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13/08/2003 | SUISSE | N°I.790/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 août 2003, I.790/01


{T 7}
I 790/01

Arrêt du 13 août 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffier : M.
Berthoud

P.________, recourante, représentée par le centre X.________,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue
Edmond-Vaucher 18,
1203 Genève, intimé

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes
résidant à l'étranger, Lausanne

(Jugement du 12 novembre 2001)

Faits:

A.
A.a Née en 1967,

P.________ a travaillé en qualité d'ouvrière dans
une usine
de câblage. Invoquant de fortes douleurs dorsales, elle s'est
annoncée à
...

{T 7}
I 790/01

Arrêt du 13 août 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffier : M.
Berthoud

P.________, recourante, représentée par le centre X.________,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue
Edmond-Vaucher 18,
1203 Genève, intimé

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes
résidant à l'étranger, Lausanne

(Jugement du 12 novembre 2001)

Faits:

A.
A.a Née en 1967, P.________ a travaillé en qualité d'ouvrière dans
une usine
de câblage. Invoquant de fortes douleurs dorsales, elle s'est
annoncée à
l'assurance-invalidité le 11 juillet 1995.

La doctoresse A.________, spécialiste en médecine interne et
rhumatologie, a
diagnostiqué des rachialgies chroniques (cervico-brachialgies et
céphalées,
lombalgies d'allure mécanique sans atteinte radiculaire des membres
inférieurs), en précisant que les traitements entrepris n'avaient pas
pu
faire disparaître les douleurs. A son avis, la capacité de travail de
l'assurée s'élevait à 50 % et des mesures professionnelles ne
paraissaient
pas indiquées, car un reclassement ne permettrait pas d'augmenter la
capacité
de travail (rapport du 7 septembre 1995).

De son côté, le docteur B.________, spécialiste en neurologie, a
constaté
l'absence de syndrome cervical ou lombo-vertébral. Se déclarant
embarrassé
pour poser un diagnostic, il a recommandé de procéder à une évaluation
psychiatrique (rapport du 25 janvier 1996).

Dans une appréciation du 25 mars 1996, le médecin-conseil de l'Office
AI pour
le canton de Vaud (ci-après : l'office) a constaté qu'une incapacité
de
travail de 50 % était attesté depuis deux ans; il a proposé de
mandater la
doctoresse C.________, spécialiste en médecine interne et maladies
rhumatismales, afin qu'elle évalue la capacité de travail dans le
cadre d'une
révision du droit à la rente; le 12 avril 1996, l'administration a
informé
l'assurée que son taux d'invalidité s'élevait à 50 %. Par décision du
1er
juillet 1996, l'office a alloué une demi-rente d'invalidité à
P.________, à
partir du 1er mars 1995.

A.b La doctoresse C.________ s'est exprimée sur la capacité de
travail de
l'assurée, lors d'une première procédure de révision du droit à la
rente.
Dans son rapport du 22 janvier 1997, elle a relevé qu'il n'existait
pas de
substrat évident aux douleurs annoncées par la patiente, à
l'exception d'un
trouble statique rachidien modéré; le tableau clinique ne
correspondait pas à
une fibromyalgie et il n'était pas possible de déceler des signes de
dépression ou d'anxiété. Tout en indiquant que l'appréciation pouvait
paraître essentiellement basée sur une impression subjective, en
l'absence de
trouble somatique objectif évident, elle a conclu à un taux
d'incapacité de
travail en qualité d'ouvrière d'usine de 50 %; une nouvelle
appréciation
devrait intervenir une année plus tard.

Le 1er avril 1997, l'office a informé l'assurée que son droit à la
demi-rente
était maintenu.

A.c A l'occasion d'une nouvelle procédure de révision du droit à la
rente,
l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, désormais
compétent,
s'est enquis de la situation auprès de l'institut S.________ en
Espagne. Dans
un rapport du 30 mars 1999, le docteur D.________ a estimé que la
capacité de
travail de l'assurée était réduite de 33 %.

Cet office a confié un mandat d'expertise à la clinique R.________.
Les
docteurs E.________ et F.________ ont déposé leur rapport le 11
novembre
1999, après avoir pris l'avis de leurs confrères G.________ (cf.
consilium
psychiatrique du 2 novembre 1999) et H.________ (cf. consilium
neurologique
du 27 octobre 1999). Les experts sont parvenus à la conclusion que la
capacité de travail de l'assurée était entière, aussi bien dans les
travaux
ménagers que dans l'activité d'ouvrière dans une usine de câblage.

Dans un projet de décision du 6 juillet 2000, l'Office AI pour les
assurés
résidants à l'étranger a fait savoir à l'assurée qu'il envisageait de
supprimer la demi-rente d'invalidité, au motif qu'elle avait jadis été
allouée à tort. L'intéressée s'est déterminée en produisant des
rapports
émanant des docteurs I.________, du 24 juillet 2000, et J.________,
du 20
juillet 2000; elle a également remis une copie du rapport de la
doctoresse
C.________ du 22 janvier 1997.

Par décision du 4 octobre 2000, cet office a supprimé, par voie de
reconsidération, la rente à partir du 1er décembre 2000.

B.
P.________ a déféré cette décision à la Commission fédérale de
recours en
matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger, en
concluant au
maintien de la demi-rente. A l'appui de ses conclusions, elle a versé
au
dossier les avis des docteurs A.________, du 24 janvier 2001, et
K.________,
du 30 octobre 2000, qui estimaient tous deux qu'elle présentait un
taux
d'incapacité de travail, respectivement d'invalidité, supérieur à 50
%.
Par jugement du 12 novembre 2001, la commission a rejeté le recours.

C.
P.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
elle demande l'annulation, en concluant derechef au versement d'une
demi-rente d'invalidité. Elle requiert la mise en oeuvre d'une
nouvelle
expertise médicale.

L'intimé conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

La recourante a produit une réplique, sur laquelle l'intimé n'a pas
été
appelé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
Selon la jurisprudence, si les conditions prévues à l'art. 41 LAI font
défaut, l'administration peut en tout temps revenir sur une décision
formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle une
autorité
judiciaire ne s'est pas prononcée sous l'angle matériel, à condition
qu'elle
soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une
importance
notable. Le juge peut, le cas échéant, confirmer une décision de
révision
rendue à tort pour le motif substitué que la décision de rente
initiale était
sans nul doute erronée et que sa rectification revêt une importance
notable
(ATF 125 V 369 consid. 2 et les références).

Pour juger s'il est admissible de reconsidérer une décision, pour le
motif
qu'elle est sans nul doute erronée, il faut se fonder sur la situation
juridique existant au moment où la décision a été rendue, compte tenu
de la
pratique en vigueur à l'époque (ATF 119 V 479 consid. 1b/cc et les
références). Par le biais de la reconsidération, on corrigera une
application
initiale erronée du droit, de même qu'une constatation erronée
résultant de
l'appréciation des faits (ATF 117 V 17 consid. 2c, 115 V 314 consid.
4a/cc).
Une décision est sans nul doute erronée non seulement lorsqu'elle a
été prise
sur la base de règles de droit non correctes ou inappropriées, mais
aussi
lorsque des dispositions importantes n'ont pas été appliquées ou
l'ont été de
manière inappropriée (DTA 1996/97 no 28 p. 158 consid. 3c). Au regard
de la
sécurité juridique, une décision administrative entrée en force ne
doit
pouvoir être modifiée par le biais de la reconsidération que si elle
se
révèle manifestement erronée. Cette exigence permet que la
reconsidération ne
devienne un instrument autorisant sans autre un nouvel examen des
conditions
à la base des prestations de longue durée. En particulier, les organes
d'application ne sauraient procéder en tout temps à une nouvelle
appréciation
de la situation après un examen plus approfondi des faits. Ainsi, une
inexactitude manifeste ne saurait être admise lorsque l'octroi de la
prestation dépend de conditions matérielles dont l'examen suppose un
pouvoir
d'appréciation, quant à certains de leurs aspects ou de leurs
éléments, et
que la décision paraît admissible compte tenu de la situation de fait
et de
droit (arrêt B. du 19 décembre 2002, I 222/02, consid. 3.2, et les
références). Par ailleurs, on ne saurait supprimer ou diminuer une
rente par
voie de reconsidération si, depuis son octroi manifestement inexact,
des
modifications de l'état de fait (au sens de l'art. 41 LAI) justifient
de
retenir un taux d'invalidité suffisant pour que la prestation en
question
soit maintenue (même arrêt, consid. 5.1).

Il convient encore de préciser que la loi fédérale sur la partie
générale du
droit des assurances sociales (LPGA), du 6 octobre 2000, entrée en
vigueur le
1er janvier 2003, n'est pas applicable en l'espèce, le juge des
assurances
sociales n'ayant pas à tenir compte des modifications du droit ou de
l'état
de fait survenues après que la décision litigieuse (in casu du 4
octobre
2000) a été rendue (cf. ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid.
1b).

2.
Contrairement à ce que la recourante soutient, l'intimé n'a pas
supprimé sa
rente par la voie de la révision prévue à l'art. 41 LAI, mais en
procédant à
une reconsidération de la décision initiale de rente. Cela ressort en
effet
explicitement du texte de la décision litigieuse.

Il s'agit dès lors d'examiner si les conditions d'une reconsidération
étaient
remplies.

3.
3.1Lorsqu'il a rendu sa décision de rente, le 1er juillet 1996,
l'office
disposait d'avis médicaux contradictoires, dans la mesure où le
neurologue
B.________ (cf. rapport du 25 janvier 1996) avait expressément
déclaré qu'il
n'existait pas de syndrome cervical ou lombo-vertébral et qu'il
n'était pas
en mesure de confirmer le diagnostic somatique de sa consoeur
A.________ (cf.
rapport du 7 septembre 1995). L'administration s'est contentée de
statuer à
la lumière de l'appréciation de cette praticienne, alors qu'il lui eût
préalablement incombé d'élucider cette divergence (cf. art. 69 RAI) en
ordonnant une expertise médicale, mesure expressément préconisée par
le
docteur B.________. Il semble que l'administration ait préféré
remettre cet
examen à l'occasion d'une procédure de révision du droit à la rente
(voir la
note du médecin conseil de l'AI, du 25 mars 1996). L'office a ainsi
admis
l'existence d'une incapacité de travail invalidante, sans qu'un
substrat
médical concret, somatique ou psychique, n'ait été établi, en tenant
compte
uniquement des plaintes de l'assurée.

D'autre part, et de manière plus déterminante, en se fondant sur le
rapport
de la doctoresse A.________ du 7 septembre 1995, l'office a estimé
que la
capacité de travail de la recourante s'élevait à 50 % et que des
mesures
professionnelles n'auraient pas permis de l'augmenter. L'office en a
déduit
que le degré d'invalidité de la recourante était de 50 % et que seule
l'allocation d'une demi-rente d'invalidité entrait en ligne de
compte. Ce
faisant, l'office n'a pas non plus cherché à savoir, comme il aurait
dû le
faire (cf. art. 28 al. 2 LAI), si des mesures d'ordre professionnel
étaient
vraiment illusoires chez une assurée âgée de 28 ans à l'époque,
certes sans
formation professionnelle, mais qui avait fréquenté le collège (à
propos de
la priorité de réadaptation sur la rente, voir ATF 108 V 212 ss, 99 V
48).
Quant à la comparaison des revenus dont il est question à l'art. 28
al. 2
LAI, elle n'a simplement pas eu lieu, car l'administration a admis
sans autre
que la perte de gain subie par l'assurée (50 %) équivalait à la
diminution de
sa capacité de travail dans un emploi d'ouvrière d'usine.

En d'autres termes, en sus d'une instruction lacunaire au plan
médical, non
seulement la question de la priorité de la réadaptation sur la rente
n'a pas
été examinée en 1996, mais encore la méthode d'évaluation de
l'invalidité de
la recourante, appliquée à cette époque, n'était pas conforme à la
loi. A la
lumière de ce qui précède, la décision de l'office du 1er juillet 1996
apparaît manifestement erronée. Il en va de même de la décision
rendue le 1er
avril 1997, à l'issue de la première procédure de révision, l'office
n'ayant
derechef ni examiné les possibilités de réadaptation, ni procédé à une
comparaison des revenus.

3.2 Reste à déterminer le taux d'invalidité présenté par la
recourante.

3.2.1 Au terme de leur expertise du 11 novembre 1999, les médecins de
la
clinique R.________ ont posé le diagnostique de rachialgie chronique
et de
troubles statiques modérés; si la patiente présentait une hyperalgie
diffuse
de toute la musculature pararachidienne thoracique postérieure et
lombaire,
aucune limitation fonctionnelle majeure n'avait été mise en évidence.
Il n'y
avait aucune atteinte neurologique périphérique ou centrale, ni
d'affection
psychiatrique atteignant un seuil pathologique. La capacité de
travail était
entière, aucune affection somatique ou psychique susceptible de
légitimer une
incapacité de travail significative n'ayant été mise en évidence.

La recourante conteste la valeur probante de ce rapport d'expertise,
en
alléguant notamment que la clinique R.________ fait partie intégrante
de la
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) et que la
problématique de la fibromyalgie n'y a pas été abordée correctement.

3.2.2 Ces griefs sont mal fondés. En premier lieu, il convient de
rappeler
que lorsqu'un assuré est au bénéfice de prestations AI et LAA, le
seul fait
que l'office AI confie, dans le cadre de l'instruction d'un dossier,
un
mandat d'expertise à la clinique R.________ - laquelle est notoirement
rattachée à la CNA - ne permet pas en soi de douter de l'objectivité
et de
l'impartialité des
médecins qui y travaillent (consid. 3 de l'arrêt
B. du 26
juillet 2002, I 19/02). Or la recourante ne perçoit pas de
prestations de
l'assurance-accidents, si bien que la question de l'indépendance des
experts
à l'égard de l'AI ne se pose pas (sur ce sujet, voir également ATF
123 V 175
et RAMA 1999 n° U 332 p. 193). De plus, rien au dossier ne permet de
penser
que les experts auraient fait preuve de partialité à l'encontre de la
recourante.

3.2.3 En second lieu, les médecins de la clinique R.________ ont
procédé à
une anamnèse complète de la situation de la recourante (médicale,
familiale,
systémique et socio-professionnelle). Ils ont analysé les pièces
médicales au
dossier et procédé à de nombreux examens et bilans médicaux
(neurologiques,
ostéo-articulaire, psychiatrique). Ils ont entendu la recourante et
exposé de
manière circonstanciée l'incidence des douleurs sur la capacité de
travail,
avant d'exposer les raisons pour lesquelles la recourante dispose
d'une
capacité de travail entière, nonobstant les plaintes qu'elle exprime.
Remplissant tous les réquisits jurisprudentiels (cf. ATF 125 V 352
consid.
3a, 122 V 160 consid. 1c et les références) le rapport de ces experts
a
pleine valeur probante.
L'évaluation de la capacité de travail de la recourante par les
experts ne
peut sérieusement être remise en question par les rapports des
docteurs
J.________ et I.________ (cf. rapports des 20 et 24 juillet 2000),
car ces
praticiens s'expriment en quelques lignes sans motiver leur point de
vue.
Quant aux éléments mis en évidence par les docteurs K.________ et
A.________
(cf. rapports des 30 octobre 2000 et 24 janvier 2001), au demeurant
contradictoires, ils ont déjà été relevés dans le dossier de la
recourante,
discutés et écartés de manière convaincante par les médecins de la
clinique
de réadaptation. En outre, les docteurs K.________ et A.________
n'exposent
pas les raisons pour lesquelles il faudrait admettre que
l'appréciation des
experts - dont la tâche est précisément de mettre leurs connaissances
spéciales à la disposition de l'administration afin de l'éclairer sur
les
aspects médicaux d'un état de fait donné (cf. ATF 125 V 352 consid.
3b/aa et
les références) - serait sinon erronée, du moins sujette à
discussion. En
d'autres termes, les deux médecins traitants ne sont pas parvenus à
jeter le
doute sur la pertinence des conclusions de l'expertise, si bien que le
complément d'instruction médical que la recourante requiert en
procédure
fédérale s'avère superflu.

3.3 La recourante ne présentant pas d'incapacité de travail dans ses
activités ménagères ou comme ouvrière d'usine, l'intimé avait le
droit de
supprimer la décision de rente par voie de reconsidération, comme il
l'a fait
le 4 octobre 2000. Le recours est mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission
fédérale de
recours en matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger
et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 13 août 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.790/01
Date de la décision : 13/08/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-08-13;i.790.01 ?
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