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08/08/2003 | SUISSE | N°2A.213/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 août 2003, 2A.213/2003


{T 0/2}
2A.213/2003 /sch

Arrêt du 8 août 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Merkli et Meylan, Juge suppléant.
Greffier: M. Vianin.

X. ________ SA,
recourante,
représentée par Me Jean-Marie Favre, avocat,
case postale 295, 1701 Fribourg,

contre

Direction générale des douanes,
Monbijoustr. 40, 3003 Berne,
Commission fédérale de recours en matière de douanes, avenue Tissot
8, 1006
Lausanne.

perception subséquente de droits de douane p

our l'importation de
viande;
contingents,

recours de droit administratif contre la décision de la Commission
fédérale...

{T 0/2}
2A.213/2003 /sch

Arrêt du 8 août 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Merkli et Meylan, Juge suppléant.
Greffier: M. Vianin.

X. ________ SA,
recourante,
représentée par Me Jean-Marie Favre, avocat,
case postale 295, 1701 Fribourg,

contre

Direction générale des douanes,
Monbijoustr. 40, 3003 Berne,
Commission fédérale de recours en matière de douanes, avenue Tissot
8, 1006
Lausanne.

perception subséquente de droits de douane pour l'importation de
viande;
contingents,

recours de droit administratif contre la décision de la Commission
fédérale
de recours en matière de douanes du 27 mars 2003.

Faits:

A.
La société X.________ SA (ci-après: la société ou la recourante),
sise à
Nyon, a pour but le commerce de produits alimentaires, en particulier
de
produits carnés. Entre le 7 et le 14 février 1997, alors qu'elle
avait déjà
quasiment épuisé son contingent tarifaire pour la période de
contingentement
allant du 1er juillet 1996 au 30 juin 1997, la société a importé
11'571 kg de
viande de cheval, en indiquant le numéro du permis général
d'importation et
en utilisant le quota individuel de B.________, commerçant de viande
chevaline à Neuenegg.

Le 2 septembre 1999, la Direction du IIIème arrondissement des douanes
(Genève) a décidé de percevoir des droits de manière subséquente pour
cause
de dépassement du contingent tarifaire. Pour calculer ceux-ci, elle a
déduit
des 11'571 kg la part non utilisée du contingent attribué à
B.________, ce
qui ramenait le dépassement imputé à la société à 5'493 kg. En
appliquant le
taux hors contingent à ce montant, les droits réclamés s'élevaient à
103'055
fr. 10.

La société a recouru contre ce prononcé à la Direction générale des
douanes
qui, par prétérition d'instance (art. 47 al. 2 PA), a transmis le
recours à
la Commission fédérale de recours en matière de douanes (ci-après: la
Commission fédérale) comme objet de sa compétence.

B.
Par décision du 27 mars 2003, la Commission fédérale a rejeté le
recours.
Elle a considéré que la société ne pouvait importer de la viande en
utilisant
le contingent d'un tiers, car la cession d'une part de contingent
était
prohibée par la réglementation alors en vigueur. Elle a nié
l'existence
alléguée par la société d'une pratique contraire et a considéré que
l'intéressée ne pouvait non plus se prévaloir valablement de sa bonne
foi en
relation avec les propos tenus par C.________, alors sous-directeur de
l'Office fédéral de l'agriculture, lors de séances d'information à
l'intention des importateurs de viande. A cet égard, la Commission
fédérale a
d'ailleurs écarté la requête tendant à l'audition de témoins, en
procédant à
une appréciation anticipée des preuves. Enfin, elle a nié le droit de
compenser le dépassement de contingent avec les soldes de contingents
que la
société n'avait pas entièrement utilisés lors de périodes de
contingentement
antérieures. Dans ces conditions, elle a estimé que la société
avait
obtenu un

avantage illicite en important de la viande au taux du contingent au
lieu du
taux hors contingent et qu'il y avait lieu de percevoir après coup la
différence.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, la société
demande au
Tribunal fédéral d'annuler, sous suite de frais et dépens, "la
décision de
perception d'une différence de droits émanant de la Direction du IIIe
arrdt
des douanes du 9 [recte: 2] septembre 1999 portant sur Fr. 103'055,10
au
titre de dépassement final du contingent de la maison B.________
[...],
X.________ SA étant libérée des droits de douane précités". Elle fait
valoir
une violation de son droit d'être entendue. Elle se prévaut du droit
à la
protection de la bonne foi en relation avec les déclarations de
C.________,
au sujet desquelles elle produit trois pièces nouvelles. Elle allègue
une
pratique admettant la compensation d'un dépassement de contingent
avec un
contingent non utilisé. Enfin, elle qualifie la décision attaquée
d'arbitraire.

La Direction générale des douanes conclut au rejet du recours, alors
que la
Commission fédérale renonce à se déterminer en renvoyant à la décision
attaquée.

Le 7 août 2003, la société a déposé une écriture spontanée à laquelle
était
joint un nouveau moyen de preuve.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité
des
recours qui lui sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1 p. 174; 129 II
225
consid. 1 p. 227; 128 I 46 consid. 1a p. 48, 177 consid. 1 p. 179;
128 II 13
consid. 1a p. 16, 46 consid. 2a p. 47, 56 consid. 1 p. 58, 66 consid.
1 p. 67
et la jurisprudence citée).

Selon l'art. 98 lettre e OJ, le recours de droit administratif au
Tribunal
fédéral est recevable notamment contre les décisions des commissions
fédérales de recours.

1.2Comme il résulte de son intitulé, le recours interjeté le 12 mai
2003 est
dirigé contre la décision de la Commission fédérale du 22 mars 2003.
Il ne
conclut toutefois expressément qu'à l'annulation de celle de la
Direction du
IIIème arrondissement des douanes Genève du 9 (recte: 2) septembre
1999.
Compte tenu cependant de son intitulé et du fait que certains des
griefs
soulevés ne peuvent par nature se rapporter qu'à la décision de la
Commission
fédérale, il y a lieu d'admettre qu'il tend aussi, implicitement, à
l'annulation de ce dernier prononcé et qu'il est dans cette mesure
recevable.
Le recours est en revanche irrecevable en tant qu'il est dirigé
contre la
décision de la Direction du IIIème arrondissement des douanes.

Au surplus, le recours a été déposé en temps utile et dans les formes
prescrites, de sorte qu'il convient d'entrer en matière dans la mesure
définie ci-dessus.

2.
2.1Lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce, contre la
décision d'une
autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits
constatés dans
la décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou
s'ils
ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art.
105 al. 2
OJ). Aussi la possibilité d'alléguer des faits nouveaux ou de faire
valoir de
nouveaux moyens de preuve est-elle très restreinte (ATF 128 II 145
consid.
1.2.1 p. 150; 125 II 217 consid. 3a p. 221; 124 II 409 consid. 3a p.
420;
Fritz Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., Berne 1983, p.
286/287).
Selon la jurisprudence, seules sont admissibles dans ce cas les
preuves que
l'instance inférieure aurait dû retenir d'office, et dont le défaut
d'administration constitue une violation de règles essentielles de
procédure
(ATF 124 II 409 consid. 3a p. 420; 121 II 97 consid. 1c p. 99; 107 Ib
167
consid. 1b p. 169; 106 Ib 77 consid. 2a p. 79).

2.2 En l'espèce, il est en particulier douteux que la pièce déposée
le 7
août 2003 soit recevable, dès lors que ce document a été produit après
l'échéance du délai de recours (art. 106 OJ) et sans qu'un second
échange
d'écritures n'ait été ordonné (art. 110 al. 4 OJ).

La question de savoir si les nouveaux moyens de preuve sont
admissibles peut
toutefois demeurer indécise, du moment que les faits auxquels ils se
rapportent ne changent rien au sort du recours, comme il sera démontré
ci-après (cf. consid. 5.2).

3.
La recourante fait valoir une violation de son droit d'être entendue.
En
effet, en procédure de recours devant la Commission fédérale, elle a
affirmé
avoir cru de bonne foi que la cession de parts de contingents était
tolérée,
en se prévalant des propos tenus par C.________, alors vice-directeur
de
l'Office fédéral de l'agriculture, lors des séances d'information à
l'intention des importateurs de viande, tenues le 14 juin 1995 et le
23 mai
1996. Répondant aux doléances de ses auditeurs qui stigmatisaient la
rigidité
du système et évoquaient des problèmes d'ajustement des contingents,
celui-ci
aurait déclaré "que le transfert des contingents d'un importateur à
l'autre
était en principe discutable, mais qu'il appartenait aux marchands
concernés
de 's'arranger entre eux' afin de permettre une répartition des achats
compatible avec les capacités de chacun, pour autant que cela restât
dans les
limites fixées par la législation fédérale" (recours, p. 6 pt 9.3). A
l'appui
de ces allégations, la recourante avait requis l'audition de
"différentes
personnes" ayant participé aux séances en question et dont l'identité
serait
indiquée à la demande de la Commission fédérale (réplique du 30
septembre
2002 en procédure de recours devant la Commission fédérale, p. 5).

La Commission fédérale a écarté ces réquisitions, en estimant, par
voie
d'appréciation anticipée des preuves, que les pièces du dossier
étaient
suffisantes pour qu'elle puisse se forger une conviction sur la
question de
la protection de la bonne foi de la recourante. La recourante y voit
une
violation de son droit d'être entendue.

Le grief est mal fondé. En effet, la Commission fédérale n'a pas mis
en doute
les allégations de la recourante, mais a estimé, à juste titre (cf.
ci-après
consid. 5.2), que les déclarations de C.________, telles qu'elles
étaient
relatées par celle-ci, ne suffisaient pas à fonder le droit à la
protection
de la bonne foi. Dans ces conditions, la Commission fédérale pouvait
se
dispenser d'instruire plus avant sur ce point de fait et rejeter les
offres
de preuve de la recourante, sans violer le droit de celle-ci d'être
entendue.

4.
4.1En relation avec l'accord du 15 avril 1994 instituant
l'Organisation
mondiale du commerce (RS 0.632.20), la Suisse a dû remplacer les
restrictions
à l'importation qui avaient cours dans l'agriculture par des droits de
douane. En conséquence, une novelle du 16 décembre 1994 (RO 1995 II
p. 1837
ss; entrée en vigueur le 1er juillet 1995) a introduit dans la loi
fédérale
du 3 octobre 1951 sur l'amélioration de l'agriculture et le maintien
de la
population paysanne (loi sur l'agriculture; RO 1951 p. 1095 ss;
abrogée avec
effet au 1er janvier 1999) un article 23b instaurant des contingents
tarifaires et déléguant au Conseil fédéral la compétence de les
fixer. Le 17
mai 1995 (RO 1995 II p. 1843 ss), le Conseil fédéral a modifié avec
effet au
1er juillet 1995 l'ordonnance du 21 décembre 1953 relative à des
dispositions
de caractère économique de la loi sur l'agriculture (ordonnance
générale sur
l'agriculture; RO 1953 p. 1153 ss; abrogée avec effet au 1er janvier
1999).
Selon l'art. 28 al. 1 de cette ordonnance, un contingent tarifaire
désigne la
quantité d'un ou plusieurs produits agricoles pouvant être importée
au taux
du contingent. Les importations faites hors contingent sont grevées
du taux -
plus élevé - hors contingent (art. 28 al. 2).

Jusqu'au 1er janvier 1999, l'importation de viande a été régie, outre
par
l'ordonnance générale sur l'agriculture, par l'ordonnance du 22 mars
1989
concernant le marché du bétail de boucherie et l'approvisionnement en
viande
(ordonnance sur le bétail de boucherie; aOBB; RO 1989 I p. 588 ss;
abrogée
avec effet au 1er janvier 1999). L'art. 22a de cette ordonnance
disposait que
pour l'importation de marchandises dans le cadre d'une part de
contingent
tarifaire, les ayants droit devaient obtenir du service administratif
compétent un quota individuel, lequel restait valable trois mois au
plus,
sous réserve de prolongation.

La répartition des contingents était réglementée par l'art. 30 de
l'ordonnance générale sur l'agriculture. Selon l'alinéa 4 1ère phrase
de
cette disposition et contrairement au droit actuel (cf. art. 14 de
l'ordonnance générale du 7 décembre 1998 sur l'importation de produits
agricoles [ordonnance sur les importations agricoles; OIAgr; RS
916.01; en
vigueur depuis le 1er janvier 1999]), les parts de contingents
tarifaires
étaient incessibles. En vertu de l'art. 22a al. 1 2ème phrase aOBB,
il en
allait de même du quota individuel.

4.2 La loi fédérale du 1er octobre 1925 sur les douanes (LD; RS
631.0) règle
notamment la perception des droits de douane (chapitre premier) ainsi
que les
infractions aux prescriptions douanières (chapitre III). En matière
d'infractions, selon l'art. 80 al. 1 LD, le titre deuxième (art. 2 à
18) de
la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif
(DPA; RS
313.0) est applicable.

En vertu de l'art. 12 al. 1 DPA, lorsque, à la suite d'une infraction
à la
législation administrative fédérale, une contribution n'est pas
perçue, la
perception se fera après coup, avec les intérêts, alors même qu'aucune
personne déterminée n'est punissable. Le débiteur est la personne qui
a
obtenu la jouissance de l'avantage illicite, notamment celle qui
était tenue
au paiement de la contribution (art. 12 al. 2 DPA). Cette disposition
permet
de procéder au rappel d'une contribution qui n'a pas été perçue à la
suite
d'une infraction à la législation administrative fédérale (ATF 129 II
160
consid. 3.2 p. 167).

L'assujettissement aux droits de douane est régi par les art. 11 ss
LD.

4.3 En l'occurrence, la recourante ne conteste pas, à juste titre,
être
assujettie aux droits de douane en vertu de l'art. 13 LD ni être en
cette
qualité tenue, le cas échéant, d'acquitter des droits de manière
subséquente
sur la base de l'art. 12 al. 2 DPA.

Il est constant que la recourante avait quasiment épuisé
son
contingent
lorsqu'elle a procédé pour son propre compte aux importations en
cause (selon
le décompte pièce no 28 du dossier de la Direction générale des
douanes, le
solde était de 907,8 kg). Quant à la cession d'une part du contingent
ainsi
que du quota individuel de B.________ à la recourante, elle est en
principe
dépourvue d'effets dès le moment où une telle cession n'était pas
autorisée
par le droit alors en vigueur. La recourante prétend toutefois que la
cession
de contingents était tolérée par la pratique administrative. En
invoquant le
droit à la protection de la bonne foi, elle se prévaut en particulier
des
propos tenus par le sous-directeur de l'Office fédéral de
l'agriculture. Il
convient donc d'examiner si ces circonstances justifient de traiter
le cas
d'espèce d'une manière qui s'écarte du droit matériel (ci-après
consid. 5).

5.
5.1Le droit constitutionnel du citoyen à être traité par les organes
de
l'Etat conformément aux règles de la bonne foi est expressément
consacré à
l'art. 9 Cst. (Ulrich Häfelin/Georg Müller, Allgemeines
Verwaltungsrecht, 4e
éd., Zurich 2002, n° 624). Il protège la confiance légitime que le
citoyen a
placée dans les assurances reçues de l'autorité ou dans tout autre
comportement adopté par celle-ci et suscitant une expectative
déterminée (ATF
126 II 377 consid. 3a p. 387; 122 II 113 consid. 3b/cc p. 123; cf.
aussi ATF
128 II 112 consid. 10b/aa p. 125). Ainsi, l'art. 9 Cst. confère
d'abord au
citoyen le droit d'exiger de l'autorité qu'elle se conforme aux
assurances
(promesses, renseignements, communications, recommandations ou autres
déclarations) reçues, si les conditions cumulatives suivantes sont
réunies
(ATF 121 II 473 consid. 2c; 118 Ia 245 consid. 4b et les arrêts
cités):
a)l'autorité est intervenue dans une situation concrète à l'égard de
personnes déterminées;
b)l'autorité a agi ou est censée avoir agi dans les limites de sa
compétence;
c)l'administré a eu de sérieuses raisons de croire à la validité de
l'acte
suivant lequel il a réglé sa conduite;
d)l'administré s'est fondé sur l'acte en question pour prendre des
dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir un préjudice;
e)la loi n'a pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée.

5.2 En l'occurrence, l'administrateur de la recourante, dont les
agissements
en tant qu'organe sont attribués à cette dernière, a déclaré lors
d'une
audition par le Service des enquêtes de la Direction des douanes
qu'il savait
que les permis généraux d'importation étaient incessibles et que les
quotas
individuels ne pouvaient être utilisés pour le compte de tiers; il
avait
toutefois déduit des propos tenus par le sous-directeur de l'Office
fédéral
de l'agriculture que cela était toléré (procès-verbal
d'interrogatoire du 20
juillet 1998, pièce no 7 du dossier de la Direction générale des
douanes,
spéc. p. 3). S'agissant de ces propos, la recourante admet d'ailleurs
elle-même que leur auteur a expressément relevé que les
"arrangements" entre
importateurs devaient rester dans le cadre de la législation
fédérale. Dans
ces conditions, la recourante ne pouvait de bonne foi les interpréter
en ce
sens que le sous-directeur de l'Office fédéral de l'agriculture
entendait
autoriser - fût-ce sous la forme d'une simple tolérance - une
pratique, la
cession de contingents et de quotas individuels, qu'elle savait
pertinemment
être illégale. Cela serait revenu à abroger de facto le droit en
vigueur et
il devait apparaître quasiment exclu que le prénommé ait eu la
compétence de
le faire.

Ainsi, les deuxième et troisième conditions précitées font clairement
défaut,
de sorte que la recourante ne saurait se prévaloir du droit à la
protection
de la bonne foi. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner si les autres
conditions cumulatives sont réalisées. Il n'est pas non plus
nécessaire
d'administrer des preuves concernant les déclarations du
sous-directeur de
l'Office fédéral de l'agriculture, ni, par conséquent, de se
prononcer sur
l'admissibilité des nouveaux moyens de preuve y relatifs, car, même en
admettant que ces déclarations aient eu la teneur alléguée par la
recourante,
elles ne suffisent pas à fonder le droit à la protection de la bonne
foi.
Par ailleurs, la Commission fédérale a nié que les autorités
compétentes - en
particulier l'Office fédéral de l'agriculture - aient eu pour
pratique de
tolérer la cession de parts de contingents et de quotas individuels.
La
recourante ne démontre pas que cette constatation de fait serait
manifestement inexacte, de sorte que le Tribunal fédéral est lié par
elle. En
particulier, la pièce jointe à l'écriture spontanée du 7 août 2003 ne
saurait
suffire à cet égard, car, dans ce document, la Direction générale des
douanes
se limite à évoquer les déclarations faites par des importateurs de
viande
lors de diverses auditions, selon lesquelles "certaines pratiques en
matière
de cession de permis auraient été tolérées par l'Office fédéral de
l'agriculture"; il est toutefois précisé que cette autorité a
contesté les
affirmations en cause.

6.
La recourante prétend pouvoir compenser les importations incriminées
avec des
soldes de contingents qu'elle n'a pas utilisés lors de périodes
antérieures
de contingentement.

Outre qu'aucune disposition ne prévoit expressément une telle
possibilité, il
faut convenir avec l'autorité intimée que cela serait incompatible
avec le
système légal du contingent tarifaire et même de nature à le priver de
l'essentiel de son efficacité. En effet, le système ne saurait
remplir la
fonction protectrice qui lui est assignée qu'autant que le volume des
contingents d'importation est déterminé, pour chaque période de
contingentement, en fonction de la production intérieure au même
moment. Or,
cette corrélation serait rompue s'il était possible de reporter le
solde
inutilisé d'un contingent d'une période à l'autre, voire sur plusieurs
périodes, comme le voudrait la recourante.

La recourante se prévaut il est vrai de deux cas où un tel report
aurait
effectivement été autorisé. En guise de preuves, elle se réfère à
deux pièces
figurant au dossier (pièces nos 3 et 4 jointes au mémoire de réplique
du 30
septembre 2002), à savoir la copie d'un courrier qu'une fiduciaire
agissant
pour le compte de l'Association suisse des importateurs de viande de
cheval a
adressé le 8 juillet 1996 à la Commission de recours du Département
fédéral
de l'économie, ainsi que la copie d'un courrier adressé par la
Direction
générale des douanes le 20 mars 2000 dans une autre procédure de
perception
subséquente de droits de douane.

Dans son courrier susmentionné du 8 juillet 1996, la fiduciaire se
réfère à
une décision par laquelle la Commission précitée avait partiellement
admis un
recours dirigé contre une décision de l'Office fédéral de
l'agriculture. Elle
interprète celle-ci en ce sens que "les importateurs qui n'ont pas
épuisé
leur contingent 1994/1995 au 30 juin 1995 peuvent reporter le
reliquat en
augmentation de leur contingent tarifaire partiel, pour la période
allant du
1er juillet 1995 au 30 juin 1996" et que le contingent non utilisé au
30 juin
1996 n'est pas caduc mais entre en considération pour la période
suivante.
Elle demande à la Commission de lui confirmer que son interprétation
est
exacte et en particulier que "les importateurs peuvent bénéficier du
report
du contingent non utilisé en 1994/1995". La recourante ajoute "qu'à sa
connaissance, la réponse a été affirmative". Toutefois, elle ne
fournit
aucune preuve à l'appui de cette allégation.

Quant au courrier précité du 20 mars 2000, il en ressort que l'Office
fédéral
de l'agriculture, par lettre du 5 septembre 1996, a accepté "que
16'576,7 kg
de viande de cheval, précédemment importés au taux contingent sans
que la
Y.________ SA soit au bénéfice de quotas individuels, soient néanmoins
couverts par le contingent 1996/1997 de cette société"; cette
autorité aurait
de plus renoncé à une dénonciation pour déclarations inexactes, en
considérant que la société précitée "avait eu besoin de s'adapter
durant la
phase d'introduction du système législatif en matière de contingents
tarifaires". Ainsi, dans cette affaire, le problème était que la
société
précitée ne disposait pas d'un quota individuel, ce qui peut être en
relation
avec un dépassement de contingent (par ex., la société ne pouvait
obtenir de
quota parce que son contingent était déjà épuisé), mais ne l'est pas
nécessairement (il se peut que la société ait tout simplement omis de
faire
les démarches en vue de l'obtention d'un quota). Dans le cas de
Y.________
SA, cette deuxième hypothèse apparaît d'autant plus vraisemblable que
les
faits remontent à la période de l'introduction du système des
contingents.

Ainsi, les moyens de preuve auxquels la recourante se réfère ne
sauraient
suffire à établir l'existence d'une pratique admettant le report de
soldes de
contingents. D'ailleurs, à supposer même qu'une telle pratique soit
avérée
dans les deux cas dont la recourante se prévaut, celle-ci serait
illégale, de
sorte que la recourante ne pourrait en bénéficier qu'aux conditions
restrictives auxquelles la jurisprudence fait primer le principe
d'égalité
sur celui de la légalité: il doit s'agir d'une pratique systématique
que
l'autorité entend poursuivre (ATF 122 II 446 consid. 4a p. 451-452).
En
l'occurrence, ces conditions ne seraient pas réalisées en présence de
deux
cas isolés.

7.
Enfin, la recourante fait valoir que, durant la période de
contingentement
litigieuse, B.________ n'avait lui-même pas épuisé son propre
contingent
(compte tenu aussi bien des importations qu'il a effectuées lui-même
que des
quotas qu'il a cédés). Cela ne lui est d'aucun secours. En effet, le
fait
générateur de la perception subséquente des droits de douane
litigieux est
l'importation par la recourante des 11'571 kg de viande de cheval en
utilisant le quota individuel de B.________ et non pas la cession par
ce
dernier de parts de son contingent. Il est vrai que l'autorité de
première
instance a jeté quelque confusion à ce sujet en déduisant, pour le
calcul des
droits éludés, des quantités importées par la recourante en sus de
son propre
contingent la part du contingent de B.________ restée inutilisée par
ce
dernier. Ainsi que la Direction générale des douanes le reconnaît
dans ses
observations (p. 9), il s'agit là d'une erreur, car, pour calculer
les droits
à percevoir de manière subséquente, il aurait fallu déduire de la
quantité de
viande importée (11'571 kg) le solde du contingent de la recourante,
soit
907,8 kg, au lieu de celui de B.________ (6'078 kg). Toutefois, la
recourante
ne saurait rien tirer en sa faveur de cette erreur qui, au demeurant,
lui
profite.

Pour la même raison que celle évoquée ci-dessus, il n'importe pas que
B.________ ait cédé des parts de son contingent à d'autres personnes
que la
recourante. L'argumentation selon laquelle la décision attaquée serait
arbitraire dans la mesure où elle ne tient pas compte des autres
"responsables" doit ainsi être repoussée.

8.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté. Succombant, la
recourante
supporte les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et n'a pas droit à
des
dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 francs est mis à la charge de la
recourante.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la
recourante, à la
Direction générale des douanes et à la Commission fédérale de recours
en
matière de douanes.

Lausanne, le 8 août 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.213/2003
Date de la décision : 08/08/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-08-08;2a.213.2003 ?
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