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07/08/2003 | SUISSE | N°I.656/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 août 2003, I.656/02


{T 7}
I 656/02

Arrêt du 7 août 2003
IIe Chambre

Mme et MM. les Juges Widmer, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Berset

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, recourant,

contre

O.________, intimée, représentée par Me Carlo Sommaruga, avocat, rue
de
Chantepoulet 1-3, 1211 Genève 1

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 11 juillet 2002)

Faits:

A.
Née en 1953, O.________, ressortissante turque, a travaill

é comme
femme de
chambre à l'hôtel H.________, du 21 juin 1994 au 13 mai 1999. Depuis
le 30
juin 1999, elle est au bénéfice ...

{T 7}
I 656/02

Arrêt du 7 août 2003
IIe Chambre

Mme et MM. les Juges Widmer, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme
Berset

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, recourant,

contre

O.________, intimée, représentée par Me Carlo Sommaruga, avocat, rue
de
Chantepoulet 1-3, 1211 Genève 1

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 11 juillet 2002)

Faits:

A.
Née en 1953, O.________, ressortissante turque, a travaillé comme
femme de
chambre à l'hôtel H.________, du 21 juin 1994 au 13 mai 1999. Depuis
le 30
juin 1999, elle est au bénéfice d'un moyen auxiliaire de
l'assurance-invalidité sous forme d'un appareillage acoustique.

Le 29 août 2000, elle a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité tendant au placement dans un emploi convenable
à 50 %,
ainsi qu'à une rente.

Après avoir recueilli l'avis du docteur A.________, médecin traitant,
l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après :
OCAI) a
confié une expertise à la doctoresse B.________, spécialiste en
psychiatrie
et psychothérapie. Dans son rapport du 25 juin 2001, cette
praticienne a
diagnostiqué un trouble de l'adaptation (avec prédominance de la
perturbation
d'autres émotions), ainsi que des migraines et une déficience auditive
bilatérale. Compte tenu des troubles psychiques, elle a fixé
l'incapacité de
travail de O.________ à 20 % dans son ancienne activité, à partir de
1995.

Par décision du 20 août 2001, l'OCAI a refusé à la prénommée tout
droit à une
rente au motif que les troubles diagnostiqués n'étaient pas
invalidants.

B.
O.________ a recouru contre cette décision devant la Commission
cantonale
genevoise de recours en matière d'AVS/AI (ci-après : la commission;
aujourd'hui : Tribunal cantonal des assurances sociales). Elle a
produit, en
cours de procédure, une expertise du 7 décembre 2001 du docteur
C.________,
spécialiste en psychiatrie transculturelle.

Par jugement du 11 juillet 2002, la commission a admis le recours et
renvoyé
la cause à l'OCAI pour «nouvelle expertise médicale qui sera
effectuée par un
médecin psychiatre, si possible spécialiste en psychiatrie
transculturelle».

C.
L'OCAI interjette recours de droit administratif contre ce jugement,
dont il
demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision
du 20
août 2001.

O. ________ conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des
assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Même si elle ne met pas fin à la procédure, une décision de renvoi,
qui
invite l'administration à statuer à nouveau selon des instructions
impératives, est une décision autonome, susceptible en tant que telle
d'être
attaquée par la voie du recours de droit administratif, et non une
simple
décision incidente (ATF 120 V 237 consid. 1a, 117 V 241 consid. 1,
113 V 159;
VSI 2001 p. 121 consid. 1a).

2.
Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et
les
principes jurisprudentiels applicables en l'espèce, de sorte que l'on
peut y
renvoyer.

On ajoutera que la loi fédérale sur la partie générale des assurances
sociales (LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur le 1er janvier
2003,
n'est pas applicable au présent litige, dès lors que le juge n'a pas
à tenir
compte des modifications du droit ou de l'état de fait postérieures à
la date
déterminante de la décision litigieuse du 20 août 2001 (ATF 127 V 467
consid.
1, 121 V 366 consid. 1b).

3.
En l'espèce, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si
c'est à bon droit que les premiers juges ont renvoyé la cause à
l'office
recourant pour instruction complémentaire.

3.1
3.1.1Selon la doctoresse B.________, l'intimée présente sur le plan
psychique
un trouble de l'adaptation (humeur dépressive, inquiétude, anxiété,
sentiment
d'incapacité de faire face et phénomènes régressifs), assimilable à
un état
dépressif et anxieux mixte, mais dont les manifestations sont
insuffisantes
pour justifier un diagnostic de trouble anxieux et dépressif plus
spécifique,
l'incapacité de travail qui en découle étant de 20 %. Cette affection
serait
attribuable au fait que lors de sa migration en Suisse en 1989,
l'assurée a
dû faire face à un problème existentiel important, quittant son cadre
habituel et des êtres chers dans son village pour s'adapter à un
nouvel
environnement et à un nouveau mode de vie, difficultés accrues par la
diminution de l'ouïe et l'ignorance de la langue française.

3.1.2 Dans l'expertise du 7 décembre 2001, le docteur C.________,
quant à
lui, pose le diagnostic (principal) d'épisode dépressif sévère avec
symptômes
psychotiques et (secondaire) d'hypoacousie endo-cochléaire d'origine
dégénérative, rendant l'intimée dans l'incapacité totale d'exercer une
quelconque profession. Ces deux pathologies peuvent du reste avoir
des effets
potentialisateurs l'une sur l'autre, en ce sens que la dépression est
renforcée par les difficultés de communication, ainsi que les bruits
parasites et que l'hypoacousise est aggravée par le manque de
motivation
associé à la dépression. De l'avis de ce médecin, il n'y a pas
d'éléments
culturels responsables des affections, au contraire toute la famille
de
l'intéressée est bien intégrée et active.

3.1.3 Force est de constater que si cette expertise - privée - n'a
pas la
même valeur que des expertises mises en oeuvre par l'office
recourant, elle
comprend une anamnèse détaillée, se prononçe sur les plaintes de
l'assurée,
repose sur l'observation clinique de l'assurée, est exempte de
contradictions
et contient des conclusions claires, de sorte qu'elle est propre à
mettre en
doute sur les points litigieux (diagnostic et capacité de travail)
l'opinion
et les conclusions de la doctoresse B.________ (ATF 125 V 354 consid.
3c).
Quoi qu'en dise l'office recourant, le simple fait que le docteur
C.________
habite le même immeuble que le fils aîné de l'intimée ne permet pas
d'affirmer que ce médecin entretenait des liens privilégiés avec la
famille
O.________. L'opinion du docteur C.________ rejoint d'ailleurs celle
du
docteur A.________ pour lequel les troubles diagnostiqués (dépression
larvée
et déficience auditive bilatérale) justifient une incapacité de
travail de
100 %, dans l'activité exercée jusqu'alors par sa patiente (rapport
du 31
octobre 2000). Dans une appréciation du 3 mai 2001, ce médecin fait
en outre
état d'une agravation de la dépression larvée et déclare douter que
l'intéressée puisse exercer une profession avec ce handicap.

3.2 De toute manière, l'expertise de la doctoresse B.________ n'est
pas aussi
claire que le soutient l'office recourant. En effet, cette praticienne
retient un diagnostic de trouble de l'adaptation, tout en expliquant
que deux
composantes de cette affection (humeur dépressive et anxiété)
répondent aux
critères d'un état dépressif et anxieux mixte. On conçoit dès lors
que les
premiers juges aient estimé ne pas pouvoir se déterminer sur la
présence ou
non d'une dépression durable et aient préféré, pour plus de certitude,
renvoyer la cause pour nouvelle expertise, ainsi qu'il résulte leurs
observations du 29 octobre 2002.

Pas plus l'expertise en question n'est-elle exempte de
contradictions. Ainsi,
son auteur affirme que l'intimée ne pourra pas exercer d'activité de
femme de
chambre, vu la difficulté de compréhension des consignes, alors que
l'assurée
a fait la démonstation du contraire pendant cinq ans, ce qui donne à
penser
que la doctoresse B.________ n'a peut-être pas voué toute l'attention
requise
au dossier de l'intéressée. Son affirmation est d'autant plus sujette
à
discussion qu'il ressort de l'expertise que l'intimée présente une
capacité
de travail de 80 % dans sa dernière activité, qui est précisément
celle de
femme de chambre (la seule jamais exercée par l'intimée d'ailleurs).

3.3 Cela étant, le juge cantonal dispose d'une large liberté dans le
choix
des preuves qu'il entend administrer. Cette liberté est le corollaire
de
l'obligation à sa charge d'établir les faits déterminants pour
l'issue du
litige (art. 85 al. 2 let. c LAVS, en relation avec l'art. 69 LAI
dans leur
teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, applicable en l'espèce).
S'agissant d'une expertise médicale, il a en principe la possibilité
soit de
commettre lui-même un expert soit de renvoyer la cause à
l'administration
pour qu'elle mette en oeuvre l'expertise. Le Tribunal fédéral des
assurances
n'intervient que si la décision de renvoi se trouve en contradiction
avec des
pièces évidentes et concordantes du dossier ou s'il méconnaît des
preuves
pertinentes et suffisantes pour trancher le litige. Un renvoi à
l'administration ne saurait en effet apparaître comme le prétexte à
un refus
de trancher le litige au fond sur la base du dossier constitué et
conduire de
ce fait à un déni de justice de la part de l'autorité (cf. RAMA 1999
no U 342
p. 410,1993 no U 170 p. 136).

3.4 Dans le cas particulier, on peut admettre, au vu des divergences
et
contradictions mentionnées plus haut, qu'une expertise était
susceptible
d'apporter des éclaircissements sur la nature et l'étendue des
troubles de
l'intimée, ainsi que sur l'activité qui peut encore être
raisonnablement
exigée d'elle. On ne saurait dès lors faire grief aux premiers juges
de ne
pas avoir confirmé, sans autres mesures d'instruction, la capacité
résiduelle
de travail de 80 % retenue par l'office recourant et ce, quand bien
même ce
taux correspond à l'évaluation de la doctoresse B.________. Aussi
bien le
recours est-il mal fondé, en tant qu'il vise le renvoi de la cause à
l'office
recourant pour nouvelle expertise médicale.

4.
Cela étant, dans la mesure où les premiers juges ont omis d'annuler la
décision litigieuse, une rectification d'office du dispositif du
jugement
cantonal s'impose.

5.
Vu l'issue du litige, il se justifie d'allouer à l'intimée une
indemnité de
dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en relation avec
l'art. 135
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté. Le chiffre 3 du dispositif du jugement attaqué
est
complété en ce sens que la décision du 20 août 2001 de l'office
recourant est
annulée.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'office recourant versera à l'intimée la somme de 2'500 fr. (y
compris la
taxe sur la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance
fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal
genevois
des assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 7 août 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Juge présidant la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.656/02
Date de la décision : 07/08/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-08-07;i.656.02 ?
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