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31/07/2003 | SUISSE | N°1A.2/2003

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 juillet 2003, 1A.2/2003


{T 0/2}
1A.2/2003/dxc

Arrêt du 31 juillet 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb, et Féraud.
Greffier: M. Kurz.

Société X.________,
recourante, représentée par Me Danièle Mooser, avocate, rue de Vevey
8, case
postale 233, 1630 Bulle,

contre

Direction de l'aménagement, de l'environnement
et des constructions du canton de Fribourg,
case postale, 1701 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Frib

ourg, IIème Cour
administrative,
route André-Piller 21, CP,
1762 Givisiez.

frais d'investigations préalables; a...

{T 0/2}
1A.2/2003/dxc

Arrêt du 31 juillet 2003
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du
Tribunal
fédéral, Reeb, et Féraud.
Greffier: M. Kurz.

Société X.________,
recourante, représentée par Me Danièle Mooser, avocate, rue de Vevey
8, case
postale 233, 1630 Bulle,

contre

Direction de l'aménagement, de l'environnement
et des constructions du canton de Fribourg,
case postale, 1701 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg, IIème Cour
administrative,
route André-Piller 21, CP,
1762 Givisiez.

frais d'investigations préalables; art. 20 OSites,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal
administratif du
canton de Fribourg du 21 novembre 2002.

Faits:

A.
La société X.________ (la société) est propriétaire de la parcelle n°
7 du
registre foncier de la commune d'A.________. Le bâtiment de laiterie
y est
édifié, ainsi qu'une porcherie désaffectée - partiellement située sur
la
parcelle voisine n° 8 et au bénéfice d'un droit de superficie - dans
laquelle
se trouve une citerne à mazout d'une contenance de 13'500 litres, hors
service depuis 1996.

Après avoir requis en vain un assainissement de l'immeuble et procédé
à des
inspections locales, l'Office fribourgeois de la protection de
l'environnement (OPEN) a chargé l'entreprise B.________ SA de
procéder à des
forages, lesquels ont permis de déceler un important écoulement
d'hydrocarbures, notamment sur la parcelle n° 8 propriété de
C.________ et
D.________. Une étude complémentaire, destinée à déterminer la
quantité de
mazout écoulé, a été devisée à 20'121 fr. 85.

B.
Par décision du 22 août 2001, la Direction des travaux publics du
canton de
Fribourg (DTP) a imparti à la société un délai de trente jours pour
faire
établir l'ampleur de la pollution; passé ce délai, l'OPEN ferait
exécuter
l'étude aux frais de la société. Les frais d'investigations
préalables, soit
19'157,80 fr. au total, ont été mis à la charge de la société:
celle-ci
n'était pas propriétaire du site pollué, mais son comportement, soit
le
défaut de surveillance de la citerne, pouvait être à l'origine de la
pollution.

C.
Par arrêt du 21 novembre 2002, le Tribunal administratif du canton de
Fribourg a rejeté le recours formé par la société. Les frais
d'assainissement, à la charge de l'auteur de la pollution (art. 32d
LPE),
devaient être distingués des frais d'investigation (art. 20 OSites),
mis
provisoirement à la charge du détenteur du site pollué. Des
investigations
complémentaires avaient été ordonnées par le Tribunal administratif,
et
confiées à B.________ SA; selon son rapport du 11 septembre 2001, la
citerne
de la porcherie restait la seule source possible de pollution. La
nappe de
mazout s'étendait non seulement sur la parcelle des époux C.________
et
D.________, mais aussi sur celle de la recourante; cette dernière,
propriétaire de l'installation à l'origine de la pollution, n'était
donc pas
un tiers au sens de l'art. 20 al. 2 OSites, mais le détenteur au sens
de
l'art. 20 al. 1 OSites. Il n'était pas contesté que les investigations
effectuées étaient nécessaires, et leur coût proportionné. Le Tribunal
administratif a par ailleurs constaté que l'expertise judiciaire
faisait
aussi partie des mesures d'investigation et en a mis les frais, par
20'480,95
fr., à la charge de la société.

D.
Cette dernière forme un recours de droit administratif par lequel elle
conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et de la décision du 22
août 2001.

Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours. La Direction de
l'aménagement, de l'environnement et des constructions du canton de
Fribourg
(DAEC) conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son
rejet.
Dans ses déterminations, l'Office fédéral de l'environnement, des
forêts et
du paysage (OFEFP) considère que la recourante doit être considérée
comme
détentrice du site, et qu'abstraction faite de leur coût
considérable, les
différentes expertises effectuées constituent des investigations
préalables
au sens de l'art. 7 OSites. Les parties ont eu l'occasion de
s'exprimer au
sujet de cette détermination.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision de première instance, de même que l'arrêt cantonal, sont
fondés
sur l'art. 20 de l'ordonnance du 26 août 1998 sur l'assainissement
des sites
pollués (OSites; RS 814.680), disposition selon laquelle les mesures
d'investigation, de surveillance et d'assainissement doivent être
exécutées
par le détenteur du site pollué (al. 1) ou par des tiers dont le
comportement
peut être à l'origine de la pollution (al. 2). Fondé sur le droit
fédéral
(art. 97 et 98 let. g OJ), l'arrêt attaqué peut faire l'objet d'un
recours de
droit administratif de la part de son destinataire (art. 103 let. a
OJ).

1.1 Pour la DAEC, l'arrêt attaqué serait incident au sens de l'art.
101 let.
a OJ, car il ne ferait que répartir provisoirement les frais
d'investigation
dans le cadre de la procédure d'assainissement. La recourante ne
subirait pas
un préjudice irréparable.

1.2 Pour la recourante, la mise à sa charge des frais serait
définitive
s'agissant de l'investigation préalable ordonnée par la DTP, et
provisoire
s'agissant de celle ordonnée par le Tribunal administratif. Cette
distinction
ne ressort toutefois pas de l'arrêt attaqué. Pour la cour cantonale,
l'art.
32d LPE ne serait pas applicable, les mesures d'assainissement
n'ayant pas
encore été planifiées. L'ensemble des frais d'investigation est par
conséquent réparti de manière provisoire, la décision attaquée
s'inscrivant
dans le cadre plus général d'une procédure d'assainissement selon les
art.
32c ss LPE. Même si elle repose sur un fondement juridique
spécifique, la
répartition des frais d'investigation n'est que provisoire; elle est
assimilable à une avance de frais, dans l'attente de la répartition
définitive fondée sur l'art. 32d al. 3 LPE, et doit par conséquent
être
qualifiée de décision incidente. Par ailleurs, en tant qu'il confirme
la
décision de la DTP, l'arrêt attaqué impose également à la recourante
- sous
la menace d'une exécution par substitution - la réalisation d'une
investigation préalable technique, ce qui est assimilable à une mesure
d'instruction, elle aussi incidente. Il n'est certes pas exclu que
l'arrêt
attaqué puisse être qualifié de jugement partiel, attaquable aux mêmes
conditions qu'un jugement final (cf. arrêt non publié du 22 octobre
2002 dans
la cause G.), mais la question peut demeurer indécise. En effet,
contrairement à ce que soutient la DAEC, la nature incidente de
l'arrêt
attaqué n'entraîne pas pour autant l'irrecevabilité du recours.

1.3 Selon l'art. 101 let. a OJ, le recours contre une décision
incidente est
exclu dans la mesure où il n'y a pas de recours contre la décision
finale. En
l'occurrence, le recours serait ouvert contre une décision relative à
la
répartition définitive des frais, fondée sur l'art. 32d al. 3 LPE. Il
y a
donc uniquement lieu de rechercher si la décision attaquée cause à la
recourante un préjudice irréparable au sens de l'art. 45 al. 1 PA.
Tel est le
cas (contrairement à l'art. 87 OJ) lorsque l'intéressé est atteint
dans ses
intérêts dignes de protection, notamment en cas d'atteinte à des
intérêts
économiques. L'arrêt attaqué impose à la recourante le paiement de
près de
40'000 fr. de frais d'investigation, ce qui suffit pour admettre
l'existence
d'un préjudice irréparable. La recourante n'a pas agi dans le délai
de dix
jours prévu à l'art. 106 al. 1 OJ, mais elle s'est manifestement
fondée sur
l'indication figurant dans l'arrêt attaqué. On ne saurait dès lors
lui en
tenir rigueur. Il convient par conséquent d'entrer en matière.

1.4 L'arrêt attaqué émanant d'une autorité judiciaire, le Tribunal
fédéral
est lié par les faits constatés, sauf s'ils sont manifestement
inexacts ou
incomplets ou s'ils ont été établis au mépris des règles essentielles
de la
procédure (art. 105 al. 2 OJ). Il n'est en revanche pas tenu par les
motifs
invoqués et peut appliquer d'office les dispositions du droit public
de la
Confédération dont le recourant ne se serait pas prévalu, ou que
l'autorité
cantonale aurait omis d'appliquer, pourvu qu'elles se rapportent à
l'objet du
litige (art. 114 al. 1 OJ; ATF 128 II 34 consid. 1c p. 37 et les
arrêts
cités).

2.
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir constaté les faits
de
manière inexacte. La citerne se trouve dans la partie du bâtiment qui
empiète
sur la parcelle des époux C.________ et D.________; seule cette
dernière
serait touchée par la pollution, comme le relève la décision de
première
instance. Pour la recourante, il ne serait pas établi que la
pollution touche
également sa propre parcelle, de sorte qu'elle devrait être
considérée non
pas comme le détenteur du site pollué, mais comme un tiers au sens de
l'art.
20 al. 2 OSites. Par conséquent, les frais d'investigation ne
pourraient être
mis à sa charge que dans l'hypothèse - improbable selon la recourante
- où
son comportement pourrait être à l'origine de la pollution. Le
Tribunal
administratif se serait aussi trompé en retenant que la recourante est
propriétaire de l'installation à l'origine de la pollution: la fuite
de
mazout serait due au dispositif de siphonnage installé par un
locataire des
locaux, et non à une défectuosité de la citerne.

La recourante soutient dans un second grief que l'art. 32d LPE
s'appliquerait
par analogie à la répartition des coûts relatifs à la phase
investigatoire,
et que sur ce point, aucune négligence ne pouvait lui être reprochée
dès lors
qu'elle avait procédé aux révisions de la citerne, et qu'elle ne
retirait
aucun bénéfice de la pollution ou de l'assainissement, ce dernier
concernant
la parcelle voisine.

2.1 Selon l'art. 20 OSites, les mesures d'investigation, de
surveillance et
d'assainissement doivent être exécutées par le détenteur du site
pollué (al.
1). L'autorité peut obliger des tiers à procéder à l'investigation
préalable,
à exécuter les mesures de surveillance ou à effectuer l'investigation
de
détail lorsqu'il y a lieu de penser que leur comportement est à
l'origine de
la pollution du site (al. 2).

Comme le relève la cour cantonale, les frais inhérents aux mesures
d'investigation sont répartis différemment des frais d'assainissement
proprement dits. En matière d'investigations préalables, l'état de
fait est
par nature incertain puisqu'on ignore encore s'il existe un site
pollué
impliquant une obligation d'assainir, et plus encore qui en serait à
l'origine. La réglementation recourt donc à un critère précis, en
imposant au
propriétaire du site, perturbateur - présumé - par situation,
d'exécuter les
mesures et d'en supporter provisoirement les coûts. Le perturbateur
par
comportement peut y être également contraint, mais il s'agit d'une
faculté de
l'autorité, et non d'une obligation. L'autorité peut enfin décider -
notamment en cas d'urgence, ou lorsque le détenteur tente de se
dérober -, de
procéder elle-même aux investigations préalables, et d'en imputer les
frais
conformément aux critères de l'art. 32d LPE (arrêt 1A.214/1999 du 3
mai 2000,
consid. 2d, Pra 2000 166 1008). Le choix de ces différents modes
d'intervention relève de l'opportunité, et est par conséquent
soustrait à
l'examen du Tribunal fédéral (art. 104 let. c OJ). S'agissant en
revanche des
frais d'assainissement, c'est le principe de causalité posé à l'art.
2 LPE
qui trouve à s'appliquer, lorsque les rôles des différents
protagonistes a pu
être suffisamment défini.

2.2 Compte tenu de l'utilisation de critères spécifiques dans
l'OSites, la
recourante ne saurait réclamer une application analogique de l'art.
32d LPE.
L'entrée en vigueur de l'OSites a modifié la pratique suivie
jusque-là et
n'oblige plus à rechercher l'auteur le plus probable de la pollution.
La
recourante ne saurait non plus prétendre qu'elle n'a pas qualité de
détenteur
au sens de l'art. 20 al. 1 OSites. Le recours à cette notion se
justifie, à
ce stade, par le besoin de rechercher au premier chef la personne qui
se
trouve objectivement la plus proche de la source de la pollution,
indépendamment de son comportement. Comme le relève l'OFEFP, il
s'agit de
déterminer qui a le pouvoir de disposition en fait et en droit sur
l'emplacement des investigations. On ne saurait donc simplement
assimiler le
détenteur au propriétaire des parcelles où la pollution a finalement
abouti.
L'élément déterminant, dans ce cadre, est bien plutôt de définir le
centre
des investigations.

2.3 En l'espèce, la recourante est propriétaire de la porcherie où se
trouve
la citerne. Le bâtiment se trouve en partie sur la parcelle n° 7 et
en partie
sur la parcelle n° 8, au bénéfice d'une servitude d'empiètement. A ce
stade,
l'hypothèse la plus vraisemblable est qu'un tuyau de siphonnage
aurait été
installé dans la citerne par un locataire, et que la fuite aurait eu
lieu à
cet endroit. La recourante est donc en tout cas propriétaire de
l'installation dont provient, le plus probablement, la pollution. Par
ailleurs, si l'essentiel de la pollution a été constaté à l'extérieur
du
bâtiment, sur la parcelle n° 8, une présence d'hydrocarbures a aussi
été
établie dans le sous-sol du local abritant la citerne. Enfin, les
mesures

d'investigation touchent principalement le local et ses alentours
immédiats.
Ainsi, selon le premier rapport de B.________ SA du 13 juin 2000, les
forages
initiaux ont été effectués dans le local, puis en bordure directe du
bâtiment. Le rapport indique notamment qu'une partie des hydrocarbures
pourrait encore être confinée dans les environs du lieu
d'infiltration. Dans
son complément du 16 octobre 2001, l'expert précise clairement que la
zone
polluée n'est pas limitée à la parcelle n° 8, mais également au
sous-sol de
la porcherie (ce que confirme l'expertise judiciaire), où se trouve
une
petite nappe aquifère; rien ne permet d'imaginer une discontinuité
géologique
correspondant strictement au découpage des parcelles.
Le bâtiment abritant la citerne constitue en définitive l'élément
central des
investigations tant historiques (afin de déterminer la cause probable
de la
pollution) que techniques (afin d'identifier le type et la quantité de
substance présente). Dans ces conditions, la recourante peut être
considérée
comme "détentrice" du site au sens de l'art. 20 al. 1 OSites, quand
bien même
elle n'est pas propriétaire de la parcelle polluée. La manière dont la
pollution a eu lieu n'est pas non plus un élément déterminant à ce
stade, et
il n'y avait donc pas à rechercher, comme l'a fait initialement la
DTP, si le
comportement de la recourante permettait de lui imposer le paiement
des frais
d'investigations (art. 20 al. 2 OSites).

3.
Sur le vu de ce qui précède, l'arrêt attaqué ne viole pas le droit
fédéral.
Le recours de droit administratif doit donc être rejeté, aux frais de
la
recourante (art. 156 al 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire de la
recourante, à
la Direction de l'aménagement, de l'environnement et des
constructions et au
Tribunal administratif du canton de Fribourg, ainsi qu'à l'Office
fédéral de
l'environnement, des forêts et du paysage.

Lausanne, le 31 juillet 2003

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.2/2003
Date de la décision : 31/07/2003
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2003-07-31;1a.2.2003 ?
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