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31/07/2003 | SUISSE | N°2A.24/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 juillet 2003, 2A.24/2003


{T 0/2}
2A.24/2003 /sch

Arrêt du 31 juillet 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler et Merkli.
Greffier: M. Langone.

X.________,
recourant, représenté par Me Jean-Cédric Michel, avocat, rue Bellot
6, 1206
Genève,

contre

Commission fédérale des banques,
Schwanengasse 12, Case postale, 3001 Berne.

entraide administrative internationale demandée par la Commission des
Opérations de Bourse dans l'affaire A.________,

recours de d

roit administratif contre la décision de la Commission
fédérale
des banques du 26 novembre 2002.

Faits:

A.
La s...

{T 0/2}
2A.24/2003 /sch

Arrêt du 31 juillet 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler et Merkli.
Greffier: M. Langone.

X.________,
recourant, représenté par Me Jean-Cédric Michel, avocat, rue Bellot
6, 1206
Genève,

contre

Commission fédérale des banques,
Schwanengasse 12, Case postale, 3001 Berne.

entraide administrative internationale demandée par la Commission des
Opérations de Bourse dans l'affaire A.________,

recours de droit administratif contre la décision de la Commission
fédérale
des banques du 26 novembre 2002.

Faits:

A.
La société A.________ est l'une des plus importantes sociétés
françaises dans
le domaine de la chimie. Le 4 octobre 2001, à la suite de l'annonce
d'une
révision à la baisse de ses profits, le cours du titre A.________ a
baissé
pour clôturer à 6,45 euros. A partir du 10 octobre 2001, des rumeurs
ont
circulé à propos du lancement d'une offre publique d'achat sur la
société
A.________. Le 22 octobre 2001, une revue économique confortait ces
rumeurs
en révélant que la société néerlandaise B.________ et la société
allemande
C.________ était toutes deux sur les rangs pour acquérir A.________
pur le
prix de 14 euros. Entre le 9 et 22 octobre 2001, le cours du titre
A.________
a passé de 6,29 euros à 11,31 euros, représentant une hausse de près
de 80 %
en dix jours de bourse. Les volumes de transactions sur ces titres au
cours
de cette même période ont été plus importants qu'à l'ordinaire. A ce
jour,
aucune offre publique d'achat n'a officiellement été annoncée.
La Commission française des opérations de bourse (ci-après: la COB) a
ouvert
une enquête afin de s'assurer que les transactions sur le titre
A.________
durant cette période n'ont pas été effectuées dans des conditions
contraires
aux dispositions légales et réglementaires réprimant notamment
l'usage d'une
information privilégiée et la manipulation de cours.

B.
Le 8 février 2002, la COB a requis l'assistance administrative de la
Commission fédérale des banques (ci-après: la Commission fédérale)
afin
d'obtenir des informations notamment sur l'identité de la ou des
personnes
ayant acquis puis revendu 8000 titres A.________, respectivement les
16 et 23
octobre 2001 par l'intermédiaire de la banque D.________, à Genève.

Le 7 mars 2002, D.________ a indiqué à la Commission fédérale que les
ordres
d'acquérir 8000 actions A.________ le 16 octobre 2001 (au cours de
8,56
euros) et de les revendre le 23 octobre 2001 (au cours de 9,86 euros)
ont été
donnés par le titulaire d'un compte bancaire, X.________,
ressortissant
libanais, domicilié au Liban. Ces opérations se sont soldées par un
bénéfice
net de 8'740,68 euros.

Dans ses déterminations du 24 juillet 2002, X.________ s'est
formellement
opposé à la transmission de toutes informations le concernant aux
autorités
administratives et pénales françaises. Il a fait valoir notamment que
tout
délit d'initié serait exclu du moment que la presse économique s'était
largement fait l'écho des rumeurs à propos d'une offre publique
d'achat de la
société A.________, tout en soulignant que le bénéfice réalisé était
de peu
d'importance.

C.
Le 26 novembre 2003, la Commission fédérale a décidé d'accorder
l'entraide
administrative internationale à la COB et de lui transmettre les
informations
et les documents reçus de D.________, tout en rappelant expressément
qu'ils
ne devaient être utilisés qu'à des fins de surveillance directe des
bourses
et du commerce des valeurs mobilières (ch. 1 et 2 du dispositif). De
plus, en
application de l'art. 38 al. 2 let. c de la loi fédérale du 24 mars
1995 sur
les bourses et le commerce des valeurs mobilières (LBVM; RS 954.1),
leur
transmission à des autorités tierces, y compris pénales, ne pouvait
se faire
qu'avec son assentiment préalable, la COB devant requérir le
consentement de
la Commission fédérale avant une éventuelle retransmission des
informations
et documents (ch. 3 du dispositif).

D.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________
demande au
Tribunal fédéral d'annuler la décision de la Commission fédérale du 26
novembre 2002.

L'autorité intimée conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
En vertu de l'art. 38 al. 2 LBVM, la Commission fédérale peut, dans
le cadre
de l'entraide administrative, transmettre aux autorités étrangères de
surveillance des bourses et du commerce des valeurs mobilières des
informations et des documents liés à l'affaire, non accessibles au
public, à
condition que ces autorités étrangères utilisent les informations
transmises
exclusivement à des fins de surveillance directe des bourses et du
commerce
des valeurs mobilières (lettre a; principe de la spécialité),
qu'elles soient
liées par le secret de fonction ou le secret professionnel (lettre b;
exigence de la confidentialité) et qu'elles ne retransmettent ces
informations à des autorités compétentes et à des organismes ayant des
fonctions de surveillance dictées par l'intérêt public qu'avec
l'assentiment
préalable de l'autorité de surveillance suisse ou en vertu d'une
autorisation
générale contenue dans un traité international (lettre c 1ère phrase;
principe dit du "long bras"; "Prinzip der langen Hand", qui oblige
concrètement la Commission fédérale à ne pas perdre le contrôle de
l'utilisation des informations après leur transmission à l'autorité
étrangère
de surveillance). Lorsque l'entraide judiciaire en matière pénale est
exclue,
aucune information ne peut être transmise à des autorités pénales;
l'autorité
de surveillance décide en accord avec l'Office fédéral de la justice
(lettre
c 2ème et 3ème phrases).

2.
Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de constater que la COB était
l'autorité de surveillance des marchés financiers au sens de l'art.
38 al. 2
LBVM à laquelle l'entraide administrative pouvait être accordée (ATF
126 II
86 consid. 3b; cf. aussi ATF 127 II 142 consid. 4b, 323 consid.
7b/aa) et que
les membres et les agents de la COB étaient astreints au secret
professionnel
pour les faits, actes et renseignements dont ils pouvaient avoir
connaissance
en raison de leurs fonctions, dans les conditions et sous les peines
prévues
par le code pénal, de sorte que l'exigence de confidentialité imposée
par
l'art. 38 al. 2 lettre b LBVM était satisfaite (ATF 126 II 86 consid.
3c). Le
Tribunal fédéral a également jugé que les déclarations de "best
efforts"
faites par le Président de la COB le 26 mars 1999 constituaient des
garanties
suffisantes pour assurer effectivement, de la part de l'autorité
étrangère,
le respect du principe de la spécialité et du principe dit du "long
bras"
(ATF 126 II 86 consid. 3b et 7; 127 II 142 consid. 6c).

3.
Sans remettre expressément en cause cette jurisprudence, le recourant
relève
que la COB a le pouvoir de prononcer de manière autonome des sanctions
pécuniaires pouvant aller jusqu'à 1'500'000 d'euros ou davantage
selon la
gravité et les profits tirés d'un manquement à la législation sur les
marchés
financiers. Selon lui, de telles sanctions auraient à l'évidence un
caractère
pénal au sens de l'art. 6 CEDH. Se référant à l'arrêt publié aux ATF
118 Ib
457 ss, il précise que la COB, bien qu'étant une autorité
administrative,
peut formellement déposer une demande d'entraide judiciaire en
matière pénale
sans qu'une procédure judiciaire proprement dite soit ouverte. Le
recourant
laisse entendre que la COB mènerait des procédures pénales; par
conséquent,
l'entraide administrative serait, selon lui, exclue du moment que la
retransmission des informations aux autorités pénales étrangères n'a
pas été
requise par la COB, ni autorisée par la Commission fédérale.

Une telle argumentation ne saurait être suivie. Certes, il n'est pas
contesté
que, contrairement à la Commission fédérale, la COB a la compétence de
prononcer elle-même au terme d'une enquête administrative des
sanctions
pécuniaires en cas violation de certaines dispositions de ses
règlements en
matière de marchés financiers. La COB ne saurait pour autant être
assimilée à
une autorité pénale; elle ne conduit pas d'enquêtes pénales. Elle doit
d'ailleurs transmettre au Procureur de la République les faits
susceptibles
d'être constitutifs d'un délit pénal qu'elle découvre dans le cadre
de son
enquête administrative. Le simple fait que l'autorité administrative
étrangère soit habilitée à requérir l'entraide judiciaire pénale ne
l'empêche
pas de demander aussi l'entraide administrative (cf. ATF 126 II 126
consid.
6a/aa p. 137 et 6c/cc p. 143). La COB est donc à l'évidence une
autorité
administrative indépendante qui veille notamment à la protection de
l'épargne
investie dans les instruments financiers et au bon fonctionnement des
marchés
d'instruments financiers (ATF 126 II 86 consid. 3b). Les sanctions
pécuniaires qu'elle est appelée à prononcer dans le cadre de cette
mission
sont des mesures administratives. La COB s'est formellement engagée à
n'utiliser les documents remis par la Suisse qu'à des fins de
surveillance
directe des bourses et du commerce des valeurs mobilières. L'art. 6
CEDH
n'est du reste pas applicable à la procédure d'entraide
administrative (arrêt
2A.234/ 2000 du 25 avril 2001 publié in: Bulletin CFB 42/2002 61,
consid.
2b). Le fait que certaines sanctions pécuniaires prononcées par la COB
puissent avoir un caractère pénal et donc tomber sous le coup de
l'art. 6
CEDH n'a aucune incidence sur les conditions d'application de l'art.
38 LBVM.
Tout au plus, cela oblige l'Etat requérant à prévoir, dans ce
domaine, une
procédure qui respecte les garanties de procédure déduites de l'art.
6 CEDH.
En résumé, la COB n'a pas besoin de requérir et d'obtenir
préalablement de la
Commission fédérale l'autorisation de transmettre les informations aux
autorités pénales étrangères pour pouvoir les utiliser dans le cadre
de
l'enquête administrative qu'elle a ouverte dans le cadre de l'affaire
"A.________".

4.
C'est à tort que le recourant reproche à l'autorité intimée d'avoir
violé le
principe de la proportionnalité (sur ce principe découlant de l'art.
38 al. 2
LBVM, cf. ATF 128 II 407 consid. 5.2.1 p. 417; 127 II 142 consid. 5;
126 II
409 consid. 5 p. 413 ss, 86 consid. 5a p. 90 s.; 125 II 65 consid. 6
et les
références citées).

4.1 Contrairement à l'avis du recourant, la demande d'entraide
administrative
présentée par la COB le 8 février 2002 ne comporte pas un exposé
lacunaire
des faits ni une motivation insuffisante. Elle satisfait au contraire
pleinement aux exigences en la matière. L'on ne saurait en effet
exiger de
l'Etat requérant un exposé absolument complet des faits, ainsi de la
production de toutes les pièces probantes, la demande visant
précisément à
compléter les investigations en cours sur des points non encore
élucidés (cf.
ATF 128 II 407 consid. 5.2.1 p. 417 et les références citées).

4.2 La COB a notamment exposé que le 4 octobre 2001, à la suite de
l'annonce
d'une révision à la baisse des profits de la société A.________, le
cours du
titre A.________ avait baissé jusqu'à 6,45 euros. Or, en raison de
rumeurs
qui circulaient à propos du lancement d'une offre publique d'achat
sur la
société A.________ au prix de 14 euros, le marché a connu une
animation
particulière entre le 9 et 22 octobre 2001: le cours du titre
A.________ a
fortement augmenté, de même que le volume des transactions sur ces
titres.
Le Tribunal fédéral a récemment eu l'occasion d'accorder l'entraide
administrative à la COB sur la base du même état de fait que celui
exposé
ci-dessus. Il a notamment jugé que la forte hausse du cours de
l'action
A.________ et l'augmentation inhabituelle du volume des titres
échangés
durant une période sensible constituaient des éléments suffisants
permettant
de soupçonner (de manière abstraite) l'existence d'un délit d'initié
ou de
manipulation de cours; le fait qu'aucune offre publique d'achat de la
société
A.________ n'a finalement été déposée n'excluait pas de possibles
distorsions
du marché (arrêt 2A.55/2003 du 17 mars 2003, consid. 4.2.1).
Le recourant soutient que l'entraide administrative devrait être
refusée, car
il n'existe manifestement pas d'éléments suspects pour faire naître un
soupçon concret et vraisemblable de délit d'initié ou de manipulation
de
cours. Point n'est cependant besoin de trancher cette question, car la
Commission fédéral ne doit avoir connaissance - outre de la variation
du
cours des titres en cause et de l'augmentation de leur volume
d'échange
durant une période sensible - d'indices supplémentaires lui
permettant de
soupçonner concrètement et de manière vraisemblable de tels délits
que pour
autoriser l'autorité requérante à retransmettre les informations aux
autorités pénales étrangères compétentes, ce qui n'a pas été requis en
l'espèce (cf. ATF 128 II 407 consid. 5.3.1 p. 419; 127 II 323 consid.
7b p.
334 s. et les arrêts cités).
Compte tenu de ces circonstances, la COB pouvait légitimement
demander à la
Commission fédérale des précisions sur les transactions en cause.
L'entraide
administrative doit donc être accordée.

5.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté. Succombant, le
recourant doit
supporter un émolument judiciaire, solidairement entre eux (art. 156
al. 1 et
7 OJ).

Par ces motifs, le
Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant
et à la
Commission fédérale des banques.

Lausanne, le 31 juillet 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.24/2003
Date de la décision : 31/07/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-31;2a.24.2003 ?
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