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19/08/2003 | SUISSE | N°H.142/03

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 août 2003, H.142/03


{T 7}
H 142/03

Arrêt du 19 août 2003
IIe Chambre

Mme et MM. les Juges Widmer, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Moser-Szeless

M.________, recourant, représenté par Me Christian Schmidt, avocat,
place du
Port 1, 1204 Genève,

contre

Caisse cantonale genevoise de compensation, route de Chêne 54, 1208
Genève,
intimée,

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 23 octobre 2002)

Faits:

A.
La société X.________ SA a Ã

©té fondée en 1986, avec siège à
Y.________. Elle
avait notamment pour but l'exploitation de pharmacies, la fabrication
et le
commer...

{T 7}
H 142/03

Arrêt du 19 août 2003
IIe Chambre

Mme et MM. les Juges Widmer, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Moser-Szeless

M.________, recourant, représenté par Me Christian Schmidt, avocat,
place du
Port 1, 1204 Genève,

contre

Caisse cantonale genevoise de compensation, route de Chêne 54, 1208
Genève,
intimée,

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 23 octobre 2002)

Faits:

A.
La société X.________ SA a été fondée en 1986, avec siège à
Y.________. Elle
avait notamment pour but l'exploitation de pharmacies, la fabrication
et le
commerce de produits chimiques, pharmaceutiques et de parfumerie,
ainsi que
d'articles sanitaires et de matières premières. Le conseil
d'administration
était composé de A.________, président, ainsi que, dans un premier
temps, de
B.________, administrateur-secrétaire, qui a été remplacé dans cette
fonction
par M.________ à partir du 10 septembre 1991. La société exploitait
une
pharmacie à l'enseigne «Pharmacie Z.________» à Y.________.

Dès 1992, la société, qui était affiliée auprès de la Caisse cantonale
genevoise de compensation (ci-après: la caisse), a eu du retard dans
le
paiement des cotisations sociales. La caisse lui a notifié plusieurs
sommations dès le 28 janvier 1992, puis des commandements de payer.

La faillite de la société a été prononcée le 12 décembre 1994. Le 30
janvier
suivant, un procès-verbal de saisie mobilière pour des poursuites
antérieures
inventoriant des biens saisissables d'une valeur estimée à 6'610 fr.
a été
établi, puis notifié à la caisse le lendemain. A la suite de la
publication
officielle du prononcé de liquidation sommaire, le 19 juillet 1995,
la caisse
a produit une créance de 57'924 fr. 05. Le 22 novembre 1995, l'Office
des
poursuites et des faillites C.________ du canton de Genève l'a avisée
du
dépôt de l'état de collocation; il lui a en outre indiqué que sa
créance
était admise en 2ème classe et qu'aucun dividende n'était prévisible
pour les
créanciers de la 5ème classe.

Le 20 mars 1996, la caisse a notifié à M.________ et à son père,
A.________,
des décisions en réparation du dommage. Elle réclamait à chacun d'eux,
solidairement avec l'autre, le paiement de la somme de 57'124 fr. 05,
représentant le dommage résultant du non-paiement par X.________ SA
du solde
des cotisations sociales pour les années 1990 à 1994. Les deux
destinataires
de ces décisions ont formé opposition en temps utile; A.________ a
retiré la
sienne par la suite.

B.
Par écriture déposée le 8 mai 1996, la caisse a porté le cas devant la
Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS/AI/APG
(aujourd'hui: Tribunal cantonal des assurances sociales) qui, par
jugement du
23 octobre 2002, a admis l'action de la caisse pour un montant de
«57'924 fr.
05, sous déduction des amendes non-extournées par la [caisse] et des
acomptes
versés par A.________» et levé l'opposition formée par M.________.

C.
Ce dernier interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
il demande implicitement l'annulation. Sous suite de frais et dépens,
il
conclut principalement au rejet de l'action en réparation de la
caisse «dans
la mesure où celle-ci est prescrite» et, subsidiairement, à ce que la
caisse
soit déboutée de toutes ses conclusions «dans la mesure où celles-ci
sont
infondées». A titre plus subsidiaire encore, il demande que soit
admise une
réduction de l'obligation de réparer le dommage au sens de l'art. 44
al. 1 CO
et que soit accordée en conséquence la mainlevée de son opposition
jusqu'à
concurrence d'un montant de 33'769 fr. 95 «sous déduction de CHF
9'843.-
versés par A.________».

La caisse de compensation conclut implicitement au rejet du recours,
tandis
que l'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas déterminé à
son
sujet.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur la responsabilité du recourant dans le préjudice
subi par
l'intimée, aux conditions de l'art. 52 LAVS. Dès lors, la décision
litigieuse
n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance, le
Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les
premiers
juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus
de leur
pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés
d'une
manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été
établis au
mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en corrélation
avec les
art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'AVS,
notamment en ce qui concerne l'art. 52 LAVS. Désormais, la
responsabilité de
l'employeur est réglée de manière plus détaillée qu'auparavant à
l'art. 52
LAVS et les art. 81 et 82 RAVS ont été abrogés. Le cas d'espèce reste
toutefois régi par les dispositions en vigueur jusqu'au 31 décembre
2002, eu
égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en
vigueur
au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits
(ATF 127 V
467 consid. 1).

3.
Les premiers juges ont exposé correctement les dispositions légales
ainsi que
les principes jurisprudentiels applicables en matière de
responsabilité de
l'employeur (art. 52 LAVS; ATF 123 V 15 consid. 5b, 122 V 66 consid.
4a, 119
V 405 consid. 2 et les références) et de connaissance du dommage
(art. 82 al.
1 RAVS; ATF 128 V 17 consid. 2a, 126 V 444 consid. 3a, 452 consid.
2a), de
sorte qu'il suffit d'y renvoyer.

4.
4.1Dans un premier moyen, le recourant fait valoir que, contrairement
à
l'avis de la juridiction cantonale, la péremption d'une année en
matière de
connaissance du dommage (art. 82 al. 1 RAVS) était acquise lorsque la
caisse
a rendu sa décision en réparation, le 20 mars 1996. Selon lui, le
point de
départ du délai de connaissance du dommage a commencé à courir dès la
notification du procès-verbal de saisie provisoire du 30 janvier
1995. En
effet, il en ressortait que la valeur des biens saisissables
s'élevait à
6'610 fr., alors que les créances de l'intimée pour la poursuite
engagée
atteignaient, aux yeux du recourant, environ 50'000 fr. De l'avis de
M.________, la caisse devait savoir dès ce moment-là qu'elle allait
perdre,
dans une très large mesure, sa créance de cotisations, ce d'autant
plus
qu'elle avait été avertie de la situation financière précaire de
X.________
SA (courrier de D.________ AG du 10 février 1994 à l'intimée) et
informée de
la cessation des activités de la société dès le 7 juin 1994 (courrier
de
X.________ SA du 4 octobre 1994 à l'intimée).

4.2 Selon la jurisprudence concernant le moment de la connaissance du
dommage
au sens de l'art. 82 al. 1 RAVS, lorsque la caisse de compensation
subit un
dommage à cause de l'insolvabilité de l'employeur et en dehors de la
faillite
de ce dernier, le moment de la connaissance du dommage et, partant,
le point
de départ du délai d'une année coïncident avec le moment de la
délivrance
d'un acte de défaut de biens ou d'un procès-verbal de saisie selon
l'art. 115
LP (ATF 113 V 256 consid. 3c, RCC 1988 p. 323 consid. 3b). Ceci ne
vaut
cependant que pour l'acte de défaut de biens définitif au sens de
l'art. 115
al. 1 LP (en corrélation avec l'art. 149 LP), soit lorsque le
procès-verbal
de saisie indique que les biens saisissables font entièrement défaut.
En
revanche, on ne peut pas retenir que le dommage est survenu ou connu
au sens
de l'art. 82 al. 1 RAVS lorsque c'est sur la base d'une simple
estimation de
l'office des poursuites que les biens saisissables sont considérés
comme
insuffisants et qu'on ne peut par conséquent admettre que les
créances sont
totalement irrécouvrables. Du point de vue du droit des cotisations,
l'acte
de défaut de biens provisoire au sens de l'art. 115 al. 2 LP, dont le
procès-verbal de saisie tient alors lieu, habilite et oblige la
caisse de
compensation à déposer une demande de réquisition de vente et à en
attendre
le résultat. Dès lors, la remise d'un tel acte de défaut de biens
après
saisie ne coïncide en règle générale pas avec le commencement du
délai de
péremption d'une année. Demeurent réservés les cas où, selon les
circonstances, il n'y a manifestement plus rien à espérer de la
procédure de
réalisation (RCC 1988 p. 323 consid. 3c, 1991 p. 135 consid. 2a; voir
aussi
ATF 116 V 76 consid. 3c).

4.3 Au vu de ce qui précède, la notification du procès-verbal de
saisie à
l'intimée, le 31 janvier 1995, lequel valait acte de défaut de biens
provisoire puisqu'il faisait état de biens saisissables (art. 115 al.
2 LP),
ne peut fonder le point de départ de la connaissance du dommage. Il
n'existe
pas non plus en l'espèce de circonstances spéciales permettant de
croire
qu'il n'y avait manifestement plus rien à espérer de la procédure de
réalisation. A cet égard, le recourant invoque en vain que la caisse
savait
dès le début du mois d'octobre 1994 que la société n'était plus
active et
faisait face à des difficultés financières, de sorte qu'elle aurait
dû savoir
que la réalisation des biens inventoriés ne lui procurerait pas un
dédommagement satisfaisant. En effet, le courrier adressé par
A.________ à
l'intimée le 4 octobre 1994 ne l'informait que de la fermeture, à
partir du 7
juin 1994, de la pharmacie exploitée par la société, sans mentionner
X.________ SA en tant que telle. L'intimée pouvait donc en déduire
que la
société cessait son activité en rapport avec l'exploitation de la
Pharmacie
Z.________, mais ignorait en revanche si X.________ SA poursuivait
d'autres
activités qui faisaient partie de son but social, telles par exemple
la
participation à des entreprises chimiques ou pharmaceutiques,
susceptibles de
lui procurer d'autres revenus. Par ailleurs, le simple fait d'avoir
été mise
au courant de la situation financière précaire de la société par sa
fiduciaire en février 1994, ne permettait pas à la caisse de se faire
une
opinion sur le recouvrement ultérieur de ses créances.

Dans ces circonstances, la délivrance d'un acte de défaut de biens
provisoire, le 31 janvier 1995, ne permettait pas encore,
conformément à la
jurisprudence citée, d'estimer suffisamment l'étendue du dommage pour
que sa
connaissance puisse en être imputée à la caisse. En l'occurrence, le
départ
du délai de péremption d'une année est intervenu au moment de la
suspension
de la faillite faute d'actifs, soit à la date déterminante de la
publication
de cette mesure dans la FOSC - ici, dans la Feuille d'avis officiel
du canton
de Genève, le 12 avril 1995 - conformément à la jurisprudence (ATF
129 V 195
consid. 2.3, 128 V 12 consid. 5a et les arrêts cités), même si la
liquidation
sommaire a été ordonnée par la suite (ATF 128 V 14 consid. 5c). La
décision
en réparation du dommage datée du 20 mars 1996 n'était donc pas
tardive.

Partant, le moyen tiré de la péremption se révèle infondé.

5.
5.1Dans un second grief, le recourant allègue qu'il ne s'est pas rendu
coupable d'une négligence grave au sens de l'art. 52 LAVS, dès lors
que
X.________ SA a pris contact avec l'intimée à partir du mois de
juillet 1992,
puis à plusieurs reprises jusqu'au mois d'août 1994, afin d'obtenir
des
délais de paiement pour régler les cotisations échues. Selon le
recourant,
dans la mesure où la société s'est acquittée des mensualités
convenues avec
l'intimée jusqu'au prononcé de la faillite, la dernière fois le 26
octobre
1994, on ne saurait retenir à sa charge une violation grave de ses
obligations engageant sa responsabilité.

5.2 Conformément à la jurisprudence citée par le recourant, un sursis
au
paiement combiné avec un plan d'amortissement ne change rien au
caractère
illicite du paiement non conforme des cotisations; une telle mesure ne
saurait excuser ou justifier le paiement tardif des cotisations déjà
échues
et des cotisations arrivant à échéance. La question de la faute doit
cependant être appréciée d'après les circonstances qui ont conduit à
l'octroi
du sursis. Pour trancher le point de savoir si les organes d'une
personne
morale ont observé leur devoir de diligence en relation avec
l'obligation de
l'employeur de s'acquitter du paiement des cotisations, il y a lieu de
prendre en considération un accord passé avec la caisse de
compensation
prévoyant un sursis au paiement assorti d'un plan d'amortissement,
pour
autant que cet accord modifie les termes ordinaires de paiement en
faveur des
débiteurs des cotisations (ATF 124 V 254 consid. 3b).

5.3 En ce qui concerne un éventuel sursis au paiement, la juridiction
cantonale s'est limitée à constater que «de nombreux plans de
paiements
échelonnés ont été accordés à la société, qui n'ont cependant pas été
respectés». Sur ce point, la constatation des faits est incomplète de
sorte
qu'il y a lieu d'apporter les précisions suivantes (cf. consid. 1).

Il ressort du dossier que X.________ SA s'est adressée la première
fois à
l'intimée le 25 septembre 1991 pour demander un délai de paiement
afférent
aux cotisations échues au 31 décembre 1990; par la suite, elle a
requis un
nouveau sursis les 1er avril 1992 et 29 juillet 1992 (pour les
cotisations
dues au 31 décembre
1991), ainsi que le 26 janvier 1993 (pour les
cotisations
dues au 31 décembre 1992). La caisse lui a à chaque fois octroyé un
délai de
paiement en fixant les montants des acomptes et la date des
versements.
Constatant que les arrangements accordés les 2 avril 1992, 13 août
1992 et 27
janvier 1993 n'avaient pas été respectés par la société, l'intimée l'a
informée, le 21 avril 1993, de ce qu'elle reprenait les diverses
procédures
dirigées à son encontre. Elle a ainsi fait notifier à la société
plusieurs
commandements de payer à partir du 7 juin 1993, indiquant comme cause
de
l'obligation que divers plans de paiement n'avaient pas été suivis.

A la suite d'une nouvelle demande de sursis du 10 février 1994,
l'intimée a
précisé à la société que celle-ci restait lui devoir la somme de
43'863 fr.
20 au titre de cotisations paritaires à fin décembre 1993 et lui a
accordé
«un ultime plan de désendettement» (courrier du 23 février 1994).
Après avoir
reçu de la caisse un avis du 16 mai 1994 l'avertissant de ce que cette
dernière allait reprendre toutes les poursuites dirigées à son
encontre,
motif pris qu'elle n'avait pas respecté les conventions de
paiements, et
s'être vue notifier plusieurs commandements de payer auxquels elle a
fait
opposition sur le champ, X.________ SA a derechef requis un sursis au
paiement jusqu'à la fin du mois de janvier 1995. Celui-ci lui a été
refusé le
22 août 1994. En revanche, la caisse lui a accordé un arrangement
relatif aux
«parts pénales» concernant l'exercice 1992 et les mois d'avril à
décembre
1993, sous forme de versements mensuels de 1'000 fr. dès la fin du
mois de
septembre 1994 - la créance totale s'élevant à 48'999 fr. 40, frais et
intérêts moratoires non compris.

5.4 Si l'on peut certes déduire de ces faits, comme le voudrait
M.________,
que la société n'est pas restée «dans l'immobilisme», mais s'est
tournée
régulièrement vers l'intimée pour obtenir des sursis aux paiements, on
constate cependant qu'à l'exception de quelques versements isolés la
société
n'a jamais suivi aucun des plans de paiement convenus avec l'intimée,
ni
réduit ses dettes de façon déterminante, contrairement aux
allégations du
recourant à ce sujet. Au contraire, les créances de l'intimée n'ont
pas cessé
d'augmenter à partir de la fin de l'année 1990. A la différence de la
situation qui a fait l'objet de l'arrêt publié aux ATF 124 V 253
(traduit
dans VSI 1999 p. 23), où l'entreprise a requis une seule fois un plan
de
paiement pour les cotisations échues et futures et obtenu des délais
qui sont
arrivés à échéance, l'un peu avant et l'autre après que sa faillite
ne soit
déclarée, X.________ SA a demandé à maintes reprises à l'intimée de
lui
octroyer des délais de paiement, la première fois, le 25 septembre
1991, la
dernière le 2 août 1994. Or, au cours de cette période de près de
trois ans,
les responsables de la société n'ont entrepris aucune démarche
concrète pour
que celle-ci soit en mesure de remplir ses obligations, sans qu'ils
puissent
faire valoir des raisons objectives et sérieuses qui leur
permettaient de
penser que X.________ SA pourrait s'acquitter dans un délai
raisonnable des
cotisations en souffrance (cf. ATF 108 V 188; RCC 1992 p. 261 consid.
4b).

De telles raisons objectives et sérieuses ne se laissent pas non plus
déduire
du seul fait que l'intimée a accepté à plusieurs reprises d'accorder à
X.________ SA un sursis pour le paiement des acomptes de cotisations
arriérés. Les décisions de l'intimée y relatives se réfèrent «aux
difficultés
financières dont [X.________] lui a fait part» ou, sans autres
précisions,
aux demandes de la société. C'est donc sur la seule foi des promesses
de la
société que la caisse lui a consenti les sursis au paiement, sans que
les
pièces du dossier ne laissent apparaître l'existence de raisons
sérieuses et
objectives quant à la possibilité qu'avait X.________ SA de
rembourser ses
dettes dans un délai raisonnable. Dans ces circonstances, auxquelles
s'ajoute
le laps de temps relativement long durant lequel les cotisations
n'ont pas
été versées (voir ATF 121 V 243), il y a lieu de retenir que le
recourant
s'est rendu coupable d'une négligence grave engageant sa
responsabilité au
sens de l'art. 52 LAVS. Avec les premiers juges, on rappellera par
ailleurs
que le fait de confier la gestion des affaires courantes à un tiers
n'est pas
de nature à libérer les administrateurs de leur responsabilité dans le
domaine des cotisations à l'égard d'une caisse de compensation (ATF
114 V 223
consid. 4a et les références; SVR 2001 AHV n° 15 p. 53 consid. 6b).

5.5 En revanche, dès lors que l'intimée ne disposait pas de raisons
fondées
d'admettre que les acomptes (en remboursement de la dette) et les
cotisations
courantes pourraient être versés ponctuellement, elle a violé l'art.
38bis
al. 1 LAVS (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000,
applicable
au moment déterminant; cf. ATF 127 V 467 consid. 1) en octroyant des
sursis
au paiement. Selon cette disposition, si un débiteur de cotisations
rend
vraisemblable qu'il se trouve dans des difficultés financières et
qu'il
s'engage à verser des acomptes réguliers et opère immédiatement le
premier
versement, la caisse peut accorder un sursis, autant qu'elle a des
raisons
fondées d'admettre que les acomptes et les cotisations courantes
pourront
être versés ponctuellement.

Par courrier du 2 avril 1992, l'intimée a octroyé à la société un
sursis au
paiement lui permettant de régler la somme de 23'855 fr. 30
concernant les
cotisations paritaires dues au 31 décembre 1991 par mensualités de
2'385 fr.
50, la première devant intervenir jusqu'à la fin du mois d'avril
1992. Ce
délai a été accordé alors même que la caisse avait engagé des
poursuites
contre X.________ SA dès le mois de février précédent (cf.
commandement de
payer du 12 février 1992 relatif au solde des cotisations paritaires
au 31
décembre 1990) et ne pouvait donc ignorer que la société ne
s'acquitterait
pas de ses dettes en temps voulu et que les conditions de l'art.
38bis RAVS
n'étaient pas remplies. Par la suite, malgré le fait que X.________ SA
n'avait opéré aucun versement immédiat aux conditions prévues, ce qui
aurait
dû conduire la caisse à engager des poursuites, elle lui a encore
octroyé
deux autres sursis (les 13 août 1992 et 27 janvier 1993). En outre,
nonobstant l'avertissement donné à l'employeur, le 21 avril 1993,
selon
lequel la caisse reprendrait les diverses procédures dirigées contre
X.________ SA, ainsi que l'absence de versements de la part de ce
dernier,
elle ne lui en a pas moins accordé encore un «ultime plan de
désendettement»,
le 23 février 1994, pour une somme qui s'élevait alors à 43'860 fr.
20.

Ces manquements à des prescriptions élémentaires relatives à la
fixation et à
la perception des cotisations constituent une faute grave,
concomitante à
celle du recourant, qui justifie de réduire le montant du dommage
dont la
caisse peut demander la réparation, pour autant que celui-ci entre
dans un
rapport de causalité - notamment adéquate - avec le comportement
illicite qui
lui est reproché (ATF 122 V 189 consid. 3c). Or, il y a lieu
d'admettre que
l'octroi d'un sursis irrégulier - et a fortiori si c'est de façon
répétée -
est de nature à favoriser la poursuite d'une entreprise hasardeuse
financée
sans droit par l'assurance sociale, et à aggraver, dans une mesure
correspondante, le dommage subi dans la faillite de l'employeur, ici
X.________ SA (cf. Praxis 1997 n° 48 p. 250).

Au vu de l'ensemble des circonstances, en particulier de la gravité
de la
faute commise par l'intimée et du fait que le solde des cotisations
impayées
a passé de 33'769 fr. 90 à la fin de l'année 1992 à 57'124 fr. 05,
frais et
intérêts moratoires compris selon les décomptes de la caisse, à la
fin du
mois de mars 1996, une réduction à raison de moitié apparaît
appropriée.

5.6 Quant au montant du dommage, la demande de réparation du 20 mars
1996
portait sur 57'124 fr. 05, somme qui n'est au demeurant pas contestée
par les
parties. En prenant en considération la réduction pour faute
concomitante de
l'intimée, le montant dû solidairement par les organes de la société
correspond à 28'562 fr., dont il convient encore de déduire les
versements
effectués par le père de M.________ et dont l'intimée n'avait pas
encore tenu
compte. Il s'agit en l'occurrence de versements pour une somme totale
de
9'543 fr. (1'350 fr. du 18 mars au 12 décembre 1996, 1'650 fr. en
1997, 1'700
fr. en 1998, 1'800 fr. en 1999 et en 2000, 1'243 fr. en 2001). Par
ailleurs,
il y a lieu, conformément à la jurisprudence (arrêt non publié A. du 4
novembre 1996, H 194/96) de soustraire encore le montant des amendes
prononcées par l'intimée, lesquelles ne font pas partie du dommage
comme
l'ont constaté à juste titre les premiers juges, sans toutefois fixer
l'étendue de celles-ci; sur ce point également, il convient de
compléter les
faits (cf. consid. 1) et de retenir que la somme des amendes s'élève
à 500
fr. (cf. décompte de la caisse: 5 x 100 fr. les 3 décembre 1991, 3
juin, 31
août et 23 novembre 1992, 20 mai 1994). L'étendue du dommage dû par le
recourant, solidairement avec le second administrateur de la société,
s'élève
ainsi à 18'519 fr.

6.
Vu l'issue du litige, il se justifie de mettre les frais de justice,
d'un
montant de 3'500 fr. à la charge des parties à raison de moitié
chacune. Le
recourant qui obtient partiellement gain de cause est représenté par
un
avocat. Il a dès lors droit à une indemnité réduite de dépens (art.
159 en
relation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est partiellement admis en ce sens que le chiffre 2 du
dispositif
du jugement de la Commission de recours en matière d'AVS/AI/APG de la
République et canton de Genève du 23 octobre 2002 est réformé en ce
sens que
M.________ est condamné, solidairement avec A.________, à payer à la
caisse
intimée un montant de 18'519 fr.

2.
Les frais de justice d'un montant de 3'500 fr. sont mis à la charge
des
parties, à raison de 1'750 fr. pour la caisse intimée et de 1'750 fr.
pour le
recourant.

3.
Les frais à la charge de M.________ sont compensés avec l'avance de
frais,
d'un montant de 3'500 fr., qu'il a versée, le solde de 1'750 fr. lui
étant
restitué.

4.
La Caisse cantonale genevoise de compensation versera au recourant une
indemnité de 1'500 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à
titre de
dépens pour la procédure fédérale.

5.
Le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et
canton de
Genève statuera sur les dépens pour la procédure de première instance
au
regard de l'issue définitive du procès de dernière instance.

6.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal
genevois
des assurances et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 19 août 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Juge présidant la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.142/03
Date de la décision : 19/08/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-08-19;h.142.03 ?
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