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12/08/2003 | SUISSE | N°U.190/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 août 2003, U.190/02


{T 7}
U 190/02

Arrêt du 12 août 2003
IVe Chambre

MM. les Juges Rüedi, Meyer et Ferrari. Greffier : M. Beauverd

P.________, recourant, représenté par Me Caroline Könemann, avocate,
place de
la Taconnerie 5, 1204 Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 30 avril 2002)

Faits:

A.
P. ____

____, né en 1966, a travaillé en qualité de manoeuvre dans un
garage.
A ce titre, il était assuré obligatoirement contre le risqu...

{T 7}
U 190/02

Arrêt du 12 août 2003
IVe Chambre

MM. les Juges Rüedi, Meyer et Ferrari. Greffier : M. Beauverd

P.________, recourant, représenté par Me Caroline Könemann, avocate,
place de
la Taconnerie 5, 1204 Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service
juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 30 avril 2002)

Faits:

A.
P. ________, né en 1966, a travaillé en qualité de manoeuvre dans un
garage.
A ce titre, il était assuré obligatoirement contre le risque
d'accident
auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents
(CNA).

Le 16 septembre 1986, il a été victime d'un accident de la circulation
ensuite duquel il a subi une fracture ouverte du tibia droit et une
fracture-luxation du premier orteil du pied droit. La CNA a pris en
charge le
cas.

Par décision du 20 janvier 1995, elle a supprimé le droit de l'assuré
à des
prestations à partir du 31 janvier suivant, motif pris, d'une part,
que
l'intéressé ne souffrait plus de séquelles physiques de l'accident du
16
septembre 1986 et, d'autre part, qu'il n'existait pas de lien de
causalité
adéquate entre les troubles psychiques constatés et ledit accident.
Saisie
d'une opposition, la CNA l'a rejetée par décision du 5 janvier 1996.

B.
P.________ ayant recouru contre cette dernière décision, le Tribunal
administratif du canton de Genève (aujourd'hui, en matière
d'assurances
sociales : Tribunal cantonal des assurances sociales) par jugement du
28 août
1996, a renvoyé la cause à la CNA pour qu'elle complète l'instruction
en
mettant en oeuvre une expertise confiée à un spécialiste extérieur à
la CNA.
Celui-ci devait se prononcer sur l'existence éventuelle d'un lien de
causalité naturelle entre l'accident, d'une part, et l'état du dos et
de la
cheville droite, d'autre part, ainsi que sur la présence éventuelle
d'une
algoneurodystrophie. Enfin, l'expert devait se prononcer sur le taux
de
l'incapacité de travail et de l'atteinte à l'intégrité éventuelles.

C.
En accord avec le conseil de l'assuré, la CNA a confié une expertise
orthopédique au docteur A.________, spécialiste en orthopédie et
chirurgie
(rapport du 8 juin 1998), et une expertise psychiatrique au docteur
B.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (rapport du
30
novembre 1999).

Se fondant sur ces avis médicaux, la CNA a rendu une décision, le 6
avril
2000, par laquelle elle a supprimé le droit de l'assuré à des
prestations à
partir du 31 janvier 1995, hormis la prise en charge de supports
plantaires.
Saisie d'une opposition, elle l'a rejetée par décision du 28 août
2001.

D.
Par jugement du 30 avril 2002, le Tribunal administratif du canton de
Genève
a rejeté le recours formé par P.________ contre cette dernière
décision.

E.
Le prénommé interjette recours de droit administratif contre ce
jugement,
dont il demande l'annulation. Il conclut principalement au maintien
de son
droit à prestations au-delà du 31 janvier 1995, subsidiairement à
l'octroi, à
partir du 1er mai 1996, d'une rente d'invalidité fondée sur une
incapacité de
gain de 100 % et d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité, le tout
sous
suite de dépens.

L'intimée conclut implicitement au rejet du recours, tandis que
l'Office
fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer sur
celui-ci.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances
sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-accidents. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard
au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la
légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait
existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366
consid. 1b).

2.
Le litige porte sur le point de savoir si la CNA était fondée, par sa
décision sur opposition du 28 août 2001, à supprimer au 31 janvier
1995 le
droit du recourant à des prestations d'assurance.

L'obligation de l'intimée d'allouer, au-delà de cette date, des
prestations
pour l'accident dont le recourant a été victime suppose l'existence,
à ce
moment-là, d'un lien de causalité naturelle et adéquate entre cet
événement
et l'atteinte à la santé. Le jugement entrepris expose de manière
exacte et
complète les dispositions légales, ainsi que les principes
jurisprudentiels
concernant la causalité naturelle et adéquate. Il suffit donc d'y
renvoyer.

3.
3.1La juridiction cantonale a confirmé le point de vue de l'intimée,
selon
lequel il n'existe pas, au degré de la vraisemblance prépondérante,
de lien
de causalité naturelle entre les troubles du dos et ceux de la
cheville
droite, d'une part, et l'accident, d'autre part, ni d'éventuelles
séquelles
d'algoneurodystrophie. Elle s'est fondée pour cela sur le rapport
d'expertise
du docteur A.________ du 8 juin 1998. Selon ce médecin, l'état de la
jambe
droite, laquelle est parfaitement guérie, n'entraîne aucun
empêchement dans
l'activité professionnelle de l'assuré ni d'atteinte importante et
durable à
l'intégrité physique. Quant au pied droit, bien qu'il présente encore
des
séquelles sous la forme d'une arthrose modérée interphalangienne,
celles-ci
peuvent être compensées à l'aide de supports plantaires bien adaptés.
Au
demeurant, ces séquelles n'ont aucune influence sur la capacité de
travail de
l'assuré et n'entraînent pas une atteinte suffisante pour justifier
l'octroi
d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité. Par ailleurs,
l'existence de
séquelles d'algoneurodystrophie doit être niée. Enfin, l'expert a
indiqué
qu'il existe un lien de causalité seulement possible entre l'accident
et les
troubles dorsaux, lesquels représentent, selon le recourant, la cause
essentielle de l'empêchement de travailler.

3.2 Contrairement à ce que semble croire le recourant, l'appréciation
de
l'expert prénommé n'est pas remise en cause par les rapports des
docteurs
C.________, médecin-chef à la Clinique et policlinique de chirurgie
orthopédique de l'Hôpital X.________ (du 4 novembre 1994), et
D.________,
spécialiste en médecine physique et réhabilitation (des 29 mai 1995
et 26
mars 1996). En effet, le premier de ces spécialistes est du même avis
que le
docteur A.________ en ce qui concerne tant l'absence d'influence de
l'arthrose interphalangienne sur la capacité de travail et l'intégrité
physique du recourant que l'absence de lien de causalité entre les
troubles
dorsaux et l'accident. Quant au docteur D.________, certes, il a
suspecté un
risque de développement d'une arthrose importante au pied droit,
voire de
destruction articulaire. Les investigations menées par le docteur
A.________
ont toutefois permis de lever tout doute à ce sujet.
Cela étant, on ne saurait faire grief à la juridiction cantonale de
s'être
fondée sur l'expertise du docteur A.________, laquelle a été établie
sur la
base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi
qu'en
pleine connaissance du dossier. Sur le vu de cet avis médical, il
apparaît
que ni l'état de la jambe droite - laquelle est parfaitement guérie -
ni
l'arthrose modérée interphalangienne affectant le pied droit
n'entraînent une
incapacité de travail ou une atteinte importante et durable à
l'intégrité
physique ouvrant droit à une indemnisation. Tel était d'ailleurs déjà
le cas
le 22 avril 1994, date à laquelle le docteur C.________ a examiné
l'assuré
(rapport du 4 novembre 1994). Pour autant, en ce qui concerne les
séquelles
au pied droit, le docteur A.________ est d'avis que le recourant doit
bénéficier de supports plantaires bien adaptés. Quant à l'existence
d'un lien
de causalité naturelle entre les troubles dorsaux et l'accident, elle
n'apparaît pas établie au degré de la vraisemblance prépondérante,
généralement admise dans le domaine des assurances sociales (ATF 126
V 322
consid. 5a). Enfin, il n'existe pas de séquelles
d'algoneurodystrophie.

4.
4.1Cela étant, il n'en demeure pas moins que le recourant souffre d'un
trouble psychique sous la forme de traits paranoïaques chez une
personnalité
émotionnellement labile, de type impulsif. Selon le docteur B.________
(rapport d'expertise du 30 novembre 1999), ce grave trouble de la
personnalité entraîne une incapacité à verbaliser et à
s'introspecter, ce qui
se traduit par des plaintes douloureuses rendant impossible toute
reprise du
travail. L'expert indique que ce trouble existait avant l'accident,
lequel
n'a joué aucun rôle dans son développement. Cependant, dans la mesure
où il
affirme par ailleurs que le manque de capacité d'élaboration, ainsi
que les
traits caractériels immatures et projectifs ont empêché le recourant
d'assimiler psychiquement de manière adéquate le vécu de l'accident
et les
suites physiques de celui-ci, force est d'admettre que l'événement en
cause
apparaît bel et bien comme la condition sine qua non des troubles
actuels,
quand bien même il n'en est que la cause très partielle.

4.2 Quoi qu'il en soit, si l'existence d'un lien de causalité
naturelle entre
les troubles psychiques et l'accident doit être admise, l'existence
d'un lien
de causalité adéquate doit en l'occurrence être niée. En effet, sur
le vu des
circonstances de l'accident, telles qu'elles ressortent du rapport de
la
police cantonale genevoise du 23 septembre 1986, l'événement du 16
septembre
précédent doit être classé dans la catégorie des accidents de gravité
moyenne. Par ailleurs, il apparaît que les critères objectifs posés
par la
jurisprudence en matière de troubles psychiques consécutifs à un
accident de
gravité moyenne (cf. ATF 115 V 138 ss consid. 6 et 407 ss consid. 5)
ne sont
pas réalisés en l'occurrence. En particulier, l'accident et les
circonstances
concomitantes sont dénués de tout caractère particulièrement
impressionnant
ou particulièrement dramatique. En outre, le recourant n'a pas subi
de lésion
physique grave, propre, selon l'expérience, à entraîner des troubles
psychiques. Quant à la durée de l'incapacité de travail due aux
lésions
physiques, elle n'apparaît pas particulièrement longue. En effet,
dans un
rapport du 19 juin 1987, le docteur E.________, spécialiste en
chirurgie
orthopédique, a indiqué que l'assuré était en mesure, sur le plan
orthopédique, de reprendre son activité habituelle dès le début du
mois
d'août suivant. Enfin, en ce qui concerne la durée du traitement,
force est
de constater, sur le vu du rapport du docteur E.________ déjà cité et
du
rapport de sortie de la Clinique de médecine Y.________ (du 30
octobre 1987),
que les troubles psychiques ont exercé très tôt une influence
déterminante
sur l'état de santé du recourant.

5.
En résumé, le caractère adéquat du lien de causalité entre l'accident
du 16
septembre 1986 et les troubles psychiques du recourant doit être nié,
de
sorte que celui-ci n'a pas droit à des prestations de
l'assurance-accidents
en raison de ces troubles.

Sur le plan physique, il n'existe pas de relation de causalité
naturelle
entre les troubles dorsaux et l'accident, ni de séquelles
d'algoneurodystrophie. Par ailleurs, l'état de la jambe droite -
laquelle est
parfaitement guérie - et l'arthrose modérée interphalangienne
affectant le
pied droit n'entraînent, à tout le moins depuis le 22 avril 1994, ni
incapacité de travail ni atteinte à l'intégrité ouvrant droit à
indemnisation. Les séquelles au pied droit nécessitent toutefois
l'octroi
d'un moyen auxiliaire sous la forme de supports plantaires.

Aussi, l'intimée était-elle fondée, par sa décision sur opposition du
28 août
2001, à supprimer le droit du recourant à des prestations à partir du
31
janvier 1995, hormis la prise en charge de supports plantaires. Le
jugement
attaqué n'est dès lors pas critiquable et le recours se révèle mal
fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 12 août 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Juge présidant la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.190/02
Date de la décision : 12/08/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-08-12;u.190.02 ?
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