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14/08/2003 | SUISSE | N°I.497/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 août 2003, I.497/02


{T 7}
I 497/02

Arrêt du 14 août 2003
IIe Chambre

Mme et MM. les Juges Widmer, Ursprung et Frésard. Greffier : M. Wagner

P.________, recourante, représentée par Me Guérin de Werra, avocat,
rue de
Lausanne 27, 1951 Sion,

contre

Office cantonal AI du Valais, avenue de la Gare 15, 1951 Sion, intimé

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 26 juin 2002)

Faits:

A.
P. ________, née le 16 novembre 1946, a travaillé à temps partiel dès
le 1er
juin 1

988 en qualité de vendeuse dans l'entreprise de son mari, la
boucherie
X.________ à F.________, où elle s'occupait également des ...

{T 7}
I 497/02

Arrêt du 14 août 2003
IIe Chambre

Mme et MM. les Juges Widmer, Ursprung et Frésard. Greffier : M. Wagner

P.________, recourante, représentée par Me Guérin de Werra, avocat,
rue de
Lausanne 27, 1951 Sion,

contre

Office cantonal AI du Valais, avenue de la Gare 15, 1951 Sion, intimé

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 26 juin 2002)

Faits:

A.
P. ________, née le 16 novembre 1946, a travaillé à temps partiel dès
le 1er
juin 1988 en qualité de vendeuse dans l'entreprise de son mari, la
boucherie
X.________ à F.________, où elle s'occupait également des livraisons,
de la
comptabilité et de la lessive.
Le 2 décembre 1997, P.________ a été victime d'un accident de la
circulation
routière, à la suite duquel elle a présenté une incapacité totale de
travail.
Le 1er juin 1999, elle a déposé devant l'Office cantonal AI du Valais
une
demande de prestations de l'assurance-invalidité.
Dans un rapport médical, la doctoresse A.________, médecin à
B.________, a
diagnostiqué en particulier un status post-traumatique thoracique
droit
sévère avec fractures des côtes 2 à 9 à droite et fracture de la 3ème
côte
gauche, volet thoracique droit, et un status post-fracture du mur
antérieur
de D9. Elle indiquait que la patiente était dans l'incapacité totale
d'effectuer son activité professionnelle d'aide en boucherie, dans
laquelle
elle devait porter régulièrement des poids de plus de 20 kg, mais
qu'elle
pourrait cependant effectuer une activité légère, ne nécessitant pas
le port
de poids lourds, avec changements de positions fréquents.
L'office AI a procédé à une enquête sur les activités ménagères. Dans
un
rapport du 29 novembre 1999, l'enquêteur a retenu une incapacité
totale de
travail au ménage jusqu'au 31 août 1998 et une reprise progressive
des tâches
ménagères dès septembre 1998. Selon les feuilles de calcul où figure
la
pondération des travaux, il a considéré l'assurée comme une personne
exerçant
une activité lucrative à temps partiel (85 %) et comme une ménagère
pendant
le reste du temps (15 %), dont il a fixé à 24 % l'incapacité dans ce
domaine.
Sur requête du médecin de l'office AI, le docteur C.________,
spécialiste FMH
en médecine interne et maladies rhumatismales à D.________, a procédé
à une
expertise, dont il ressort notamment que P.________ présentait un état
dépressif grave justifiant actuellement une incapacité de travail
évaluée à
50 % dans toute activité.
Dans un projet d'acceptation de rente du 13 juillet 2001, l'office AI
a
conclu à une invalidité globale de 47 % (44 % dans l'activité
lucrative et 3
% dans le ménage) depuis le 1er décembre 1998.
L'assurée a contesté le taux d'invalidité dans le ménage. Par deux
décisions
du 13 décembre 2001, l'office AI a alloué à P.________ à partir du 1er
décembre 1998 jusqu'au 30 novembre 2001 et depuis le 1er décembre
2001 un
quart de rente d'invalidité, assorti d'un quart de rente
complémentaire pour
son conjoint.

B.
P.________ a recouru contre ces décisions devant le Tribunal cantonal
des
assurances du canton du Valais, en concluant, sous suite de dépens, à
l'annulation de celles-ci, la juridiction de première instance et de
manière
subsidiaire l'office AI étant invités à procéder à une nouvelle
estimation de
la limitation de sa capacité de travail dans le cadre de ses activités
ménagères, à la lumière des atteintes somatiques et psychosomatiques
dont
elle est atteinte.
Par jugement du 26 juin 2002, le tribunal cantonal des assurances a
rejeté le
recours.

C.
P.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, en
concluant, sous suite de dépens, à l'annulation de celui-ci et au
renvoi de
la cause à la juridiction cantonale ou à titre subsidiaire à l'office
AI,
pour qu'ils procèdent à une nouvelle estimation de la limitation de sa
capacité de travail dans le cadre de ses activités ménagères.
L'Office cantonal AI du Valais renonce à se déterminer sur le recours.
L'Office fédéral des assurances sociales n'a pas déposé
d'observations.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le litige porte sur l'empêchement de la recourante d'accomplir ses
travaux habituels. Celle-ci fait valoir que l'état dépressif dont
elle est
atteinte affecte sa capacité de travail à raison de 50 % pour toute
activité
et limite de manière permanente sa capacité d'agir dans toutes les
tâches
ménagères, les résultats de l'enquête du 29 novembre 1999 ne
concordant pas
avec les constatations médicales faites par la suite sur ce point.

1.2 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales
du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le
domaine
de l'assurance-invalidité. La législation en vigueur jusqu'au 31
décembre
2002 demeure cependant déterminante en l'espèce. En effet, d'après la
jurisprudence, la législation applicable en cas de changement de
règle de
droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de
l'état de
fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences
juridiques (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 166 consid. 4b), les faits
sur
lesquels le Tribunal fédéral des assurances peut être amené à se
prononcer
dans le cadre d'une procédure de recours de droit administratif étant
par
ailleurs ceux qui se sont produits jusqu'au moment des décisions
administratives litigieuses du 13 décembre 2001 (ATF 121 V 366
consid. 1b).

2.
2.1En vertu de l'art. 27bis al. 1 première et deuxième phrases RAI
(teneur en
vigueur jusqu'au 31 décembre 2002), chez les assurés qui n'exercent
une
activité lucrative qu'à temps partiel, l'invalidité pour cette part
est
évaluée selon l'art. 28 al. 2 LAI. S'ils se consacrent en outre à
leurs
travaux habituels au sens de l'art. 5 al. 1 LAI, l'invalidité est
fixée selon
l'art. 27 RAI pour cette activité-là, soit en fonction de
l'empêchement
d'accomplir leurs travaux habituels (art. 27 al. 1 RAI).

2.2 Aux conditions posées par la jurisprudence (ATF 128 V 93),
l'enquête sur
les activités ménagères à laquelle procède l'administration a valeur
probante
(arrêt B. du 10 juin 2003 [I 151/03]). Elle n'est toutefois pas un
moyen de
preuve adéquat lorsque l'empêchement résulte de troubles d'ordre
psychique
(VSI 2001 p. 159 consid. 3d). En effet, le questionnaire servant à
fixer
l'invalidité des assurés travaillant dans le ménage est conçu de
manière à
évaluer le handicap découlant d'atteintes à la santé physique. Il
n'est donc
pas propre à l'évaluation des limitations liées à des troubles
psychiques.
Les constatations médicales relatives à la capacité de travail
raisonnablement exigible sont dès lors plus aptes qu'une enquête
économique à
fixer l'empêchement dans l'accomplissement des travaux habituels
(arrêt non
publié R. du 4 février 2003 [I 726/02]).

3.
3.1Telles que motivées, les décisions administratives litigieuses du
13
décembre 2001 se fondent sur le fait que, selon l'enquête sur les
activités
ménagères du 29 novembre 1999, la recourante, après une période
d'incapacité
de travail totale jusqu'au 31 août 1998, rencontrait depuis le 1er
septembre
1998 des empêchements à accomplir, partiellement ou totalement
certains
travaux lourds dans le ménage. Se référant à la tabelle servant à
évaluer
l'importance du handicap chez les ménagères, l'intimé concluait à une
incapacité de 24 % et à une invalidité de 3 % dans ce domaine (24 x
15 :
100).

3.2 Les premiers juges ont considéré que les critiques de la
recourante
visaient pour l'essentiel à mettre en évidence de nouveaux
empêchements sur
le plan des activités ménagères et tendaient ainsi à contester la
valeur
probante de l'enquête sur les activités ménagères du 29 novembre
1999. Selon
eux, ces critiques n'étaient guère pertinentes dans la mesure où elles
semblaient avoir été émises pour les besoins de la cause, dans
l'unique but
de faire passer son taux d'invalidité de 47,6 % à 50 % au moins, ce
qui la
mettrait au bénéfice d'une demi-rente. La juridiction cantonale ne
pouvait
cependant faire siennes les nouvelles déclarations de l'assurée car,
en
présence de deux versions différentes et contradictoires, la
préférence
devait être accordée à celle qu'elle avait donnée alors qu'elle en
ignorait
les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être,
consciemment ou non, le fruit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 47
consid.
2a, 115 V 143 consid. 8c).

3.3 Selon les déclarations de la recourante consignées dans le rapport
d'enquête sur les activités ménagères du 29 novembre 1999, sans la
survenance
de son invalidité, le temps hebdomadaire nécessaire pour accomplir ses
activités ménagères serait d'une heure pour la conduite du ménage, de
quatorze heures pour l'alimentation, de six heures pour l'entretien du
logement, de trois heures pour les emplettes et courses diverses, de
six
heures pour la lessive et l'entretien des vêtements et d'une heure
pour les
activités retenues sous le poste «divers» (soit l'entretien des
plantes et du
jardin). Si elle n'était pas atteinte dans sa santé, elle aurait donc
consacré trente et une heures par semaine à l'accomplissement des
travaux
habituels. Calculée sur cette base, la pondération du champ
d'activité est de
3,25 % pour la conduite du ménage, de 45 % pour l'alimentation, de
19,5 %
pour l'entretien du logement, de 9,5 % pour les emplettes et courses
diverses, de 19,5 % pour la lessive et l'entretien des vêtements et
de 3,25 %
pour les activités diverses retenues dans le cas particulier.
En ce qui concerne la conduite du ménage et l'alimentation, la
recourante n'a
déclaré aucun empêchement. S'agissant de l'entretien du logement,
elle a
indiqué qu'elle pouvait épousseter -elle ne passait plus l'aspirateur,
travail qu'elle supportait mal, n'entretenait plus les sols en marbre
et
moquette et ne nettoyait plus les vitres - et qu'elle pouvait faire
les lits
et changer les draps-housses, mais qu'elle ne faisait plus les
nettoyages
saisonniers. A propos des emplettes et courses diverses, l'assurée a
affirmé
qu'elle pouvait faire les petites emplettes - elle faisait les grandes
emplettes avec une amie, ce qui n'était pas nécessaire auparavant - et
qu'elle pouvait faire les courses à la poste et à la banque. Selon ses
déclarations relatives à la lessive et à l'entretien des vêtements,
elle
pouvait laver le linge, l'étendre et le dépendre, mais c'est son mari
qui lui
portait le bac à l'étendage; elle pliait ce qu'elle pouvait plier,
mais ce
qui devait être repassé était repassé par la femme de ménage; elle
n'avait
jamais fait l'entretien des vêtements; elle n'avait pas encore repris
le
tricot et le crochet; elle pouvait nettoyer les chaussures. Enfin, en
ce qui
concerne les activités diverses retenues dans le cas particulier, la
recourante a affirmé qu'elle ne pouvait plus tondre la pelouse, mais
qu'elle
pouvait s'occuper des plantes d'appartement et des deux chats. A la
question
de savoir qui exécutait les travaux ménagers qu'elle ne pouvait plus
accomplir elle-même en raison de son invalidité, elle a répondu
qu'elle avait
reçu l'aide d'une assistante jusque vers la fin de l'année 1998 et
que depuis
le début de l'année 1999, elle recevait l'aide d'une femme de ménage
qui
venait deux heures par semaine pour les nettoyages de l'appartement
et en
moyenne une heure et demie à deux heures par semaine pour le
repassage.
Sur la base de ces déclarations de l'assurée, l'enquêteur n'a retenu
aucune
limitation dans la conduite du ménage ni dans l'alimentation. En
revanche, il
a retenu un empêchement de 65 % en ce qui concerne l'entretien du
logement,
de 20 % à propos des emplettes, de 42 % s'agissant de la lessive et de
l'entretien des vêtements et de 50 % dans les activités diverses.

3.4 Toutefois, la situation, telle qu'elle existait lors de l'enquête
sur les
activités ménagères du 29 novembre 1999 - dont les éléments
correspondaient
aux constatations faites à l'époque par la doctoresse A.________ dans
son
rapport -, s'est modifiée entre-temps par l'apparition de troubles
d'ordre
psychique invalidants.
Le docteur E.________, qui a effectué un consilium psychiatrique à la
demande
du docteur C.________, a considéré que l'état dépressif limitait la
capacité
de travail d'environ 50 % pour une longue durée et que l'assurée
était en
mesure de faire l'effort que l'on était en droit d'attendre d'elle
pour
poursuivre son activité habituelle, à condition de tenir compte de la
diminution de sa capacité de travail. Dans son expertise, le docteur
C.________ a indiqué qu'il en résultait une limitation complète de
toutes les
activités de la patiente. A la question « Quel taux d'incapacité de
travail
en pourcent considérez-vous comme justifié dans l'exercice d'une
activité
adaptée à 85 % et comme ménagère à 15 % », ce spécialiste a répondu :
«Sur le
plan purement somatique, les séquelles de l'accident sont actuellement
minimes et n'entraînent aucune limitation de ses activités, en dehors
des
efforts qu'on peut attendre d'elle (syndrome de déconditionnement
depuis 4
ans). Le problème principal de cette patiente est une décompensation
dépressive majeure et sévère, entraînant, selon l'estimation de
l'expert, une
limitation de sa capacité de travail d'environ 50 %». Sous la rubrique
relative aux limitations fonctionnelles découlant de
l'atteinte à la
santé,
le docteur C.________ a indiqué que l'état dépressif grave justifiait
actuellement une incapacité de travail évaluée à 50 % dans toute
activité.
Conformément à la jurisprudence (arrêt précité R. du 4 février 2003),
l'enquête économique sur le ménage effectuée par l'office AI n'est
donc pas
propre à établir l'empêchement subi par la recourante dans l'exercice
de ses
activités ménagères. Il y a lieu dès lors de se référer aux
constatations
médicales. Selon les pièces versées au dossier, l'assurée est
incapable à 50
% d'exercer toute activité en raison de l'état dépressif grave dont
elle est
atteinte. Dès lors que cet empêchement n'a pas été évalué plus
précisément et
de manière spécifique par rapport aux activités considérées, il n'est
pas
possible d'appliquer la méthode d'évaluation mixte ni de calculer le
degré
d'invalidité de la recourante. Dans ces circonstances, il convient de
renvoyer l'affaire à l'administration pour instruction complémentaire
et
nouvelle décision sur le droit de l'assurée à une rente d'invalidité.

4.
La recourante, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de
dépens
pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art.
135 OJ).
Le tribunal cantonal des assurances statuera sur les dépens de
l'instance
cantonale (art. 85 al. 2 let. f LAVS, applicable en l'espèce en
liaison avec
l'art. 69 LAI (teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002), le
jugement
attaqué ayant été rendu avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier
2003, de
l'art. 61 let. g LPGA; ATF 129 V 113).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal cantonal des
assurances du
canton du Valais, du 26 juin 2002, et les décisions administratives
litigieuses du 13 décembre 2001 sont annulés, la cause étant renvoyée
à
l'Office cantonal AI du Valais pour instruction complémentaire au
sens des
considérants et nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office cantonal AI du Valais versera à la recourante la somme de
1'500 fr.
(y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre de dépens pour
l'instance
fédérale.

4.
Le Tribunal cantonal des assurances du canton du Valais statuera sur
les
dépens pour la procédure de première instance, au regard de l'issue
du procès
de dernière instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Caisse de
compensation AVS
des bouchers, Berne, au Tribunal cantonal des assurances et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 14 août 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Juge présidant la IIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.497/02
Date de la décision : 14/08/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-08-14;i.497.02 ?
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