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18/08/2003 | SUISSE | N°U.213/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 août 2003, U.213/02


{T 7}
U 213/02

Arrêt du 18 août 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
Moser-Szeless

S.________, recourant, représenté par Me Pierre Gabus, avocat,
boulevard des
Philosophes 17, 1205 Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 4 juin 2002)
r> Faits:

A.
A la suite d'un accident survenu le 3 janvier 1995, S.________ est
atteint de
tétraplégie. Il est au bénéf...

{T 7}
U 213/02

Arrêt du 18 août 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari.
Greffière : Mme
Moser-Szeless

S.________, recourant, représenté par Me Pierre Gabus, avocat,
boulevard des
Philosophes 17, 1205 Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 4 juin 2002)

Faits:

A.
A la suite d'un accident survenu le 3 janvier 1995, S.________ est
atteint de
tétraplégie. Il est au bénéfice, notamment, d'une rente d'invalidité
ainsi
que d'une allocation pour impotence grave, versées par la Caisse
nationale
suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).

La Fondation des services d'aide et de soins à domicile (FSASD), en
collaboration avec la Coopérative de soins infirmiers (CSI),
prodiguait à
l'assuré des soins à raison de 80 heures par mois. Par lettre du 14
septembre
1998, la CNA a informé l'assistante sociale de ce dernier qu'elle
prendrait
dorénavant en charge les seuls soins médicaux à l'exclusion de l'aide
apportée aux actes de la vie quotidienne et qu'à cette fin, le détail
des
prestations effectuées à domicile devait lui être communiqué. A la
suite de
cette correspondance et après discussion entre les intéressés, il a
été
convenu dans un premier temps que les prestataires de service
fourniraient à
la CNA un rapport détaillé de leurs prestations journalières à
domicile de
façon à lui permettre la détermination de celles qui relevaient des
soins
médicaux.

Par lettre du 27 janvier 1999, la FSASD a exposé que les soins
étaient donnés
à S.________ aussi bien par du personnel infirmier que par des aides
familiales formées et qualifiées qui passaient à son domicile en
principe
trois fois par jour. La première visite du matin, à partir de 7
heures et
d'une durée moyenne de 25 minutes, avait pour objet l'administration
de
médicaments et le positionnement. Lors de la deuxième visite faite à
partir
de 8 heures 30 et d'une durée moyenne de 90 minutes, étaient prodigués
différents soins tels que vidange manuelle du rectum, traitement
dermatologique, prévention d'escarres, soins des plaies si
nécessaires, soins
urinaires, ainsi que toilette, soins d'hygiène, habillage et
installation
pour la journée. Un troisième passage dès 21 heures et d'une durée
d'une
heure comportait, à raison d'un tiers, un examen et des soins et de
deux
tiers, des soins de base consistant dans l'application de mesures
d'hygiène
et la préparation pour la nuit (cf. descriptif de la CSI du 15
février 1999).
Pour fixer la proportion entre les soins infirmiers et les autres
soins
qu'elle considérait comme difficilement dissociables, la FSASD
ajoutait que
les infirmières pourraient partager les soins avec des aides
qualifiées - ce
qui paraissait déjà être le cas selon sa lettre -, et leur déléguer
le 40 %
des soins, les infirmières assumant le 60 % restant.

Sur la base de ces explications, la CNA a considéré que les soins
médicaux
infirmiers représentaient le 60 % de l'ensemble des soins à domicile.
Aussi
a-t-elle fait part à l'assuré de son intention de prendre en charge
le 60 %
de ces prestations de soins à domicile. Cette proposition n'a pas été
acceptée par S.________.

Poursuivant l'instruction, la CNA a délégué un inspecteur au domicile
de
l'assuré aux fins de procéder à une enquête sur le déroulement de sa
journée.
Un rapport détaillé de cette visite effectuée le 17 mai 2000 donne la
description des différentes activités réalisées avec ou sans l'aide
d'un
tiers et évalue le temps qui leur est consacré. Selon ce rapport, les
soins
médicaux représentent en définitive 100 minutes par jour soit 50
heures par
mois.

Se fondant sur les observations de son inspecteur, la CNA a, par
décision du
17 juillet 2000, accepté la prise en charge mensuelle de 50 heures, à
raison
de 60 fr. l'heure, à titre de soins médicaux et infirmiers, soit un
montant
de 3'000 fr. L'opposition de S.________ a été rejetée par décision du
26 juin
2001.

B.
L'assuré a recouru contre cette décision auprès du Tribunal
administratif du
canton de Genève (aujourd'hui, en matière d'assurances sociales :
Tribunal
cantonal des assurances sociales) qui l'a débouté par jugement du 4
juin
2002.

C.
S.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
il demande l'annulation. Sous suite de dépens, il conclut,
principalement, à
ce que la CNA soit astreinte à prendre en charge la totalité des frais
facturés par la FSASD à titre de «soins de base» et d'«examens et
soins», à
l'exception des frais qui relèvent de la seule tenue du ménage; à
titre
subsidiaire, il requiert le renvoi de la cause à la juridiction
cantonale
pour instruction complémentaire.

La CNA conclut implicitement au rejet du recours, alors que l'Office
fédéral
des assurances sociales a renoncé à déposer une détermination.
Interpellé par le juge délégué, le recourant a maintenu ses
conclusions, la
CNA ayant été informée de l'échange de correspondances.

Considérant en droit:

1.
Aux termes de l'art. 10 al. 1 LAA, l'assuré a droit au traitement
médical
approprié des lésions résultant de l'accident, à savoir:
a. au traitement ambulatoire dispensé par le médecin, le dentiste ou,
sur
leur prescription, par le personnel paramédical ainsi que, par la
suite, par
le chiropraticien;
b. aux médicaments et analyses ordonnés par le médecin ou le dentiste;
c. au traitement, à la nourriture et au logement en salle commune
dans un
hôpital;
d. aux cures complémentaires et aux cures de bain prescrites par le
médecin;
e. aux moyens et appareils servant à la guérison.
Cependant, le droit au traitement médical cesse dès la naissance du
droit à
la rente (art. 19 al. 1, 2ème phrase, LAA). Lorsque la rente a été
fixée, les
prestations pour soins et remboursement de frais (art. 10 à 13 LAA)
sont
accordées à son bénéficiaire aux conditions énumérées à l'art. 21 al.
1 LAA,
à savoir:
a. lorsqu'il souffre d'une maladie professionnelle;
b. lorsqu'il souffre d'une rechute ou de séquelles tardives et que des
mesures médicales amélioreraient notablement sa capacité de gain ou
empêcheraient une notable diminution de celle-ci;
c. lorsqu'il a besoin de manière durable d'un traitement et de soins
pour
conserver sa capacité résiduelle de gain;
d. lorsqu'il présente une incapacité de gain et que des mesures
médicales
amélioreraient notablement son état de santé ou empêcheraient que
celui-ci ne
subisse une notable détérioration.
Ainsi, les conditions du droit à la prise en charge des frais de
traitement
médical diffèrent selon que l'assuré est ou n'est pas au bénéfice
d'une rente
(ATF 116 V 45 consid. 3b). Dans l'éventualité visée à l'art. 10 al. 1
LAA, un
traitement doit être pris en charge lorsqu'il est propre à entraîner
une
amélioration de l'état de santé ou à éviter une péjoration de cet
état. Il
n'est pas nécessaire qu'il soit de nature à rétablir ou à augmenter la
capacité de gain (Frésard, L'assurance-accidents obligatoire, in :
Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], soziale Sicherheit, n°
61 p.
29). En revanche, dans l'éventualité visée à l'art. 21 al. 1 LAA, un
traitement ne peut être pris en charge qu'aux conditions énumérées à
cette
disposition.

Ainsi que cela résulte de l'art. 21 al. 1 let. d LAA précité, lorsque
la
rente a été fixée, les prestations pour soins et remboursement de
frais sont
accordées à son bénéficiaire lorsqu'il présente une incapacité de
gain et que
des mesures médicales amélioreraient notablement son état de santé ou
empêcheraient que celui-ci subisse une notable détérioration. On vise
ici les
assurés totalement invalides dont l'état de santé peut être amélioré
ou tout
au moins stabilisé grâce à des mesures médicales, même si cela reste
sans
influence sur leur capacité de gain (Maurer, Schweizerisches
Unfallversicherungsrecht, p. 384). La prise en charge de telles
mesures par
l'assureur-accidents ne fait pas obstacle au maintien du droit de
l'assuré à
une indemnité pour impotence grave (ATF 124 V 57 consid. 4 et l'arrêt
cité).

En l'espèce, le recourant remplit les conditions prévues à l'art. 21
al. 1
let. d LAA. Le litige porte dès lors sur l'étendue des prestations
dues à ce
titre par l'assureur-accidents.

2.
2.1Selon l'art. 10 al. 3 LAA, le Conseil fédéral peut définir les
prestations
obligatoirement à la charge de l'assurance et limiter la couverture
des frais
de traitement à l'étranger. Il peut fixer les conditions auxquelles
l'assuré
a droit aux soins à domicile et la mesure dans laquelle ceux-ci sont
couverts.

Faisant usage de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a
édicté
l'art. 18 OLAA relatif aux soins à domicile. Selon cette disposition,
l'assuré a droit aux soins à domicile prescrits par un médecin, à
condition
qu'ils soient donnés par une personne ou une organisation autorisées,
conformément aux art. 49 et 51 de l'ordonnance du 27 juin 1995 sur
l'assurance-maladie. L'assureur peut, à titre exceptionnel,
participer aux
frais qui résultent des soins à domicile donnés par une personne non
autorisée.

2.2 Dans un arrêt paru aux ATF 116 V 41, notamment 47 consid. 5, le
Tribunal
fédéral des assurances a déjà eu l'occasion de préciser ce qu'il y
avait lieu
d'entendre par soins à domicile au sens de ces dispositions (ATF 116
V 47
consid. 5). Cette notion englobe d'abord le traitement médical
dispensé à
domicile dans un but thérapeutique, appliqué ou ordonné par un
médecin. Elle
comprend également les soins médicaux au sens de soins infirmiers,
sans
action thérapeutique mais qui sont toutefois indispensables au
maintien de
l'état de santé. Il s'agit en particulier des mesures médicales au
sens de
l'art. 21 al. 1 let. d LAA, qui maintiennent, soutiennent, assurent ou
remplacent pour ainsi dire les fonctions organiques vitales. Une
troisième
forme de soins à domicile est constituée par les soins non médicaux,
soit
aussi bien l'aide personnelle fournie à l'intéressé pour les actes
ordinaires
de la vie (soins corporels, nourriture, par exemple) que l'aide dans
l'environnement de l'assuré (par exemple, tenue du ménage) (ATF 116 V
47
consid. 5a).

Les assureurs sociaux ne doivent pas intervenir pour l'ensemble des
soins à
domicile mais uniquement pour ceux pour lesquels la loi ou
l'ordonnance
qu'ils appliquent leur impose le versement d'une prestation. Ainsi, en
matière d'assurance-accidents, l'obligation de l'assureur de verser
des
prestations pour soins à domicile est clairement réglée par l'art. 18
OLAA.
Cette disposition oblige au versement de prestations pour les «soins à
domicile prescrits par un médecin» (al. 1er). Il en découle que
l'obligation
de prester doit être limitée au traitement thérapeutique et aux soins
médicaux. On ne saurait en effet parler de prescription médicale que
lorsqu'il s'agit de mesures ayant un caractère médical; des soins non
médicaux ne sont, par nature, pas subordonnés à une indication
médicale. Une
prescription médicale formelle n'est toutefois pas nécessaire; il
suffit que
les mesures médicales qui doivent être appliquées à la maison soient
médicalement indiquées (ATF 116 V 48 consid. 5b et c). Dès lors,
l'assureur-accidents n'est tenu à prestations que dans la mesure où
il s'agit
d'un traitement médical ou de soins médicaux au sens de l'art. 10
al.1 LAA,
soit pour les soins à domicile au sens des deux premières catégories
précitées.

3.
Sans remettre en cause cette jurisprudence, confirmée au demeurant
dans
l'arrêt K. du 14 mars 2003, U 188/02, le recourant soutient pour
l'essentiel
qu'étant totalement dépendant, tous les soins qui lui sont prodigués à
domicile, y compris les soins corporels permanents et ceux
nécessaires pour
les actes de la vie ordinaire, doivent, dans son cas, être considérés
comme
soins médicaux au sens de la disposition précitée de l'OLAA.

4.
En l'espèce, les prétentions à la prise en charge de la totalité des
soins à
domicile formulées par l'assuré, qui est d'ailleurs soutenu dans sa
démarche
par les prestataires de service, ne sont pas fondées comme l'ont
considéré à
juste titre les premiers juges. En effet, contrairement à la
situation qui
prévaut en matière d'assurance-maladie où les soins de base sont pris
en
charge (cf. art. 7 al. 2 let. c OPAS; ATF 127 V 94 au sujet de la
coordination avec l'allocation pour impotence grave de l'AVS/AI),
seuls les
soins proprement médicaux et infirmiers à l'exclusion des autres
soins comme
l'aide pour les actes ordinaires de la vie et les soins corporels
peuvent
être pris en charge par l'assureur-accidents, aux conditions des art.
21 al.
1 LAA et 18 OLAA.

Dans cette mesure, les éléments de l'enquête à domicile correspondent
pour
l'essentiel aux descriptions détaillées fournies par la FSASD dans son
rapport du 27 janvier 1999, complété par le descriptif du CSI du 15
février
1999. Par ailleurs, le temps utilisé par les intervenants pour les
différentes activités, non contesté comme tel, doit être tenu pour
correctement évalué. Après contrôle, il en résulte que, abstraction
faite des
soins à domicile non pris en charge par l'assureur-accidents, les
soins
infirmiers représentent cinq minutes lors de la première visite, 60

minutes
lors de la deuxième et 15 minutes lors de la troisième. En tenant
compte
encore des interventions ponctuelles supplémentaires lorsque se
posent des
problèmes particuliers, l'évaluation de 100 minutes en moyenne par
jour
n'apparaît ainsi pas contestable. La décision litigieuse qui, compte
tenu
d'un tarif horaire de 60 fr. l'heure, fixe à 3'000 fr. par mois le
montant de
la prise en charge des soins infirmiers n'est dès lors par
critiquable.

5.
Le recourant fait encore valoir que le tarif des prestataires de
soins a été
modifié dès le 1er janvier 2001, de même que l'horaire des
interventions à
domicile à partir d'automne 2001. Ces changements n'ont pas été pris
en
compte par l'intimée dans la mesure où ils ont eu lieu après qu'elle
a rendu
sa décision initiale le 17 juillet 2000. Le montant de la prise en
charge
doit toutefois être adapté à cette nouvelle situation, ce qu'il
incombera à
l'intimée de faire.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 18 août 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.213/02
Date de la décision : 18/08/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-08-18;u.213.02 ?
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