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05/08/2003 | SUISSE | N°1A.139/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 août 2003, 1A.139/2003


{T 0/2}
1A.139/2003 /col

Arrêt du 5 août 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aeschlimann, Juge présidant,
Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Zimmermann.

K. ________ S.A.,
recourante, représentée par Me Cédric Aguet, avocat, rue Eynard 6,
1205
Genève,

contre

Office fédéral de la justice, Office central USA, Bundesrain 20, 3003
Berne.

entraide judiciaire internationale en matière pénale
aux USA,

recours de droit administratif contre la décision de l'Office fÃ

©déral
de la
justice du 21 mai 2003.

Faits:

A.
Le 13 mars 2002, le Département de la justice des Etats-Unis
d'A...

{T 0/2}
1A.139/2003 /col

Arrêt du 5 août 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aeschlimann, Juge présidant,
Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Zimmermann.

K. ________ S.A.,
recourante, représentée par Me Cédric Aguet, avocat, rue Eynard 6,
1205
Genève,

contre

Office fédéral de la justice, Office central USA, Bundesrain 20, 3003
Berne.

entraide judiciaire internationale en matière pénale
aux USA,

recours de droit administratif contre la décision de l'Office fédéral
de la
justice du 21 mai 2003.

Faits:

A.
Le 13 mars 2002, le Département de la justice des Etats-Unis
d'Amérique a
remis à l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office fédéral)
une
demande d'entraide, datée du 26 février 2002, fondée sur le traité
conclu le
25 mai 1973 entre la Confédération Suisse et les Etats-Unis
d'Amérique sur
l'entraide judiciaire en matière pénale (TEJUS; RS 0.351.933.6). La
demande
était présentée pour les besoins de l'enquête ouverte par le Procureur
fédéral du district méridional de la Floride contre E.________ et
consorts,
accusés de trafic de drogue et de blanchiment du produit de ce crime.
Des
fonds d'origine délictuelle auraient été acheminés sur des comptes
ouverts
auprès de banques suisses. La demande tendait notamment à la saisie de
comptes ouverts au nom de la société K.________ S.A., ainsi qu'à la
production de documents et à l'audition de l'avocat M.________.
Le 15 juin 2002, l'Office fédéral a rendu une décision par laquelle
il a
décidé que la demande devait être admise et il a confié au Juge
d'instruction
du canton de Genève l'exécution de celle-ci pour ce qui concerne
notamment
M.________ et K.________ S.A. Cette décision indique la voie de
l'opposition
à former dans les dix jours.
Le 23 juillet 2002, le Juge d'instruction a ordonné la perquisition
des
locaux professionnels de Me M.________, en vue d'y saisir tous les
documents
nécessaires à l'exécution de la demande américaine.
Le 30 juillet 2002, le Juge d'instruction a invité la banque Lloyds
TSB à
Genève (ci-après: Lloyds) à lui remettre la documentation relative à
des
comptes détenus ou contrôlés par des personnes, physiques ou morales,
mentionnées dans la demande.
Le même jour, le Juge d'instruction a perquisitionné les locaux
professionnels de Me M.________, en la présence de celui-ci et de
l'avocate
H.________, associée de l'étude. La décision du 23 juillet 2002 a été
notifiée séance tenante. Divers documents ont été saisis.
Le 15 août 2002, Lloyds a averti Me M.________ que, conformément à la
décision du 30 juillet 2002, les comptes n°xxx et yyy dont K.________
S.A.
est la titulaire avaient été saisis.
Le 23 août 2002, Me H.________ est intervenue auprès de l'Office
fédéral pour
obtenir la levée de ces séquestres, en faisant valoir, en bref, que
l'ayant
droit économique de K.________ S.A. depuis 1992 n'avait aucun lien
avec les
faits ou les personnes évoquées dans la demande.
Le 21 mai 2003, l'Office fédéral a déclaré irrecevable parce que
tardive
l'opposition du 23 août 2002.

B.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, K.________
S.A.
demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 21 mai 2003 et de
renvoyer la cause à l'Office fédéral pour qu'il statue au fond. Elle
invoque
les art. 5 al. 3 Cst. et 16 al. 3 LTEJUS.
L'Office fédéral propose le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 L'entraide judiciaire entre les Etats-Unis et la Confédération
est régie
par le TEJUS et la loi fédérale y relative, du 3 octobre 1975
(LTEJUS; RS
351.93). La loi fédérale sur l'entraide judiciaire en matière pénale,
du 21
mars 1981 (EIMP; RS 351.1), et son ordonnance d'exécution (OEIMP; RS
351.11)
demeurent réservées pour les questions qui ne sont pas réglées par le
TEJUS
et la LTEJUS (ATF 124 II 124 consid. 1a p. 126; 118 Ib 547 consid. 1b
p.
550).

1.2 La décision par laquelle l'Office fédéral déclare irrecevable
l'opposition au sens de l'art. 16 LTEJUS peut être attaquée par la
voie du
recours de droit administratif (ATF 124 II 124 consid. 1b p. 126). La
qualité
pour agir de la recourante résulte de l'atteinte alléguée à ses
droits de
partie à la procédure (ATF 124 II 124 consid. 1b p. 126).
Il y a lieu d'entrer en matière.

2.
La recourante reproche à l'Office fédéral d'avoir violé les
dispositions du
droit fédéral relatives à la notification des décisions rendues en
matière
d'entraide judiciaire. Elle soutient que l'opposition formée le 23
août 2002
était recevable, le délai de dix jours n'ayant couru selon elle qu'à
partir
du 19 août 2002, date à laquelle elle avait reçu, par l'entremise de
Me
M.________, la communication du 15 août 2002. Pour l'Office fédéral,
le délai
avait commencé à courir le 30 juillet 2002, date de la perquisition
des
locaux de l'étude M.________.

2.1 La notification des décisions d'application du TEJUS se fait
selon les
prescriptions du droit interne (cf. art. 9 par. 1 TEJUS). Quiconque
est
personnellement et directement touché par une mesure d'entraide
ordonnée en
vertu du TEJUS et a un intérêt digne de protection à ce que cette
décision
soit annulée ou modifiée, peut faire opposition auprès de l'Office
fédéral
(art. 16 al. 1 LTEJUS). L'opposition s'exerce par une déclaration
écrite
adressée à l'Office fédéral dans les dix jours à compter de la
notification
de la décision (art. 16 al. 3, 1ère phrase, LTEJUS). La LTEJUS ne
disant rien
de la forme de cette notification, les dispositions de l'EIMP et de
l'OEIMP
s'appliquent (ATF 124 II 124 consid. 2b p. 127).

2.2 A teneur de l'art. 80m al. 1 EIMP, l'autorité d'exécution et
l'autorité
de recours notifient leurs décisions à l'ayant droit domicilié en
Suisse
(let. a) et à l'ayant droit résidant à l'étranger qui a élu domicile
en
Suisse (let. b). La partie qui habite à l'étranger ou son mandataire
doit
désigner un domicile de notification en Suisse; à défaut, la
notification
peut être omise (art. 9 OEIMP). Le droit à la notification s'éteint,
aux
termes de l'art. 80m al. 2 EIMP, lorsque la décision de clôture est
exécutoire. Quant à l'art. 80n EIMP, il prévoit que le détenteur de
documents
a le droit d'informer son mandant de l'existence de la demande et de
tous les
faits en rapport avec elle, à moins que l'autorité compétente ne l'ait
expressément interdit, à titre exceptionnel, sous la menace des
sanctions
prévues par l'art. 292 CP (al. 1); l'ayant droit qui intervient en
cours de
procédure ne peut plus attaquer la décision de clôture entrée en
force (al.
2).

2.3 La recourante est une société de droit panaméen. Elle n'est pas
domiciliée en Suisse, où elle n'a pas élu de domicile de notification.
L'autorité suisse n'était dès lors pas tenue de notifier ses décisions
directement à la recourante, à son domicile panaméen. Seul reste à
déterminer
le moment à partir duquel a commencé à courir le délai d'opposition
lorsque,
comme en l'espèce, la décision a été notifiée à un tiers. Les règles
relatives à la computation des délais de recours s'appliquent par
analogie
(ATF 124 II 124 consid. 2d p. 127).
Le compte n°xxx a été ouvert le 26 octobre 1979. Me M.________ a
signé les
documents d'ouverture en tant que représentant de la recourante qui
lui avait
remis une procuration à cette fin. Le dossier contient en outre un
formulaire
indiquant que Me M.________ disposait d'un mandat de gestion pour les
comptes
n°yyy et xxx. Le 31 juillet 1992, S.________, à Vienne, est devenue
l'ayant
droit économique du compte n°xxx, sur lequel MMes M.________ et
H.________disposaient avec un tiers d'un pouvoir individuel de
représentation.
Tant la recourante que l'Office fédéral s'accordent sur le point que
la
décision du 15 juin 2002 a été portée à la connaissance de la
recourante par
l'entremise de Me M.________. Seul prête à discussion le point de
savoir si
cette notification est intervenue le 30 juillet 2002 ou à la
réception de la
communication du 15 août 2002.
Dans sa décision du 15 juin 2002, l'Office fédéral a invité le Juge
d'instruction à en notifier une copie aux personnes touchées par
l'exécution
de la demande et de lui renvoyer la preuve de cette notification (ch.
IV,
par. 12 let. b de la décision du 15 juin 2002). Le procès-verbal de la
perquisition du 30 juillet 2002 mentionne que l'"ordonnance de
perquisition
et de saisie" a été notifiée à un avocat de l'étude M.________, en
présence
de Me H.________. Pour le surplus, ce document ne confirme pas
expressément
la remise de la décision du 15 juin 2002. Toutefois, la référence à
l'"ordonnance de perquisition et de saisie" vise la décision du 23
juillet
2002. Or, celle-ci précise qu'elle est accompagnée d'une copie de la
demande
américaine et de sa traduction française, ainsi que de la décision de
l'Office fédéral. Cette dernière mention ne peut que se rapporter à la
décision du 15 juin 2002. Il suit de là que celle-ci a effectivement
été
remise à Me M.________ le 30 juillet 2002. Formée le 23 août 2002,
l'opposition est manifestement tardive au regard du délai de dix jours
mentionné dans la décision du 15 juin 2002.

2.4 Sous l'angle de la bonne foi, la recourante allègue que la
notification
ne pouvait intervenir qu'après qu'elle eut été touchée dans ses
droits,
c'est-à-dire au moment de la saisie des comptes dont elle est
titulaire.
Cette conception n'est pas compatible avec le texte de l'art. 16
LTEJUS, qui
n'établit pas de simultanéité entre la mesure de contrainte et la
notification de la décision y relative. Rien n'empêche que l'ordre de
perquisition et de saisie soit notifié avant que le séquestre n'ait
lieu.
Cela correspond d'ailleurs à des exigences pratiques. Lorsque les
comptes ne
sont pas identifiés de manière précise et que l'établissement
bancaire doit,
comme en l'espèce, procéder à des investigations pour repérer les
comptes
dont la saisie est demandée, il s'écoule nécessairement un certain
temps
entre la notification de la décision de séquestre et la mesure de
contrainte.

3.
Le recours doit ainsi être rejeté. Les frais en sont mis à la charge
de la
recourante (art. 156 OJ). Il n'est pas alloué de dépens (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 4000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante et à l'Office
fédéral de la justice (B 132097 BOT).

Lausanne, le 5 août 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.139/2003
Date de la décision : 05/08/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-08-05;1a.139.2003 ?
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