La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/08/2003 | SUISSE | N°2P.268/2002

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 août 2003, 2P.268/2002


{T 0/2}
2P.268/2002
2P.269/2002/svc

Arrêt du 8 août 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Betschart, Hungerbühler, Müller et Yersin.
Greffier: M. Addy.

2P.268/2002
Commune municipale de N.________, recourante,

contre

Le Bureau d'architectes C.________, intimé, représenté par Me
Philippe Pont,
Avocat,
Case postale 788, 3960 Sierre,
Tribunal cantonal du canton du Valais,
Cour de droit public, Palais de Justice, 1950 Sion 2,

Les Burea

ux d'architectes A.________ et B.________, parties
intéressées.

2P.269/2002

Les Bureaux d'architectes A.________...

{T 0/2}
2P.268/2002
2P.269/2002/svc

Arrêt du 8 août 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Betschart, Hungerbühler, Müller et Yersin.
Greffier: M. Addy.

2P.268/2002
Commune municipale de N.________, recourante,

contre

Le Bureau d'architectes C.________, intimé, représenté par Me
Philippe Pont,
Avocat,
Case postale 788, 3960 Sierre,
Tribunal cantonal du canton du Valais,
Cour de droit public, Palais de Justice, 1950 Sion 2,

Les Bureaux d'architectes A.________ et B.________, parties
intéressées.

2P.269/2002

Les Bureaux d'architectes A.________ et B.________, recourants,

contre

Le Bureau d'architectes C.________, intimé, représenté par Me
Philippe Pont,
Avocat,
Case postale 788, 3960 Sierre,
Tribunal cantonal du canton du Valais,
Cour de droit public, Palais de Justice, 1950 Sion 2.

Commune municipale de N.________,
partie intéressée.

art. 9, 27 et 29 Cst. (adjudication),

recours de droit public contre l'arrêt du
Tribunal cantonal du canton du Valais,
Cour de droit public, du 27 septembre 2002.

Faits:

A.
Par un appel d'offres public, la Commune municipale de N.________
(ci-après:
la Commune) a mis en soumission un mandat d'architecte portant sur
les phases
préparatoires d'un projet pour la rénovation et la transformation d'un
bâtiment communal. L'avis indiquait que le marché, soumis à la
procédure
ouverte, était estimé à 8'000'000 fr. selon «une étude antérieure et
un devis
général global.» Les bureaux d'architecture intéressés étaient
invités à
s'inscrire jusqu'au mercredi 17 avril 2002 auprès du Service de
l'Edilité qui
leur mettrait à disposition, dès le 6 mai suivant, les documents
utiles pour
établir et produire les soumissions (ci-après: les documents de
l'appel
d'offres). Les offres devaient être remises jusqu'au mercredi 5 juin
2002 et
leur ouverture était prévue pour le 10 juin suivant. L'appel d'offres
précisait encore que le marché n'était pas soumis à «l'accord OMC» et
qu'il
pouvait faire l'objet d'un recours, dans les dix jours dès sa
publication,
auprès de la Cour de droit public du Tribunal cantonal (ci-après
cité: le
Tribunal cantonal).
Sous la rubrique «étendue du marché», les documents de l'appel
d'offres remis
aux candidats qui se sont inscrits mentionnaient un coût approximatif
de
9'000'000 fr., honoraires compris; figuraient également sur ces
documents les
critères d'adjudication suivants, avec l'indication de leur
pondération
respective:
a) Expérience acquise dans le domaine 30 %
b) Qualification professionnelle 25 %
c) Montant de l'offre 20 %
d) Organisation du soumissionnaire 15 %
e) Formation d'apprentis et de stagiaires 10 %
Par décision du 20 juin 2002, la Commune a adjugé le marché aux
Bureaux
d'architectes A.________ et B.________, qui avaient présenté une
soumission
commune. Cette décision a été publiée au Bulletin officiel, avec
l'indication
qu'un recours pouvait être formé contre elle auprès du Tribunal
cantonal dans
un délai de dix jours dès sa notification.

B.
Bien qu'il ait obtenu le même nombre de points que les Bureaux
d'architectes
A.________ et B.________ sur les critères d'adjudication a, b et d et
que son
offre fût de 100'000 fr. plus avantageuse (soit approximativement
18,5 %), le
Bureau d'architectes C.________ n'est arrivé qu'en cinquième position
dans le
«classement des candidats» établi par la Commune après évaluation des
offres.
N'ayant pas d'apprentis à son service, il n'a en effet réalisé qu'un
seul
point (sur quatre) au titre du critère relatif à la formation des
apprentis
et des stagiaires (ci-après cité: le critère des apprentis), alors que
l'adjudicataire en a obtenu quatre.
Evincé du marché, le Bureau d'architectes C.________ a déposé un
recours au
Tribunal cantonal contre la décision d'adjudication qui lui a été
notifiée
personnellement le 9 juillet 2002, en concluant, sous suite de frais
et
dépens, à l'octroi de l'effet suspensif à son recours, à l'annulation
de la
décision entreprise et à l'attribution du mandat à luimême. Il a
élevé toute
une série de griefs: violation des principes de la bonne foi et de la
transparence, car les documents de l'appel d'offres avaient été remis
aux
candidats après le délai imparti pour recourir contre l'appel
d'offres;
illégalité de la procédure suivie qui «éludait» l'application de
l'Accord
intercantonal du 25 novembre 1994 sur les marchés publics (AIMPu; RS
172.056.4); contestation du critère des apprentis qui était jugé
contraire à
l'objectif d'adjuger le marché à l'offre économiquement la plus
avantageuse;
mise en cause des méthodes de calcul et des facteurs de pondération
appliqués
au motif qu'ils n'accordaient pas suffisamment d'importance au
critère du
prix.
Invités à s'exprimer en leur qualité d'adjudicataire, les Bureaux
d'architectes A.________ et B.________ y ont renoncé, en renvoyant à
la
détermination de la Commune. De son côté, cette dernière a fait
valoir, entre
autres arguments, que la plupart des griefs invoqués par le Bureau
d'architectes C.________ étaient tardifs et donc irrecevables, car ils
auraient dû être soulevés lors de la remise des documents de l'appel
d'offres; elle a conclu au rejet du recours sous suite de frais et
dépens.
Par arrêt du 27 septembre 2002, le Tribunal cantonal a admis le
recours, en
considérant que les griefs n'avaient pas été invoqués tardivement,
car les
documents de l'appel d'offres avaient été remis aux soumissionnaires
après la
fin du délai pour recourir contre l'appel d'offres. Sur le fond du
litige,
les juges ont estimé que le pouvoir adjudicateur avait accordé trop
d'importance au critère des apprentis dans son évaluation, au
détriment du
critère du prix, ce qui n'était pas conforme au principe voulant que
l'adjudication revienne à l'offre économiquement la plus avantageuse.
Ils ont
annulé la décision attaquée et renvoyé la cause à la Commune «pour
nouvelle
décision dans le sens du considérant 8b», lequel prescrit de
reprendre la
procédure d'adjudication à son début.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public (cause no
2P.268/2002), la
Commune demande au Tribunal fédéral d'annuler, sous suite de frais et
dépens,
l'arrêt précité du Tribunal cantonal. Invoquant la violation de son
autonomie
communale, elle se plaint d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans la
constatation des
faits pertinents et dans l'application de certaines dispositions
cantonales
de procédure ou relatives aux marchés publics; elle fait également
valoir que
les principes de la bonne foi et de la sécurité du droit auraient été
méconnus.
Dans une écriture séparée, les Bureaux d'architectes A.________ et
B.________
forment également un recours de droit public contre l'arrêt du
Tribunal
cantonal (cause no 2P.269/2002), en soutenant que celui-ci contient
une
motivation insuffisante sous l'angle du droit d'être entendu (art. 29
al. 2
Cst.) et qu'il fait preuve d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans la
constatation
des faits et dans l'application des dispositions légales en matière de
marchés publics. Ils invoquent également une violation des principes
de la
liberté économique et de l'égalité entre concurrents (art. 27 Cst.,
subsidiairement art. 8 Cst.).
Le Tribunal cantonal a renoncé à se déterminer sur les recours,
tandis que le
Bureau d'architectes C.________ conclut à leur rejet sous suite de
frais et
dépens. La Commune a renoncé à s'exprimer sur le recours formé par les
Bureaux d'architectes A.________ et B.________. Ces derniers ont
déclaré
qu'ils adhéraient «entièrement» aux conclusions prises par la Commune
dans
son propre recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Dirigés contre le même arrêt, le recours de la Commune et celui des
Bureaux
d'architectes A.________ et B.________ reposent sur le même complexe
de
faits. Il se justifie dès lors de joindre les causes nos 2P.268/2002
et
2P.269/2002 et de statuer dans un seul et même arrêt (cf. art. 40 OJ
et 24
PCF; ATF 127 V 29 consid. 1 p. 33, 156 consid. 1 p. 157; 123 II 18
consid. 1
p. 20 et les arrêts cités).

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 177 consid. 1 p. 179, 46 consid. 1a p.
48; 128
II 66 consid. 1 p. 67 et les références).
nO 2p.268/2002
Recevabilité du recours

3.
3.1 Le recours de droit public n'est recevable qu'à l'encontre des
décisions
qui, comme en l'espèce (cf. art. 16 de la loi valaisanne du 23 juin
1998 sur
les marchés publics; LcMP), sont prises en dernière instance
cantonale (art.
86 al. 1 OJ).

Par ailleurs, à l'exception de celles prises séparément sur la
compétence ou
sur les demandes de récusation (art. 87 al. 1 OJ), les autres
décisions
préjudicielles ou incidentes prises séparément ne peuvent faire
l'objet d'un
recours de droit public que s'il peut en résulter un préjudice
irréparable
(art. 87 al. 2 OJ). Le recours de droit public n'est donc en principe
recevable que contre les décisions finales.

3.2 Constitue une décision finale celle qui met un point final à la
procédure, qu'il s'agisse d'une décision sur le fond ou d'une
décision qui
clôt l'affaire pour un motif tiré des règles de procédure. Est en
revanche
une décision incidente celle qui est prise pendant le cours de la
procédure
et ne représente qu'une étape vers la décision finale; elle peut
avoir pour
objet une question formelle ou matérielle, jugée préalablement à la
décision
finale (ATF 128 I 215 consid. 2 p. 215/216; 123 I 325 consid. 3b p.
327 et
les arrêts cités). Le prononcé par lequel une juridiction cantonale
renvoie
une affaire pour nouvelle décision à une autorité de première
instance ou à
une autre autorité revêt, en principe, le caractère d'une décision
incidente
qui n'entraîne pour l'intéressé aucun dommage irréparable. Il s'agit
en effet
d'une simple étape avant la décision finale qui doit mettre un terme
à la
procédure (cf. ATF 122 I 39 consid. 1a/bb p. 42 et les références).
Dans un arrêt 2P.185/2000 du 4 décembre 2000 (reproduit partiellement
in RDAT
2001 II n. 64 p. 255, consid. 2b p. 258), le Tribunal fédéral a laissé
ouverte la question de savoir si, en matière de marchés publics, une
décision
de renvoi prescrivant à l'adjudicateur d'attribuer le marché au
soumissionnaire ayant présenté l'offre au meilleur prix était une
décision
finale ou partielle au sens de l'art. 87 OJ, car le recours était de
toute
façon manifestement mal fondé. En revanche, dans une autre affaire de
marchés
publics (arrêt 2P.146/2001 du 6 mai 2002), le Tribunal fédéral a jugé
qu'un
arrêt de renvoi ne laissant aucune latitude de jugement à l'autorité
cantonale inférieure pouvait être attaqué par la voie du recours de
droit
public, car il avait pour les parties des effets équivalents à ceux
d'une
décision finale. Cette interprétation de l'art. 87 OJ découle d'une
jurisprudence établie du Tribunal fédéral (cf. ATF 118 Ib 196 consid.
1b p.
198/199; 117 Ib 325 consid. 1b p. 327; 107 Ib 219 p. 221/222 et les
références).

3.3 En l'espèce, le chiffre 2 du dispositif du jugement attaqué
«admet le
recours, annule la décision attaquée et renvoie l'affaire à la
Commune pour
nouvelle décision dans le sens du considérant 8b». Ce dernier enjoint
à la
commune recourante de procéder à une nouvelle adjudication qui lui
permettra
notamment «de recueillir d'autres offres et d'exercer son pouvoir
d'appréciation de façon à remédier aux irrégularités (touchant la
procédure
d'adjudication) relevées plus haut», les premiers juges considérant
qu'il ne
leur était pas possible d'attribuer directement le marché au Bureau
d'architectes C.________. En effet, cette entreprise arrivait en
deuxième
position dans le classement des offres selon leur montant, si bien
qu'une
attribution directe n'était pas de nature à garantir «le respect de la
priorité du critère de l'offre la plus avantageuse.»
Bien qu'il prive la Commune de la faculté de choisir à quel stade de
la
procédure elle entend reprendre l'adjudication (sur l'admissibilité
d'un tel
procédé cf. infra consid. 10), l'arrêt de renvoi litigieux lui ménage
tout de
même une certaine latitude de jugement, puisqu'aussi bien le choix des
différents critères d'adjudication que leur pondération ou encore le
choix
des méthodes de calcul sont laissés à son entière appréciation. La
situation
n'est donc, de ce point de vue, pas comparable à l'état de fait qui
est à la
base de l'arrêt précité 2P.146/2001. D'un autre côté, en tant qu'il
impose à
la Commune d'entamer une nouvelle procédure d'adjudication - et non
simplement de reprendre la procédure en cours à partir d'un certain
stade -
et de modifier la pondération, l'arrêt attaqué pourrait être
considéré comme
produisant pour les parties des effets comparables à une décision
finale. La
question souffre toutefois de rester indécise.
En effet, selon la jurisprudence, une décision de renvoi contenant des
injonctions à l'adresse d'une commune est réputée causer à cette
dernière un
dommage irréparable, car on ne saurait exiger d'une corporation
publique
qu'elle se soumette aux prescriptions de l'autorité de recours dans
une
nouvelle décision, puis qu'elle attaque ensuite sa propre décision
(cf. ATF
128 I 3 consid. 1b p. 7; 120 Ib 207 consid. 1a p. 209; 116 Ia 41
consid. 1b
p. 43/44). Nonobstant son éventuel
caractère incident, l'arrêt
litigieux peut
donc être attaqué par la Commune par la voie du recours de droit
public.

4.
4.1Selon l'art. 88 OJ, le recours de droit public est ouvert aux
particuliers
et aux collectivités lésés par des arrêtés ou des décisions qui les
concernent personnellement ou qui sont d'une portée générale.
Le recours de droit public est conçu pour la protection des droits
constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 lettre a OJ). Il doit
permettre
à ceux qui en sont titulaires de se défendre contre toute atteinte à
leurs
droits de la part de la puissance publique. De tels droits ne sont
reconnus
en principe qu'aux citoyens, à l'exclusion des collectivités
publiques qui,
en tant que détentrices de la puissance publique, n'en sont pas
titulaires et
ne peuvent donc pas attaquer, par la voie du recours de droit public,
une
décision qui les traite comme autorités. Cette règle s'applique aux
cantons,
aux communes et à leurs autorités, qui agissent en tant que
détentrices de la
puissance publique.
La jurisprudence admet toutefois qu'il y a lieu de faire une
exception pour
les communes et autres corporations de droit public, lorsque la
collectivité
en cause n'intervient pas en tant que détentrice de la puissance
publique,
mais qu'elle agit sur le plan du droit privé ou qu'elle est atteinte
dans sa
sphère privée de façon identique ou analogue à un particulier,
notamment en
sa qualité de propriétaire de biens frappés d'impôts ou de taxes ou
d'un
patrimoine financier ou administratif. Une seconde exception est
admise en
faveur des communes et autres corporations publiques lorsque, par la
voie du
recours de droit public, elles se plaignent d'une violation de leur
autonomie
(art. 50 Cst.; cf. ATF 125 I 173 consid. 1b p. 175; 121 I 218 consid.
2a) ou
d'une atteinte à leur existence ou à l'intégrité de leur territoire
garanties
par le droit cantonal.
Les collectivités concernées peuvent aussi se prévaloir, à titre
accessoire,
de la violation de droits constitutionnels dans la mesure où ces
moyens sont
en relation étroite avec la violation de leur autonomie (ATF 125 I 173
consid. 1b p. 175; 123 III 454 consid. 2 p. 456; 121 I 218 consid. 2a
p.
219-220; 116 Ia 252 consid. 3b p. 255 et les arrêts cités).

4.2 L'arrêt attaqué a été rendu dans une procédure d'adjudication de
marché
public conduite par la commune recourante. A l'inverse d'un
particulier, une
commune ne peut pas demander des offres et adjuger des travaux en
toute
liberté. Elle est obligée d'appliquer les procédures légales
relatives aux
marchés publics et de se soumettre à cet égard à un contrôle
judiciaire. Sa
position dans une procédure judiciaire en matière de marchés publics
ne se
confond donc pas avec celle d'un simple particulier; c'est au
contraire en
tant que détentrice de la puissance publique qu'elle intervient (cf.
arrêt du
Tribunal fédéral 2P.175/2001 du 12 octobre 2001, cité in ZBl 103/2002
p. 481
ss, consid. 1b p. 482).
Aussi bien une commune ne peut-elle, en principe, pas agir par la
voie du
recours de droit public en matière de marchés publics, à moins qu'elle
n'invoque la violation de son autonomie garantie par le droit
cantonal. Pour
que le recours soit recevable à ce titre, il suffit que la commune en
cause
allègue une telle violation, la question de savoir si elle est
réellement
autonome dans le domaine en cause étant une question de fond et non de
recevabilité (cf. ATF 124 I 223 consid. 1b p. 226 et les références
citées).
En l'espèce, dans la mesure où la commune recourante se plaint
effectivement
d'une violation de son autonomie, elle est recevable à agir sous
l'angle de
l'art. 88 OJ; par ailleurs, on peut admettre que les autres moyens
qu'elle
soulève (cf. infra consid. 5.1, 6.1, 7.1, 8, 9 et 10) sont
directement en
relation avec cette violation, si bien qu'il y a également lieu
d'entrer en
matière sur ceux-ci.

4.3Pour le surplus, déposé en temps utile et dans les formes
prescrites (cf.
art. 89 et 90 OJ) contre un arrêt qui ne peut être attaqué que par la
voie
recours de droit public (cf. ATF 125 II 86 consid. 2 à 6 p. 92 ss), le
présent recours est recevable.
EXAMEN DES GRIEFS

5.
5.1 Pour l'essentiel, la Commune soutient que le Tribunal cantonal
aurait
porté une atteinte inadmissible à son autonomie, garantie à l'art. 69
de la
Constitution du canton du Valais du 8 mars 1907, en interprétant et en
appliquant d'une manière arbitraire des dispositions de droit
cantonal en
matière de procédure et de marchés publics. Elle se prévaut également
de la
violation de certains principes généraux du droit, en particulier de
la bonne
foi.

5.2 La Constitution fédérale garantit l'autonomie communale dans les
limites
fixées par le droit cantonal (art. 50 al. 1 Cst.). Selon la
jurisprudence,
une commune est autonome dans les domaines que le droit cantonal ne
règle pas
de façon exhaustive, mais laisse en tout ou en partie dans la sphère
communale en conférant aux autorités municipales une appréciable
liberté de
décision (ATF 126 I 133 consid. 2 p. 136; 124 I 223 consid. 2b p.
226/227 et
les références citées).
Les art. 69 de la Constitution du canton du Valais et 2 al. 1 de la
loi
valaisanne du 13 novembre 1980 sur le régime communal (LRC) confèrent
autonomie aux communes dans le cadre de la constitution et des lois
et leur
accordent la compétence d'accomplir les tâches locales, notamment la
gestion
des finances municipales (art. 6 lettre a LRC) et les travaux de
correction
ou de construction relatifs aux cours d'eau qui sont exécutés sur leur
territoire (cf. art. 19 de la loi valaisanne du 6 juillet 1932 sur
les cours
d'eau). Entrée en vigueur le 1er juillet 1998, la loi valaisanne du
23 juin
1998 sur les marchés publics (LcMP), à laquelle la commune recourante
est
soumise pour l'attribution du marché en cause, confère à
l'adjudicateur une
grande liberté d'appréciation, notamment dans le choix de la
procédure (art.
6 ss de l'ordonnance valaisanne du 26 juin 1998 sur les marchés
publics;
OcMP), des critères d'adjudication (art. 24 al. 1 OcMP) et finalement
dans
l'adjudication elle-même (art. 39 OcMP; cf. aussi à cet égard, ATF
125 II 95
consid. 6 p. 98; arrêt du Tribunal fédéral 2P.175/2001 du 12 octobre
2001).
En la matière, la commune recourante dispose ainsi d'une véritable
autonomie
qui lui permet de se plaindre tant des excès de compétence du Tribunal
cantonal que de la violation par celui-ci des règles du droit cantonal
applicables.
Il convient donc d'entrer en matière sur les griefs allégués en
relation avec
cette autonomie et d'en examiner le bien-fondé.

6.
6.1La Commune invoque une application arbitraire des art. 15 lettre b
LcMP et
36 de la loi valaisanne du 6 octobre 1976 sur la procédure et la
juridiction
administratives (LPJA), ainsi qu'une «violation crasse» des principes
de la
bonne foi et de la sécurité du droit. A ses yeux, à l'exception du
grief
portant sur la méthode de calcul utilisée pour noter le critère du
prix, le
Tribunal cantonal ne devait pas entrer en matière sur les autres
moyens
soulevés par le Bureau d'architectes C.________. Ceux-ci auraient en
effet
déjà dû être présentés au stade de l'appel d'offres ou, au plus tard,
lorsque
les documents de l'appel d'offres ont été remis à l'intéressé,
conformément
aux dispositions cantonales précitées et à la jurisprudence y
relative.

6.2 L'art. 15 LcMP énumère les décisions de l'adjudicateur qui sont
susceptibles de recours, au rang desquelles figurent notamment la
décision
d'adjudication (lettre a) et l'appel d'offres (lettre b). La teneur
de cette
disposition correspond, à peu de choses près, aux recommandations
émises au
par. 33 des Directives pour l'exécution de l'Accord intercantonal sur
les
marchés publics, dans leur version approuvée en 1995 (publiées in
Jean-Baptiste Zufferey/Benoît Revaz, Le nouveau droit des marchés
publics:
introduction, sources légales et autres documents pratiques, Fribourg
1997,
p. 171 ss; ci-après citées: les Directives AIMPu). Quant à l'art. 36
LPJA, il
prévoit qu'une décision est exécutoire lorsqu'elle n'est plus
attaquable par
un moyen de droit.
Le Tribunal cantonal a certes considéré que, conformément à la
jurisprudence
(cf. ATF 125 I 203), les documents de l'appel d'offres faisaient
généralement
partie intégrante de l'appel d'offres, si bien que les éventuels
vices les
affectant devaient être contestés à ce stade de la procédure déjà,
sous peine
de forclusion. Il a toutefois constaté que le délai de 10 jours pour
recourir
contre l'appel d'offres arrivait à échéance bien avant le 6 mai 2002,
jour à
partir duquel les documents de l'appel d'offres pouvaient, au plus
tôt, être
retirés par les soumissionnaires auprès de la Commune. Il en a déduit
que ces
derniers pouvaient «logiquement» penser que les griefs portant sur les
documents de l'appel d'offres n'avaient pas à être soulevés lors de la
procédure de l'appel d'offres déjà, mais devaient l'être dans le
cadre de la
décision d'adjudication. Par ailleurs, le Tribunal cantonal a rappelé
qu'une
notification irrégulière des voies de droit ne devait entraîner aucun
préjudice pour une partie diligente: or, le soumissionnaire évincé
n'avait
pas fait preuve de négligence en considérant qu'il ne devait recourir
contre
les documents de l'appel d'offres qu'avec la décision d'adjudication,
car
aussi bien le droit que la jurisprudence n'étaient pas limpides sur
cette
question.
Ces considérations échappent à l'arbitraire car, quoi qu'en dise la
Commune,
la situation n'est pas identique à celle qui est à la base de l'ATF
125 I 203
précité. Il est en effet constant, en l'espèce, que les documents de
l'appel
d'offres ne pouvaient pas être retirés avant le 6 mai 2002; ils
n'étaient
donc disponibles qu'après l'échéance du délai pour recourir contre
l'appel
d'offres lui-même. Or, cette manière de faire prêtait effectivement à
confusion, en ce sens qu'elle donnait clairement l'apparence que les
documents en question n'étaient pas compris dans la phase même de
l'appel
d'offres; le délai de recours pour contester ces documents ne pouvait
en
effet pas commencer à courir avant que les soumissionnaires ne les
eussent
reçus.
De surcroît, il apparaît que l'appel d'offres publié dans le Bulletin
officiel indiquait que le marché était estimé à 8'000'000 fr., alors
que les
documents de l'appel d'offres remis après le 6 mai 2002 font état
d'une
estimation de 9'000'000 fr. Pour ce motif également, la Commune est
mal venue
de soutenir que, faute d'avoir été soulevés au stade de l'appel
d'offres
déjà, les griefs portant sur les documents de l'appel d'offres ne
pouvaient
plus être contestés avec la décision d'adjudication.
Dès lors, les griefs tirés de la violation du principe de la bonne
foi et de
l'application arbitraire des art. 15 lettre b LcMP et 36 LPJA doivent
être
rejetés.

7.
7.1La Commune se plaint également d'une constatation inexacte et
incomplète
des faits pertinents qui toucherait à l'arbitraire. Elle fait ainsi
valoir
que le Tribunal cantonal aurait omis, «en violation crasse» de la
maxime
d'office inscrite à l'art. 17 al. 1 de la loi valaisanne sur la
procédure et
la juridiction administratives, de prendre en compte le fait que le
marché
portait sur un mandat d'architecte complexe: classé bâtiment
historique,
l'ouvrage à rénover présentait des difficultés particulières. Or, ces
constatations seraient essentielles, selon la Commune, pour juger de
la
pertinence du taux de pondération qu'elle a décidé d'appliquer au
critère du
prix dans l'évaluation des offres (soit 20 %), la relative modestie
de ce
taux s'expliquant par la complexité du mandat en cause: en accord
avec l'art.
39 OcMP, elle estime en effet qu'elle pouvait et devait mettre
davantage
l'accent sur les compétences professionnelles des candidats
(expérience,
qualifications, organisation, ...) que sur le prix des offres.

7.2 Edicté par le Conseil d'Etat en vertu de la délégation de
compétence
découlant des art. 13 lettre f AIMPu et 2 de la loi valaisanne
concernant
l'adhésion du canton du Valais à l'accord intercantonal sur les
marchés
publics (LcAIMP), l'art. 39 OcMP, intitulé «critères d'adjudication»,
a la
teneur suivante:
«1. Le marché est adjugé au soumissionnaire ayant présenté l'offre
économiquement la plus avantageuse. Dans l'évaluation, le rapport
prix/prestations doit être observé. Dans ce cadre, en dehors du prix,
des
critères différents selon la nature des marchés peuvent être pris en
considération, tels que: la qualité, les délais, la rentabilité, la
connaissance des conditions d'exécution, les coûts d'exploitation, le
service
après-vente, la formation d'apprentis, l'écologie, la convenance de la
prestation, la valeur technique, l'esthétique, la créativité et
l'infrastructure.

2. L'adjudication de biens largement standardisés peut également
intervenir
exclusivement selon le critère du prix le plus bas.»
En l'espèce, il est certain que le mandat mis en soumission par la
Commune
n'est pas assimilable à une prestation largement standardisée pour
laquelle
l'adjudication pourrait se faire, en application de l'art. 39 al. 2
OcMP,
exclusivement ou de manière prépondérante selon le seul critère du
prix (cf.
aussi par. 28 al. 2 des Directives AIMPu). Ce n'est toutefois pas le
raisonnement qu'ont suivi les juges cantonaux pour mettre à néant la

décision
d'adjudication, leur solution étant motivée par le fait que, dans son
évaluation des offres, la Commune avait accordé trop de poids au
critère des
apprentis par rapport au critère du prix. Aussi bien, les critiques
de la
Commune portant sur le fait que la complexité du mandat n'aurait pas
été
suffisamment prise en compte par la Cour cantonale tombent à faux et
sont
dénuées de pertinence.

8.
La Commune reproche au Tribunal cantonal d'avoir excédé son pouvoir
d'appréciation. Elle estime que le jugement attaqué remet de manière
infondée
en cause le critère des apprentis qui serait pourtant «manifestement
admis
sur le principe» par la doctrine majoritaire.

8.1 A son art. 13, l'Accord intercantonal laisse aux cantons le soin
d'édicter les dispositions d'exécution nécessaires pour garantir,
entre
autres choses, une procédure d'examen de l'aptitude des
soumissionnaires
selon des critères objectifs et vérifiables (lettre d) ainsi que des
critères
d'attribution propres à adjuger le marché à l'offre économiquement la
plus
avantageuse (lettre f).
Les critères d'adjudication (ou d'attribution) se rapportent
directement à la
prestation elle-même et indiquent au soumissionnaire comment l'offre
économiquement la plus avantageuse sera évaluée et choisie. Ils
doivent être
distingués des critères d'aptitude (ou de qualification) qui visent à
évaluer
les capacités financières, économiques, techniques et
organisationnelles des
candidats (cf. art. 39 OcMP); bien qu'ils concernent la personne même
du
soumissionnaire, les critères d'aptitude doivent toutefois, selon la
doctrine
et la jurisprudence, également être directement et concrètement en
rapport
avec la prestation à accomplir, en ce sens qu'ils doivent porter sur
des
qualifications nécessaires pour mener à bien cette prestation (cf.
Olivier
Rodondi, Les critères d'aptitude et les critères d'adjudication dans
les
procédures de marchés publics, in RDAF 2001 I p. 387 ss, 394/395;
Zufferey/Maillard/Michel, Droit des marchés publics: présentation
générale,
éléments choisis et code annoté, Fribourg 2002, p. 192; Etienne
Poltier, Les
marchés publics: premières expériences vaudoises, in RDAF 2000 I p.
297 ss,
305/306; Gauch/Stöckli/Dubey, Thèses sur le nouveau droit fédéral des
marchés
publics, Fribourg 1999, p. 19). Dans la pratique, la distinction entre
critères d'aptitude et d'adjudication est parfois difficile à opérer,
surtout
lorsque l'adjudication se déroule en procédure ouverte (cf. Les débats
relatifs à l'exposé de Bernard Pochon, La gestion d'une procédure de
première
instance, in Les juridictions administratives face aux marchés
publics,
Colloque du 3 octobre 2000 de l'Université de Fribourg, p. 28 ss, 44
ss;
Zufferey/Maillard/Michel, op. cit., p. 88/89; Gauch/Stöckli/Dubey,
op. cit.,
p. 27).

8.2 Bien qu'il soit prévu dans toutes les législations cantonales
(cf. Denis
Esseiva, La préparation de la procédure d'appel d'offres, in Les
juridictions
administratives face aux marchés publics, Fribourg 2000, p. 7 ss,
12), le
critère des apprentis n'est pas mentionné dans les Directives AIMPu
(cf. par.
19 et 28) qui, même si elles n'ont assurément pas de force
contraignante,
n'en constituent pas moins un texte important pour comprendre les
principes
auxquels les cantons se sont astreints et en définir la portée (cf.
ATF 125
II 86 consid. 7a p. 99). La nouvelle version de ces directives
élaborée à la
suite des modifications apportées à l'Accord intercantonal le 15 mars
2001
(RO 2003 p. 196; RS 172.056.5) - adoptées par le canton du Valais le
10
juillet 2003 et entrées en vigueur le 5 août 2003 (RO 2003 p. 2373)
-, ne
fait pas davantage mention de ce critère (cf. par. 21 et 32 de ces
nouvelles
directives).
En Valais, le législateur a rangé le critère des apprentis dans la
catégorie
des critères d'adjudication (cf. art. 39 al. 1 OcMP).

8.3 Contrairement à ce qu'affirme la Commune, tant la jurisprudence
cantonale
rendue sur le sujet que la doctrine marquent une certaine réserve à
l'endroit
du critère des apprentis; elles ne l'admettent en effet qu'en
l'assortissant
de diverses cautèles quand elles ne le jugent pas tout simplement
étranger au
système.
Ainsi, la jurisprudence zurichoise n'accepte ce critère que si le
nombre
d'apprentis occupés par le soumissionnaire est mis en proportion du
nombre
total des employés travaillant dans l'entreprise, afin d'éviter que
les
grandes entreprises ne soient injustement favorisées au détriment des
petites. Pour leur part, les cantons d'Argovie et de Fribourg ne
reconnaissent ce critère qu'autant qu'il ne joue pas un rôle décisif
dans
l'adjudication, mais serve à départager des offres quasiment
semblables. Même
si elle le considère plutôt comme un critère étranger à
l'adjudication, la
pratique thurgovienne n'exclut également pas de l'admettre pour
départager
des offres équivalentes; elle a toutefois laissé la question ouverte
(cf. les
arrêts cantonaux résumés in Galli/Moser/Lang, Praxis des öffentlichen
Beschaffungsrechts, Zurich/Bâle/Genève 2003, p. 201/202; voir aussi
Zufferey/Maillard/Michel, op. cit., p. 119).
Quant à la doctrine, elle est d'avis qu'il s'agit plutôt d'un critère
étranger à l'adjudication, à tout le moins s'il n'est pas destiné à
apprécier
la solidité financière du soumissionnaire (cf. Esseiva, op. cit.,
p.12;
Rodondi, op. cit., p. 403; Gauch/Stöckli/Dubey, op. cit., p. 28). Sa
nature
est par ailleurs controversée: s'agit-il d'un critère d'aptitude ou
alors,
comme le prévoit la législation valaisanne, d'adjudication (sur cette
question: cf. Galli/Moser/Lang, op. cit., p. 133; Rodondi, loc. cit.)
? A
noter qu'il ne figure pas au nombre des motifs d'exclusion mentionnés
à
l'art. 23 des Directives AIMPu, qui tirent leur fondement de
l'inobservation
du droit positif.
Certes, la Commune met en avant le rôle central joué par la filière de
l'apprentissage dans l'organisation socioprofessionnelle du travail
en Suisse
et l'importance voire la nécessité qu'il y aurait, dans ce contexte, à
favoriser les entreprises qui occupent des apprentis. Toutefois, la
doctrine
s'interroge également sur la compatibilité de ce critère avec les
règles et
principes applicables en matière de marchés publics ainsi que sur la
pertinence de ce moyen pour soutenir de manière effective la filière
de
l'apprentissage (cf. Gauch/Stöckli/Dubey, op. cit., p. 28 ad n. 109).

8.4 Point n'est cependant besoin de trancher définitivement ces
questions,
puisque le Tribunal cantonal n'a pas écarté d'une manière générale le
critère
des apprentis, comme le soutient la Commune, mais l'a seulement jugé
inapproprié dans le cas d'espèce. Plus précisément, les premiers
juges ont
considéré que ce critère avait joué un rôle trop important dans
l'adjudication, épousant de la sorte implicitement la thèse selon
laquelle un
tel critère n'est admissible qu'autant qu'il serve à départager des
offres
équivalentes ou semblables. Or, vu l'écho qu'elle rencontre dans la
pratique
et les arguments qui la sous-tendent, cette approche ne saurait être
tenue
pour arbitraire.
Les premiers juges ne sont pas non plus tombés dans l'arbitraire en
considérant que la Commune ne pouvait pas noter le critère des
apprentis en
additionnant, comme elle l'a fait, les apprentis de chacun des deux
Bureaux
d'architectes A.________ et B.________: une telle façon de faire est
en effet
contraire au principe d'égalité de traitement entre les
soumissionnaires (cf.
art. 1 al. 2 lettre b AIMPu), car elle privilégie les entreprises qui
s'associent pour présenter un projet au détriment de celles qui
soumissionnent seules, et cela sans raison valable par rapport à la
prestation mise en soumission (cf. la jurisprudence zurichoise citée
supra
consid. 8.3); du moins la Commune n'en énonce-t-elle pas.

9.
9.1La Commune soutient également que les taux de pondération retenus
pour les
critères du prix et des apprentis et les méthodes de calcul
auxquelles elle a
recouru pour noter ces critères sont parfaitement adéquats, si bien
que le
Tribunal cantonal aurait excédé son pouvoir d'appréciation en
invalidant sa
décision d'adjudication. En particulier, elle insiste sur le fait que
le
critère des apprentis n'a compté que pour 10 % dans l'évaluation des
offres,
ce qui serait conforme aux exigences fixées par la pratique; elle
souligne
également que la règle de notation qu'elle a appliquée au critère du
prix est
une méthode reconnue, puisque c'est celle qui est préconisée par le
Guide
romand pour l'adjudication des marchés publics (ci-après cité: le
Guide
romand).

9.2 Le taux de pondération appliqué en l'espèce au critère des
apprentis peut
effectivement, de prime abord, sembler relativement modeste. Mais il
n'en est
rien: ce seul critère a en effet permis à un soumissionnaire de
l'emporter
sur un concurrent qui avait pourtant présenté une offre 100'000 fr.
meilleur
marché, correspondant à une différence de prix de 18,5 %. C'est que
le taux
de pondération appliqué au critère des apprentis ne doit pas être
considéré
isolément, mais mis en relation avec l'évaluation dans son ensemble,
ce qui
suppose notamment de le confronter au taux de pondération et à la
règle de
notation qui ont été retenus pour apprécier le critère du prix.
En l'espèce, le critère du prix a été pondéré selon un indice de 20
%, soit
un taux qui se situe clairement à la limite inférieure de ce qui est
admissible, même pour un marché complexe, sous peine de vider de sa
substance
la notion d'offre économiquement la plus avantageuse (cf. Denis
Esseiva, in
DC 2001 p. 153; voir aussi le Guide romand, Annexes, p. 7, qui semble
même
situer ce taux à 30 %). La prise en compte d'un tel taux ne va donc
pas de
soi, même si elle n'apparaît pas d'emblée insoutenable. Mais le taux
de
pondération n'est pas seul en cause ici: la règle de notation
utilisée par la
Commune pour évaluer le critère du prix est également sujette à
caution.
Se présentant sous la forme d'une règle de trois, le calcul ici en
cause est
certes préconisé par le Guide romand, dans sa version de décembre
1999, selon
la formule suivante (cf. les annexes à ce guide, p. 14):
"(nombre de points en jeu) x (prix offert le plus bas) : (prix offert
par le
soumissionnaire concerné)."
Cette méthode de calcul offre toutefois l'inconvénient d'affaiblir de
manière
significative le poids réel du critère du prix dans l'adjudication.
En effet,
par comparaison à l'offre la meilleur marché, l'offre la plus chère
obtient
encore, avec un tel système, un nombre de points non négligeable,
ainsi que
la doctrine n'a pas manqué de le souligner (cf. Esseiva, La
préparation de la
procédure d'appel d'offres, op. cit., p. 9 ss; Jacques
Pictet/Dominique
Bollinger, in DC 2000 p. 63 ss). Rendus attentifs au problème, les
auteurs du
Guide romand ont d'ailleurs publié un rectificatif suggérant
«fortement»
d'abandonner la «règle de trois» au profit de la méthode décrite dans
le
Guide pratique genevois sur la passation des marchés (cf. complément à
l'annexe du 16 octobre 2001). A ce sujet, la présente affaire a
valeur de cas
d'école: il apparaît en effet qu'entre l'offre la plus chère, d'un
montant de
980'000 fr., et celle la moins chère, d'un montant de 510'411 fr.,
l'écart de
points (sur quatre points) n'est, avant pondération, que de 1,92 (4 -
2,08)
soit, après pondération, de 0,384 (1,92 x 20 : 100).
Au cas particulier, l'application de la «règle de trois», conjuguée
au faible
taux de pondération retenu pour le critère du prix, ont eu pour
résultat que,
bien que considérable, la différence de prix entre les offres
litigieuses, de
100'000 fr., n'a rapporté au Bureau d'architectes C.________ qu'une
avance de
0,59 point sur 4 (3,78 - 3,19) par rapport aux Bureaux d'architectes
A.________ et B.________ soit, après pondération, 0,12 point (0,59 x
20 :
100); à l'inverse, ces derniers ont obtenu 3 points de plus (sur 4
également)
que le Bureau d'architectes C.________ grâce au seul critère des
apprentis ce
qui, malgré une pondération plus faible, leur a encore laissé un gain
de 0,3
point sur leur concurrent, leur permettant de creuser, au final, un
écart en
leur faveur de 0,18 point (0,3 - 0,12) et d'emporter le marché.

9.3 L'on voit par là qu'indépendamment des indices de pondération
pris en
compte, par comparaison à celle choisie pour évaluer le critère des
apprentis, la règle de notation appliquée au critère du prix a moins
bien
reflété la différence existant entre la meilleure et la moins bonne
offre;
tout se passe comme si, une fois traduit en points, l'écart de prix
entre les
deux offres avait été nivelé. Or, compte tenu du fait que le critère
du prix
ne pesait que pour 20 % dans l'évaluation, ce nivellement a eu pour
effet de
le reléguer un peu plus encore à l'arrière-plan par rapport aux autres
critères. Dès lors est-ce sans excéder son pouvoir d'appréciation que
le
Tribunal cantonal a invalidé l'adjudication en cause: même si, pris
isolément, ni les taux de pondération retenus, ni les règles de
notation
appliquées, quoi que critiquables pour les raisons indiquées plus
haut,
n'étaient d'emblée inadmissibles, leur association a abouti à un
résultat
inacceptable qui a été sanctionné à juste droit par les premiers
juges.

La Commune fait donc fausse route et échoue dans la démonstration que
le
jugement attaqué serait arbitraire lorsqu'elle s'épuise à établir que,
considérés
pour eux-mêmes, les facteurs de pondération et les règles
de
notation qu'elle a appliqués sont en soi admissibles.

10.
Enfin, dans un dernier moyen, la Commune soutient que le Tribunal
cantonal ne
pouvait pas la contraindre à reprendre la procédure d'adjudication à
son
début: comme les offres sont désormais connues, cela provoquerait
immanquablement, selon elle, des offres de sousenchère qui
fausseraient
«complètement le marché à mettre en soumission, principalement du
point de
vue de la concurrence et de l'égalité de traitement». Elle estime
donc que le
Tribunal cantonal n'avait d'autre choix, s'il voulait annuler
l'adjudication,
que de lui renvoyer la cause en l'invitant «à appliquer une autre
méthode de
notation, voire d'utiliser d'autres taux de pondération.»
Il est vrai que l'injonction des premiers juges ordonnant à la
Commune de
reprendre la procédure à son début comporte le risque de provoquer
des offres
anormalement basses; peut-être aurait-il été préférable, afin de
parer à ce
risque, de procéder à une nouvelle adjudication sur la base des offres
existantes. Pour autant, la solution retenue échappe à l'arbitraire.
Il
n'apparaît en effet pas que le Tribunal cantonal serait sorti du
cadre de ses
compétences en adressant une telle injonction à la Commune (cf. art.
18
AIMPu; Evelyne Clerc, L'ouverture des marchés publics: effectivité et
protection juridique, Fribourg 1997, p. 560). Par ailleurs, la
procédure peut
effectivement être envisagée comme ayant été viciée dès son origine,
les
facteurs de pondération faisant partie des documents de l'appel
d'offres. Au
demeurant, il ne serait pas non plus pleinement satisfaisant, au
regard du
principe de la transparence, de réévaluer les offres en fonction de
pondérations ou de règles de notation nouvelles dont les
soumissionnaires
n'avaient pas connaissance pour établir leur offre (cf. ATF 125 II 86
consid.
7d p. 102 s.). Enfin, pour délicat qu'il soit, le problème des offres
anormalement basses n'est pas sans solution (cf.
Zufferey/Maillard/Michel,
op. cit., p. 120 ss, 232 ss; Poltier, op. cit., p. 306;
Gauch/Stöckli/Dubey,
op. cit., p. 34 ss).

11.
Il suit de ce qui précède que l'ensemble des moyens soulevés par la
Commune
sont infondés et que le recours doit être rejeté.

nO 2P.269/2002
RECEVABILITÉ DU RECOURS

12.
Du moment que la Cour de céans est entrée en matière sur le recours
de la
Commune, la question de savoir si la décision attaquée revêt un
caractère
incident ou final au sens de l'art. 87 OJ peut rester ouverte. Il
serait en
effet contraire à l'économie de la procédure, à supposer que la
décision soit
incidente, de ne pas examiner les griefs soulevés par les Bureaux
d'architectes A.________ et B.________, car ces moyens coïncident
dans une
large mesure avec les questions que le Tribunal fédéral doit de toute
façon
résoudre dans le cadre du recours de droit public formé simultanément
par la
Commune (cf. ATF 116 Ia 197 consid. 1b p. 199/200).
Au surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites
contre un
arrêt pris en dernière instance cantonale qui ne peut être attaqué
que par la
voie recours de droit public, le présent recours est recevable (cf.
supra
consid. 3.1 et 4.3).
EXAMEN DES GRIEFS

13.
Invoquant l'art. 29 al. 2 Cst., les Bureaux d'architectes A.________
et
B.________ se plaignent de ce que l'arrêt attaqué serait
insuffisamment
motivé.
Le droit d'être entendu implique notamment pour l'autorité
l'obligation de
motiver sa décision (ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102). La motivation
d'une
décision est toutefois suffisante lorsque l'intéressé est en mesure
d'en
apprécier la portée et de la déférer à une instance supérieure en
pleine
connaissance de cause (ATF 122 IV 8 consid. 2c p. 14/15). Il suffit
que
l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée
et sur
lesquels elle a fondé son prononcé, sans qu'elle soit tenue de
répondre à
tous les arguments avancés (SJ 1994 p. 161 consid. 1b p. 163).
L'étendue de
l'obligation de motiver dépend de la complexité de la cause à juger
(ATF 111
Ia 2 consid. 4b p. 4).
En l'espèce, le Tribunal cantonal a, pour l'essentiel, mis à néant la
décision d'adjudication en considérant que, dans son évaluation des
offres,
la Commune avait accordé trop de poids au critère des apprentis par
comparaison au critère du prix. Parfaitement intelligible, cette
argumentation est suffisante. Certes les juges cantonaux n'ont-ils
pas dit
précisément comment il convenait de corriger ce résultat à l'occasion
de la
nouvelle procédure d'adjudication; il n'y a toutefois là rien de
critiquable,
cette relative imprécision respectant au contraire la liberté
d'appréciation
qui doit être laissée au pouvoir adjudicateur dans le choix et la
manière de
pondérer et de calculer les critères d'aptitude et d'adjudication.
Le grief est mal fondé.

14.
Les Bureaux d'architectes A.________ et B.________ se plaignent
également
d'une constatation incomplète et arbitraire des faits pertinents
(art. 9
Cst.) résidant dans le fait que le Tribunal cantonal aurait «jugé dans
l'abstrait», sans tenir compte des particularités du cas d'espèce,
notamment
de la nature du bâtiment et des travaux à réaliser. Ils estiment
également
que le Tribunal cantonal aurait excédé son pouvoir d'appréciation,
car tant
les critères retenus que leur pondération ou la manière de les
calculer ne
prêteraient pas le flanc à la critique.
Cette argumentation se confond avec celle élaborée sur le même sujet
par la
Commune dans son recours; il suffit par conséquent de renvoyer à ce
qui a été
dit supra aux considérants 7 à 9.

15.
15.1Les Bureaux d'architectes A.________ et B.________ prétendent
encore que
le jugement attaqué viole l'art. 27 Cst. (subsidiairement l'art. 8
Cst.) en
ce qu'il ordonne à la Commune de reprendre la procédure
d'adjudication à son
début, vu le risque de sous-enchère qui pourrait en découler. Bien
que motivé
par rapport à une norme constitutionnelle, ce grief n'a pas de portée
propre
par rapport à celui invoqué par la Commune qui a été traité au
considérant
10. On peut donc mutatis mutandis se référer à ce considérant.

15.2 Selon les Bureaux d'architectes A.________ et B.________, l'arrêt
attaqué violerait également l'art. 27 Cst. par le fait qu'en
n'admettant pas
que le critère de la formation puisse intervenir pour départager des
concurrents, il remettrait «complètement» en cause le système de
l'apprentissage: la formation génère des coûts qui se retrouvent dans
le prix
des offres, ce qui justifierait d'admettre la prise en compte dudit
critère
afin de rétablir une certaine distorsion de la concurrence.
Formulé sur un mode appellatoire - les recourants se contentent en
effet
d'affirmer les faits sans les démontrer -, ce grief, pour peu qu'il
soit
recevable, est de toute façon mal fondé. Les premiers juges n'ont en
effet
pas écarté, comme on l'a vu (supra consid. 8.4), de manière
définitive et
générale le critère des apprentis, mais en ont simplement restreint la
portée, en accord avec la pratique et la doctrine majoritaires.

16.
Enfin, les Bureaux d'architectes A.________ et B.________ invoquent
la
protection contre l'arbitraire et la protection de la bonne foi (art.
9
Cst.), en soutenant que le Tribunal cantonal ne devait pas entrer en
matière
sur la plupart des griefs invoqués par le Bureau d'architectes
C.________ en
raison de leur tardiveté. Se confondant avec l'argumentation
développée à ce
sujet par la Commune, ce moyen doit être rejeté pour les mêmes
raisons (cf.
supra consid. 6).

FRAIS ET DÉPENS

17.
Il suit de ce qui précède que tant le recours formé par la Commune
que celui
formé par les Bureaux d'architectes A.________ et B.________ sont mal
fondés
et doivent être rejetés.
Succombant dans une procédure d'adjudication où elle intervient comme
pouvoir
adjudicateur, la Commune doit supporter les frais de justice, car son
intérêt
pécuniaire est en cause (art. 156 al. 2 OJ a contrario; cf. arrêt du
31 mai
2000 dans la cause 2P.342/1999 consid. 6 reproduit in Zbl 2001 p. 312
ss,
319). Elle versera par ailleurs une indemnité de dépens au Bureau
d'architectes C.________, qui obtient gain de cause (art. 159 al. 1
OJ; eod.
loc.).
Pour les mêmes raisons, les Bureaux d'architectes A.________ et
B.________
sont tenus au paiement des frais de justice et alloueront des dépens
au
Bureau d'architectes C.________.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 2P.268/2002 et 2P.269/2002 sont jointes.

2.
Les recours dans les causes 2P.268/2002 et 2P.269/2002 sont rejetés.

3.
Un émolument judiciaire de 6'000 fr. est mis par moitié chacun à la
charge
des recourants.

4.
Les recourants verseront chacun au Bureau d'architectes C.________ une
indemnité de dépens de 3'000 fr.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties,
à la
Commune municipale de N.________ et au Tribunal cantonal du canton du
Valais,
Cour de droit public.

Lausanne, le 8 août 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.268/2002
Date de la décision : 08/08/2003
2e cour de droit public

Analyses

Art. 87 al. 1 et 2, art. 88 OJ; art. 9 Cst.; art. 13 let. d et f, art. 18 al. 1 AIMPu; décision de renvoi dans une procédure de marchés publics; qualité pour recourir d'une commune; "critère des apprentis"; risque de sous-enchères. Caractère final ou incident d'une décision de renvoi enjoignant à une commune de reprendre la procédure d'adjudication à son début; question laissée ouverte (consid. 3 et 12). Qualité pour agir d'une commune par la voie du recours de droit public en matière de marchés publics (consid. 4). Autonomie des communes valaisannes dans les procédures d'adjudication (consid. 5). Des documents de l'appel d'offres remis aux soumissionnaires après le délai pour recourir contre cette phase de la procédure peuvent encore être contestés avec la décision d'adjudication (consid. 6). Inadmissibilité du "critère des apprentis" en raison de sa prédominance par rapport au critère du prix (consid. 8 et 9). Du risque de sous-enchères en cas de reprise de la procédure à son début (consid. 10).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-08-08;2p.268.2002 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award