La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/08/2003 | SUISSE | N°U.310/02

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 août 2003, U.310/02


{T 7}
U 310/02

Arrêt du 6 août 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Moser-Szeless

M.________, recourante, représentée par Me Catherine Gavin, avocate,
Collectif de défense, boulevard Saint-Georges 72, 1205 Genève,

contre

Allianz Suisse Société d'Assurances, avenue du Bouchet 2, 1209 Genève,
intimée,

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 17 septembre 2002)

Faits :

A.r> A.a M.________, vendeuse chez X.________, a été victime d'une chute à
son
domicile, le 10 janvier 1992, laquelle a entraîné un...

{T 7}
U 310/02

Arrêt du 6 août 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme
Moser-Szeless

M.________, recourante, représentée par Me Catherine Gavin, avocate,
Collectif de défense, boulevard Saint-Georges 72, 1205 Genève,

contre

Allianz Suisse Société d'Assurances, avenue du Bouchet 2, 1209 Genève,
intimée,

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 17 septembre 2002)

Faits :

A.
A.a M.________, vendeuse chez X.________, a été victime d'une chute à
son
domicile, le 10 janvier 1992, laquelle a entraîné une forte entorse à
la
cheville droite diagnostiquée par le docteur A.________ de la
Permanence
Y.________ (rapport initial LAA du 23 janvier 1992). Dans un
certificat
médical du 16 mars 1992, le docteur B.________ a indiqué que
l'évolution
était bonne, mais que la patiente avait subi une nouvelle entorse; un
plâtre
circulaire a été posé. Le cas a été pris en charge par l'Elvia
Assurances,
Société suisse d'assurances, dont la nouvelle raison sociale est
Allianz
Suisse, Société d'Assurances (ci-après: l'Elvia), auprès de laquelle
la
prénommée était assurée pour le risque d'accident professionnel et non
professionnel.

Le 23 juin 1992, M.________, qui n'a pas repris son activité, a
consulté le
docteur C.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique;
celui-ci a
fait état de douleurs internes et externes, gêne et raideur
importante de la
cheville droite, ainsi qu'une douleur du compartiment interne du
genou droit
(rapport de consultation du 8 juillet 1992). Le 16 juillet 1992, il a
effectué une arthroscopie avec chondroplastie interne et diagnostiqué
une
fracture chondrale du condyle interne. Il a procédé à une nouvelle
arthroscopie avec résection au laser le 27 août suivant, en posant le
diagnostic de lésion chondrale du dôme et flap synovial. A la demande
de
l'assureur-accidents, M.________ a été examinée par le docteur
D.________,
chirurgien F.M.H. Celui-ci a constaté que les lésions articulaires
étaient
invalidantes et que les interventions de son confrère C.________
étaient
justifiées (rapport du 30 octobre 1992). Le 24 novembre 1992, le
docteur
C.________ a attesté d'une incapacité de travail totale de l'assurée
du 15
juillet au 29 novembre 1992 pour des raisons d'accident.

A.b Ayant entre-temps quitté X.________, M.________ a repris une
activité
comme vendeuse chez Z.________ du 15 septembre 1995 au 30 novembre
1996, date
à laquelle elle a été licenciée. Par ailleurs, elle a subi deux
nouvelles
arthroscopies du genou droit, les 18 mars et 18 novembre 1996 (avec
greffe
ostéocartilagineuse), le docteur C.________ posant chaque fois le
diagnostic
d'ancienne fracture chondrale. Dans un rapport à l'Elvia du 5 février
1997,
le praticien a indiqué que ces interventions étaient liées à
l'accident de
1992.
A la demande de l'assureur-accidents, le docteur E.________,
spécialiste FMH
en chirurgie orthopédique, a examiné l'assurée. Dans son rapport du
20 juin
1997, il a retenu le diagnostic d'arthropathie du genou droit avec une
étiologie multi-factorielle, ainsi qu'ancienne entorse de la cheville
droit
(actuellement guérie). Il a en outre relevé qu'il est très difficile
de
savoir d'une manière objective quel est le mécanisme traumatique qui a
déclenché l'évolution du genou droit de la patiente; selon lui, le
fait
qu'aucune mention n'est faite d'une blessure du genou droit «est tout
de même
un peu curieux». Il précisait qu'il était possible que l'accident
soit à
l'origine de la lésion chondrale décrite, mais il était également
possible
qu'il s'agisse d'une gonarthrose primaire. L'incapacité de travail de
l'assurée était essentiellement conditionnée par l'état du genou
droit, qu'il
était difficile de mettre en relation avec l'accident. Le médecin
évaluait à
100% l'incapacité de travail dans une activité de
manutentionnaire-vendeuse
et à 5% l'atteinte à l'intégrité subie par M.________. Entendue par un
inspecteur de l'Elvia sur le mécanisme de l'accident, le 11 décembre
1997,
l'assurée a précisé qu'elle avait chuté dans son salon; elle n'avait
ressenti
des douleurs qu'à la cheville, mais deux semaines après environ, elle
avait
eu mal au genou. Par la suite, elle était tombée dans les escaliers
sur le
genou, sans qu'elle ne se rappelât de la date de cette seconde chute,
et
avait dû subir plusieurs opérations.

En raison de la persistance des douleurs, l'assurée a subi deux
interventions
chirurgicales - une arthroscopie avec toilette articulaire, le 12
octobre
1998, et une greffe en mosaïque, le 26 octobre 1999 - réalisées par
le
docteur F.________, Chef de service adjoint du Département de
chirurgie de
l'Hôpital W.________. Le 29 juin 2000, M.________ a été examinée par
le
docteur G.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et
traumatologie, en vue d'une expertise. Dans son rapport du 20 juillet
2000,
le médecin indique que l'étiologie des douleurs au genou droit avait
été
automatiquement mise en rapport avec l'accident du 20 janvier 1992,
mais
qu'il n'y avait toutefois, à part une possible relation anamnestique,
aucune
certitude de cause à effet. Selon lui, une décompensation fortuite
d'un état
cartilagineux dégénératif, à la suite d'une marche avec un plâtre,
aurait pu
déclencher une symptomatologie douloureuse. Le rapport de causalité
entre la
chute du 20 janvier 1992 et la fracture chondrale était tout au plus
possible.
Se fondant sur cette expertise, l'Elvia a, par décision du 11 août
2000 et
décision sur opposition du 22 janvier 2001, mis fin à ses prestations
au 1er
août 2000, invoquant l'absence de lien de causalité naturelle entre
la lésion
au genou dont souffre l'assurée et l'accident du 20 janvier 1992.

B.
M.________ a recouru contre la décision sur opposition devant le
Tribunal
administratif du canton de Genève (aujourd'hui, en matière
d'assurances
sociales : Tribunal cantonal des assurances sociales). A l'appui de
son
recours, elle a produit deux attestations du docteur A.________ des 2
novembre 2000 et 16 mars 2001, selon lesquelles lors d'une
consultation du 25
juin 1992, elle lui avait déclaré avoir des problèmes au genou droit
à la
suite d'un accident dans le bus.

Au cours d'une audience de comparution personnelle et d'enquêtes du 8
octobre
2001, le docteur A.________ a confirmé que d'après ses notes au
dossier
médical, dont il a fait parvenir une copie au tribunal, il avait vu sa
patiente le 25 juin 1992 et constaté que son genou était enflé et
tuméfié;
elle indiquait avoir été victime d'un accident dans le bus.

Par jugement du 17 septembre 2002, le Tribunal administratif genevois
a
rejeté le recours.

C.
M.________ interjette recours de droit administratif contre ce
jugement dont
elle demande l'annulation. Elle conclut, sous suite de dépens,
principalement
à ce que soit reconnu son droit aux prestations de
l'assurance-accidents pour
les conséquences de ses lésions au genou, et à ce que l'Elvia soit
condamnée
à lui verser une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 15 %, ainsi
que les
prestations d'assurance dues en raison d'une incapacité de travail de
50% au
moins; subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause à
l'autorité
cantonale pour complément d'instruction et nouvelle décision. Par
ailleurs,
elle demande le bénéfice de l'assistance judiciaire.

L'Allianz Suisse, Sociétés d'assurances, conclut au rejet du recours.

L'Assura SA, assurance-maladie et accidents, caisse-maladie de
M.________,
s'en remet à justice, tandis que l'Office fédéral des assurances
sociales a
renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
1.1 L'objet du litige porte sur le point de savoir si la recourante
peut
prétendre au maintien des prestations de l'intimée pour les troubles
de santé
dont elle souffre au-delà du mois du 1er août 2000.

1.2 Le jugement entrepris expose de manière exacte les principes
dégagés par
la jurisprudence en matière de preuves, ainsi que ceux régissant
l'exigence
de la causalité naturelle entre l'accident assuré et une atteinte à
la santé
pour que cette dernière donne lieu à des prestations de
l'assurance-accidents. Il suffit donc d'y renvoyer sur ces points.

2.
Au vu des pièces médicales au dossier, il n'est pas contestable - ni,
du
reste, contesté par la recourante - que les problèmes de santé liés
aux
lésions du genou droit ne sont pas dus à l'accident survenu le 20
janvier
1992, au cours duquel elle s'est tordue la cheville. Selon
l'expertise du
docteur E.________ du 20 juin 1997 - qui, convaincante et rédigée à
la suite
d'un examen de l'assurée et de l'étude du dossier médical et
radiologique,
répond à toutes les conditions posées par la jurisprudence pour lui
reconnaître une pleine valeur probante (ATF 125 V 352 consid. 31, 122
V 160
consid. 1c et les références), - le lien de causalité entre
l'événement
assuré et les troubles dont la recourante est encore victime paraît
seulement
possible. Ces conclusions sont confirmées par le docteur G.________,
selon
lequel le rapport de causalité entre la chute du 20 janvier 1992 et la
fracture chondrale visualisée durant l'arthroscopie du 16 juillet
1992 est
tout au plus possible. Or, la seule possibilité d'un lien de causalité
naturelle ne saurait suffire au regard des exigences de preuve posées
par la
jurisprudence (voir ATF 119 V 338 consid. 1), de sorte qu'à l'instar
des
premiers juges, on peut retenir que les troubles de la recourante ne
sont pas
dans un rapport de causalité naturelle avec l'accident du 20 janvier
1992.

3.
3.1Il reste à examiner si l'atteinte à la santé de la recourante
résulte d'un
autre événement qui serait assuré par l'intimée. A cet égard, la
recourante
soutient qu'elle a fait une chute dans un bus au mois de juin 1992,
laquelle
serait à l'origine de ses lésions au genou.

Dans une motivation succincte, les premiers juges rejettent cette
version des
faits; ils considèrent que cet événement n'apparaît pas suffisamment
établi
parce qu'il n'a été mentionné que très tardivement dans la procédure,
sans
avoir été rapporté dans les différentes pièces médicales établies au
fil du
temps. Par ailleurs, ni les déclarations de la recourante, ni celles
du
docteur A.________ ne suffiraient à faire admettre l'existence de
l'accident
allégué.

3.2 En l'espèce, selon les déclarations écrites (des 2 novembre 2000
et 16
mars 2001), puis orales (procès-verbal de comparution personnelle du 8
octobre 2001) du docteur A.________, la recourante l'a consulté le 25
juin
1992 en raison de problèmes au genou droit à la suite d'un accident
qu'elle a
eu dans le bus; il a par ailleurs constaté que le genou était enflé et
tuméfié. Ces affirmations sont corroborées par les notes établies à
l'époque
par le médecin dans le dossier médical de sa patiente: il y est fait
mention
d'un «problème genou droit 1 suite à un accident de bus - soignée
elle-même.
clinique: Douleur + enflure au genou droit». Ces indications sont
précédées
par les notes de la consultation du 16 juin 1992 qui ne comportent
qu'une
mention de la cheville droite, sans aucune référence au genou; elles
sont
suivies par le signalement, le 30 juin 1992, d'une diminution de la
douleur à
la cheville, de douleurs au genou droit, ainsi que d'investigations y
relatives par le docteur C.________.

Contrairement à ce qu'a retenu l'instance cantonale de recours - qui
ne se
réfère toutefois pas sur ce point aux pièces produites à sa demande
par le
docteur A.________ -, les explications de ce dernier suffisent en soi
à
étayer l'existence d'un accident dans le bus allégué par la
recourante. En
effet, il ressort du dossier médical de M.________ en mains du
praticien
qu'elle lui a effectivement fait état de cet événement, peu après sa
survenance, et que celui-ci a constaté, le 25 juin 1992, une enflure
du genou
droit. Que le docteur C.________ ne mentionne qu'une douleur du
compartiment
interne du genou droit, sans parler d'une chute dans le certificat
médical du
8 juillet 1992, pas plus d'ailleurs que les autres médecins qui ont
examiné
la recourante par la suite, ne permet pas de faire douter de la
vraisemblance
de l'événement en cause. En effet, conformément aux déclarations du
docteur
A.________ - que les premiers juges qualifient tout de même de
plausibles -,
on peut penser que la recourante a banalisé cet accident et omis d'en
faire
état au docteur C.________, puis aux autres praticiens consultés. Dès
lors
qu'il existait déjà une première déclaration formelle d'accident
relative à
la chute du 20 janvier 1992 et que l'intimée a versé les prestations
en
rapport avec les premières interventions chirurgicales en 1992 comme
par la
suite, on comprend également que M.________ n'ait pas pensé à faire
une
seconde annonce d'accident, ce d'autant plus qu'elle avait mentionné
l'événement survenu dans le bus à son médecin traitant, le 25 juin
1992. Il
s'agit là, au demeurant, de la première version qu'a donnée la
recourante du
second accident, à laquelle il y a lieu, conformément à la
jurisprudence
citée par les premiers juges (ATF 121 V 47 consid. 2a, 115 V 143
consid. 8c),
d'accorder plus de poids qu'aux déclarations faites à l'intimée, le 11
décembre 1997, soit plus de cinq ans après. Dans ces circonstances,
on peut
tenir
pour avérée l'existence d'un accident survenu entre le 16 et le
25 juin
1992 dans un bus, au cours duquel la recourante a heurté son genou
droit.

3.3 Contrairement à ce que voudrait la recourante, on ne saurait pour
autant
admettre d'emblée, l'existence d'un lien de causalité naturelle entre
cet
événement et les troubles dont elle souffre au-delà du 10 août 2000
sans
autre appréciation médicale. En effet, tous les médecins qui se sont
prononcés sur la causalité naturelle ont, dans l'ignorance d'un autre
événement accidentel, examiné la question uniquement en relation avec
la
chute du 20 janvier 1992. Si le docteur E.________ s'est étonné de ce
qu'aucune mention n'ait été faite d'une blessure du genou droit, on ne
saurait se fonder sur cette seule constatation pour établir
l'existence d'un
rapport de causalité entre le choc subi en juin 1992 et la fracture
chondrale
constatée par le docteur C.________ le 16 juillet 1992, ainsi que les
suites
de celle-ci. Par conséquent, il convient de renvoyer la cause à
l'intimée
pour instruction complémentaire sur ce point.

4.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). La
recourante, qui obtient gain de cause sur sa conclusion subsidiaire,
a droit
à une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en
corrélation avec l'art. 135 OJ). La demande d'assistance judiciaire
est ainsi
sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal
administratif de
la République et canton de Genève du 17 septembre 2002, ainsi que la
décision
sur opposition de l'Elvia, Société suisse d'assurances, du 22 janvier
2001
sont annulés, la cause étant renvoyée à l'Allianz Suisse, Société
d'assurances, pour instruction complémentaire au sens des
considérants et
nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'intimée versera à la recourante la somme de 2'500 fr. (y compris la
taxe
sur la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le Tribunal cantonal genevois des assurances sociales statuera sur
les dépens
pour la procédure de première instance, au regard de l'issue du
procès de
dernière instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à ASSURA, Assurance
maladie et
accident, Pully, au Tribunal cantonal genevois des assurances
sociales et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 6 août 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.310/02
Date de la décision : 06/08/2003
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-08-06;u.310.02 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award