La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/08/2003 | SUISSE | N°1P.319/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 août 2003, 1P.319/2003


{T 0/2}
1P.319/2003/sch

Arrêt du 26 août 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Catenazzi et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

Commune de Thônex, 1226 Thônex,
recourante, représentée par Me François Bellanger, avocat, rue de
Saint-Victor 12, case postale 473, 1211 Genève 12,

contre

Constructions X.________ SA,
intimée, représentée par Me Geneviève Carron,
avocate, rue du Mont-de-Sion 12, 1206 Genève,
Tr

ibunal administratif du canton de Genève,
rue des Chaudronniers 3, 1204 Genève.

autonomie communale; autorisation d'u...

{T 0/2}
1P.319/2003/sch

Arrêt du 26 août 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Catenazzi et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

Commune de Thônex, 1226 Thônex,
recourante, représentée par Me François Bellanger, avocat, rue de
Saint-Victor 12, case postale 473, 1211 Genève 12,

contre

Constructions X.________ SA,
intimée, représentée par Me Geneviève Carron,
avocate, rue du Mont-de-Sion 12, 1206 Genève,
Tribunal administratif du canton de Genève,
rue des Chaudronniers 3, 1204 Genève.

autonomie communale; autorisation d'utiliser le domaine public,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de
Genève du 1er avril 2003.

Faits:

A.
La Commune de Thônex est propriétaire de la parcelle n° 5804 du
registre
foncier communal, qui sépare l'avenue de Thônex du chemin du
Curé-Desclouds,
desservant le quartier des Verchères. Cette parcelle fait partie du
domaine
public communal et est cadastrée comme telle. Elle est issue d'un
remaniement
parcellaire opéré lors du réaménagement du quartier des Verchères à
la suite
de l'adoption par le Conseil d'Etat genevois du plan localisé de
quartier N°
28706A du même nom, en date du 31 janvier 1996. Ce plan permet la
réalisation
d'un ensemble résidentiel dit "complexe des Verchères" comprenant
trois
immeubles en propriété par étages et treize immeubles locatifs. Il
prévoit le
raccordement du quartier à l'avenue de Thônex par le chemin des
Cyprès, au
sud, et par le chemin du Bois-des-Arts, au nord.

B.
Par décision du 29 mai 1997, le Département des travaux publics et de
l'énergie du canton de Genève (ci-après: le Département) a délivré à
Constructions X.________ SA, entreprise générale de construction, à
Genève,
l'autorisation de construire nécessaire à la réalisation du complexe
des
Verchères.
Le 5 août 1997, la constructrice a sollicité l'autorisation
d'apporter au
projet initial une modification relative à la disposition intérieure
des
logements de trois pièces du rez-de-chaussée et aux aménagements
extérieurs,
par la création d'une sortie directe sur l'avenue de Thônex et la
suppression
de la contre-route reliant le chemin du Curé-Desclouds au chemin des
Cyprès.
Elle a cependant retiré ces deux derniers points de sa demande à la
suite du
préavis défavorable délivré par la Commune de Thônex, en raison d'une
étude
en cours sur le réaménagement des voies de circulation dans le
secteur. Le 21
octobre 1997, le Conseiller d'Etat en charge du Département a informé
les
autorités communales que la demande complémentaire d'autorisation de
construire ne visait plus que la modification de la disposition
intérieure
des logements de trois pièces du rez-de-chaussée et qu'il délivrait
l'autorisation de construire complémentaire définitive relative à cet
objet.
Par acte notarié du 15 octobre 1997, la Commune de Thônex a concédé
aux
promoteurs un droit d'usage à bien plaire sur la parcelle n° 5804
durant la
durée du chantier permettant aux camions d'accéder directement sur
l'avenue
de Thônex depuis le chemin du Curé-Desclouds. Elle a également
consenti à ce
que cette parcelle soit l'objet d'un empiétement de la rampe d'accès
des
garages des bâtiments A et B.
Le 6 février 1998, Constructions X.________ SA a sollicité
l'autorisation de
déplacer la rampe d'accès aux garages en sous-sol des immeubles A et
B afin
d'en permettre l'accès direct depuis l'avenue de Thônex et le chemin
des
Cyprès. Le Conseil administratif de la Commune de Thônex a donné un
préavis
favorable à cette demande en date du 17 mars 1998 sous réserve que le
Conseil
municipal de Thônex accepte de rétrocéder aux promoteurs la surface
nécessaire à la réalisation de la rampe, sise sur le domaine public
communal.
Le Département a accordé l'autorisation de construire complémentaire
le 11
mai 1998, à la condition posée par la Commune de Thônex dans son
préavis.
Le 13 octobre 1998, cette dernière a soumis au Département un
descriptif des
mesures d'aménagements urgentes et provisoires qu'elle envisageait de
réaliser sur l'avenue de Thônex et ses abords afin de garantir un
accès
suffisant et sécurisé aux premiers immeubles du complexe des
Verchères,
prévus pour le printemps 1999, et à la nouvelle école du
Bois-des-Arts, dont
l'ouverture était projetée au 30 août 1999. Le 9 novembre 1998, le
Département a pris acte de ce courrier et a chargé le Service
cantonal des
études de transports et d'infrastructures de mettre en oeuvre une
étude des
aménagements routiers sur le tronçon de l'avenue de Thônex compris
entre le
carrefour du chemin du Bois-des-Arts et le carrefour de la route de
Sous-Moulin. Un groupement de bureaux d'ingénieurs a été mandaté à
cette fin
en mars 1999.
Le 12 mai 1999, les représentants de la Commune de Thônex, du
Département,
des promoteurs et des bureaux d'ingénieurs ont tenu une séance afin de
coordonner les aménagements prévus sur l'avenue de Thônex pour la
rentrée
scolaire d'août. A cette occasion, les auteurs de l'étude ont
présenté un
plan d'aménagement prévoyant notamment la réalisation d'un giratoire
au
carrefour entre l'avenue de Thônex et le chemin du Curé-Desclouds,
qui devait
être financé par la Commune et le Département, l'intervention des
promoteurs
se limitant à l'aménagement de la sortie directe sur l'avenue de
Thônex
depuis la desserte de quartier jusqu'à la parcelle n° 5804.

Les bureaux d'ingénieurs mandatés par la Commune de Thônex et le
Département
ont rendu leur rapport final le 29 février 2000. La solution qu'ils
préconisaient consistait en substance à déplacer l'assiette de
l'avenue de
Thônex, à raccorder le complexe des Verchères à cette artère par le
chemin du
Curé-Desclouds prolongé en conséquence, et à déclasser la
contre-route menant
au chemin des Cyprès pour en faire un cheminement piétonnier, l'espace
compris entre la nouvelle avenue de Thônex et le quartier des
Verchères étant
affecté à un parc public.
Au terme d'une séance tenue le 18 mai 2000, la Commission des
transports,
urbanisme et circulation de la ville de Thônex a invité le Conseil
administratif de la Commune à prendre contact avec le Conseil d'Etat
genevois
pour que ce dernier donne son accord de principe quant au déplacement
de
l'assiette de l'avenue de Thônex. Le 20 juin 2000, la Commune de
Thônex a
adressé un courrier en ce sens au Département, dans lequel elle
relevait la
nécessité d'aménager à court terme, pour des raisons de sécurité
routière, le
raccordement direct du quartier des Verchères à l'avenue de Thônex. Il
s'agissait, selon elle, d'une modification mineure du plan localisé de
quartier, recommandée dans l'étude d'impact d'août 1996. Elle
rappelait en
outre que cette solution était préférée par la Commune, tant pour
assurer la
sécurité générale des nombreux mouvements que pour son effet
modérateur sur
la vitesse du trafic de l'avenue de Thônex.
Le Conseiller en charge du Département a pris position sur la lettre
de la
Commune de Thônex en date du 25 juillet 2000; pour ce qui est du
raccordement
du secteur sud du quartier des Verchères à l'avenue de Thônex, il
préconisait
de s'en tenir au plan localisé de quartier, à savoir la sortie du
secteur
nord par le chemin du Bois-des-Arts et la sortie du secteur sud par la
contre-route aboutissant au chemin des Cyprès.
Constatant que la sortie directe sur l'avenue de Thônex depuis le
chemin du
Curé-Desclouds avait définitivement été aménagée, la Commune de
Thônex est
intervenue le 22 octobre 2001 auprès de Constructions X.________ SA
afin
qu'elle se conforme au plan localisé de quartier et qu'elle supprime
l'accès
direct à l'avenue de Thônex. Elle s'est également adressée au
Département
pour qu'il exige des promoteurs une modification des aménagements de
manière
à respecter les dessertes prévues par le plan localisé de quartier et
les
autorisations de construire.
Le 4 janvier 2002, le Département a répondu que l'accès direct sur
l'avenue
de Thônex avait été autorisé le 11 mai 1998, la requête
complémentaire en ce
sens ayant fait l'objet d'un préavis favorable de la Commune, et qu'il
n'avait ainsi aucun motif pour intervenir. Le même jour, la Commune
de Thônex
a rappelé à Constructions X.________ SA que l'absence de
l'approbation du
Conseil municipal expressément réservée dans le préavis communal
empêchait
celui-ci de déployer ses effets et rendait illicite les constructions
érigées
sur la parcelle n° 5804, lesquelles nécessitaient de surcroît une
permission
d'utiliser le domaine public.

C.
Après divers échange de correspondances avec la constructrice, le
Conseil
administratif de la Commune de Thônex a, par décision du 29 août 2002,
imparti à Constructions X.________ SA un délai de quinze jours pour
supprimer
l'accès direct à l'avenue de Thônex aménagé sur la parcelle n° 5804
sans son
accord et pour remettre les lieux en état, aux frais de la société,
sous la
menace d'une exécution par substitution. Il a considéré en substance
que
l'accès direct à l'avenue de Thônex depuis le chemin du Curé-Desclouds
supposait de passer par la parcelle n° 5804, qu'une permission
d'utilisation
du domaine public était nécessaire pour ce faire et qu'une telle
autorisation
n'entrait pas en ligne de compte, car cet aménagement était contraire
au plan
localisé de quartier et présentait un danger pour la circulation.
Au terme d'un arrêt rendu le 1er avril 2003, le Tribunal
administratif du
canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif ou la cour
cantonale) a
admis le recours formé par Constructions X.________ SA contre cette
décision
qu'il a annulée. Considérant qu'aucun intérêt public prépondérant ne
s'opposait à l'octroi d'une permission d'usage accru du domaine public
communal, il a invité le Conseil administratif de la Commune de
Thônex à
délivrer à Constructions X.________ SA la permission d'utiliser la
parcelle
n° 5804, en l'y condamnant en tant que de besoin.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public, la Commune de Thônex
demande
au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt pour violation de son
autonomie. Elle
reproche au Tribunal administratif d'avoir admis de manière
arbitraire que
l'accès direct sur l'avenue de Thônex depuis le chemin du
Curé-Desclouds ne
présentait aucun danger pour la circulation routière et qu'elle
n'avait pas
un intérêt public à l'aménagement futur de ce secteur sans cet accès.
Selon
elle, le maintien de l'accès direct ferait obstacle à différentes
variantes
en cours d'étude et l'empêcherait d'organiser la circulation sur son
territoire.
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Constructions
X.________ SA
conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La Commune de Thônex est touchée par l'arrêt attaqué en sa qualité de
détentrice de la puissance publique dans la gestion de son domaine
public.
Elle peut donc se plaindre d'une violation de son autonomie par la
voie du
recours de droit public (art. 189 al. 1 let. b Cst.). Déterminer au
surplus
si, dans un domaine juridique particulier, elle jouit effectivement
d'une
autonomie n'est pas une question de recevabilité, mais constitue
l'objet
d'une appréciation au fond (ATF 128 I 136 consid. 1.2 p. 139, 3
consid. 1c p.
7; 124 I 223 consid. 1b p. 226 et les références). Les autres
conditions de
recevabilité du recours de droit public sont pour le surplus
remplies, de
sorte qu'il convient d'entrer en matière sur le fond.

2.
2.1L'art. 50 al. 1 Cst. garantit l'autonomie communale dans les
limites du
droit cantonal. Selon la jurisprudence, la commune est autonome dans
les
domaines que le droit cantonal ne règle pas de manière exhaustive et
dans
lesquels il lui laisse une liberté de décision importante, soit en lui
attribuant la compétence d'édicter et d'appliquer ses propres
prescriptions,
soit en lui réservant une latitude équivalente dans l'application du
droit
cantonal ou fédéral (ATF 128 I 136 consid. 2.1 p. 140 et les
références).
De jurisprudence constante, les communes genevoises jouissent, en
vertu du
droit cantonal, d'une importante liberté d'appréciation dans la
gestion de
leur domaine public et, plus particulièrement, dans l'octroi ou le
refus
d'une permission d'utiliser le domaine public communal excédant
l'usage
commun; elles bénéficient donc de la protection de leur autonomie
(arrêt
2P.107/2002, du 28 octobre 2002, consid. 2.2 in fine reproduit à la
SJ 2003 I
p. 200). Elles sont également autonomes dans la gestion de leur
domaine
routier (RDAF 1988 p. 277 consid. 3 p. 280).

2.2 Dans la mesure où son autonomie est en cause, la commune peut
exiger que
l'autorité cantonale respecte les limites de sa compétence et qu'elle
applique correctement les dispositions du droit fédéral, cantonal ou
communal
qui règlent la matière. Elle peut, dans ce cadre, faire valoir aussi
que les
autorités cantonales ont méconnu la portée d'un droit fondamental et
considéré à tort que celui-ci avait été violé. En tant qu'il s'agit de
l'application du droit constitutionnel fédéral ou cantonal, le
Tribunal
fédéral revoit la décision des autorités cantonales avec un libre
pouvoir
d'examen; pour le surplus, sa cognition est limitée à l'arbitraire, en
particulier s'agissant de l'établissement des faits (ATF 128 I 136
consid.
2.2 p. 140/141; 126 I 133 consid. 2 p. 136/137; 114
la 168 consid.
2a/b p.
170 et les arrêts cités).

3.
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'autonomie
que le
droit cantonal lui reconnaît dans la gestion du domaine public
communal en la
contraignant à délivrer à l'intimée la permission d'utiliser la
parcelle n°
5804 pour accéder directement à l'avenue de Thônex depuis le chemin du
Curé-Desclouds. Elle ne conteste pas que cette question doive être
examinée
exclusivement au regard de la loi genevoise sur le domaine public du
24 juin
1961 (LDP), comme l'a retenu la cour cantonale.

3.1 Suivant l'art. 12 LDP, chacun peut, dans les limites des lois et
des
règlements, utiliser le domaine public conformément à sa destination
et dans
le respect des droits d'autrui. A teneur des art. 13 al. 1 et 15 LDP,
l'établissement de constructions ou d'installations permanentes sur le
domaine public, son utilisation à des fins industrielles ou
commerciales ou
toute autre utilisation de celui-ci excédant l'usage commun sont
subordonnées
à une permission de l'autorité cantonale ou communale qui administre
le
domaine public. En vertu de l'art. 17 LDP, l'autorité qui accorde une
permission en fixe les conditions. Selon l'art. 19 LDP, les
permissions sont
délivrées à titre précaire (al. 1); elles peuvent être retirées sans
indemnité pour de justes motifs, notamment si l'intérêt général
l'exige (al.
2). Elles sont révocables sans indemnité si le bénéficiaire ne se
conforme
pas aux dispositions légales ou aux conditions fixées (al. 3).
Conformément à
l'art. 1er al. 2 du règlement genevois concernant l'utilisation du
domaine
public du 21 décembre 1998, les particuliers disposent d'un droit à
l'utilisation du domaine public excédant l'usage commun lorsqu'aucun
intérêt
prépondérant ne s'y oppose, dans les limites de la loi et du respect
des
conditions liées à l'octroi de la permission. Lors de l'octroi de la
permission, l'autorité compétente tient compte des intérêts légitimes
du
requérant, de ceux des autres usagers du domaine public et des
voisins, de
ceux découlant des concessions ou droits d'usage exclusifs concédés
par les
autorités compétentes, ainsi que du besoin d'animation de la zone
concernée
(al. 3).

3.2 La Commune de Thônex a tout d'abord justifié le refus d'accorder
la
permission d'utiliser la parcelle n° 5804 et la remise en état des
lieux par
le danger que l'accès direct à l'avenue de Thônex depuis le chemin du
Curé-Desclouds présenterait pour le trafic automobile et les piétons.
La cour
cantonale n'a pas tenu ce motif pour fondé. Elle a considéré que la
sécurité
de la circulation des automobilistes et des piétons n'était nullement
remise
en question par le rapport d'experts du 29 février 2000. La
recourante tient
cette appréciation pour arbitraire. Les problèmes de sécurité liés à
la
circulation présents lors du chantier persisteraient en l'absence
d'aménagements particuliers du carrefour. La connexion en "T" du
chemin du
Curé-Desclouds sur l'avenue de Thônex serait une source de danger
pour les
véhicules qui s'engagent sur cette artère à fort trafic ou qui en
sortent,
ainsi que pour les piétons, en général, et les écoliers, en
particulier, qui
se rendent à pied à la nouvelle école du Bois-des-Arts en longeant
l'avenue
de Thônex.
Ces considérations d'ordre général ne suffisent pas pour admettre que
l'aménagement actuel en "T" du carrefour des Verchères présenterait
un danger
pour le trafic automobile. La réalisation du complexe des Verchères
est
aujourd'hui définitivement achevée, de sorte que les manoeuvres des
poids
lourds, principalement mises en cause par les auteurs du rapport
final du 29
février 2000, ne sont plus une source de danger pour les usagers de
l'avenue
de Thônex. Le quartier des Verchères est actuellement accessible non
seulement directement par le chemin du Curé-Desclouds, mais également
par le
chemin du Bois-des-Arts, au nord, et par le chemin des Cyprès, au
sud. Le
trafic automobile induit par le quartier des Verchères n'est donc pas
exclusivement concentré sur le chemin du Curé-Desclouds, mais réparti
entre
ces différentes artères. La Commune de Thônex a d'ailleurs elle-même
appelé
de ses voeux le raccordement direct du quartier des Verchères à
l'avenue de
Thônex au motif qu'il permettrait d'assurer la sécurité générale des
nombreux
mouvements et de modérer la vitesse du trafic de l'avenue de Thônex.
Les
auteurs du rapport d'impact d'août 1996 avaient également relevé
qu'une
sortie directe de la rue résidentielle du futur quartier des
Verchères sur
l'avenue de Thônex constituerait une amélioration du point de vue de
la
sécurité, du bruit et de l'accessibilité. Enfin, la Commune de Thônex
et le
Département ont renoncé à aménager à titre provisoire un giratoire
qui aurait
permis de garantir une sécurité optimale du trafic sur l'avenue de
Thônex,
après avoir envisagé cette éventualité lors de la séance du 12 mai
1999. Il
n'était dès lors pas insoutenable de refuser de voir dans la sécurité
du
trafic automobile un motif fondé pour s'opposer au raccordement du
quartier
des Verchères sur l'avenue de Thônex par le chemin du Curé-Desclouds.
Dans leur évaluation générale de la situation, les auteurs du rapport
final
du 29 février 2000 relèvent certes que le confort pour les piétons
demeure
précaire le long de l'avenue de Thônex. Ils n'ont en revanche jamais
allégué
que le carrefour, dans sa conception actuelle, ne présenterait pas les
conditions nécessaires pour assurer la sécurité des piétons et les
arguments
développés dans le recours ne suffisent pas à l'établir. Il était
prévu à
terme que les écoliers se rendent à la nouvelle école du
Bois-des-Arts par un
cheminement interne au quartier des Verchères, en dehors du trafic
automobile. Le complexe des Verchères étant aujourd'hui achevé, les
enfants
habitant à l'ouest du quartier ne devraient donc en principe plus se
rendre à
l'école par l'avenue de Thônex. Au besoin, le recours à des
patrouilleurs
scolaires permettrait de garantir une sécurité suffisante au carrefour
litigieux pour les écoliers qui continueraient à emprunter ce trajet,
à
l'instar de ce qui a été fait au carrefour du Bois-des-Arts.
Dans ces conditions, la cour cantonale n'a pas fait preuve
d'arbitraire en
retenant que la sécurité du trafic automobile et des piétons ne
faisait pas
obstacle au maintien d'un accès direct à l'avenue de Thônex depuis le
chemin
du Curé-Desclouds.

3.3 La recourante prétend que le maintien du raccordement direct du
quartier
des Verchères sur l'avenue de Thônex depuis le chemin du
Curé-Desclouds
compromettrait les projets de réaménagement routier en cours, en la
forçant
notamment à renoncer au déplacement de l'avenue de Thônex, et qu'il
existerait ainsi un intérêt public évident à sa suppression. Ces
craintes
sont injustifiées. Le maintien de l'accès direct ne fait obstacle à
aucune
des variantes proposées par les auteurs de l'étude pour le
réaménagement de
l'avenue de Thônex. En effet, une permission est délivrée à titre
précaire et
ne confère aucun droit acquis à son titulaire. Elle peut être retirée
sans
indemnité pour de justes motifs, notamment lorsque l'intérêt général
l'exige
(art. 19 LDP; Michel Hottelier, La réglementation du domaine public à
Genève,
SJ 2002 II p. 160/161; voir également ATF 108 Ia 135 consid. 5a et b
p. 139;
arrêt 2P.58/1996 du 28 mai 1996, consid. 3b paru à la SJ 1996 p.
533). Si la
variante de l'accès direct à l'avenue de Thônex, que ce soit dans son
tracé
actuel ou dans sa nouvelle assiette, par le chemin du Curé-Desclouds
devait
finalement ne pas être retenue lors de l'aménagement définitif des
voies de
circulation du secteur des Verchères, la Commune de Thônex pourrait se
prévaloir de cette circonstance nouvelle pour retirer la permission
octroyée
à l'intimée, conformément à l'art. 19 al. 2 LDP. Pour le surplus, la
recourante ne prétend pas que l'utilisation du domaine public
communal pour
accéder directement à l'avenue de Thônex depuis le chemin du
Curé-Desclouds
irait à l'encontre d'un projet d'affectation concret de la parcelle
n° 5804;
elle a au contraire précisé qu'elle n'entreprendrait rien avant de
connaître
l'issue des études relatives au déplacement de l'avenue de Thônex.
Dans ces conditions, la recourante ne saurait se prévaloir des études
en
cours quant au réaménagement routier du secteur pour s'opposer à
l'octroi de
la permission d'utiliser le domaine public litigieuse.

3.4 La cour cantonale a également tenu compte du fait que l'intimée
avait
aménagé la sortie directe sur l'avenue de Thônex d'entente avec la
recourante
et en conformité avec l'autorisation de construire délivrée le 11 mai
1998,
et qu'elle pouvait ainsi faire valoir un droit à l'utilisation du
domaine
public communal excédant l'usage commun. La Commune de Thônex
conteste ce
point de vue; elle se réfère aux arguments développés à l'appui de son
mémoire de réponse cantonal pour tenter de démontrer l'absence de tout
fondement juridique au maintien d'un accès direct. Une telle manière
de
procéder n'est pas conforme aux exigences de motivation déduites de
l'art. 90
al. 1 let. b OJ (ATF 115 Ia 27 consid. 4a p. 30; 109 Ia 81 consid. 1
p.
82/83; 99 Ia 586 consid. 3 p. 593). Quoi qu'il en soit, la question
de savoir
si Constructions X.________ SA peut se fonder sur l'autorisation de
construire qui lui a été délivrée le 11 mai 1998, ou sur d'éventuelles
assurances données par la Commune et le Département lors de la séance
du 12
mai 1999, pour obtenir la permission requise souffre de rester
indécise.
L'intimée peut se prévaloir d'un intérêt important à s'opposer à une
remise
en état des lieux, à ses frais. Les chances que le raccordement
direct du
quartier des Verchères à l'avenue de Thônex depuis le chemin du
Curé-Desclouds soit définitivement maintenu sont sérieuses, compte
tenu de la
proposition en ce sens des auteurs du rapport final du 29 février
2000; en
outre, aucun intérêt public prépondérant ne s'oppose en l'état à cet
aménagement, pour les raisons évoquées aux considérants précédents,
de sorte
qu'une remise en état des lieux serait disproportionnée (cf. ATF 108
Ia 216
consid. 4c p. 219).

3.5 Vu ce qui précède, le Tribunal administratif n'a pas violé
l'autonomie de
la Commune de Thônex en retenant qu'aucun intérêt public prépondérant
ne
s'opposait en l'état au maintien de l'accès direct sur l'avenue de
Thônex par
le chemin du Curé-Desclouds et en contraignant la recourante à
accorder à
Constructions X.________ SA une permission d'utiliser la parcelle n°
5804 à
cette fin.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est
recevable. La Commune de Thônex est dispensée des frais judiciaires
(art 156
al. 2 OJ). Elle versera en revanche une indemnité de dépens à
l'intimée qui
obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à Constructions X.________ SA,
à titre
de dépens, à la charge de la Commune de Thônex.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et au
Tribunal administratif du canton de Genève.

Lausanne, le 26 août 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.319/2003
Date de la décision : 26/08/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-08-26;1p.319.2003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award