrats spéciaux, 3e éd., n. 4935) qu'au contrat de guide de montagne
(Fellmann, op. cit., n. 442 ad art. 398 CO; Laurent Moreillon, La
responsabilité civile en cas d'accident de haute montagne, thèse
Lausanne
1987, n. 243). Le mandat comporte des obligations accessoires, en
particulier
celle de prendre les mesures de précaution commandées par les
circonstances
pour protéger la vie et l'intégrité corporelle de son cocontractant
(Ernst.
A. Kramer, Commentaire bernois, n. 97 ss ad Allgemeine Einleitung in
das
schweizerische Obligationenrecht; Fellmann, op. cit., n. 133 ss ad
art. 398
CO).

Pour déterminer concrètement quels sont les devoirs de la prudence,
on peut
prendre en compte les normes édictées en vue d'assurer la sécurité et
d'éviter les accidents. A défaut de dispositions légales ou
réglementaires,
il est également possible de se référer à des règles analogues qui
émanent
d'associations privées ou semi-publiques, lorsqu'elles sont
généralement
reconnues. A supposer qu'aucune norme de sécurité imposant ou
interdisant un
comportement n'ait été transgressée, il faudra encore se demander si
l'auteur
s'est conformé aux devoirs généraux de la prudence (ATF 126 III 113
consid.
2b et les arrêts cités). Pour apprécier le degré de diligence, le
juge doit
comparer le comportement qu'a eu l'auteur à celui qu'une personne
raisonnable
et réfléchie aurait tenu pour nécessaire dans les circonstances du
cas (Henri
Deschenaux/Pierre Tercier, La responsabilité civile, 2e éd., p. 83).

4.2 Parmi les critiques énoncées par les demandeurs, il convient d'en
écarter
certaines qui sont en contradiction avec les faits tels que les a
établis
l'autorité intimée. Ainsi, il a été retenu, de manière à lier le
Tribunal
fédéral en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ), que les élèves
étaient
correctement équipés et qu'ils avaient tous pris part à la course de
leur
plein gré. Par ailleurs, il a été établi que la détention d'appareils
de
détection en cas d'avalanche n'aurait pas permis d'améliorer les
secours, ce
qui rend également vaine l'argumentation des demandeurs à ce sujet.
Enfin, le
caractère inexpérimenté de certains élèves apparaît sans incidence
sur le
déroulement de l'accident. La conclusion inverse se fût éventuellement
imposée si l'avalanche meurtrière avait été provoquée par le
comportement
inadéquat du chef ou de certains membres de la colonne; or, pareil
comportement, qui n'a d'ailleurs jamais été allégué, se trouverait en
contradiction avec les faits retenus, puisque la chute de neige
meurtrière
s'est déclenchée dans un compartiment de terrain éloigné et séparé de
celui
où se trouvaient les randonneurs.

En revanche, le point de savoir si la décision d'entreprendre la
course en
question dans les conditions météorologiques régnant alors
contrevenait aux
règles de la prudence relève du droit et peut être librement examiné
par le
Tribunal fédéral. En l'absence de normes de sécurité spécifiques, il
faut
s'en remettre aux règles générales de la prudence. En matière
d'avalanches,
le Tribunal fédéral se réfère avant tout au bulletin des avalanches
pour
déterminer leur caractère prévisible (ATF 98 IV 168 consid. 4d).
Cependant,
dans la mesure où ces bulletins ne prennent pas en compte les données
locales, ils ne suffisent pas au juge pour apprécier le caractère
prévisible
des mouvements de neige à l'endroit où s'est produit l'accident (dans
ce
sens: Moreillon, op. cit., n. 453). En effet, même si, le 8 mars
1991, les
conditions météorologiques étaient mauvaises, tant en raison du vent
qui
soufflait en rafales et de la neige qui tombait qu'en raison du risque
d'avalanches qui était important au-dessus de 1500 mètres, il faut
garder à
l'esprit les caractéristiques de l'itinéraire choisi par le chef de
course.
Il s'agit d'un tracé avec un faible dénivelé, ne coupant à aucun
moment un
couloir d'avalanche et bénéficiant sur presque toute sa longueur de la
protection naturelle qu'offre une grosse moraine contre les chutes de
neige.
De surcroît, deux autres équipes de randonneurs expérimentés étaient
sorties
le même jour, sans pressentir de danger sur les parcours qu'elles
empruntaient.

Dans de telles circonstances, on ne peut prétendre qu'une personne
raisonnable et réfléchie aurait adopté un comportement différent de
celui
tenu par le défunt chef de colonne, qui a choisi d'entreprendre ce
jour-là ce
que les guides et les montagnards locaux qualifient de "parcours de
mauvais
temps". Cette appréciation apparaît encore renforcée par le fait que
le
groupe des élèves de la défenderesse a croisé sur son chemin, une
quinzaine
de minutes avant le drame, un autre groupe de skieurs menés par le
prieur de
l'Hospice qui n'avait pas non plus discerné de danger sur
l'itinéraire.

4.3 Les demandeur voient dans la très grande proximité des skieurs
entre eux
au moment de l'accident une imprudence de la part du chef de colonne
dans
l'organisation du groupe.

La progression en montagne peut imposer à un groupe de respecter des
distances de délestage, voire de traverser certains passage un à un.
Cette
règle de prudence est énoncée dans le dépliant de l'IFENA, mais elle
n'a pas
la portée générale que lui prêtent les demandeurs. En effet, toujours
selon
ce document, cette mesure de sécurité n'est recommandée qu'en cas de
signes
concrets d'alarme. De même, la doctrine ne réserve une telle
évolution des
randonneurs que lorsqu'il faut éviter une surcharge de poids sur la
couche
neigeuse ou progresser sur une pente exposée (Moreillon, op. cit., n.
469 et
479).

Comme aucun danger concret d'avalanche n'était perceptible pour le
chef de
colonne durant la randonnée, les devoirs généraux de la prudence ne
commandaient pas de scinder le groupe en plusieurs unités. Ainsi que
le
relève la cour cantonale, il paraissait au contraire plus sage de
conserver
une colonne bien formée pour éviter une perte de contact visuel entre
les
élèves. Les conditions très particulières de l'avalanche ont certes
donné
tort au défunt chanoine, mais cela ne suffit pas pour y voir un
défaut de
diligence puisque, dans ce domaine, il faut s'en tenir à ce qui était
normalement prévisible (Deschenaux/Tercier, op. cit., p. 84).

4.4 En conclusion, eu égard au déroulement très particulier du présent
accident qui, au dire de l'expert technique, constitue une exception
dans
toutes les annales des avalanches au point que même un guide de
montagne
n'aurait pu le prévoir, on ne peut reprocher un défaut de diligence
au chef
de colonne ou au recteur du collège. Dès lors, la responsabilité de la
défenderesse pour le fait de ses auxiliaires (art. 101 al. 1 CO)
n'est pas
engagée. Aussi l'examen des autres conditions de la responsabilité
contractuelle de l'intéressée s'avère-t-il superflu.

5.
Selon la jurisprudence, les exigences de sécurité que l'on peut
déduire du
contrat ne vont pas au-delà de celles applicables à la responsabilité
délictuelle (ATF 126 III 113 consid. 2a/bb). Les demandeurs ne
prétendent
d'ailleurs pas dans leur acte de recours que le devoir de diligence
du chef
de colonne devrait être analysé de manière distincte sous l'angle des
art. 41
et 55 CO. Partant, l'absence de violation du devoir de diligence
entraîne
aussi bien le rejet de l'action contractuelle que celui de l'action
délictuelle, à supposer que celle-ci ne soit pas prescrite.

6.
Cela étant, le recours ne peut qu'être rejeté. Par conséquent,
l'émolument
judiciaire et les dépens afférents à la procédure fédérale seront mis
à la
charge des demandeurs, avec solidarité entre eux (art. 156 al. 1 et 7
OJ;
art. 159 al. 1 et 5 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5'500 fr. est mis à la charge des
recourants,
solidairement entre eux.

3.
Les recourants sont condamnés solidairement à verser à l'intimée une
indemnité de 6'500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 28 août 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.257/2002
Date de la décision : 28/08/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-08-28;4c.257.2002 ?
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