La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/07/2003 | SUISSE | N°2A.151/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 juillet 2003, 2A.151/2003


2A.151/2003/LGE/elo
{T 0/2}

Arrêt du 31 juillet 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler et Meylan, suppléant.
Greffier: M. Langone.

X. ________, représenté par Me Vladimir J. Vesely,
avocat, rue Toepffer 11 bis, 1206 Genève,

contre

Commission du barreau du canton de Genève,
rue des Chaudronniers 7, case postale 3079,
1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, case
postale 1256, 1211 Genève 1.

aver

tissement assorti d'un délai de radiation d'une durée de deux ans,

recours de droit administratif contre l'arrêt du ...

2A.151/2003/LGE/elo
{T 0/2}

Arrêt du 31 juillet 2003
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler et Meylan, suppléant.
Greffier: M. Langone.

X. ________, représenté par Me Vladimir J. Vesely,
avocat, rue Toepffer 11 bis, 1206 Genève,

contre

Commission du barreau du canton de Genève,
rue des Chaudronniers 7, case postale 3079,
1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, case
postale 1256, 1211 Genève 1.

avertissement assorti d'un délai de radiation d'une durée de deux ans,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Genève du 4 mars 2003.

Faits:

A.
X. ________, assermenté en 1981, exerce la profession d'avocat à titre
indépendant dans le canton de Genève.

Dans le journal gratuit "GHI-Genève Home Information" diffusé le 14
février
2002, X.________ s'est exprimé sur la situation des Offices des
poursuites et
faillites de Genève. Se présentant comme un avocat spécialiste de la
matière,
il a notamment déclaré qu'il n'y avait dans ces offices que des
"ronds-de-cuir", à de trop rares exceptions, en précisant que, trop
souvent,
ils ne faisaient rien et que quand ils faisaient quelque chose,
c'était
souvent faux.

B.
Par décision du 17 septembre 2002, la Commission du barreau du canton
de
Genève a prononcé à l'encontre de X.________ un avertissement,
assorti d'un
délai de radiation de deux ans, en raison des faits exposés ci-dessus.
L'autorité a retenu en bref que, par ses propos, l'intéressé avait
enfreint
les règles professionnelles légales et déontologiques; il s'était
écarté du
respect dû aux autorités, en violation du serment professionnel qu'il
avait
prêté.

Statuant sur recours le 4 mars 2003, le Tribunal administratif du
canton de
Genève a confirmé cette décision.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________
demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 4 mars 2002 et de dire qu'il
n'y a pas
matière à sanction disciplinaire à son encontre.
La Commission du barreau et le Tribunal administratif ont renoncé à
déposer
une réponse. L'Office fédéral de la justice conclut implicitement au
rejet du
recours.

D.
Par ordonnance présidentielle du 7 mai 2003, la requête d'effet
suspensif a
été admise.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours
dont il est saisi (ATF 129 II 225 consid. 1).

1.1 Avant le 1er juin 2002, date de l'entrée en vigueur de la loi
fédérale du
23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (loi sur les
avocats, LLCA;
RS 935.61), les règles professionnelles pour les avocats et les
sanctions
disciplinaires ressortissaient exclusivement au droit cantonal. Seule
la voie
extraordinaire du recours de droit public était alors ouverte à
l'encontre
des décisions cantonales prises en la matière. Désormais, la loi
fédérale sur
les avocats fixe de manière exhaustive les règles professionnelles
auxquelles
est soumis l'avocat (art. 12 LLCA), ainsi que les peines
disciplinaires (art.
17 LLCA) (cf. ATF 129 II 297 consid. 1.1). Le 1er juin 2002, est
également
entrée en vigueur la loi genevoise du 26 avril 2002 sur la profession
d'avocat (LPAv), qui a abrogé la loi du 15 mars 1985 sur la profession
d'avocat (aLPAv). S'agissant des manquements aux devoirs
professionnels,
l'art. 43 LPAv renvoie expressément aux sanctions énoncées à l'art.
17 LLCA.

La nouvelle loi fédérale sur les avocats a donc clairement voulu -
outre
garantir la libre circulation des avocats - unifier au niveau fédéral
les
règles professionnelles et les peines disciplinaires et donner la
possibilité
de recourir auprès du Tribunal fédéral (Message du Conseil fédéral du
28
avril 1999 concernant la loi fédérale sur la libre circulation des
avocats,
in: FF 1999 p. 5331 ss, spéc. p. 5372). Ainsi, en matière de sanctions
disciplinaires, la décision prise en dernière instance cantonale peut
désormais être attaquée par la voie (ordinaire) du recours de droit
administratif au sens des art. 97 ss OJ (en relation avec l'art. 5
PA).

1.2 Se pose toutefois la question de savoir si le recours de droit
administratif est recevable lorsque - comme c'est le cas en l'espèce
- la
sanction disciplinaire, bien que prononcée après le 1er juin 2002,
est fondée
sur des faits survenus avant l'entrée en vigueur de la loi fédérale
sur les
avocats. Comme dans l'arrêt publié aux ATF 129 II 297 consid. 1.2, la
question de la recevabilité du recours de droit administratif peut
demeurer
indécise. En effet, les griefs soulevés par le recourant doivent de
toute
façon être rejetés, qu'ils soient examinés dans le cadre du recours
de droit
administratif ou sous l'angle du recours de droit public.

2.
2.1Selon l'art. 12 lettre a LLCA, l'avocat doit exercer sa profession
avec
soin et diligence. L'art. 17 al. 1 lettre a LLCA prévoit qu'en cas de
violation d'un règle professionnelle, l'autorité de surveillance
(cantonale)
peut prononcer à l'encontre d'un avocat, entre autres mesures
disciplinaires,
un avertissement. L'art. 20 al. 1 LLCA précise que l'avertissement
est radié
du registre cantonal des avocats cinq ans après son prononcé. Comme la
pratique à cet égard était moins sévère sous l'empire de l'ancienne
loi
cantonale (aLPAv), la Commission du barreau a, en l'espèce, appliqué
l'ancien
droit (cantonal) au titre de lex mitior pour fixer le délai de
radiation à
deux ans.

Selon l'art. 27 LPAv, tout avocat doit prêter le serment de ne jamais
s'écarter du respect dû aux tribunaux et aux autorités (voir aussi
art. 27
aLPAv dont la teneur est identique). L'art. 49 al. 1 aLPAv prévoyait
que la
Commission du barreau pouvait, selon la gravité du manquement aux
devoirs
professionnels, prononcer un avertissement ou d'autres peines
disciplinaires.

2.2 En l'espèce, la Commission du barreau a infligé au recourant un
avertissement, avec un délai d'épreuve de deux ans, pour avoir manqué
de
respect envers des autorités. Le recourant ne conteste plus
sérieusement, à
juste titre, que les Offices des poursuites et faillites constituent
des
"autorités". Mais il soutient que les déclarations qu'il a faites au
sujet de
ces offices ne l'ont pas été dans l'exercice de sa profession
d'avocat, soit
dans le cadre de l'accomplissement d'un mandat confié par un client.
Selon
lui, il échapperait ainsi à toute peine disciplinaire. L'art. 12
lettre a
LLCA, qui constitue une clause générale, ne se limite toutefois pas
aux
rapports professionnels de l'avocat avec son client, mais vise
également le
comportement de l'avocat face aux "autorités" judiciaires (FF 1999 p.
5368).
Avec l'Office fédéral de la justice, on peut admettre que cette
disposition
légale permet d'exiger de l'avocat qu'il se comporte correctement dans
l'exercice de sa profession à l'égard de toutes les autorités et non
seulement des autorités judiciaires stricto sensu. Selon la
jurisprudence,
l'avocat est tenu, de manière toute générale, d'assurer et de
maintenir la
dignité de la profession, en s'abstenant notamment de tout ce qui
pourrait
porter atteinte à la considération et à la confiance dont il doit
jouir pour
remplir sa mission. Sa tâche première est la défense des intérêts bien
compris de son client. Il joue cependant un rôle important pour le bon
fonctionnement des institutions judiciaires au sens large (cf. ATF
123 I 12
consid. 2 c/aa p. 16 s.; 106 Ia 100 consid. 6b p. 104). Or cette
fonction ne
saurait être efficacement remplie s'il existait entre avocats et
autorités un
climat d'affrontement virulent. S'il a le droit et même le devoir de
critiquer l'administration de la justice en utilisant des termes et
un ton
dénués d'excès, l'avocat ne saurait en revanche porter des attaques
inutilement blessantes, voire injustifiées, contre les autorités.

Dans le cas particulier, en traitant de manière générale, dans un
journal de
la place, les fonctionnaires des Offices des poursuites et faillites
à Genève
de "ronds-de-cuir" et en mettant en doute leurs compétences
professionnelles,
le recourant a manqué de respect envers ces autorités, ce qui n'est
pas
vraiment contesté. "Rond-de-cuir" est en effet un terme péjoratif
utilisé
pour désigner un fonctionnaire. Il est synonyme de "bureaucrate", qui
se
définit comme un fonctionnaire rempli du sentiment de son importance
et
abusant de son pouvoir sur le public (cf. Dictionnaire Le Nouveau
Petit
Robert, Paris 1996).

Par ailleurs, c'est à bon droit que les autorités cantonales ont
retenu que
le recourant avait tenu de tels propos dans l'exercice de sa
profession
d'avocat. Contrairement à l'avis du recourant, il est en effet établi
que
celui-ci a formulé ses critiques non pas en tant que simple citoyen ou
encore, par exemple, comme candidat à une élection politi que, mais
en sa
qualité d'avocat spécialiste du domaine du droit des poursuites et
faillites.
Les autorités cantonales étaient donc en droit de retenir que le
comportement
du recourant était contraire à l'art. 12 lettre a LLCA, même si
l'intéressé a
agi en dehors de tout mandat.

Le recourant laisse entendre qu'il n'a violé aucune règle des us et
coutumes
de l'Ordre des avocats genevois, dans la mesure où il n'a pas émis de
critiques à l'égard des autorités en cause dans le cadre d'un mandat
qui lui
aurait été confié par un client. L'unification des règles
professionnelles
fédérales pour les avocats a eu pour effet de limiter la portée des
règles
déontologiques, édictées par les associations professionnelles
privées, qui
servent tout au plus à interpréter, si nécessaire, les règles
professionnelles (cf. FF 1999 p. 5355 et 5368). Quoi qu'il en soit,
il n'est
pas nécessaire de déterminer si le recourant a violé ou non une règle
déontologique, à partir du moment où son avertissement est déjà fondé
sur une
règle professionnelle (étatique), soit l'art. 12 lettre a LLCA, qui
n'a pas
besoin d'être interprétée à la lumière des règles déontologiques.

3.
Mal fondé, le présent recours doit être rejeté. Succombant, le recou-
rant
doit supporter un émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant,
à la
Commission du barreau et au Tribunal administratif du canton de
Genève,
ainsi qu'au Département fédéral de justice et police.

Lausanne, le 31 juillet 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.151/2003
Date de la décision : 31/07/2003
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-31;2a.151.2003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award