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25/08/2003 | SUISSE | N°I.830/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 août 2003, I.830/02


{T 7}
I 830/02

Arrêt du 25 août 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière :
Mme von
Zwehl

Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5, 2302 La
Chaux-de-Fonds,
recourant,

contre

D.________, intimée, représentée par Me Yves Grandjean, avocat, rue du
Concert 2, 2000 Neuchâtel

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

(Jugement du 29 octobre 2002)

Faits:

A.
A.a Le 15 janvier 1998, D._____

___, née en 1959, a présenté une
demande de
prestations de l'assurance-invalidité. Elle y indiquait avoir été
opérée
d'une hernie...

{T 7}
I 830/02

Arrêt du 25 août 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière :
Mme von
Zwehl

Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5, 2302 La
Chaux-de-Fonds,
recourant,

contre

D.________, intimée, représentée par Me Yves Grandjean, avocat, rue du
Concert 2, 2000 Neuchâtel

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

(Jugement du 29 octobre 2002)

Faits:

A.
A.a Le 15 janvier 1998, D.________, née en 1959, a présenté une
demande de
prestations de l'assurance-invalidité. Elle y indiquait avoir été
opérée
d'une hernie discale en 1995 et subir depuis le 2 décembre 1997 une
incapacité de travail totale dans son activité d'employée de maison
qu'elle
venait de débuter à 80 % au service de l'Hôpital X.________ en raison
d'une
recrudescence de ses douleurs lombaires. En cours d'instruction de la
demande, l'assurée a informé l'Office AI du canton de Neuchâtel
(ci-après :
l'office AI) qu'elle avait trouvé un autre emploi, également à 80 %,
comme
gérante de magasin à partir du 16 mars 1998. Par décision du 11
novembre
1998, l'office AI a rejeté la demande de prestations; la décision est
entrée
en force.

A.b Le 2 août 2000, D.________ a présenté une nouvelle demande de
prestations, invoquant une aggravation de ses problèmes dorsaux.
Interpellé
par l'office AI, le docteur A.________, médecin traitant, a fait état
d'une
fragilité au niveau de la colonne lombaire en dépit de deux
interventions
chirurgicales récentes et attesté d'une incapacité de travail de 50 %
du 16
août au 15 septembre 1999, puis de 100 % à partir du 11 décembre
1999; il a
préconisé un changement d'activité, la station debout exigée dans le
secteur
de la vente étant contre-indiquée (rapport du 8 novembre 2000). Après
avoir
appris que l'assurée continuait, malgré son inaptitude à travailler, à
participer à des épreuves de course à pied (son sport de
prédilection), le
docteur B.________, médecin-conseil de l'office AI, l'a convoquée
pour un
entretien personnel à la suite duquel il a mandaté le docteur
C.________,
spécialiste FMH en médecine interne & rhumatologie et titulaire du
certificat
AMPP en médecine psychosomatique et psychosociale, pour une expertise
médicale. Dans son rapport du 24 avril 2001, ce médecin a posé le
diagnostic
de lombosciatalgies persistantes après double cure de hernie discale
L5-S1
droite, status après récessotomie pour racines conjointes L4-L5 et
trouble
somatoforme douloureux persistant sans comorbidité psychiatrique;
selon lui,
D.________ conservait une capacité de travail entière dans toute
activité lui
permettant de rester en mouvement. Se fondant sur ces conclusions,
l'office
AI a rejeté la demande de prestations, au motif que l'assurée ne
subissait
aucune invalidité significative (décision du 21 août 2001).

B.
D.________ a déféré cette décision au Tribunal administratif du
canton de
Neuchâtel, en demandant un complément d'instruction sous la forme
d'une
expertise psychiatrique.

Par jugement du 29 octobre 2002, le tribunal a admis le recours,
annulé la
décision litigieuse, et renvoyé la cause à l'office AI pour
instruction
complémentaire et nouvelle décision, mettant à charge de ce dernier
une
indemnité de dépens de 800 fr.

C.
L'office AI interjette recours de droit administratif contre ce
jugement,
dont il requiert l'annulation.

D. ________ conclut au rejet du recours et sollicite le bénéfice de
l'assistance judiciaire. De son côté, l'Office fédéral des assurances
sociales propose l'admission du recours.

Considérant en droit:

1.
Même si elle ne met pas fin à la procédure, une décision de renvoi,
qui
invite l'administration à statuer à nouveau selon des instructions
impératives, est une décision autonome, susceptible en tant que telle
d'être
attaquée par la voie du recours de droit administratif, et non une
simple
décision incidente (ATF 117 V 241 consid. 1, 113 V 159). Il y a dès
lors lieu
d'entrer en matière sur le recours.

2.
En l'espèce, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si
c'est à bon droit que la juridiction cantonale a renvoyé la cause à
l'office
AI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

3.
3.1Tout en retenant les conclusions de l'expert mandaté par l'office
AI en ce
qui concerne l'aspect somatique de l'état santé de D.________, les
premiers
juges ont estimé qu'il fallait également en élucider l'aspect
psychique par
la mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique. D'une part, le
médecin-conseil de l'office AI avait évoqué une «évolution
dépressive» du cas
dans une note (du 13 décembre 2000) établie à l'issue d'un entretien
personnel avec l'assurée. D'autre part, l'expert avait posé le
diagnostic de
trouble somatoforme douloureux, soit une affection entrant dans la
catégorie
des atteintes à la santé psychique. A cet égard, les premiers juges
se sont
référés à la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances (VSI
2000 p.
160 consid. 4b), selon laquelle une expertise psychiatrique est en
principe
nécessaire lorsqu'il y a lieu de se prononcer sur le caractère
invalidant ou
non de troubles somatoformes douloureux.

3.2 L'office AI, pour sa part, considère que le complément
d'instruction
ordonné par la juridiction cantonale est inutile. En effet, ni le
médecin
traitant, ni le docteur C.________ n'avaient relevé de problèmes
psychiques
particuliers. Quand bien même ce dernier avait retenu l'existence d'un
trouble somatoforme douloureux, son rapport contenait assez d'éléments
démontrant qu'il n'en découlait pas, dans le cas particulier, une
incapacité
de travail significative. L'office AI produit également une
attestation du
docteur B.________ dans laquelle celui-ci explique que le contenu de
sa note
d'alors ne signifiait pas la constatation d'un état dépressif d'une
certaine
importance; des propos de D.________, il avait soupçonné une
composante
psychogène à ses douleurs - raison pour laquelle il avait justement
choisi un
expert au bénéfice d'une formation complémentaire en psychologie -
mais en
aucun cas les signes d'une atteinte psychique invalidante.

4.
Dans son rapport d'expertise du 24 avril 2001, le docteur C.________
a non
seulement traité des troubles dorsaux de l'assurée, mais également
d'éventuels problèmes psychiques sous-jacents. Au plan physique, il a
constaté un rachis lombaire dénué de troubles statiques (absence de
syndrome
vertébral) et parfaitement mobile dans toutes les directions. Il a
exclu
l'éventualité d'une récidive herniaire ou d'une complication liée aux
interventions subies, tout en soulignant que d'après la littérature
spécialisée en la matière, il peut subsister des douleurs après des
opérations répétées sur le rachis et que l'anomalie congénitale dont
souffre
D.________ (racines lombaires conjointes) est aussi susceptible de
provoquer
des symptômes algiques, bien que d'intensité moindre que celle
décrite par
elle. Au plan psychique, analysant le parcours de la prénommée depuis
sa
naissance, le docteur C.________ a observé un fond de tristesse mais
aucun
état dépressif patent (pas de tristesse pathologique, de
ralentissement
psychomoteur, de troubles du sommeil ou d'aboulie). Après plusieurs
années
difficiles (violences conjugales, divorce en 1998), l'assurée vivrait
actuellement une phase heureuse de son existence grâce à une nouvelle
rencontre sentimentale qui, selon les dires de celle-ci, est
harmonieuse et
l'aiderait à supporter sa souffrance physique. Paradoxalement, c'est
l'apparition de cette souffrance qui avait été l'occasion pour elle de
prendre conscience de ses propres besoins et de s'occuper plus
d'elle-même; à
cet égard, la course à pied avait une fonction équilibrante
essentielle (en
même temps exutoire à ses sentiments de révolte et moyen de soulager
ses
douleurs). Ces éléments ont amené le docteur C.________ à poser,
entre autres
diagnostics, celui de trouble somatoforme douloureux sans comorbidité
psychiatrique, et à conclure que l'affection du dos de D.________,
dès lors
qu'elle se révélait compatible avec des performances sportives telles
que
celles accomplies par la prénommée, n'était pas non plus de nature à
l'entraver dans l'exercice d'une activité lucrative de type non
sédentaire.

5.
Sans qu'il faille y voir une entorse à la jurisprudence citée par les
premiers juges, il convient, en l'espèce, de se rallier à l'opinion
soutenue
par l'office recourant. Si le docteur C.________ a certes confirmé
l'existence d'une composante psychogène aux douleurs de l'assurée,
l'ensemble
de ses considérations médicales permettent de retenir que cet aspect
ne revêt
pas, dans le cas particulier, une intensité telle qu'il justifierait
des
éclaircissements de la part d'un médecin psychiatre. A la lecture de
l'évaluation psychologique figurant dans le rapport d'expertise, on
peut en
effet exclure d'emblée plusieurs des critères d'importance qui fondent
généralement un pronostic défavorable en ce qui concerne
l'exigibilité d'une
reprise d'activité professionnelle en cas de trouble somatoforme
douloureux
(par exemple des traits de la personnalité prémorbides, une
comorbidité
psychiatrique, une perte d'intégration sociale etc.; voir VSI 2000 p.
154).
Il apparaît au contraire que l'intimée possède des ressources
psychiques
suffisantes pour faire face à ses douleurs qu'elle surmonte
apparemment en
pratiquant régulièrement du sport. On remarquera, au demeurant, que le
dossier ne contient pas un seul document émanant du médecin traitant
dans
lequel ce dernier attirerait l'attention de l'office AI sur une
probable
problématique psychique invalidante. Devant une telle absence
d'indices en
faveur d'une limitation de la capacité de travail de l'intimée au plan
psychique, une expertise psychiatrique s'avère ici superflue.

6.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Par
ailleurs, l'intimée, qui succombe, ne peut prétendre de dépens (art.
159 OJ).
Il y a lieu cependant de lui accorder l'assistance judiciaire (art.
152 OJ).
D.________ est rendue attentive qu'elle sera tenue de rembourser la
caisse du
tribunal si elle est ultérieurement en mesure de le faire (art. 152
al. 3
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif du
canton de
Neuchâtel du 29 octobre 2002 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'assistance judiciaire est accordée à l'intimée. Les honoraires (y
compris
la taxe à la valeur ajoutée) de Me Yves Grandjean sont fixés à 600
fr. pour
la procédure fédérale et seront supportés par la caisse du tribunal.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal
administratif du
canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 25 août 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.830/02
Date de la décision : 25/08/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-08-25;i.830.02 ?
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