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15/08/2003 | SUISSE | N°4P.118/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 août 2003, 4P.118/2003


{T 0/2}
4P.118/2003/ech

Arrêt du 15 août 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre.
Greffière: Mme Michellod.

canton de B.________,
recourant, représenté par Me Jacques Pagan, avocat, rue du
Mont-de-Sion 12,
1206 Genève,

contre

A.________ SA,
intimée, représentée par Me François Zutter, avocat,
rue de Chantepoulet 1-3, case postale 1080,
1211 Genève 1,
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, case
postale 3108, 12

11 Genève 3.

art. 8 al. 1, 9, 29 Cst. et art. 6 CEDH (procédure civile;
appréciation
arbitraire des preuves),

...

{T 0/2}
4P.118/2003/ech

Arrêt du 15 août 2003
Ire Cour civile

MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre.
Greffière: Mme Michellod.

canton de B.________,
recourant, représenté par Me Jacques Pagan, avocat, rue du
Mont-de-Sion 12,
1206 Genève,

contre

A.________ SA,
intimée, représentée par Me François Zutter, avocat,
rue de Chantepoulet 1-3, case postale 1080,
1211 Genève 1,
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, case
postale 3108, 1211 Genève 3.

art. 8 al. 1, 9, 29 Cst. et art. 6 CEDH (procédure civile;
appréciation
arbitraire des preuves),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'appel en
matière de
baux et loyers du canton de Genève du 7 avril 2003.

Faits:

A.
Le 2 avril 1996, A.________ SA, en tant que locataire, a conclu un
contrat de
bail portant sur des locaux commerciaux situés dans d'un immeuble, à
Genève.

Le 3 juin 1999, le bailleur a informé A.________ SA qu'il avait
procédé au
bouclement des comptes de chauffage pour les saisons 1996-1997 et
1997-1998.
A ce titre, il réclamait le versement d'un montant complémentaire de
1'912,55
fr., venant s'ajouter aux acomptes de charges déjà versés. A.________
SA a
répondu le 14 juin 1999 qu'elle contestait ce décompte et a demandé
des
précisions sur les comptes de ces deux saisons, ainsi que sur ceux de
1995-1996.

L'immeuble étant devenu, en avril 2000, la propriété du canton de
B.________,
ce dernier a communiqué le 16 mai 2000 à A.________ SA que le coût
total du
chauffage et de la ventilation de l'immeuble pour la saison 1998-1999
s'élevait à 127'366,90 fr. Compte tenu de la clé de répartition
utilisée, la
somme due par la locataire se montait à 1'500,08 fr., ce qui
représentait,
après déduction des acomptes de 504 fr., un solde à payer de 996,10
fr. Le
bailleur persistait en outre à réclamer la somme résultant du
décompte du 3
juin 1999, soit 1'912,55 fr.

Le 9 juin 2000, la locataire a contesté le nouveau décompte et a
sollicité
une fois de plus la remise des pièces justificatives dans un délai de
trente
jours. Le 13 juin 2000, le bailleur a fait parvenir divers documents
et
justificatifs à la locataire, en persistant à exiger d'elle le
versement de
2'908,65 fr. Il résulte des pièces transmises qu'ont été inclus dans
le
décompte de frais accessoires les frais de contrôle et de révision de
la
ventilation, d'abonnement d'entretien ainsi que les frais et le
salaire pour
la conciergerie.

Sans réaction de la locataire, le bailleur a, le 25 juillet 2000,
réitéré sa
demande en la menaçant, à défaut de paiement, d'une résiliation de
bail
conformément à l'art. 257d CO.

Par courrier du 8 août 2000, la locataire a expliqué qu'elle
contestait les
montants réclamés, mais que, par crainte d'une résiliation, elle
payait la
somme litigieuse.

B.
Le 11 avril 2001, la locataire a saisi la Commission de conciliation
en
matière de baux et loyers du canton de Genève d'une requête en
contestation
du décompte de chauffage et en paiement. Elle concluait au versement
de 2'520
fr. à titre de restitution des provisions pour chauffage versées
depuis le
début du bail, et de 2'908,65 fr. à titre de répétition du montant
indûment
versé en août 2000.

Faute de conciliation, le litige a été porté devant le Tribunal des
baux et
loyers. A l'issue de la procédure, la locataire a déclaré persister
dans ses
prétentions, qui ont été entièrement contestées par le bailleur. Ce
dernier a
reconventionnellement conclu à ce que la locataire soit condamnée à
lui
verser la somme de 1'179,85 fr., correspondant à un solde dû pour la
saison
1999-2000.

C.
Par jugement du 27 août 2002, le Tribunal a condamné le canton de
B.________
à rembourser à A.________ SA la somme de 2'814 fr., avec intérêts à
5% dès le
15 août 2000, et a débouté les parties de toutes autres conclusions.

En bref, les juges ont considéré que le contrat liant les parties ne
faisait
mention, concernant les frais accessoires, que des coûts de
chauffage, de
sorte que les postes relatifs par exemple à la ventilation de
l'ensemble de
l'immeuble, à la maintenance ou à la conciergerie, devaient être
supportés
par le bailleur.

Le canton de B.________ a formé appel contre ce jugement, concluant à
son
annulation et au déboutement de la locataire de toutes ses
préten-tions.
Reconventionnellement, il demandait que la locataire soit condamnée à
lui
verser la somme de 1'179,85 fr. avec intérêts, somme correspondant
aux frais
de chauffage dus pour la saison 1999-2000. Subsidiairement, il a fait
une
offre de preuve et a sollicité l'audition de témoins ainsi qu'un
transport
sur place.

Par arrêt du 7 avril 2003, la Chambre d'appel en matière de baux et
loyers du
canton de Genève a rejeté l'appel du bailleur.

D.
Le canton de B.________ interjette un recours de droit public au
Tribunal
fédéral contre l'arrêt cantonal. Invoquant une application arbitraire
du
droit fédéral ainsi qu'un déni de justice et une violation de l'art.
6 CEDH,
le recourant conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué.

A. ________ SA conclut au rejet du recours, tandis que la Chambre
d'appel se
réfère aux considérants de son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre
une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des
citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ). La décision attaquée revêt un caractère
final et
n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou
cantonal. En effet, le recours en réforme est irrecevable vu la valeur
litigieuse inférieure à 8'000 fr. (art. 46 et 47 OJ). La règle de la
subsidiarité du recours de droit public est ainsi respectée.

1.2 S'agissant de la qualité pour recourir, un canton n'est en
principe pas
habilité à agir par la voie du recours de droit public, puisqu'il
n'est pas
titulaire des droits constitutionnels (ATF 125 I 173 consid. 1b p.
175 et les
arrêts cités).

Toutefois, la collectivité publique peut agir par la voie du recours
de droit
public lorsqu'elle n'intervient pas en tant que détentrice de la
puissance
publique, mais qu'elle agit sur le plan du droit privé ou lorsqu'elle
est
atteinte de façon identique ou analogue à un particulier, notamment
en sa
qualité de propriétaire de biens du patrimoine financier ou
administratif, ou
encore lorsqu'elle est débitrice de taxes ou d'impôts (ATF 123 III 454
consid. 2 p. 456; 121 I 218 consid. 2a p. 220; 120 Ia 95 consid. 1a
p. 97, et
les arrêts cités). Est déterminante la nature juridique du rapport
formant le
litige et non la qualité des parties (ATF 123 III 454 consid. 2 p.
456).

En l'espèce, le canton de B.________ agit en tant que propriétaire
d'un bien
immobilier, dans le cadre d'un rapport contractuel de droit privé
avec un
particulier. Il a donc qualité pour recourir (art. 88 OJ) contre la
décision
attaquée, qui le condamne à paiement.

1.3 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine
que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés par
l'acte de
recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1 p. 120;
127 I 38
consid. 3c; 127 III 279 consid. 1c; 126 III 524 consid. 1c, 534
consid. 1b).

2.
2.1Le recourant soutient que le refus d'ordonner le transport sur
place qu'il
avait demandé constitue "un acte arbitraire au titre de
l'administration des
preuves". Ce transport était à son avis essentiel dans la mesure où la
Chambre d'appel nourrissait des doutes quant à la nature particulière
de
l'installation de chauffage incriminée.

Le refus de cette offre de preuve violerait également la maxime
inquisitoire
prévue par les art. 274d al. 3 CO et 435 de la Loi de procédure civile
genevoise (LPC gen.) qui exige, selon lui, que la Chambre d'appel
vérifie par
elle-même l'état de fait allégué par le recourant et contesté par la
locataire. Enfin, ce refus constituerait un déni de justice formel
tombant
sous le coup des art. 8 al. 1, 9 et 29 Cst. et de l'art. 6 CEDH,
garantissant
un procès équitable.

2.2 L'art. 274d al. 3 CO prescrit au juge d'établir d'office l'état
des
faits, les parties devant lui soumettre toutes les pièces nécessaires
pour
trancher le litige. Il pose le principe d'une maxime inquisitoriale
sociale,
laquelle ne constitue cependant pas une maxime officielle absolue.
Cela
découle déjà de la réserve expresse, selon laquelle les parties
présentent
toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Le juge ne
doit pas
instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa
position, mais il doit interroger les parties et les informer de leur
devoir
de collaboration et de production des preuves. Il n'est tenu de
s'assurer que
les allégations et offres de preuves sont complètes seulement
lorsqu'il a des
motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. L'initiative du
juge ne
va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner les
preuves et
de les présenter. La maxime inquisitoire prévue par le droit du bail
ne
permet pas d'étendre à bien plaire l'administration des preuves et de
recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231 consid. 4a,
p. 238).
La maxime inquisitoire laisse par ailleurs le juge libre en ce qui
concerne
l'appréciation des preuves.

2.3 En appel, le recourant reprochait aux premiers juges de ne pas
avoir tenu
compte de la spécificité du système de chauffage de l'immeuble.

Interprétant le contrat de bail, et en application des art. 257a et b
CO, la
Chambre d'appel a estimé que seuls les frais de chauffage pouvaient
être mis
à la charge de la locataire, à l'exclusion des frais de ventilation
et de
surveillance de l'installation. En outre, même si le système de
chauffage et
de ventilation de l'immeuble nécessitait une surveillance constante,
cela
n'impliquait pas nécessairement que les frais correspondants soient
mis à la
charge de la locataire.

2.4 Contrairement à ce qu'affirme le recourant, l'art. 274d al. 3 CO
n'oblige
pas l'autorité à vérifier par elle-même la véracité de toutes les
allégations
des parties. Ainsi, le refus d'une offre de preuve au motif qu'elle
n'est pas
pertinente pour l'issue du litige (ATF 124 I 274 consid. 5b p. 285 i.
m.) ne
viole nullement cette disposition (ni par conséquent la disposition
similaire
de droit cantonal, dont le recourant ne cite pas la teneur).

Par ailleurs, on ne voit pas en quoi l'art. 8 Cst., qui garantit
l'égalité de
tous les êtres humains devant la loi, aurait été violé; de même,
aucun déni
de justice formel ne peut être reproché à la Chambre d'appel,
puisqu'elle a
statué sur l'offre de preuve du recourant.

En invoquant l'art. 29 Cst., le recourant se réfère sans doute au
droit de
fournir des preuves, garanti par le droit d'être entendu. A ce sujet,
il
convient de préciser que le devoir de l'autorité d'administrer les
preuves
qui lui ont été offertes ne concerne que celles visant à établir des
faits
pertinents (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa). Or, la Chambre d'appel a
précisément
constaté que la spécificité du système de chauffage de l'immeuble en
cause ne
suffisait pas en soi à mettre les frais de surveillance de celui-ci à
la
charge de la locataire. Elle n'a par conséquent nullement violé le
droit
d'être entendu du recourant.

Le grief de violation de l'art. 6 CEDH tombe également à faux, dans
la mesure
où le recourant l'invoque comme une conséquence de la violation de
l'art.
274d al. 3 CO et que celle-ci n'existe pas. Au surplus, lorsque la
garantie
invoquée est suffisamment assurée par le droit constitutionnel
national, il
n'est pas nécessaire de se fonder sur le droit conventionnel (ATF 126
I 228
consid. 2a p. 230 s.).

3.
3.1Le recourant soutient ensuite que la Chambre d'appel a commis un
déni de
justice formel en confirmant le jugement du Tribunal des baux, dans
la mesure
où il ignore totalement sa demande reconventionnelle. Il allègue à ce
sujet
une violation des art. 8, 9 et 29 Cst. ainsi que 6 CEDH.

3.2 En réponse à la demande en paiement de la locataire, le recourant
a
conclu à son déboutement et, reconventionnellement, à la condamnation
de
celle-ci à lui verser la somme de 1'179,85 fr., qui correspondait à
un solde
dû sur la saison 1999-2000.

Le jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 27 août 2002
ne
mentionne pas les conclusions reconventionnelles du recourant, ne
traite pas
de leur fondement éventuel et ne statue pas expressément sur leur
sort dans
le dispositif. Le Tribunal se borne à indiquer que les parties sont
déboutées
"de toutes autres conclusions".

La Chambre d'appel a estimé qu'il ne pouvait être reproché au
Tribunal de
s'être limité à l'examen des décomptes 1996 à 1999 visés par la
demande
principale, puisque le même raisonnement devait s'appliquer au
décompte
1999-2000 sur lequel se fondait la demande reconventionnelle.

3.3 Selon la jurisprudence, une autorité qui refuse indûment de
statuer sur
une requête dont l'examen relève de sa compétence commet un déni de
justice
formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 117 Ia 116 consid. 3a
117/118 et
la jurisprudence citée). L'interdiction du déni de justice est un
droit de

nature formelle dont la violation doit entraîner l'annulation de la
décision
attaquée, indépendamment du fond (ATF 121 I 230 consid. 2a p. 232 et
les
arrêts cités).

3.4 En l'espèce, le Tribunal n'a pas commis de déni de justice formel
puisqu'il a statué dans le dispositif de son jugement sur la demande
reconventionnelle en "déboutant les parties de toutes autres
conclusions".

Ce déboutement global n'est cependant nullement motivé, de sorte que
le
jugement viole le droit d'être entendu du recourant. La Chambre
d'appel a
justifié cette absence de motivation en expliquant que le
raisonnement du
Tribunal pour les périodes 1996-1999 pouvait s'appliquer également à
la
demande reconventionnelle. Cette explication constitue,
indépendamment de son
bien-fondé, une motivation au sens de l'art. 29 al. 2 Cst. On peut
donc
considérer que la Chambre d'appel a réparé le vice formel affectant le
jugement.

Cette motivation n'est en revanche pas à même de justifier le rejet
des
conclusions reconventionnelles du recourant, qui tendaient au
paiement du
décompte de chauffage pour la saison 1999-2000. Il s'agit cependant
là d'une
question de fond, qui serait irrecevable si le recours en réforme
était en
l'espèce ouvert. Tel n'étant pas le cas, il peut être entré en
matière sur le
grief d'arbitraire dans la motivation, soulevé par le recourant.

La Chambre d'appel a estimé que le raisonnement ayant conduit le
Tribunal à
condamner le recourant au remboursement partiel des acomptes versés
pour les
saisons 1996-1999 pouvait également s'appliquer à la demande
reconventionnelle, qui concerne la saison 1999-2000. Par conséquent,
on
pouvait exiger du recourant qu'il procède à un nouveau calcul des
frais
accessoires pour les saisons postérieures.

La cour cantonale a cependant omis de mener le raisonnement à son
terme. En
effet, si elle estimait que le bailleur ne pouvait mettre à la charge
de la
locataire que les frais de chauffage proprement dits, soit les
combustibles
mazout-gaz, elle devait admettre partiellement la demande
reconventionnelle
du recourant. Rien ne justifiait, en effet, que cette dernière soit
entièrement rejetée. L'arrêt cantonal est sur ce point arbitraire.

4.
Le recourant estime que la cour cantonale a arbitrairement appliqué
l'art. 5
OBLF en refusant d'inclure dans les frais de chauffage les coûts liés
à la
maintenance et à la surveillance de l'installation.

4.1 L'art. 5 OBLF (RS 221.213.11) précise l'art. 257b al. 1 CO. Selon
les
alinéas 1 et 2 de cette disposition, entrent en ligne de compte comme
frais
de chauffage et de préparation d'eau chaude les dépenses pour a) le
combustible et l'énergie consommés, b) l'énergie électrique utilisée
pour les
brûleurs et les pompes, c) les frais d'exploitation d'énergie de
substitution, d) le nettoyage de l'installation de chauffage et de la
cheminée, le grattage, le brûlage et l'huilage de la chaudière ainsi
que
l'enlèvement des déchets et scories, e) la révision périodique de
l'installation de chauffage (...), f) le relevé, le décompte et
l'entretien
des appareils lorsque les frais de chauffage sont calculés de manière
périodique, g) la maintenance, h) les primes d'assurance qui se
rapportent à
l'installation de chauffage, i) le travail administratif qu'occasionne
l'exploitation de cette installation.

Selon l'art. 6 OBLF, n'entrent pas en ligne de compte comme frais de
chauffage et de préparation d'eau chaude les dépenses pour a) la
réparation
et la réfection des installations, b) le service de l'intérêt et
l'amortissement des installations.

4.2 Le litige porte uniquement sur les frais de maintenance et de
surveillance de l'installation de chauffage.

Le Tribunal a rappelé que les frais accessoires n'étaient dus par le
locataire que si cela avait été convenu spécialement (art. 257a CO),
que pour
les baux d'habitation, on entendait par frais accessoires notamment
les
dépenses effectives pour les frais de chauffage (art. 257b al. 1 CO),
que ces
frais n'étaient à la charge du locataire que si les parties en étaient
convenues d'une manière suffisamment précise et détaillée. Il a
considéré
qu'en l'espèce, le contrat de bail ne faisait mention que des frais de
chauffage, de sorte que seuls ces derniers pouvaient être mis à la
charge de
la locataire.

S'agissant des frais de surveillance de l'installation de chauffage,
le
Tribunal a constaté que les comptes faisaient apparaître à ce titre
des
sommes annuelles de 60'000 fr. en faveur du concierge. Selon le
bailleur, ce
dernier assurait une surveillance permanente de l'installation et
était
rémunéré en sus pour le travail de conciergerie proprement dit, cette
rémunération faisant partie des charges d'exploitation.

Le Tribunal a considéré que les frais de maintenance pouvaient être
répercutés sur les frais de chauffage (art. 5 al. 2 let. g OBLF),
mais qu'il
n'en allait pas de même des frais de surveillance, qui faisaient
partie des
charges de l'immeuble. Or les 60'000 fr. versés annuellement au
concierge
concernaient la surveillance de l'installation de chauffage. Par
conséquent,
et dans la mesure où la surveillance était essentiellement effectuée
dans
l'intérêt du bailleur, le Tribunal a estimé qu'il appartenait à
celui-ci d'en
assumer les frais.

La Chambre d'appel a confirmé ce raisonnement. Elle a ajouté que le
fait que
l'installation de chauffage nécessite une surveillance constante
n'impliquait pas nécessairement que les frais correspondant doivent
être mis
à la charge de la locataire.

4.3 L'art. 5 al. 2 let. g OBLF inclut dans les frais de chauffage les
frais
liés à la maintenance de l'installation. Les frais liés à la
surveillance de
celle-ci sont-ils compris dans les frais de maintenance ? Lachat
semble
inclure les frais de surveillance régulière de l'état des appareils
dans les
frais de maintenance (Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 1997 p. 227,
note
32). Il en va de même de Oberle, qui incorpore dans les frais de
maintenance
le coût salarial pour la mise en oeuvre et le contrôle de
l'installation de
chauffage (Oberle, Nebenkosten, Heizkosten, Zurich 1995, p. 77). Les
deux
auteurs relèvent que lorsque la maintenance est assurée par le
concierge,
seule une partie de son salaire peut figurer dans le compte de
chauffage,
pour autant qu'elle ne soit pas déjà comprise dans le loyer ou sous la
rubrique "autres frais accessoires". Oberle propose pour ce poste un
montant
mensuel forfaitaire, qui est fonction du type d'installation, soit de
30 fr.
à 50 fr. par mois pour le chauffage (op. cit., p. 228, n. 5.7).

Il résulte de ce qui précède que les frais de maintenance comprennent
les
frais de surveillance régulière de l'installation de chauffage. En
affirmant
péremptoirement que les frais de surveillance ne pouvaient être mis à
la
charge de la locataire, le Tribunal des baux et loyers, puis à sa
suite la
Chambre d'appel, ont appliqué l'art. 5 al. 2 let. g OBLF d'une façon
erronée,
qui peut être considérée comme arbitraire.

Comme l'arrêt cantonal doit de toute manière être annulé (cf. consid.
3.4
supra), il se justifie de le casser aussi pour ce motif, étant
précisé qu'il
s'agit d'un cas limite.

Quant au montant des frais de maintenance pouvant être mis à la
charge de la
locataire, il appartiendra à la cour cantonale de déterminer quelles
sont les
dépenses effectives du bailleur en relation avec la surveillance et la
maintenance de l'installation de chauffage. Le montant de 60'000 fr.
porté en
compte au titre de salaire du concierge uniquement pour surveillance
du
chauffage semble en effet particulièrement élevé, si on le compare
avec les
montants indiqués par Oberle.

5.
Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et
l'arrêt
attaqué annulé. La procédure cantonale est ainsi replacée dans la
situation
où elle se trouvait avant l'arrêt du 7 avril 2003.

Deux griefs sur trois sont admis; il se justifie donc de répartir
l'émolument
judiciaire à raison de 1/3 pour le recourant et de 2/3 pour
l'intimée. Cette
dernière versera au recourant des dépens réduits (art. 156 al. 1 et
3, art.
159 al. 1 et 3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des parties,
à
raison de 667 fr. pour le recourant et de 1'333 fr. pour l'intimée.

3.
L'intimée versera au recourant une indemnité de 834 fr. à titre de
dépens
réduits.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties
et à la
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 15 août 2003

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.118/2003
Date de la décision : 15/08/2003
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-08-15;4p.118.2003 ?
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