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14/08/2003 | SUISSE | N°1P.331/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 août 2003, 1P.331/2003


{T 0/2}
1P.331/2003/col

Arrêt du 14 août 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

X. ________,
recourant, représenté par Me Alireza Moghaddam, avocat, rue de
Montchoisy 2,
1207 Genève,

contre

Y.________,
intimée, représentée par Me Lorella Bertani, avocate, boulevard
Georges-Favon
14, case postale 5129,
1211 Genève 11,
Procureur général du canton de Genèv

e,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565,
1211 Genève 3,
Cour de cassation du canton de Genève,
place du Bourg-de-F...

{T 0/2}
1P.331/2003/col

Arrêt du 14 août 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour
et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

X. ________,
recourant, représenté par Me Alireza Moghaddam, avocat, rue de
Montchoisy 2,
1207 Genève,

contre

Y.________,
intimée, représentée par Me Lorella Bertani, avocate, boulevard
Georges-Favon
14, case postale 5129,
1211 Genève 11,
Procureur général du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565,
1211 Genève 3,
Cour de cassation du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108,
1211 Genève 3.

procédure pénale; révision; appréciation des preuves,

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation du
canton de
Genève du 11 avril 2003.

Faits:

A.
Par arrêt du 5 mars 1997, la Cour d'assises du canton de Genève a
condamné
X.________, ressortissant serbe né le 19 mai 1957, à la peine de dix
ans de
réclusion et à son expulsion à vie du territoire suisse, pour viols
et recel.
Elle a par ailleurs révoqué le sursis accordé par le Juge
d'instruction de
Genève le 23 mai 1996 à une précédente peine de deux mois
d'emprisonnement
pour infraction à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des
étrangers, vol et faux dans les certificats et titres étrangers.
Les jurés ont retenu que X.________ s'était rendu coupable de trois
viols
commis les 25 juin, 30 juin et 15 juillet 1996 sur la personne de
Y.________.
Ils se sont déclarés convaincus de la véracité des déclarations
constantes et
cohérentes dans ses éléments essentiels de la victime, unanimement
décrite
comme une jeune fille équilibrée, franche, honnête, loyale et fidèle
en
amitié, n'étant ni menteuse, ni aguicheuse. Ils ont considéré que son
attitude après les événements du 15 juillet 1996 attestait de la
réalité du
traumatisme subi et renforçait la crédibilité de ses dires, montrant
notamment qu'elle n'était pas consentante pour entretenir des
relations
sexuelles avec l'accusé, dépeint comme un homme à la forte
personnalité,
dominateur, sûr de lui et porteur d'une violence à peine contenue
lorsqu'il
s'adressait à la partie civile.
La Cour de cassation du canton de Genève (ci-après: la Cour de
cassation ou
la cour cantonale) et le Tribunal fédéral ont successivement confirmé
ce
jugement par arrêts des 7 novembre 1997 et 16 mars 1998.

B.
Le 16 janvier 2003, X.________ a demandé la révision de l'arrêt de la
Cour
d'assises du 5 mars 1997. Il se prévalait de plusieurs témoignages qui
démontreraient que Y.________ était une menteuse et une aguicheuse,
contrairement à ce que les jurés avaient retenu. Il dénonçait
également une
violation des règles de la procédure pénale cantonale qui traitent de
l'isolement des jurés lors de leurs délibérations dans un local gardé
par la
gendarmerie, en se référant à la déclaration du chef du jury, suivant
laquelle il y avait un va-et-vient continu dans cette pièce lors de la
délibération sur la culpabilité de l'accusé, ce qui aurait contribué à
déconcentrer les juges.
Statuant par arrêt du 11 avril 2003, la Cour de cassation a rejeté la
demande
de révision. Elle a considéré que le qualificatif dépréciatif
d'"allumeuse"
accolé à Y.________ sept ans après les faits par trois personnes
qu'elle
n'avait fréquentées que peu de temps ne revêtait pas un caractère
"sérieux"
et "causal" propre à ouvrir la voie de la révision. Le fait que la
jeune
femme aurait fumé du cannabis en partageant des caresses avec
X.________ peu
avant le second viol dont elle prétendait avoir été la victime
n'excluait
nullement, une fois les préliminaires achevées, que celle-ci ait
opposé un
refus aux relations sexuelles que le demandeur allait lui imposer par
la
suite, après l'avoir rejointe chez elle. Enfin, supposé établi, le
fait que
les jurés de la Cour d'assises ne seraient pas restés constamment
enfermés
pendant leurs délibérations en violation des art. 310 al. 2 et 311 du
Code de
procédure pénale genevois (CPP gen.) était de nature strictement
procédurale,
sans rapport aucun avec la culpabilité ou l'innocence du demandeur,
et ne
constituait dès lors pas un motif de révision.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer la cause à la
Cour de
cassation afin qu'elle lui accorde le renvoi de sa cause devant une
nouvelle
Cour d'assises en vue d'un nouveau jugement. Il voit une violation de
son
droit d'être entendu dans le fait que son conseil a été interrompu à
huit
reprises par le Président de la Cour de cassation durant sa
plaidoirie, avant
de finalement renoncer à plaider. Il reproche à la cour cantonale
d'avoir
dénié de manière arbitraire la pertinence des faits nouveaux invoqués
à
l'appui de sa demande de révision. Il prétend ne pas avoir bénéficié
d'un
procès équitable en raison du non-respect des règles de procédure
relatives à
la délibération du jury, le Président de la Cour d'assises ayant
démontré sa
partialité en tolérant cette situation. Il requiert l'assistance
judiciaire.
La Cour de cassation a présenté de brèves observations. Le Procureur
général
du canton de Genève et Y.________ concluent au rejet du recours, cette
dernière sollicitant en outre la prise en charge de ses dépens par la
Caisse
du Tribunal fédéral.
Les parties à la procédure, ainsi que le détective privé mandaté par
X.________, ont déposé spontanément de nouvelles écritures.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 185 consid. 1 p. 188; 129 II 225
consid. 1 p.
227 et la jurisprudence citée).

1.1 A teneur de l'art. 84 al. 2 OJ, le recours de droit public n'est
recevable que dans la mesure où les griefs présentés ne peuvent pas
être
soumis au Tribunal fédéral par un autre moyen de droit, tel que le
pourvoi en
nullité (art. 268 ss PPF; ATF 128 I 3 consid. 1a p. 6; 126 I 97
consid. 1c p.
101; 124 I 223 consid. 1a p. 224; 123 I 313 consid. 1a p. 315).
Celui-ci est
ouvert contre les jugements cantonaux relatifs à des infractions de
droit
pénal fédéral, mais seulement pour violation du droit fédéral; il ne
permet
de critiquer ni les constatations de fait et leur appréciation, ni
l'application du droit cantonal (art. 247, 268 ch. 1, 269 al. 1, 273
al. 1
let. b PPF; ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83; 121 IV 104 consid. 2b p.
107).
Ces points - mais eux seuls - peuvent donc être contestés par la voie
du
recours de droit public.
En tant que le litige a pour objet le rejet d'une demande de révision
et que
cette décision pourrait être contraire à l'art. 397 CP, le recours de
droit
public permet de faire valoir que les faits ou moyens de preuve
prétendument
nouveaux, allégués ou offerts à l'appui de cette demande, ont été
arbitrairement considérés comme déjà invoqués devant le premier juge,
ou
arbitrairement considérés comme insuffisamment vraisemblables ou
convaincants, et ainsi inaptes à modifier les constatations
déterminantes
pour l'application du droit (ATF 122 IV 66 consid. 2a p. 67; 116 IV
353
consid. 2b p. 356; 109 IV 173 et les références citées).
Le recours de droit public est à cet égard recevable, dans la mesure
où la
contestation porte sur l'appréciation anticipée des nouveaux moyens de
preuves offerts par le recourant. C'est également par cette voie que
le
recourant doit se plaindre d'une atteinte à ses droits
constitutionnels ou
conventionnels, tels que le droit d'être entendu garanti à l'art. 29
al. 2
Cst. ou le droit à un procès équitable déduit de l'art. 6 § 1 CEDH
(ATF 127 I
133 consid. 3 p. 135; 127 IV 215 consid. 2d p. 218).

1.2 Le recourant est directement touché par l'arrêt attaqué qui
rejette sa
demande de révision d'un jugement pénal le condamnant à dix ans de
réclusion
et à son expulsion à vie du territoire suisse; il a qualité pour agir
selon
l'art. 88 OJ (ATF 127 I 133 consid. 3 p. 135). Les conclusions qui
vont
au-delà de la simple annulation de l'arrêt attaqué sont irrecevables,
dans la
mesure où aucune des exceptions à la nature cassatoire du recours de
droit
public ne sont réunies (ATF 129 I 129 consid. 1.2.1 p. 131/132, 173
consid.
1.5 p. 176); il en va de même des griefs qui portent sur
l'appréciation de
faits déjà soumis à la Cour d'assises (ATF 122 IV 66 consid. 2b p.
68/69).
Sous ces réserves, il y a lieu d'entrer en matière sur le recours qui
répond
aux conditions des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ.

2.
Dans un argument formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, le
recourant voit une violation de son droit d'être entendu dans le fait
que le
Président de la Cour de cassation a interrompu à huit reprises la
plaidoirie
de son conseil, avant que celui-ci ne se taise, l'empêchant ainsi
d'étayer
ses arguments. Il n'indique pas les dispositions de la Constitution
fédérale
ou du droit cantonal de procédure qui auraient été violées,
contrairement aux
exigences de motivation déduites de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF
129 I 185
consid. 1.6 p. 189). La recevabilité du recours sur ce point peut
rester
ouverte, car le grief est de toute manière mal fondé.
Le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. n'implique pas
celui
de s'exprimer oralement, sous forme de plaidoiries, devant l'autorité
appelée
à statuer; il n'en va autrement que si la loi cantonale le prévoit
(ATF 125 I
209 consid. 9b p. 219). Cette jurisprudence s'applique aussi à la
procédure
de révision (ATF 107 Ia 102 consid. 2a in fine p. 103). L'art. 361
CPP gen.
prévoit expressément que la demande de révision est soutenue au cours
d'une
audience publique à laquelle le demandeur est libre d'assister. Le
droit
cantonal va donc plus loin que le droit constitutionnel fédéral en
accordant
au demandeur en révision un droit de plaider. Il ne précise en
revanche pas
s'il s'agit d'un droit inconditionnel ou si celui-ci peut être limité
par le
Président de la Cour de cassation aux points pertinents pour l'issue
du
litige.
Cette question peut demeurer indécise. Le conseil du recourant a pris
le
parti de se taire après avoir été invité une ultime fois à centrer sa
plaidoirie sur les éléments essentiels pour le litige, sans indiquer
au
Président de la Cour de cassation les points qu'il entendait encore
développer. On peut dès lors se demander si le recourant est encore
habilité
à se plaindre d'une violation de son droit de plaider. Quoi qu'il en
soit, il
ne démontre pas avoir été empêché de faire valoir des éléments
décisifs pour
apprécier le bien-fondé de sa demande en révision, par les
interventions
successives du Président de la Cour de cassation. Selon ses dires, la
plaidoirie n'avait pas pour but de rapporter d'autres faits nouveaux
que ceux
évoqués à l'appui de sa demande, mais elle devait permettre d'étayer
son
argumentation, "notamment en ce qui concerne l'épisode d'un de ses
précédents
conseils qui contre son gré aurait pris le parti de ne pas
auditionner les
témoins qu'il désirait faire entendre". Outre que ce point avait déjà
été
évoqué dans le mémoire écrit, il est dénué de toute pertinence, dans
la
mesure où la Cour de cassation a reconnu à juste titre la qualité de
moyens
de preuve nouveaux à ces témoignages, nonobstant le fait que le
recourant
aurait pu les obtenir dans le cadre de la procédure pénale ayant
abouti à
l'arrêt de la Cour d'assises du 5 mars 1997 (François de Montmollin,
La
révision pénale selon l'article 397 CPS et les lois vaudoises, thèse
Lausanne
1981, p. 120; cf. dans le même sens, Yves Maunoir, La revision pénale
en
droit suisse et genevois, thèse Genève 1950, p. 143/144). Dans ces
conditions, une éventuelle violation du droit cantonal de procédure
n'aurait
pas été de nature à conduire à l'annulation de l'arrêt attaqué.
Pour autant qu'il soit recevable, le recours est mal fondé en tant
qu'il
porte sur une violation du droit d'être entendu.

3.
Le recourant reproche à la Cour de cassation d'avoir arbitrairement
dénié
toute pertinence aux témoignages produits à l'appui de sa demande de
révision
alors qu'ils contrediraient l'arrêt de la Cour d'assises du 5 mars
1997 en
tant qu'il retient que Y.________ n'était ni une menteuse, ni une
aguicheuse.
Ces déclarations seraient d'une importance capitale dans la mesure où
elles
conforteraient sa version des faits selon laquelle il aurait répondu
aux
avances de la prétendue victime.

3.1 Aux termes des art. 397 CP et 357 al. 1 let. c CPP gen., la voie
de la
revision est ouverte lorsque des faits ou des moyens de preuve
sérieux, de
nature à établir l'innocence du condamné ou à faire douter de la
légitimité
de la condamnation, et dont le juge n'avait pas eu connaissance,
viennent à
être invoqués. Les faits ou moyens de preuve sont nouveaux, au sens
de ces
dispositions, lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où
il
s'est prononcé, autrement dit ne lui ont pas été soumis sous quelque
forme
que ce soit (ATF 122 IV 66 consid. 2a p. 67; 120 IV 246 consid. 2a p.
248;
117 IV 40 consid. 2a p. 42; 116 IV 353 consid. 3a p. 357) ou n'en a
manifestement pas pris connaissance par suite d'une inadvertance (ATF
122 IV
66 consid. 2b p. 68). Ils sont sérieux lorsqu'ils sont propres à
ébranler les
constatations de fait sur lesquels se fonde la condamnation et qu'un

état de
fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus
favorable au
condamné (ATF 122 IV 66 consid. 2a p. 67 et les arrêts cités).

3.2 Pour démontrer que Y.________ est une menteuse, X.________ se
prévaut du
témoignage de A.________. Ce dernier aurait trouvé le recourant et
l'intimée
en train de fumer ensemble des joints et de se caresser mutuellement
le soir
du second viol en rentrant à son domicile, alors que la jeune femme
avait
constamment nié toute consommation de cannabis. A.________ n'a jamais
évoqué
ces faits dans le cadre de la procédure pénale ayant abouti à l'arrêt
de la
Cour d'assises du 5 mars 1997, alors même qu'il a été entendu à deux
reprises
durant l'instruction, par la police et le Juge d'instruction en
charge du
dossier, puis encore une fois à l'audience de jugement, à la requête
du
recourant. Certes, il affirme que la police n'a pas enregistré les
déclarations à décharge; il ne prétend cependant pas avoir allégué
les faits
précités lors de son audition devant le Juge d'instruction, à laquelle
assistait le conseil du recourant, ou encore devant la Cour d'assises
ni
d'avoir été empêché de le faire. La Cour de cassation pouvait dès lors
accorder aux propos de ce témoin une valeur moindre qu'une déclaration
spontanée, ce d'autant qu'ils sont en contradiction avec les
affirmations
concordantes de la victime et de la meilleure amie de la partie
civile,
B.________, suivant lesquelles Y.________ ne fumait pas, mais avait
essayé de
fumer un joint alors qu'elles se trouvaient ensemble avec le
recourant. Quoi
qu'il en soit, le fait que Y.________ aurait menti en déclarant ne
jamais
consommer de cannabis ne suffit pas encore à établir qu'elle serait
une
menteuse pathologique, comme l'a toujours prétendu le recourant, et,
partant,
à entacher de suspicion l'ensemble de ses déclarations quant aux
prétendus
viols dont elle prétendait avoir été la victime. La Cour d'assises a
d'ailleurs conclu à la culpabilité du recourant sur un faisceau
d'indices,
dont le fait qu'elle n'était pas une menteuse n'est qu'un élément
parmi
d'autres.
De même, le fait que Y.________ ait partagé des caresses avec le
recourant le
soir du 30 juin 1996 n'exclut nullement que par la suite, elle aurait
été
violée, pour les raisons pertinentes évoquées par la cour cantonale.
Au
regard de la liberté d'appréciation qui était la sienne, celle-ci n'a
donc
pas fait preuve d'arbitraire en considérant que le témoignage de
A.________
n'était pas de nature à ébranler la conviction des jurés de la Cour
d'assises
et que l'état de fait modifié en ce sens n'était pas de nature à faire
apparaître un nouveau jugement plus favorable comme possible.

3.3 Le recourant se fonde également sur les témoignages de
A.________, de
B.________ et de C.________ pour tenter de démontrer que Y.________
était une
aguicheuse.

A. ________ s'est borné sur ce point à rapporter les déclarations de
l'ancien
ami de Y.________, D.________, qui considérait la jeune femme comme
une
"salope". Or, celui-ci n'a jamais tenu de tels propos au détective
privé
mandaté par le recourant qui l'a interrogé après son entretien avec
A.________. Il a juste précisé qu'ils s'étaient quittés en amis au
terme de
leur relation, sans jamais se revoir. Dans ces conditions, la Cour de
cassation pouvait admettre de manière soutenable que les propos de
A.________
n'étaient pas de nature à ébranler la conviction des premiers juges.

B. ________ aurait pour sa part déclaré au détective privé engagé par
le
recourant qu'elle ne croyait pas à la thèse du viol répété et que
Y.________
était une "allumeuse". Cette dernière affirmation est en
contradiction avec
les déclarations que ce témoin a faites au cours de l'instruction
pénale; en
effet, B.________ a déclaré qu'elle ne considérait pas Y.________
comme une
aguicheuse, étant donné qu'elle avait eu une relation stable pendant
trois
ans, et qu'elle ne l'avait jamais vue chercher à tout prix à sortir
avec des
hommes. Dans ces circonstances, la Cour de cassation pouvait sans
arbitraire
admettre que ces propos n'étaient pas de nature à entraîner une
modification
de l'appréciation du jury de la Cour d'assises quant à la culpabilité
du
recourant. Le fait que B.________ ne croyait pas à la réalité des
trois viols
dont son amie aurait fait l'objet ne permet pas d'appréhender son
témoignage
de manière différente, dès lors que la jeune femme avait déjà fait
part de
ses doutes durant la procédure pénale. Il ne s'agit au demeurant pas
d'un
fait nouveau au sens des art. 397 CP et 357 CPP gen., mais d'une
appréciation
personnelle qui n'ouvre pas la voie de la révision (cf. arrêt
1P.212/2002 du
23 juillet 2002 consid. 5 résumé à la SJ 2003 I p. 13; voir aussi
Robert
Hauser/Erhard Schweri, Schweizerisches Strafprozessrecht, 5e éd.,
Bâle 2002,
ch. 19 ad § 102, p. 480).
Dans une déclaration écrite recueillie le 19 octobre 1999 dans le
cadre de la
procédure pénale ouverte contre le recourant pour des menaces
proférées à
l'encontre de la partie civile, C.________ s'est dit très surpris par
les
faits décrits par Y.________, en précisant avoir pu constater que
cette
dernière avait parfois un comportement d'allumeuse. Le 5 avril 2002,
il
aurait affirmé au détective privé engagé par le recourant que
Y.________ "ne
serait qu'une allumeuse qui ne parle que de sexe". C.________ a
déclaré
n'avoir vu qu'une seule fois le recourant lors d'une fête qu'il avait
organisée en été 1996 à laquelle celui-ci s'était rendu en compagnie
de
B.________ et de Y.________, qu'il connaissait depuis une année ou
deux. Il
ne prétend nullement qu'à cette occasion, cette dernière aurait eu un
comportement aguicheur vis-à-vis du recourant. La cour cantonale n'a
ainsi
pas fait preuve d'arbitraire en refusant de voir dans ces
déclarations un
élément sérieux permettant de retenir que Y.________ était une
allumeuse et
d'ébranler la conviction des juges.

3.4 Pour le surplus, E.________ s'est bornée à faire part de son avis
suivant
lequel les accusations de viol portées à l'encontre de X.________ ne
concordaient pas avec la nature des relations que ce dernier semblait
entretenir avec la victime. A ce sujet, elle a précisé avoir
rencontré à
trois reprises le recourant, toujours en compagnie de l'intimée et de
sa
soeur B.________, deux fois dans un café, une fois dans l'appartement
que
celui-ci partageait avec A.________. Elle a qualifié d'amicaux et de
bienveillants les rapports entre X.________ et Y.________, sans
pouvoir dire
qu'ils sortaient ensemble. Elle a indiqué qu'ils avaient l'air de
s'entendre
parfaitement, Y.________ ne manifestant aucune gêne à l'égard du
recourant.
Il s'agit d'impressions purement personnelles, qui ne constituent pas
des
faits ou des moyens de preuve nouveaux, de nature à mettre en cause
l'appréciation du jury fondée sur l'ensemble des faits de la
procédure; le
jury a du reste considéré qu'il était parfaitement concevable que
pour sauver
sa relation avec B.________, sa meilleure si ce n'est sa seule amie,
qu'elle
considérait comme la maîtresse du recourant, Y.________ ne lui ait
rien dit
et ait continué à voir l'accusé en présence de tiers. Il a donc donné
une
explication plausible du comportement a priori étonnant de la partie
civile,
qui a attendu le troisième viol pour déposer plainte contre le
recourant. Les
nouveaux témoignages qui mettent en doute la crédibilité des
accusations
portées par Y.________ ne sont donc pas des éléments de fait nouveaux
susceptibles d'ébranler la conviction des jurés.

3.5 Quant à F.________, il s'est borné à relater le déroulement de la
soirée
au cours de laquelle le recourant aurait violé pour la troisième fois
Y.________. X.________ serait venu à son domicile vers 18h30 dans un
état de
panique, car la jeune femme aurait quitté l'appartement vêtue d'une
seule
chemise. Il aurait essayé en vain de la joindre par téléphone. Par la
suite,
il se serait rendu au domicile du recourant vers 21h00; il aurait vu
les
vêtements de la jeune fille en tas, par terre. Après avoir vainement
tenté de
l'atteindre par téléphone, ils seraient allés tous les deux au
domicile de la
jeune femme pour lui restituer ses affaires, qu'ils ont laissées sur
la
poignée de la porte. Le recourant entend tirer de ce témoignage la
conclusion
qu'il n'aurait jamais adopté un tel comportement s'il avait
effectivement
violé la jeune femme. Or, il avait déjà indiqué au cours de la
procédure
avoir cherché à appeler Y.________ chez elle sans succès et s'être
rendu
ensuite au domicile de la jeune femme pour lui rapporter ses
vêtements. Les
déclarations de F.________ n'apportent donc aucun élément nouveau que
les
premiers juges auraient ignorés. La Cour de cassation a estimé à
juste titre
qu'elles n'étaient pas en mesure de remettre en cause l'appréciation
du jury
sur la culpabilité du recourant.

3.6 Vu ce qui précède, la cour cantonale n'est pas tombée dans
l'arbitraire
en considérant que les faits et moyens de preuves nouveaux invoqués
par
X.________ n'auraient pas pu amener la Cour d'assises à statuer
différemment
si elle en avait eu connaissance dans la procédure principale et en
rejetant
la demande de révision pour ce motif.

4.
Invoquant l'art. 6 § 1 CEDH, le recourant estime ne pas avoir
bénéficié d'un
procès équitable dans la mesure où le jury aurait délibéré dans des
conditions qui ne satisfont pas les exigences de la procédure pénale
cantonale; par ailleurs, en tolérant cet état de fait, le Président
de la
Cour d'assises aurait démontré son manque d'impartialité.
L'intimée conclut sur ce point à l'irrecevabilité du recours, au
motif que
l'irrégularité alléguée reposerait sur les déclarations de jurés de
la Cour
d'assises recueillies en violation du secret des délibérations. La
recevabilité d'une demande de révision fondée sur des moyens de preuve
nouveaux obtenus en contravention avec le droit pénal matériel est
sujette à
controverse, certains auteurs l'admettant lorsqu'il s'agit d'une
preuve à
décharge au motif que le prévenu devrait être autorisé à faire la
preuve de
son innocence par tout moyen, même illégal (cf. Jérôme Bénédict, Le
sort des
preuves illégales dans le procès pénal, thèse Lausanne 1994, p. 273).
Cette
question peut cependant demeurer indécise, car supposé recevable, le
grief
serait de toute manière infondé.
La violation de règles essentielles de procédure doit en principe être
invoquée dans le cadre des voies de recours ordinaires. Ni l'art. 397
CP, ni
l'art. 357 CPP gen. n'en font un motif de révision absolu, lorsque le
vice de
procédure est découvert après l'entrée en force du jugement. Un tel
vice ne
pourrait donc être pris en compte que dans le cadre de l'art. 357 al.
1 let.
c CPP gen., à la condition qu'il ait exercé une influence sur la
condamnation
du requérant en revision (cf. arrêt 6P.181/2001 du 6 février 2002,
consid.
2b; voir également Stephan Gass, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch
II, Bâle
2003, ch. 51 ad art. 397, p. 2469; Gérard Piquerez, Procédure pénale
jurassienne, Delémont 2002, p. 440; Jérôme Bénédict, op. cit. p.
272/273;
Hans Walder, Die Wiederaufnahme des Verfahrens in Strafsachen nach
Art. 397
StGB, in: Berner Festgabe zum schweizerischen Juristentag 1979, p.
342;
François de Montmollin, op. cit., p. 97/98).
La cour cantonale n'a nullement ignoré cette jurisprudence; elle a au
contraire considéré que la violation alléguée des règles relatives à
la
délibération du jury n'avait eu aucune incidence sur la culpabilité ou
l'innocence du demandeur en revision. Ces considérations échappent au
grief
d'arbitraire, au regard des propos des deux jurés rapportés par le
détective
privé engagé par le recourant. La présidente du jury s'est en effet
limitée à
déclarer qu'il y avait un va-et-vient continu dans la salle des
délibérations
lorsque les jurés ont délibéré sur la culpabilité du recourant; elle
n'a en
revanche jamais affirmé que cette circonstance aurait empêché les
jurés de
rendre un verdict dans les conditions de sérénité nécessaires au
prononcé
d'un jugement exempt d'arbitraire. Le second membre du jury n'a
d'ailleurs
rien dit à ce sujet, mais s'est borné à confirmer que le Président de
la Cour
d'assises était présent lors des délibérations des jurés, mais qu'il
n'avait
pas pris parti à cette occasion et n'avait en rien tenté d'influencer
les
membres du jury. Cela étant, il n'est pas arbitraire d'admettre que
les
conditions dans lesquelles se sont déroulées les délibérations du
jury n'ont
pas eu d'influence déterminante sur l'issue des débats et, en
particulier,
sur les constatations de fait et les considérants en droit retenus
par la
Cour d'assises dans son arrêt du 5 mars 1997, comme l'a retenu la cour
cantonale. Supposée établie, la violation alléguée des art. 310 et
311 CPP
gen. ne constitue pas un fait nouveau de nature à rendre possible le
prononcé
d'un jugement plus favorable au recourant.
Pour autant qu'il soit recevable, le recours est donc également mal
fondé
sous cet angle.

5.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est
recevable. Les conditions posées à l'art. 152 al. 1 OJ étant réunies,
il
convient de faire droit à la demande d'assistance judiciaire
présentée par le
recourant et de statuer sans frais. Me Alireza Moghaddam est désigné
comme
avocat d'office de X.________ pour la présente procédure et une
indemnité lui

sera versée à la charge de la Caisse du Tribunal fédéral (art. 152
al. 2 OJ).
L'octroi de l'assistance judiciaire ne dispense nullement celui-ci de
verser
une indemnité de dépens à l'intimée, qui obtient gain de cause avec
l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ). Cette dernière a conclu
à ce
que les dépens qui lui sont dus soient pris en charge par la Caisse du
Tribunal fédéral; l'admission d'une telle conclusion présuppose que
l'intimée
ait d'emblée requis l'assistance judiciaire et que les conditions
posées à
l'octroi de celle-ci soient réunies. Or, Y.________ n'a pas
formellement
demandé l'assistance judiciaire dans sa réponse au recours, en
précisant
avoir renoncé à entreprendre une telle démarche devant les autorités
cantonales en raison des menaces dont elle a fait l'objet de la part
du
recourant. Par ailleurs, elle n'a produit aucune pièce attestant de
son
indigence. Dans ces conditions, il ne saurait être fait droit à sa
conclusion
tendant à ce que les dépens soient pris en charge par la Caisse du
Tribunal
fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Le recourant est mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. Me
Alireza
Moghaddam est désigné comme mandataire d'office et une indemnité de
1'500 fr.
lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la Caisse du
Tribunal
fédéral.

3.
Il n'est pas prélevé d'émolument judiciaire.

4.
Une indemnité de 1'800 fr. est allouée à l'intimée à titre de dépens,
à la
charge du recourant.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
ainsi
qu'au Procureur général et à la Cour de cassation du canton de Genève.

Lausanne, le 14 août 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.331/2003
Date de la décision : 14/08/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-08-14;1p.331.2003 ?
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